Bahreïn : Entretien avec Abdullah Hussain

Questions-réponses avec Abdullah Hussain, Secrétaire général-adjoint de la Fédération générale des syndicats de Bahreïn (GFBTU) pour les relations arabes et internationales et membre du Conseil d’administration du BIT.

Communiqué de presse | Geneva, Switzerland | 14 novembre 2012

Après le Congrès de la Fédération générale des syndicats de Bahreïn, pouvez-vous nous dire quelle est actuellement la situation en matière de droits des travailleurs dans votre pays ?


Abdullah Hussain :
La situation est actuellement très mauvaise pour les droits des travailleurs et même pour la liberté syndicale. Il s’agit d’une bataille de longue date avec le gouvernement, depuis qu’il a adopté et promulgué la loi sur les syndicats en 2002 et qu’il a décidé, en 2003, de ne pas autoriser les agents de la fonction publique à constituer des syndicats. Nous avons tenté de lui expliquer que ces travailleurs avaient le droit de le faire. Mais il a refusé jusqu’en 2005, date à laquelle nous avons présenté ici à l’OIT une plainte contre le gouvernement auprès du Comité de la liberté syndicale, qui a examiné le cas et a demandé au gouvernement d’accorder aux agents de la fonction publique le droit de constituer un syndicat. Mais, jusqu’ici, le gouvernement n’a pas écouté et nous n’avons toujours pas de liberté syndicale dans la fonction publique. Mais lorsque le gouvernement veut faire quelque chose, il le fait et, en octobre 2011, il a modifié la loi et a autorisé un plus grand nombre de syndicats dans chaque entreprise « conformément à la convention n° 87 ». Mais si on invoque ladite convention, on ne saurait en choisir une partie et ignorer toutes les autres – on doit l’appliquer dans son intégralité – et, en ce sens, le gouvernement devrait donner aux agents de la fonction publique le droit de constituer un syndicat. Au lieu de quoi, il s’attaque à présent à notre Fédération, à la position que nous avons prise en mars dernier car nous nous battons pour nos droits et qu’il a cessé tout dialogue. Il n’y a pas de négociation collective, il a tout arrêté et il veut dissoudre cette Fédération pour en constituer une autre et la présenter aux travailleurs de Bahreïn. Mais la Confédération syndicale internationale (CSI) et l’OIT nous soutiennent car la Fédération est un organe libre et élu et nous continuons à lutter et à aller de l’avant, et nous ne cesserons pas de demander que les droits des travailleurs soient respectés.

En juin 2012, le Comité de la liberté syndicale a adopté son rapport en soulevant la question de Bahreïn. Au niveau de votre syndicat, quel est votre avis sur ce rapport ?


Abdullah Hussain :
Concernant le rapport sur la liberté syndicale, l’ancien rapport affirmait que les travailleurs de tous les secteurs avaient le droit de constituer un syndicat et aussi le droit de faire grève. Mais lorsque le gouvernement a révisé la loi en 2006, il a limité notre droit de grève car nous avions déposé en 2005 deux plaintes relatives aux droits des travailleurs de la fonction publique et une autre en 2007 relative au droit de grève, qu’il continue à nous refuser. Les commentaires du Comité de la liberté syndicale demandent sans ambiguïté au gouvernement de réexaminer la loi pour donner aux travailleurs la totalité de leurs droits, y compris de constituer un syndicat dans la fonction publique et de faire grève. La Fédération a raison et tous les travailleurs ont le droit de former librement un syndicat.

Qu’attendez-vous de l’OIT pour l’amélioration du dialogue social et en particulier pour la ratification par Bahreïn des conventions n° 87 sur la liberté syndicale et n° 98 sur la négociation collective ?


Abdullah Hussain :
Nous attendons beaucoup de l’OIT, qui nous soutient réellement. Nous avons un programme avec le BIT, appuyé par le Bureau de Beyrouth, et un programme de formation de deux ans a été mis en place. Pour le dernier mois de ce programme, des activités sont prévues à Bahreïn et des experts devraient venir d’autres pays – si toutefois ils peuvent obtenir leurs visas ! Le gouvernement fait actuellement feu de tous bois pour attaquer notre Fédération – il empêche des délégations étrangères d’entrer dans le pays. Concernant les conventions nos. 87 et 98, eu égard à notre accord tripartite obtenu en mars 2012 – convenu dans le cadre du Conseil d’administration –, il revient à présent au gouvernement de le ratifier mais, à ce jour, rien ne s’est encore produit et nous continuons d’exhorter le gouvernement à ratifier ces deux conventions puisque, en tant qu’État Membre de l’OIT, il devrait respecter la Constitution et toutes les normes de l’Organisation. Pourtant, nous continuons de lutter et le gouvernement continue de ne pas écouter ; il n’a d’ailleurs même pas entamé le processus de négociation sur ces deux conventions.