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Jugement n° 4471

Décision

1. La décision du Directeur général d’Eurocontrol du 15 décembre 2016, ainsi que celle du 14 janvier 2016,sont annulées.
2. Eurocontrol communiquera au requérant le rapport d’enquête préliminaire dans les conditions indiquées au considérant 23 du jugement.
3. Eurocontrol versera au requérant une indemnité pour tort moral de 20 000 euros.
4. Eurocontrol lui versera également une somme de 5 000 euros à titre de dépens.
5. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Synthèse

Le requérant conteste la décision de rejeter sa plainte pour harcèlement moral.

Mots-clés du jugement

Mots-clés

Requête admise; Harcèlement

Considérant 3

Extrait:

[I]l est acquis que le Tribunal n’a pas la compétence d’ordonner à une organisation de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre d’un fonctionnaire (voir le jugement 4241, au considérant 4).

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 4241

Mots-clés

Compétence du Tribunal; Demande d'ouverture d'une procédure disciplinaire; Ordre d'imposer des sanctions disciplinaires

Considérant 10

Extrait:

[L]e délai écoulé entre le dépôt de la plainte du requérant pour harcèlement moral et la notification de la décision de classement de sa plainte, qui lui communiquait le résultat de l’enquête préliminaire menée sur celle-ci, dépasse un an. Dans son jugement 4243, le Tribunal indique que les affaires de harcèlement doivent être traitées aussi rapidement et efficacement que possible (voir également le jugement 3660, au considérant 7). Comme le souligne à juste titre le requérant dans sa requête, une jurisprudence constante du Tribunal, entre autres ses jugements 3692, au considérant 18, et 3777, au considérant 7, rappelle qu’une organisation a le devoir de procéder à une enquête rapide et approfondie dans les situations de plainte pour harcèlement. La Politique d’Eurocontrol y fait d’ailleurs écho. On y prévoit que le Directeur général doit diligenter, sans délai, une enquête préliminaire pour vérifier si la plainte justifie la réunion du Conseil de discipline; l’on prévoit du reste que cette enquête sera réalisée dans le délai minimal compatible avec le respect de l’équité pour les deux parties (paragraphe 4.7 des Directives et procédures à l’appui de la Politique). Il convient d’ajouter que le Tribunal souligne dans plusieurs jugements que le devoir de sollicitude commande qu’une allégation de harcèlement fasse l’objet rapidement d’un processus d’enquête (voir, par exemple, les jugements 2636, au considérant 28, 3337, aux considérants 11 et 15, et 3365, au considérant 26).

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 2636, 3337, 3365, 3660, 3692, 3777, 4243

Mots-clés

Lenteur de l'administration; Délai; Harcèlement; Retard dans la procédure interne

Considérant 11

Extrait:

Un délai de plus d’un an entre le dépôt de la plainte pour harcèlement moral du requérant et la notification de la décision du Directeur général de classer l’affaire ne témoigne pas d’un traitement rapide et efficace d’une affaire de harcèlement, non plus que d’une démonstration d’agir de manière diligente et dans le délai minimal compatible avec le respect de l’équité à l’égard des parties. La jurisprudence du Tribunal reconnaît le préjudice qui peut en résulter pour un intéressé (voir, à titre d’exemples, les jugements 3347, au considérant 14, et 4241, au considérant 4). Les explications que fournit Eurocontrol dans son mémoire en réponse font état du fait que la désignation des enquêteurs s’est avérée difficile en raison de conflits d’intérêts potentiels avec le requérant, qu’un congé de maladie a inopinément retardé la désignation d’un des enquêteurs et que les congés estivaux ainsi que la nécessité de faire traduire la plainte du requérant ont reporté la date de l’audition de ce dernier à septembre 2015. Au regard de l’engagement d’Eurocontrol à agir de manière diligente et dans le délai minimal compatible avec le respect de l’équité à l’égard des parties, ces explications d’ordre interne et administratif sont insuffisantes.

