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Jugement n° 4310

Décision

1. La décision du Directeur général du 21 mars 2017 est annulée.
2. L’Organisation versera au requérant une indemnité de 15 000 francs suisses pour tort moral.
3. Elle lui versera également la somme de 750 francs suisses à titre de dépens.
4. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Synthèse

Le requérant conteste la décision de lui infliger la sanction de renvoi sans préavis.

Mots-clés du jugement

Mots-clés

Requête admise; Faute; Renvoi sans préavis

Considérant 5

Extrait:

Outre la question de savoir si l’IAO peut d’office mener une enquête au sujet d’un fonctionnaire sur la base de constatations résultant d’un audit qu’il est en train de mener, l’ouverture d’une enquête doit en tout cas faire l’objet d’une décision formalisée de façon à pouvoir vérifier a posteriori la régularité de la procédure. Une telle vérification n’est pas possible dès lors qu’il s’agit d’une décision verbale.

Mots-clés

Ouverture d'une enquête

Considérant 6

Extrait:

Même s’il ne s’agit pas d’une condition indispensable pour garantir la régularité de la procédure (voir les jugements 3295, au considérant 8, et 4106, au considérant 9), il est préférable d’informer l’intéressé, avant son audition, de l’ouverture d’une enquête le visant et des allégations retenues contre lui afin de le mettre en mesure d’expliquer sa conduite et de présenter toute information en sa faveur. Mais, si ce n’est pas le cas, une telle communication doit en tout cas être faite au début de l’audition.
[A]u début de [de l’entretien], un des enquêteurs a exposé que cet entretien était une «suite» du rapport d’audit de 2012 et de «certaines choses» parvenues à l’intention de l’IAO. Il a ensuite insisté sur la confidentialité de cet entretien en ajoutant que, «par exemple, [le] rapport, après, va chez le Directeur général. [Il y a] un comité, à Genève, qui se charge de lire les rapports de l’Unité d’[enquête], et puis ensuite, [qui fait] des recommandations directes au Directeur général.» En l’absence de notification préalable et compte tenu du fait que l’intéressé n’avait pas connaissance du contenu du rapport d’audit de 2012, des propos aussi généraux ne peuvent être considérés comme suffisants pour l’informer de l’ouverture d’une enquête et des allégations formulées contre lui. Les enquêteurs ont omis de lui indiquer clairement les allégations retenues contre lui. Ils se sont bornés à l’interroger sur les faits qui ont donné lieu à la constatation de huit manquements ayant, par la suite, fait l’objet de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre. Il est exact qu’à la fin de l’audition les enquêteurs ont mentionné, de façon fort sommaire, que l’entretien allait faire l’objet d’un rapport qui serait transmis au directeur de l’IAO et au CGR, qui pourrait proposer au Directeur général «des actions disciplinaires ou des sanctions ou des choses comme ça». Mais une telle explication devait être clairement exprimée au début de l’audition.

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 3295, 4106

Mots-clés

Droits de procédure pendant l'enquête; Ouverture d'une enquête; Notification des allégations

Considérant 9

Extrait:

Il n’est pas contesté que les règles précitées n’ont pas été respectées. La défenderesse expose à ce sujet que les Règles de procédure du CGR, et notamment le paragraphe 13, reflèteraient une pratique qui serait devenue progressivement superflue par suite de la création de l’IAO, qui est la seule unité habilitée à mener des enquêtes. Dès lors qu’un fonctionnaire faisant l’objet d’une enquête est entendu par l’IAO et informé de la procédure, il serait pleinement avisé du contenu du dossier transmis au CGR, qui ne devrait dès lors plus le transmettre à l’intéressé. Les Règles de procédure étaient en cours de révision et seraient publiées prochainement sur le site Internet du CGR.
Mais le Tribunal rappelle qu’aussi longtemps que les règles ne sont ni modifiées ni abrogées, le principe tu patere legem quam ipse fecisti impose à l’Organisation de les appliquer (voir le jugement 3883, au considérant 20). Ce principe trouve particulièrement à s'appliquer en matière disciplinaire (voir le jugement 3123, au considérant 10).

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 3123, 3883

Mots-clés

Patere legem; Pratique; Procédure disciplinaire

Considérant 10

Extrait:

[L]a défenderesse fait valoir que le principe du contradictoire a été respecté au vu de l’ensemble de la procédure. Selon elle, le requérant ne pouvait pas ignorer le contenu du rapport d’enquête de janvier 2015 et des allégations formulées à son encontre, l’un des enquêteurs lui ayant expliqué qu’un rapport serait produit sur la base de l’entretien qu’il venait d’avoir avec lui. Au cours de cet entretien, le requérant aurait eu amplement l’opportunité de répondre aux allégations formulées contre lui. En outre, elle fait valoir que l’intéressé a eu la possibilité d’apporter des éléments supplémentaires, lorsqu’il a été invité à fournir ses commentaires sur la proposition de sanction qui lui a été communiquée, ce qu’il n’a d’ailleurs pas manqué de faire. La défenderesse en déduit que le droit fondamental de l’intéressé à être entendu a été exercé à plusieurs reprises au cours de la procédure et en tout cas avant que la décision finale de sanction ne soit prise.
Mais la circonstance d’avoir été entendu dans le cadre d’une enquête au sujet de certains faits et d’avoir eu l’occasion de répondre aux questions y relatives n’implique pas, comme le suggère l’Organisation, d’avoir connaissance du contenu du rapport d’enquête établi par la suite sur la base de cette audition ni des allégations qui ont finalement été retenues par l’IAO, ni des raisons pour lesquelles elles l’ont été.

