ACCEL Cote d'Ivoire
Faire le point sur les initiatives visant à élargir l'accès à la Couverture Maladie Universelle (CMU) pour les producteurs de cacao en Côte d'Ivoire : Évaluation et recommandations pour la feuille de route
En Côte d'Ivoire, le projet ACCEL Africa de l’OIT a piloté une approche innovante pour étendre la Couverture Maladie Universelle (CMU) aux producteurs de cacao vulnérables. Les acteurs des coopératives, les exportateurs de cacao et des centres de santé qui ont participé à la première phase de l'initiative pilote ont fait part de leurs commentaires sur l'accès aux services de la CMU dans les localités.

En Côte d’Ivoire, seuls 6 % des ménages > étaient couverts par des mécanismes de protection sociale en 2021, laissant une grande majorité de la population du pays sans protection contre les risques, notamment les accidents du travail ou des maladies. La CMU mis en place par le gouvernement de Côte d’Ivoire, constitue une solution pour cette grande partie de la population non couverte par un mécanisme de protection sociale afin qu’elle s’assure contre le risque maladie.
C'est dans ce contexte que le projet ACCEL Africa de l’OIT, a établi un partenariat avec la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (CNAM), en vue d’étendre la CMU aux communautés de planteurs de cacao en Côte d'Ivoire >. Après une analyse diagnostic des obstacles d’accès à la CMU pour les producteurs de cacao, l’OIT et la CNAM ont développé un plan pour faciliter cet accès à la CMU. Ce plan comprenait la sensibilisation des acteurs, l’enrôlement des producteurs, la distribution des cartes d’assurés, l’intégration dans le réseau de soins de la CMU des centres de santé les plus proches des producteurs et les alternatives pour le mode de paiement des cotisations CMU. La collaboration avec les acteurs habituels de la chaine d’approvisionnement du cacao que sont les coopératives et les entreprises exportatrices a été une approche transversale tout au long de la mise en œuvre de ce plan.
Le projet ACCEL Africa et la CNAM ont piloté le plan et ont reçu des réactions prometteuses tout au long des différentes étapes de l'initiative, en recueillant les réponses des dirigeants et des membres des coopératives partenaires, ainsi que des centres de santé des sous-préfectures de Grand Zattry et de M'Batto.
Premièrement, une campagne de sensibilisation a été lancée auprès des dirigeants des coopératives partenaires au nombre de huit (8), ce qui a permis d'établir un plan de mise en œuvre conjoint entre la CNAM, les exportateurs, les coopératives et ACCEL Africa. Les coopératives partenaires ont clarifié leur implication et leurs contributions au projet. Des points focaux ont été désignés par chaque acteur pour faciliter la communication. Le directeur d'une coopérative de Grand Zattry a témoigné positivement : « Nous connaissions déjà la CMU, mais ici nous avons pu poser toutes les questions que nous souhaitions. »
"Nous connaissions déjà la CMU, mais ici nous avons pu poser toutes les questions que nous souhaitions." Directeur d'une coopérative de Grand Zattry
Après la première réunion avec les responsables des coopératives partenaires, une deuxième campagne de sensibilisation a été lancée auprès des membres des coopératives afin de leur expliquer le processus d'affiliation à la CMU. Des représentants de la CNAM étaient présents sur le terrain pendant la campagne, ce qui a renforcé la crédibilité de l'intervention.
Après les activités de sensibilisation des dirigeants et des membres des coopératives partenaires, la campagne d'enrôlement a été planifiée. Cette phase a impliqué la fourniture d'informations actualisées sur les membres des coopératives. Des agriculteurs appartenant à des coopératives est un plus car cela facilite le processus de distribution des cartes de membres une fois l’enrôlement terminé.
Les partenaires d'ACCEL Africa sur le terrain ont signalé que plusieurs bonnes pratiques ont émergé de cette phase, comme le renforcement des canaux de communication avec les coopératives et la mobilisation de témoins pour attester de l'identité des agriculteurs qui n'avaient pas de documents d'identité.
