Mouvement Syndical

109e session de la Conférence internationale du Travail: quels défis et quelles opportunités pour les travailleurs?

Annette Mpundu Chipeleme, Vice-présidente de la 109e session de la Conférence internationale du Travail, évoque les difficultés ainsi que les opportunités rencontrées par rapport à cette toute première session virtuelle. Elle insiste sur le besoin d’inclure les normes internationales du travail au cœur des politiques de relance afin de combattre la pandémie de COVID-19…

Actualité | 31 mai 2021

ACTRAV INFO: Pour la première fois, la Conférence internationale du Travail a lieu de manière virtuelle. Quels sont les défis et les opportunités pour les travailleurs à l’occasion de cette 109e session?

Cette session peur entraîner certaines difficultés pour les travailleurs, D’abord, dans des circonstances normales, il leur serait possible de communiquer face à face lors de la conférence. Malheureusement, en raison de ce contexte virtuel, il se peut que leur participation soit limitée en raison des difficultés à accéder à une connexion internet stable. Le fossé en matière digitale va empêcher les travailleurs de disposer du même niveau de participation pour ceux venant de régions du monde qui ne disposent pas de ces capacités en matière technologique. Deuxièmement, le manque de contact direct, en face à face, lorsqu’il s’agit de négocier est susceptible d’entraver ces négociations qui se déroulent de manière informelle et qui sont fréquentes lors de la CIT, ce qui permet d’obtenir des résultats significatifs.

Le temps perdu afin de s’adapter aux circonstances peut aussi entamer la qualité de leur participation.

L’an dernier, la Conférence n’a pas eu lieu. Nous pensions qu’en 2021, elle aurait pu se dérouler en présentiel mais, comme nous avons pu le constater, ce n’est pas encore le cas puisque la crise continue de toucher différentes régions du monde. Dans ces conditions, à l’issue de consultations avec le Conseil d’administration du BIT, nous avons décidé de tenir cette conférence en adoptant un format virtuel avec un programme complet, car nous pensons que toutes les entités de l’OIT doivent poursuivre leurs travaux à plein régime. Or, la CIT constitue un élément essentiel de leur travail.

Ainsi, les travailleurs ont besoin que le Comité de l’application des normes puisse être opérationnel car c’est un élément central du mécanisme de supervision de l’OIT. Il s’agit là de quelque chose d’essentiel après un an de retard.

Malgré ces difficultés liées au format virtuel de la conférence, cette dernière sera pourtant aussi l’occasion pour l’OIT de faire preuve de leadership en matière de réponse à la crise du COVID-19. Ainsi, les travailleurs auront l’occasion de participer et de contribuer à la première discussion sur le COVID-19 à la CIT.

La discussion récurrente sur la protection sociale figure aussi au programme. Ce sujet est d’une importance majeure car actuellement, de nombreux travailleurs ne disposent pas de couverture sociale.

Nous traversons un moment historique durant lequel nous avons besoin d’un nouveau contrat social afin de s’attaquer aux nombreuses inégalités qui, malheureusement, ont augmenté en raison de la pandémie. C’est pourquoi la discussion générale sur les inégalités s’avère cruciale pour les travailleurs.Les travailleurs auront également la possibilité de participer à la discussion sur les compétences et l’apprentissage tout au long de la vie, qui constituent des éléments importants pour nous.

ACTRAV INFO: Une discussion sur la crise du COVID-19 figure au programme. Comment évaluez-vous cette crise et ses conséquences sur les travailleurs et leurs organisations?

Le COVID-19 a eu des conséquences dévastatrices sur le monde du travail. Il y a des gens qui ont perdu leur emploi, qui ont littéralement perdu leurs moyens de subsistance. Il y a des gens qui ont été contraints d’aller travailler sans aucune protection contre le virus et il y a des gens qui ont pu télé-travailler mais dont l’équilibre entre travail et vie privée a été gravement affecté. La CIT nous offre la possibilité de discuter collectivement de ces différents points et de trouver un accord tripartite sur un certain nombre de messages essentiels que l’OIT pourra porter à l’attention de la communauté internationale afin de veiller à ce que les normes internationales du travail figurent bien au cœur de la relance économique. Nous devons faire passer un message fort et renforcer un programme basé sur les droits, sur un développement robuste et durable et nous assurer que tous les programmes de relance prennent bien en compte la dimension environnementale.

La crise n’a fait que renforcer ce qui avait déjà fait l’objet de discussions en 2019, c’est-à-dire que la sécurité et la santé au travail (SST) doivent constituer un droit fondamental.
Par ailleurs, nous devons veiller à ce qu’il existe des socles de protection sociale pour tous.

ACTRAV INFO: Si l’on regarde un peu au-delà, quelles sont vos attentes par rapport aux sessions qui se dérouleront en novembre et décembre 2021?

Lors de la deuxième partie de la CIT à la fin de l’année, nous serons en mesure de discuter d’un problème très important, en l’occurrence celui des inégalités. L’OIT est née en ayant pour objectif de redistribuer les fruits du progrès économique. Cependant, nous avons pu constater que, pour beaucoup, cela ne correspond pas à la réalité. Nous devons trouver les moyens de briser le cercle de la pauvreté. Il est essentiel de disposer de services publics de qualité ouverts à tous. Ce sera l’occasion d’aborder des questions comme l’imposition équitable, les mesures budgétaires et les politiques de développement qui permettent la création d’emplois décents.

Bien entendu, la question des compétences est un élément essentiel qui figure au programme. Nous devons profiter de cette occasion pour discuter de la possibilité pour tout le monde de pouvoir bénéficier de l’apprentissage tout au long de la vie, non seulement par rapport au marché du travail mais aussi au niveau des capacités sociales et humaines dont nous avons besoin pour bâtir un monde meilleur et plus équitable.