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 3347, 4241

Mots-clés

Tort moral; Retard dans la procédure interne

Considérant 14

Extrait:

[I]l résulte des jugements 4167 et 4217, concernant justement des plaintes pour harcèlement moral, qu’une décision est entachée d’illégalité lorsque le chef exécutif d’une organisation refuse de communiquer à l’organe paritaire de recours le rapport d’enquête qui a instruit la plainte pour harcèlement du fonctionnaire concerné, ou du moins une copie caviardée de ce rapport. De même, dans le jugement 4217 précité, aux considérants 4 à 6, le Tribunal souligne qu’il résulte d’une jurisprudence constante qu’un fonctionnaire est en règle générale en droit d’avoir connaissance des pièces sur lesquelles une autorité compétente est appelée à se fonder pour prendre une décision le concernant. Dans le cas d’espèce, la Commission paritaire des litiges, sur l’avis de laquelle le Directeur général dit s’appuyer dans la motivation de sa décision du 15 décembre 2016, n’a pas reçu communication du rapport d’enquête concerné. Le requérant ne l’avait pas reçu non plus au moment où il a été avisé, le 14 janvier 2016, que sa plainte pour harcèlement moral était dorénavant classée. Dans son jugement 4081, le Tribunal rappelle que la motivation d’une décision doit permettre à son destinataire d’en connaître les raisons et au Tribunal d’être en mesure d’exercer un pouvoir de contrôle. Ici, le Directeur général n’a ni communiqué l’information ni pris appui sur des motivations de la Commission qui puissent permettre au requérant de comprendre la motivation de la décision.

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 4167, 4217

Mots-clés

Organe de recours interne; Vice de procédure; Harcèlement; Décision définitive; Motivation; Motivation de la décision finale; Rapport d'enquête; Confidentialité

Considérant 16

Extrait:

À ce stade de ses constatations, le Tribunal devrait en principe renvoyer l’affaire à l’Organisation pour qu’il soit procédé à un nouvel examen de la réclamation […] du requérant. Toutefois, compte tenu des éléments du dossier et du temps écoulé, il apparaît plus approprié, en l’espèce, de ne pas renvoyer l’affaire et d’examiner la légalité de la décision au cœur du débat, soit celle […] du Directeur général voulant que la plainte pour harcèlement moral soit rejetée et qu’il y ait lieu de classer l’affaire (voir, pour un cas comparable, le jugement 4167, au considérant 5).

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 4167

Mots-clés

Renvoi à l'organisation; Harcèlement

Considérant 18

Extrait:

Le Tribunal a souligné maintes fois certains principes généraux importants en matière de harcèlement. Dans son jugement 4241, au considérant 9, le Tribunal énonce que la question de savoir si l’on se trouve en présence d’un cas de harcèlement se résout à la lumière d’un examen rigoureux de toutes les circonstances objectives ayant entouré les actes dénoncés. Le jugement renvoie à la nécessité d’une corroboration par des faits précis.

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 4241

Mots-clés

Harcèlement

Considérants 19-20

Extrait:

Si le rôle du Tribunal est de déterminer si le Directeur général et le rapport d’enquête préliminaire sur lequel il s’appuie font état d’un examen rigoureux des circonstances objectives qui entourent les actes dénoncés, force est de constater que le Tribunal n’est pas en mesure de mener à bien cet exercice sans avoir en sa possession l’entièreté du rapport d’enquête. […]
Dans une telle situation, le Tribunal ne pourrait dès lors que renvoyer l’affaire devant l’Organisation pour qu’il soit procédé à un nouvel examen de la plainte du requérant pour la traiter adéquatement.

Mots-clés

Renvoi à l'organisation; Production des preuves; Confidentialité

Considérant 22

Extrait:

[L]e requérant a été privé de son droit de voir sa plainte pour harcèlement traitée dans des délais raisonnables, de recevoir une motivation de rejet adéquate et d’avoir en temps opportun une communication appropriée du rapport d’enquête préliminaire concernant cette plainte. Cela lui a immanquablement causé un lourd préjudice moral qu’il y a lieu d’indemniser (voir, sur la reconnaissance d’un préjudice moral en de telles circonstances, les jugements 4167, au considérant 9, 3314, au considérant 20, et 2973, au considérant 18).

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 2973, 3314, 4167

Mots-clés

Tort moral; Vice de procédure; Harcèlement

Considérant 23

Extrait:

Parmi ses différentes conclusions, le requérant demande la communication du rapport d’enquête préliminaire dans son intégralité. Le Tribunal constate que l’Organisation a déjà communiqué diverses parties de ce rapport au requérant. Mais […] il lui appartenait en réalité de communiquer l’intégralité de ce rapport, quitte à caviarder celui-ci dans la mesure requise par le respect de l’exigence de confidentialité de certains éléments de l’enquête, liée notamment à la préservation des intérêts de tiers. Le Tribunal ordonnera donc cette communication.

Mots-clés

Compétence du Tribunal; Confidentialité; Ordre de communiquer un rapport



 
Dernière mise à jour: 03.05.2023 ^ haut