102ème session de la Conférence Internationale du Travail
Afrique: Défis et opportunités pour les syndicats
En marge de la 102ème session de la Conférence Internationale du Travail, le président de la régionale Afrique de la Confédération Syndicale Internationale (CSI-Afrique), Mody Guiro a évoqué plusieurs défis et opportunités pour les syndicats africains. Dans cette interview, M. Guiro a insisté également sur la nécessité de renforcer le dialogue social et appliquer les normes internationales du travail en Afrique…
La Conférence internationale du travail a abordé cette année plusieurs thèmes dont le dialogue social et le développement durable dans le cadre de la création d’emplois décents. En tant que président de la CSI-Afrique, quel regard portez-vous sur ces deux thèmes?
Je pense que cette année les deux thèmes sont extrêmement importants. Le dialogue social, par rapport à la Convention (n° 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, est un point extrêmement important pour le continent africain. Dans beaucoup de pays, nous enregistrons régulièrement des conflits sociaux liés aux violations ou à la méconnaissance de la législation du travail, des conventions internationales. Depuis plusieurs années, le continent, par le biais de ses travailleurs organisés dans les syndicats, se bat pour que le dialogue social soit une réalité. Des conventions peuvent être reconnues, signées mais, dans la réalité des faits, ce dialogue fait défaut, ce qui constitue un frein au développement économique et social du continent africain. Aujourd’hui comme toujours, il ne peut y avoir production et compétitivité sans un environnement apaisé. C’est par rapport à cette dimension que nous estimons aujourd’hui que les discussions sur ces questions sont d’un intérêt particulier. Par exemple au Sénégal, la mise en place, d’un comité national de dialogue social regroupant l’ensemble des parties du gouvernement, le patronat et les travailleurs, a beaucoup contribué à la stabilité du climat social, à la minimisation des conflits sociaux et des grèves. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de tensions, qu’il n’y a pas de problèmes. Mais de tels cas permettent au moins aux partenaires sociaux, employeurs, travailleurs et le gouvernement de poser les problèmes, d’en discuter et de trouver des solutions alternatives de sortie de crise et de gérer collectivement. Le dialogue social est une des conditions pour la création d’emplois car nous ne pensons pas que des investisseurs puissent venir là où il y a des regains de tension. Des grèves répétées ne favorisent pas, en fait, la venue d’investisseurs, et nous pensons que ce sont des questions sur lesquelles le mouvement syndical international, la CSI Afrique, les syndicats nationaux se battent régulièrement pour que le dialogue social soit institutionnalisé dans tous les pays africains, et que cela devienne une réalité.
Pour ce qui est du développement durable, je pense que la question de l’environnement, le changement climatique, c’est une dimension importante à laquelle les Etats, les employeurs, les travailleurs, doivent prendre conscience, – et je pense que tout le monde a pris conscience aujourd’hui –, de la nécessité de gérer mieux les ressources naturelles. L’Afrique, a beaucoup plus intérêt aujourd’hui à développer des politiques liées à la gestion durable de l’environnement. Le développement durable, est une question dans laquelle il faut trouver des alternatives. Ces alternatives, c’est de voir comment créer une transition. Des transitions permettront également de créer des emplois verts. Or l’Afrique peut en créer parce qu’en Afrique tout est à faire ; nous pensons, que l’Afrique est maintenue dans une situation de pauvreté, aussi bien en interne qu’à l’externe. Nous pensons que, par rapport à sa richesse, il faut que les dirigeants africains, les travailleurs africains, les employeurs africains prennent conscience qu’il faudrait aujourd’hui rationnaliser les richesses africaines, refuser le piège du continent, refuser l’exploitation à outrance du patrimoine minier, du patrimoine forestier, du patrimoine halieutique de l’Afrique. Les emplois verts peuvent être créés parce que souvent nous mettons l’accent sur l’utilisation de l’énergie fossile qui est polluante. Or l’Afrique regorge de ressources hydrauliques, éoliennes, solaires etc. Je pense que, si nous développons l’énergie par ce biais, il est évident que nous allons créer de plus en plus d’emplois verts.
La question de l’emploi et la protection sociale dans le contexte démographique a été abordée au cours de cette conférence. Au niveau syndical, avez obtenus des résultats sur ces deux défis qui intéressent les travailleurs africains ?
Je pense que ce sont deux questions importantes et deux défis majeurs pour les syndicats africains. Aujourd’hui, les crises qui ont secoué le continent africain, ont eu des répercussions sur la création d’emplois, sur les emplois créés, mais également sur la sécurité sociale. Si vous prenez aujourd’hui l’Afrique, par rapport à sa population globale, vous avez à peu près environ 9 à 10 pour cent de sa population qui est couverte ; d’où l’importance de l’extension de la protection sociale. Et, jusqu’à présent, cette protection sociale n’est pas complète en Afrique. Il y a des branches qui n’existent pas encore chez nous. Vous n’avez pas la branche du chômage, par exemple. Il y a encore des pays qui n’ont pas la sécurité sociale. Il y a des travailleurs qui ne sont pas encore couverts par la sécurité sociale. L’Afrique, pour certains pays, a une population rurale extrêmement importante, avec un secteur informel qui se développe quotidiennement.
