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Jugement n° 4482

Décision

1. La partie de la décision CA/D 2/14 du Conseil d’administration introduisant, en application de l’article 6, un nouveau paragraphe 5 dans l’article 35 du Statut des fonctionnaires, en remplacement du paragraphe 6 de l’article 35 de la version antérieure du Statut, est annulée, sans que cette annulation ait toutefois un effet rétroactif.
2. Le point 1 du présent dispositif s’appliquera de manière prospective pour les élections à venir, mais n’aura aucun effet sur le mandat des représentants du personnel déjà élus en vertu du régime électoral mis en place par la décision CA/D 2/14.
3. Le paragraphe 6 de l’article 35 du Statut des fonctionnaires en vigueur avant l’adoption de la décision CA/D 2/14 s’appliquera mutatis mutandis à l’élection à venir desreprésentants du personnel au Comité central du personnel et aux comités locaux du personnel, tels que créés par la décision CA/D 2/14.
4. La circulaire no 355 est annulée.
5. L’OEB versera au requérant la somme de 500 euros à titre de dépens.
6. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Synthèse

Le requérant conteste la réforme de la «démocratie sociale» introduite par la décision CA/D 2/14.

Mots-clés du jugement

Mots-clés

Requête admise; Décision générale; Liberté d'association; Jugement en plénière

Considérants 3-5

Extrait:

L’OEB soulève, à titre liminaire, la question de savoir si les mesures sollicitées par le requérant relèvent de la compétence du Tribunal et la question connexe de savoir si la requête est recevable à tous égards. Cet argument repose sur le fait qu’un fonctionnaire ne peut saisir le Tribunal pour attaquer une décision de portée générale prise par l’organe directeur d’une organisation et qui revêt un caractère réglementaire à moins que, et jusqu’à ce que, une décision individuelle faisant grief au fonctionnaire concerné a été adoptée sur la base de la décision de portée générale.
Cette question a récemment été examinée dans plusieurs jugements impliquant l’OEB relatifs au droit de grève, qui est un aspect de la liberté d’association. L’analyse qui suit est tirée de l’un d’eux, à savoir le jugement 4430. Selon une jurisprudence bien établie du Tribunal, un fonctionnaire ne peut pas contester une décision de portée générale à moins que, et jusqu’à ce que, une décision individuelle lui faisant grief ait été adoptée (voir, par exemple, le jugement 4274, au considérant 4). Mais la jurisprudence du Tribunal prévoit une exception ou une restriction. Comme le Tribunal l’a déclaré dans le jugement 3761, au considérant 14: «En principe, une [...] décision [administrative de portée générale] ne peut être contestée qu’à partir du moment où une décision individuelle faisant grief au fonctionnaire concerné a été adoptée. Toutefois, des exceptions sont possibles lorsque la décision de portée générale ne nécessite aucune décision d’application et porte immédiatement atteinte à des droits individuels.»
Il est de jurisprudence constante que les fonctionnaires des organisations internationales jouissent du droit de grève et qu’ils peuvent généralement légalement exercer ce droit (voir, par exemple, le jugement 2342, au considérant 5). Cela vaut également pour le droit plus général à la liberté d’association (voir, par exemple, les jugements 496, au considérant 6, et 3414, au considérant 4). Comme le Tribunal l’a fait observer dans ce dernier jugement, les fonctionnaires d’une organisation internationale jouissent du droit d’association et il existe dans leur contrat d’engagement une clause implicite obligeant l’organisation concernée à respecter ce droit. Dès lors, la question de savoir si les modifications apportées au Statut des fonctionnaires en application de la décision attaquée ont directement porté atteinte aux droits du requérant relève bien de la compétence du Tribunal.

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 496, 2342, 3414, 3761, 4274, 4430

Mots-clés

Décision générale; Liberté d'association

Considérant 6

Extrait:

Pour contester la décision CA/D 2/14, le requérant fait valoir, en outre, que l’adoption de cette décision était entachée de plusieurs irrégularités de procédure antérieures et d’erreurs connexes qui avaient une incidence sur sa légalité. Mais le requérant ne saurait invoquer ces arguments en l’espèce. En effet, le requérant ne peut à la fois contester la validité d’un acte et fonder son argumentation sur celui-ci. Dès lors qu’il invoque à l’appui de sa requête devant le Tribunal une violation du droit à la liberté d’association, la question de savoir si la décision litigieuse était entachée d’irrégularité pour les autres motifs avancés par le requérant est sans pertinence en l’espèce. Par conséquent, les arguments que le requérant peut invoquer devant le Tribunal sont juridiquement limités.