Mots-clés

Procédure contradictoire; Droits de procédure pendant l'enquête; Application des règles de procédure dans la procédure disciplinaire

Considérant 11

Extrait:

Il ne peut […] être soutenu que le rapport du CGR […] – communiqué au requérant […] en même temps que la proposition de lui imposer la sanction de renvoi sans préavis – constituait une information suffisante pour l’intéressé. En effet, ce document très sommaire se bornait à énumérer l’intitulé des allégations retenues contre lui.

Mots-clés

Application des règles de procédure dans la procédure disciplinaire

Considérant 11

Extrait:

Il n’est pas contesté que le requérant n’a jamais eu connaissance du rapport d’enquête de l’IAO avant l’introduction de sa requête devant le Tribunal de céans le 19 juin 2017. D’après les explications de l’Organisation, il semble que ce rapport ne lui a été fourni que le 6 septembre 2017.
C’est à juste titre que la Commission consultative paritaire de recours […] a estimé que, dans ces circonstances, le principe du contradictoire et, plus particulièrement, les droits de la défense du requérant ont été violés.
En effet, comme le Tribunal l’a maintes fois rappelé, le fonctionnaire doit, en règle générale, avoir connaissance de toutes les pièces sur lesquelles l’autorité fonde ou s’apprête à fonder une décision qui le touche personnellement. La divulgation de ces pièces ne peut être refusée pour des raisons de confidentialité, sauf dans des cas spéciaux où un intérêt supérieur l’exige (voir les jugements 3732, au considérant 6, et 3755, au considérant 10), ce qui n’était pas le cas en l’occurrence.
La circonstance que le requérant ait finalement pu obtenir communication du rapport d’enquête de l’IAO dans le cadre de la présente instance juridictionnelle n’est pas de nature, en l’espèce, à régulariser le vice ayant ainsi entaché la procédure. Si la jurisprudence du Tribunal admet certes que le défaut de communication d’une pièce puisse être corrigé, dans certains cas, lorsqu’il y est remédié ultérieurement, y compris à l’occasion de la procédure suivie devant lui (voir, par exemple, le jugement 3117, au considérant 11), une telle régularisation ne saurait en effet être admise dans l’hypothèse où le document en cause revêt, comme c’est le cas en l’espèce, une importance essentielle au regard de l’objet du litige (voir les jugements 2315, au considérant 27, 3490, au considérant 33, 3831, aux considérants 16, 17 et 29, et 3995, au considérant 5).

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 2315, 3117, 3490, 3732, 3755, 3831, 3995

Mots-clés

Application des règles de procédure dans la procédure disciplinaire; Rapport d'enquête; Confidentialité

Considérant 13

Extrait:

Le requérant demande sa réintégration au sein de l’Organisation. En principe, un fonctionnaire licencié pour motif disciplinaire dont le licenciement est annulé a droit à une telle réintégration. Toutefois, le Tribunal peut refuser de l’ordonner si elle n’est plus possible ou si elle est inopportune. Selon la jurisprudence du Tribunal, une réintégration s’avère inopportune dès lors que l’employeur a des raisons valables de ne plus avoir confiance en son employé (voir notamment les jugements 1238, au considérant 4, et 3364, au considérant 27) [...].

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 1238, 3364

Mots-clés

Réintégration; Licenciement; Sanction disciplinaire

Considérant 15

Extrait:

Il résulte d’une jurisprudence bien établie du Tribunal que les recours internes doivent être traités avec la diligence voulue et d’une manière qui respecte le devoir de sollicitude qu’a une organisation internationale envers ses fonctionnaires (voir les jugements 3160, au considérant 16, 3582, au considérant 3, et 4100, au considérant 7). La Commission et l’Organisation reconnaissent le retard pris pour l’examen du recours interne, qui s’est étendu sur plus de dix-huit mois. Un tel délai est excessif.

Référence(s)

Jugement(s) TAOIT: 3160, 3582, 4100

Mots-clés

Retard dans la procédure interne

Considérant 15

Extrait:

L’irrégularité de la procédure ayant abouti au renvoi sans préavis du requérant ainsi que sa durée excessive ont occasionné un préjudice moral au requérant, qui, étant suspendu sans traitement, est resté dans l’incertitude quant à sa situation professionnelle durant une période anormalement longue.

Mots-clés

Tort moral; Renvoi sans préavis; Suspension



 
Dernière mise à jour: 29.09.2021 ^ haut