Les préparatifs ont fini par porter leurs fruits et une campagne d'enrôlement pour facilite l'inscription à la CMU suivie de la distribution des cartes. La CNAM s'est préparée à l'initiative en activant les centres de santé les plus proches des coopératives et en envoyant une délégation de formateurs pour renforcer leurs capacités à accueillir les futurs assurés. 1 815 producteurs de cacao de huit coopératives ont adhéré à la CNAM, et neuf centres de santé communautaires ont été intégrés dans le réseau des prestataires de la CMU dans les villages de Grand-Zattry et de M’batto où les coopératives partenaires avaient leurs membres. La remise des cartes d’assurés CMU a été marquée par des mots forts d’une bénéficiaire : « nous aussi nous sommes comme des fonctionnaires, nous avons des cartes avec lesquelles nous pouvons nous soigner moins cher »
"nous aussi nous sommes comme des fonctionnaires, nous avons des cartes avec lesquelles nous pouvons nous soigner moins cher" bénéficiaire
S'il est important d'avoir accès à la sécurité sociale, il est tout aussi crucial de s'assurer que les producteurs versent leurs contributions financières. Pour ce faire, ACCEL Africa s'est associé à des coopératives qui ont aidé leurs membres à cotiser par le biais de l'argent mobile. Un dirigeant d'une coopérative du Grand Zattry a expliqué : « Nous aidons les membres à payer leurs cotisations par Orange Money. Ils viennent me payer en liquide car ils ne savent pas comment le faire. » Le projet a également établi des partenariats avec des exportateurs de cacao, tels qu'OLAM International, pour leur permettre de contribuer financièrement au nom des producteurs vulnérables avec lesquels ils travaillent.
"Nous aidons les membres à payer leurs cotisations par Orange Money. Ils viennent me payer en liquide car ils ne savent pas comment le faire." Dirigeant d'une coopérative du Grand Zattry
Cependant, malgré ces progrès, l'accès aux prestations de la CMU présentent des difficultés pour certains assurés. Détenir une carte CMU ne vous donne pas automatiquement accès aux prestations de la CMU. C’est par exemple le cas lié au délai de carence et le fait d’être en retard de ses cotisations. De plus, certains problèmes techniques restent présents au niveau de l’accès aux prestations. C’est le cas des lecteurs de cartes d’assurés et l'utilisation de la CMU dans les pharmacies. Ces problèmes peuvent créer de la frustration chez les assurés comme c’est le cas d’un bénéficiaire membre de coopérative ayant bénéficié d’une prise en charge des cotisations : « la fois dernière, je suis allé à l’hôpital du village pour me faire soigner on me dit que les appareils ne marchent pas. J’ai donc informé mon ADG pour faire remonter l’information ».
"la fois dernière, je suis allé à l’hôpital du village pour me faire soigner on me dit que les appareils ne marchent pas. J’ai donc informé mon ADG pour faire remonter l’information" Bénéficiaire
Le suivi de l’initiative pilote par les parties prenantes a permis de capter ces difficultés, de formuler des recommandations pour les obstacles à l'adoption de la CMU. Ces recommandations vont de la réalisation de bilans réguliers avec les centres de santé et les pharmacies privées activés pour s'assurer que les médecins ont reçu leurs codes de prescription et que tous les équipements sont en état de marche, à la mise en place de comités locaux et régionaux de suivi de l’accès à la CMU composés de coopératives, du Ministère de la Santé et de l'Hygiène Publique et de la CMU, du Ministère de l'Emploi et de la Protection Sociale, et des sous-préfectures pour faciliter le dialogue en vue d'une résolution efficace des problèmes locaux.
Malgré ces défis, cette initiative du programme ACCEL Africa de l’OIT présente néanmoins une manière innovante d'étendre la couverture de la sécurité sociale en Côte d'Ivoire. Cette innovation se manifeste de deux manières : premièrement, en cherchant à s'appuyer sur les institutions et les programmes gouvernementaux existants qui fournissent des services de sécurité sociale ; deuxièmement, en travaillant avec les acteurs du secteur privé, en particulier ceux qui bénéficieraient le plus de la garantie du bien-être de leurs producteurs.
L’initiative connait une extension avec la participation de 10 nouvelles coopératives qui a facilité l’enrôlement de 4702 producteurs et la distribution de 4235 nouvelles cartes d’assurés CMU à des producteurs de cacao en avril 2023. Cinq exportateurs ont manifesté leur intérêt à participer à l’initiative dont deux (TONY’S CHOCOLONELY, BEYOND BEANS) ont déjà concrétisé leur engagement en signant des partenariats avec la CNAM pour le financement des cotisations de certains producteurs.
En s’appuyant sur les réactions des partenaires sur le terrain et sur les recommandations visant à améliorer la prestation de services, l’OIT poursuivra sa contribution à l'expansion de la CMU en Côte d'Ivoire comme l’un des outils d’élimination du travail des enfants.