Lutte contre le travail des enfants dans la cacao culture

Focus sur WIND : une approche intégrée de l’OIT pour éliminer le travail des enfants dans la cacao culture

Abidjan (Nouvelle de l’OIT) – L’Organisation internationale du Travail (OIT) à travers le projet ACCEL Africa (Accélérer l’action pour l’élimination du travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement en Afrique), et ses partenaires de l’Agence Nationale de Développement Rural (ANADER), du Conseil du Café et du Cacao et du Ministère de l’Emploi et de la protection Sociale, ont effectué du 27 septembre au 1er octobre 2021 à Soubré dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, une mission de suivi et de mises à jour des plans de travail individuels et communautaires des paires formateurs dont le rôle est d’améliorer les conditions de vie et de travail des acteurs de la chaîne des valeurs de la cacao culture selon l’approche WIND (Work Improvement in Neighbourhood Development).

Article | 6 octobre 2021
Un foyer au village de Djézoukro avant le projet WIND utilisant beaucoup de bois de chauffe et produisant une fumée toxique à la santé

WIND : une approche intégrée pour des solutions locales aux causes profondes du travail des enfants

L’approche WIND, créée par le BIT en 1981, « a pour but d'encourager et d'aider les acteurs agricoles à prendre des mesures volontaires et peu coûteuses dans le but d’améliorer leurs conditions de travail et de vie et à accroitre la productivité », explique Euphrem N’dépo, coordonnateur national du projet ACCEL Africa pour la Côte d’Ivoire. M. N’dépo ajoute que WIND « est basé sur une approche participative orientée vers l’action ».

L’analyse des causes profondes du travail des enfants a révélé, soutient le coordonnateur de ACCEL Africa, « que l’absence de Santé et Sécurité au Travail est vecteur du travail des enfants. En l’absence de mesure de santé et de sécurité au travail, les enfants en âge de travailler peuvent se retrouver à exécuter des travaux dangereux, interdits par la législation ivoirienne. Aussi, le manque de mesures de Santé et Sécurité au Travail expose-t-il les parents aux accidents de travail qui en cas d’invalidité, utilisent leurs enfants comme main d’œuvre de substitution ».

C’est pour trouver des solutions à ces constats qu’au mois d’avril 2021, le projet ACCEL Africa a organisé une formation pour 15 formateurs WIND Cacao. Ces formateurs étaient en majorité issus de l’administration du Travail et de l’administration agricole.

Aux mois de juin et juillet 2021, les formateurs ont contribué à la formation de 87 pairs formateurs issus des localités de Grand-Zattry et M’batto, formations au terme desquelles, les pairs formateurs ont élaboré des plans d’actions communautaires et individuelles qui font l’objet de suivi dans le cadre du développement des activités du WIND.

Au cours de cette mission à Soubré, l’équipe d’ACCEL Africa et ses partenaires formateurs WIND, sont descendus sur le terrain pour toucher du doigt les avancées de cette approche. Les villages de Djézoukro, Bagolieoua, Gbaleville, Kipiri, Parcsou, Yaokoffikro, Konankro et Grand-Zattry ont été visités. Dans chacun de ces villages, les pairs formateurs ont fait preuve d’ingéniosité dans la mise en œuvre de leurs plans d’actions.
Foyer amélioré à Djézoukro avec une cheminée pour réduire la fumée. Avec ce foyer, la ménagère utilise moins de bois de chauffe et gagne du temps dans la cuisson des aliments

Djézoukro : un village dans les pas de WIND

Situé à une douzaine de kilomètres de Soubré, chef-lieu de la région de la Nawa, sur l’axe Grand-Zattry, Djézoukro est un village où vivent environ trois mille âmes qui s’adonnent exclusivement à la culture de cacao et d’hévéa. Ici, plusieurs améliorations de l’approche WIND sont visibles.

« Avant la formation WIND, ma femme préparait sur un foyer fait de trois pierres utilisant beaucoup de fagots et produisant assez de fumée. Après la formation, j’ai réalisé un foyer amélioré doté de cheminée. Cela réduit la fumée qui est toxique pour la santé de mon épouse. L’autre avantage de ce foyer amélioré, est qu’il utilise moins de fagots, ce qui permet de protéger l’environnement et de réduire le temps de travail à investir pour la recherche de bois de chauffe » explique Jean Jacques Kouassi Koffi, un bénéficiaire pair formateur.

En plus du foyer amélioré, M. Kouassi Koffi a construit un appatam muni d’étagères pour les ustensiles de cuisine et un balai à manche. « Je me fatigue moins maintenant avec le balai à manche. Je n’ai plus mal au dos à force me courber pour balayer et avec les étagères mes ustensiles de cuisine sont bien rangés ce qui me fait gagner du temps. En conséquence, je n’ai plus besoin de recourir à mes enfants pour exécuter certaines tâches domestiques telles que la recherche de fagots se réjouit Monique Kouadio Akissi, l’épouse de M. Kouassi Koffi. A travers ces améliorations M. Kouassi Koffi a mis en pratique les principes de « stockage et manutention » et les principes « d’aménagement de postes de travail et des outils à main » préconisés par la méthodologie WIND.

De Djézoukro, l’équipe d’ACCEL Africa, met le cap sur Parcsou.

