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Jugement n° 4435

Décision

1. L’OEB remboursera au requérant les montants retenus pour les jours ouvrables, complets ou partiels, pendant lesquels il a fait grève en 2013 et en 2014, assortis d’intérêts au taux de 5 pour cent l’an, déduction faite des sommes qui auraient pu être retenues en application du Statut des fonctionnaires en vigueur avant les modifications apportées par la décision CA/D 5/13.
2. L’OEB versera au requérant la somme de 800 euros à titre de dépens.
3. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté ou sans objet.

Synthèse

Le requérant, ancien fonctionnaire de l’Office européen des brevets, conteste les retenues effectuées sur sa rémunération à raison de ses absences pour cause de participation à des grèves, ainsi que la légalité des décisions générales à caractère normatif sur lesquelles reposaient ces retenues.

Mots-clés du jugement

Mots-clés

Requête admise; Salaire; Prélèvement; Sanction déguisée; Droit de grève; Grève

Considérant 4

Extrait:

Le requérant attaque [...] les deux décisions spécifiques d’effectuer des retenues sur sa rémunération [...]. Ces décisions revêtaient un caractère individuel. Par conséquent, conformément à la jurisprudence du Tribunal, dans le cadre de la contestation de ces décisions individuelles, le requérant est recevable à contester la décision de portée générale sur laquelle reposent les décisions individuelles et, dans ce cas particulier, l’application d’une disposition réglementaire modifiée qui violerait son droit de grève (voir, par exemple, le jugement 2089, au considérant 2).

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 2089

Mots-clés

Décision générale; Décision individuelle; Bulletin de paie

Considérant 9

Extrait:

Les employés qui font grève en cessant de travailler utilisent un outil de négociation collective afin de faire pression sur leur employeur, souvent dans le cadre d’un différend portant sur le maintien ou l’amélioration des salaires et des conditions de travail, la sécurité sur le lieu de travail, les licenciements et la liberté d’association, entre autres. Il s’agit d’un outil dont disposent les employés pour remédier au déséquilibre des pouvoirs qui existe entre eux et leur employeur. En l’absence d’un droit de grève, il est loisible à un employeur d’ignorer les demandes que ses employés formulent collectivement afin qu’il examine, voire accueille, leurs revendications concernant les salaires et les conditions de travail ou, également mais pas uniquement, les autres questions visées au début du présent considérant. Toutefois, du moins en général, le prix à payer par les employés qui ont recours à cet outil prend la forme d’une retenue sur la rémunération qu’ils auraient perçue s’ils avaient travaillé (voir le jugement 615, au considérant 4).

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 615

Mots-clés

Droit de grève; Grève

Considérants 14-16

Extrait:

Selon le Tribunal, la question qui se pose d’emblée est celle de savoir si la lettre c) du paragraphe 1 de l’article 65 a un caractère punitif. Dans ses écritures, l’OEB admet que la méthode des trentièmes continuera d’être appliquée pour calculer le montant des retenues sur rémunération pour d’autres absences autorisées, tels que le congé de convenance personnelle sans rémunération, le congé parental et le congé familial. L’OEB fait valoir que, pour de tels congés, les jours de week-end sont compris dans la «période d’absence» – pour reprendre l’expression de l’OEB – (car ces congés doivent être d’une durée minimale de quatorze jours), ce qui justifie de recourir à la méthode des trentièmes. Mais cet argument est inopérant dans le contexte du présent examen. L’expression «période d’absence» occulte le fait que, par exemple, lorsqu’un fonctionnaire s’absente pendant quatorze jours au titre d’un congé autorisé pour convenance personnelle, il serait, normalement, absent du travail pendant dix jours ouvrables. Une retenue correspondant à 1/30e de la rémunération mensuelle est effectuée pour chacun de ces jours ouvrables. En principe, les jours de week-end sont des jours de repos payés par l’employeur.
En outre, si, à quelque égard que ce soit, la retenue globale opérée au titre des absences pour grève pendant des jours ouvrables est susceptible de dépasser sensiblement le montant qu’un fonctionnaire aurait perçu s’il avait travaillé, alors la disposition en cause a un caractère punitif. Le requérant a démontré que tel était le cas, par exemple, lorsqu’une grève durait un mois entier et que ce mois comptait plus de vingt jours ouvrables (ce qui est fréquent). En pareil cas, le montant retenu en application de la lettre c) du paragraphe 1 de l’article 65 à raison des jours ouvrables de grève concernant ce mois-là dépasserait la rémunération mensuelle qui aurait dû être versée.
Si ce qui suit n’établit pas, en soi, que la lettre c) du paragraphe 1 de l’article 65 a un caractère punitif, il n’en demeure pas moins que le montant retenu pour chaque jour d’absence irrégulière (laquelle constitue, de prime abord, une faute) est le même que le montant retenu pour chaque jour pendant lequel un fonctionnaire fait grève, alors même que, ce faisant, ce dernier ne commet aucune faute. Ce constat renforce la conclusion selon laquelle la lettre c) du paragraphe 1 de l’article 65 a un caractère punitif. L’OEB s’appuie sur les observations faites dans le jugement 566, au considérant 5, dans lequel le Tribunal a déclaré ce qui suit: «Certes, même dans le cas où la grève n’a pas de caractère abusif, une organisation aurait le droit d’instituer des règles spéciales de retenues de traitement qui seraient différentes de celles qui sont prévues pour les autres causes d’absence». Pour autant, ces observations ne sauraient être considérées comme autorisant l’adoption de règles à caractère punitif relatives aux retenues sur rémunération effectuées à raison d’absences pour grève.

Mots-clés

Salaire; Prélèvement; Sanction déguisée; Droit de grève; Grève

Considérant 18

Extrait:

Une autre question soulevée par le requérant porte sur les procédures adoptées dans le cadre de la procédure de recours interne. Il soutient que, lorsqu’il a introduit ses recours, les règles de procédure applicables donnaient droit à une audition, si la demande en était faite. Il affirme qu’au moment où la question de l’audition s’est posée les règles de procédure avaient été modifiées, le privant de ce droit, et que la Commission de recours a agi en ce sens. Le requérant invoque ces circonstances pour réclamer une indemnité pour tort moral. Or, même si l’analyse du requérant est correcte, compte tenu de l’objet des recours internes et des questions qu’ils soulevaient (presque exclusivement juridiques), l’on voit mal quel préjudice le requérant a pu subir pour avoir été contraint de suivre une procédure entièrement écrite. En d’autres termes, un requérant doit établir les motifs pour lesquels il aurait droit à une indemnité pour tort moral (voir les jugements 4231, au considérant 15, et 4147, au considérant 13). En l’espèce, le requérant n’ayant nullement étayé sa demande d’indemnité pour tort moral à ce titre, celle-ci doit être rejetée.

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 4147, 4231

Mots-clés

Tort moral; Débat oral; Procédure interne

Considérant 19

Extrait:

La retenue effectuée en application du Statut des fonctionnaires alors en vigueur étant illégale, il y a lieu d’appliquer la version précédente du Statut des fonctionnaires (voir le jugement 365, au considérant 4).

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 365

Mots-clés

Droit applicable; Statut et Règlement du personnel; Prélèvement



 
Dernière mise à jour: 14.12.2021 ^ haut