Mots-clés

Décision générale; Vice de procédure

Considérants 8-9

Extrait:

Selon une jurisprudence constante, le Tribunal a, de diverses manières, exclu toute ingérence d’une organisation dans les affaires d’une association ou d’un syndicat du personnel (sous quelque dénomination que ce soit), et l’association ou le syndicat doit pouvoir librement conduire ses propres affaires et régir ses propres activités (voir, par exemple, le jugement 4043, au considérant 13). Cela comprend également le droit d’élire librement ses propres représentants. Il en est ainsi que l’association ou le syndicat ait été créé et fonctionne en vertu d’un règlement du personnel et par référence à celui-ci ou ait vu le jour et fonctionne indépendamment d’un tel règlement (voir le jugement 2672, aux considérants 9 et 10). Les raisons de cette approche sont évidentes. Le rôle des associations ou syndicats du personnel est de représenter les intérêts de leurs membres principalement en débattant avec l’organisation qui les emploie des questions intéressant le personnel. Les associations ou syndicats du personnel devraient pouvoir agir ainsi sans que l’administration de leur organisation entrave leurs activités ou les influence. S’il en était autrement, leur rôle serait compromis.
Mais il existe d’autres raisons moins évidentes. Une association ou un syndicat du personnel est sans doute plus solide et donc plus efficace si ses membres le perçoivent comme étant indépendant et lui font confiance, ce qui génère un sentiment d’appartenance. Toute implication de l’organisation dans les activités de l’association ou du syndicat, y compris les élections, est susceptible de mettre à mal cette perception et de diminuer ou saper cette confiance et ce sentiment d’appartenance. Si cette dernière raison ne doit pas être exagérée, on ne saurait l’ignorer (voir le jugement 403, au considérant 3).

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 403, 2672, 4043

Mots-clés

Syndicat du personnel; Liberté d'association

Considérant 12

Extrait:

Dans la présente affaire, il y a lieu d’ordonner une mesure qui, même si elle est susceptible d’empiétersur l’exercice du pouvoir dévolu au Conseil d’administration, s’impose pour protéger un droit fondamental d’un membre du personnel et, de fait, de tous les membres du personnel, droit qui était une condition de leur engagement en tant que fonctionnaires de l’OEB. L’adoption, par le biais de la décision CA/D 2/14, des éléments susmentionnés des nouvelles règles relatives aux élections a conduit au non-respect de cette condition d’engagement. Il ne fait aucun doute que la liberté d’association est un droit universel bien établi et reconnu, dont tous les travailleurs devraient jouir. Elle est reconnue en tant que droit par le Tribunal (voir le jugement 4194). C’est un droit reconnu par l’alinéa a) de l’article 2 de la Déclaration de l’OIT de 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail, qui constitue une obligation pour l’ensemble des États Membres de l’OIT, du seul fait de leur appartenance à l’Organisation. La liberté d’association est un droit reconnu par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 ainsi que par l’article 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966.

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 4194

Mots-clés

Instrument international; Conditions d'engagement; Liberté d'association; Réparation; Instruments de l'OIT

Considérant 15

Extrait:

Dès lors que ces modifications ont violé le droit du requérant à la liberté d’association, comme il a déjà été dit, et ont donné lieu à ce conflit, il convient d’annuler les éléments de la décision CA/D 2/14 qui ont eu cet effet, à savoir l’introduction, en application de l’article 6 de la décision CA/D 2/14, d’un nouveau paragraphe 5 dans l’article 35 du Statut des fonctionnaires en remplacement du paragraphe 6 de l’article 35 du Statut précédemment en vigueur. La principale mesure que le Tribunal ordonnera devra être appliquée de manière prospective. En d’autres termes, elle sera applicable aux élections à venir, mais n’aura aucun effet sur le mandat des représentants du personnel déjà élus en vertu du régime électoral mis en place par la décision CA/D 2/14. Une application rétroactive donnerait lieu à une incertitude juridique inacceptable en ce qui concerne les actions, y compris les décisions, des représentants du personnel et des comités au cours de la longue période qui s’est écoulée depuis l’adoption de la décision CA/D 2/14. Le Tribunal entend également faire appliquer les dispositions préexistantes, mutatis mutandis, à l’élection des représentants du personnel au Comité central du personnel et aux comités locaux du personnel, tels que créés par la décision CA/D 2/14. À cet égard, la décision du Tribunal rétablit les anciennes règles (voir le jugement 365, au considérant 4). Il s’ensuit nécessairement que le règlement d’application en cause, à savoir la circulaire no 355, n’aura aucun effet juridique.

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 365

Mots-clés

Ordonnance; Liberté d'association; Réparation

Considérant 16

Extrait:

En ce qui concerne les dommages-intérêts pour tort moral réclamés par le requérant à raison de la durée du recours interne, il n’est absolument pas évident que l’intéressé ait subi un préjudice moral puisqu’il a quitté l’Organisation en 2016 et, en tout état de cause, il n’a pas démontré l’existence d’un tel préjudice.

Mots-clés

Tort moral; Ancien fonctionnaire; Retard dans la procédure interne



 
Dernière mise à jour: 07.02.2022 ^ haut