Parcsou : un village dont le destin côtoie l’approche WIND

Situé à trois kilomètres un peu plus au nord de Djézoukro, Parcsou est incrusté dans une forêt exubérante où à la nuit tombée, l’on entend un concert de cris stridents de lucioles. Comme à Djézoukro, l’activité principale est l’agriculture à Parcsou dont la population est estimée à environ cinq mille personnes selon Jonas Kouadio Yao, le chef de ce gros village comptant un groupe scolaire de 12 clases en attendant l’ouverture d’un collège en construction.

Ici, quatre pairs formateurs font la fierté du village. Parmi eux, Marcelin Koffi Wa Koffi. Âgé de 42 ans, il force l’admiration à son épouse à qui il a rendu les tâches quotidiennes plus simples grâce à plusieurs améliorations de ses activités domestiques.

Avant, révèle M. Koffi Wa Koffi, « notre puits n’était pas clôturé ni couvert. Les déchets y tombaient. Plusieurs fois j’ai eu des problèmes de santé qui m’ont cloué au lit pendant plusieurs jours. Ne pouvant rien faire pendant cette période de maladie, j’ai été obligé d’envoyer mes enfants au champ pour exécuter les tâches que je devais faire. Mais aujourd’hui, c’est une situation qui s’est améliorée. Je ne tombe plus fréquemment malade depuis que j’ai clôturé le puits et y ai mis une fermeture. Au lieu de solliciter mes enfants pour les travaux quand je suis malade, ils vont plutôt à l’école. Car c’est là-bas se trouve leur place et non au champ ».

Même si selon l’équipe d’ACCEL Africa, il y a des améliorations à faire au niveau du puits en y mettant une poulie en vue de respecter les principes de l’aménagement de postes de travail, Sylvie Kouassi Ahou, la femme de M. Koffi Wa Koffi, se réjouit tout de même des actions de son mari. « En plus du puits, mon mari a créé un point de lavage des mains pour éviter la COVID-19 à partir d’un bidon vide d’huile de 20 litres. Il y a installé un robinet qui nous permet avec tous les enfants, de nous laver régulièrement les mains ».
Nous quittons Parcsou pour Gbaleville.

L’écabo de Gbaleville : une invention pour mettre fin au travail des enfants dans la cacaoculture

Gbaleville est situé à environ 5 kilomètres de Grand-Zattry, chef-lieu de sous-préfecture.
Grâce à l’approche WIND, ce village est devenu célèbre depuis qu’il a inventé à partir du génie communautaire, un ‘’écabo ‘’ pour l’écabossage abosses de cacao.

Ecabo'', une invention des communautés de Gbaleville pour le décorticage du cacao
"C'est un appareil qui permet de cabosser le cacao au lieu d'utiliser une machette comme par le passé, avec tous les risques que cela comporte. La machette peut notamment blesser l'agriculteur ou couper les fèves de cacao. Cette invention communautaire permet de réduire la pénibilité du travail et ainsi d'éviter d'utiliser les enfants comme main d'œuvre dans la chaîne de valeur de la cacaoculture", explique Ouédraogo Soumaila, l'un des bénéficiaires.

Gbaleville ne compte pas s'arrêter à cette invention. Le village réfléchit déjà à la prochaine étape. "Nous pensons à une autre invention. Nous pensons à une autre invention, un dispositif pour semer le riz sans se fatiguer", déclare Marie Yohou Sahué, une autre bénéficiaire de l'approche WIND.

WIND : une approche aux résultats capitalisés dans la région de la Nawa.

Après les visites de suivi sur le terrain, les formateurs d'ACCEL Africa et les pairs formateurs ont organisé un atelier pour partager leurs expériences. Cet atelier a été l'occasion de partager et de capitaliser les améliorations individuelles et communautaires et surtout de renouveler les différents plans d'action individuels et communautaires arrivés à échéance fin septembre 2021.

De Kipiri à Bagolieoua en passant par Koffiyaokro, Grand-Zattry, Konankro, Parcsou, Djézoukro et Gbaleville, des résultats tangibles ont été constatés partout où les visites de suivi ont été effectuées.

Jean Claude Dago Tapé est le chef du village de Kipiri. Selon lui, l'approche WIND a beaucoup apporté à sa communauté en termes de santé, de réduction de la pénibilité du travail et de gain de temps en évitant de transférer les tâches à faire aux enfants. "Grâce à WIND, les enfants ont plus de temps à consacrer à l'école. Comme les parents sont soit malades, soit fatigués, soit qu'ils n'ont pas le temps de faire les travaux eux-mêmes, ils ont recours au travail des enfants.

Mais grâce aux pratiques de WIND, le travail est moins difficile, nous sommes en meilleure santé et nous avons plus de temps pour effectuer toutes nos tâches", déclare M. Dago Tapé.

"Nous quittons cette mission de suivi de l'amélioration de WIND satisfaits. Nous avons vu des actions révolutionnaires qui améliorent le cadre de vie des communautés. L'amélioration du cadre de vie et de travail est un facteur de lutte contre le travail des enfants", déclare Dion Oulai Diegue, médecin inspecteur et formateur WIND.

Le secrétaire général de la préfecture de la Nawa a renouvelé le soutien des autorités administratives à ce projet du BIT. "J'invite les bénéficiaires à partager les acquis de WIND avec tous les cacaoculteurs et toute la population de la région de la Nawa", a déclaré Claude Okou Tohouri.



Photo de famille avec les autorités administratives de la région de Nawa