Nous pensons qu’en ce qui concerne l’emploi, ce sont les investissements qui vont créer les emplois. Mais, il faudrait, avant d’attirer ces investissements, faire en sorte que les emplois existants soient sauvegardés, soient consolidés, que les nouveaux emplois créés soient consolidés, qu’on ne soit pas dans une logique de créer des emplois pour les voir disparaître aussitôt. Et, considérant également la structure de la famille africaine, nous avons intérêt à ce que les emplois existants aujourd’hui soient préservés, soient consolidés, soient maintenus. En plus, il faut rechercher des voies et moyens pour développer les emplois par l’investissement. Et là, je crois que la protection sociale est une chose importante, nous en avons discuté l’année dernière sur le socle de protection sociale. Il faut arriver à ce que les Africains arrivent à mettre des mécanismes de couverture sociale qui permettent de couvrir l’ensemble des populations et particulièrement les populations les plus vulnérables qui sont en milieu rural ou dans le secteur informel. C’est une bataille quotidienne que nous menons et nous nous battons pour cela sur le continent africain.
Finalement, au niveau de la CSI-Afrique, quelles sont vos priorités notamment dans le cadre de la promotion et l’application des normes internationales du travail ?
Les normes et l’application des normes sont une priorité centrale pour les syndicats africains. Nous mettons l’accent sur la promotion des normes, sur l’information, sur la formation, le renforcement des capacités des travailleurs pour qu’ils comprennent l’importance des normes. Nous essayons de leur dire, de leur apprendre, les normes fondamentales et, particulièrement, cela est lié à ce qu’ils puissent mieux défendre leurs droits, et parce que, c’est un continent aussi sur lequel beaucoup de violations voient le jour. Ces violations, c’est le non-respect des libertés, le refus de voir les travailleurs désigner eux-mêmes leurs représentants, le refus d’association, le refus des négociations collectives, les discriminations à l’endroit des femmes... Autant de questions qui font que nous avons, depuis plusieurs années, à la CSI Afrique, dans le cadre de son programme de formation et d’éducation, mis les normes au centre, de son programme.
C’est le lieu également de remercier le BIT et ACTRAV, pour l’accompagnement qu’ils n’ont jamais cessé de nous apporter, parce que nous pensons que ce soutien et cet accompagnement vont se poursuivre car nous en avons encore besoin. L’Afrique est vaste, le mouvement syndical est encore jeune dans certains pays, le renouvellement des dirigeants également se fait quotidiennement. Nous avons besoin également de cet accompagnement d’ACTRAV pour mieux encore poursuivre ce combat, pour que le respect des normes du travail soit une réalité dans beaucoup d’entreprises africaines.
Je pense que cette année les deux thèmes sont extrêmement importants. Le dialogue social, par rapport à la Convention (n° 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, est un point extrêmement important pour le continent africain. Dans beaucoup de pays, nous enregistrons régulièrement des conflits sociaux liés aux violations ou à la méconnaissance de la législation du travail, des conventions internationales. Depuis plusieurs années, le continent, par le biais de ses travailleurs organisés dans les syndicats, se bat pour que le dialogue social soit une réalité. Des conventions peuvent être reconnues, signées mais, dans la réalité des faits, ce dialogue fait défaut, ce qui constitue un frein au développement économique et social du continent africain. Aujourd’hui comme toujours, il ne peut y avoir production et compétitivité sans un environnement apaisé. C’est par rapport à cette dimension que nous estimons aujourd’hui que les discussions sur ces questions sont d’un intérêt particulier. Par exemple au Sénégal, la mise en place, d’un comité national de dialogue social regroupant l’ensemble des parties du gouvernement, le patronat et les travailleurs, a beaucoup contribué à la stabilité du climat social, à la minimisation des conflits sociaux et des grèves. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de tensions, qu’il n’y a pas de problèmes. Mais de tels cas permettent au moins aux partenaires sociaux, employeurs, travailleurs et le gouvernement de poser les problèmes, d’en discuter et de trouver des solutions alternatives de sortie de crise et de gérer collectivement. Le dialogue social est une des conditions pour la création d’emplois car nous ne pensons pas que des investisseurs puissent venir là où il y a des regains de tension. Des grèves répétées ne favorisent pas, en fait, la venue d’investisseurs, et nous pensons que ce sont des questions sur lesquelles le mouvement syndical international, la CSI Afrique, les syndicats nationaux se battent régulièrement pour que le dialogue social soit institutionnalisé dans tous les pays africains, et que cela devienne une réalité.
Pour ce qui est du développement durable, je pense que la question de l’environnement, le changement climatique, c’est une dimension importante à laquelle les Etats, les employeurs, les travailleurs, doivent prendre conscience, – et je pense que tout le monde a pris conscience aujourd’hui –, de la nécessité de gérer mieux les ressources naturelles. L’Afrique, a beaucoup plus intérêt aujourd’hui à développer des politiques liées à la gestion durable de l’environnement. Le développement durable, est une question dans laquelle il faut trouver des alternatives. Ces alternatives, c’est de voir comment créer une transition. Des transitions permettront également de créer des emplois verts. Or l’Afrique peut en créer parce qu’en Afrique tout est à faire ; nous pensons, que l’Afrique est maintenue dans une situation de pauvreté, aussi bien en interne qu’à l’externe. Nous pensons que, par rapport à sa richesse, il faut que les dirigeants africains, les travailleurs africains, les employeurs africains prennent conscience qu’il faudrait aujourd’hui rationnaliser les richesses africaines, refuser le piège du continent, refuser l’exploitation à outrance du patrimoine minier, du patrimoine forestier, du patrimoine halieutique de l’Afrique. Les emplois verts peuvent être créés parce que souvent nous mettons l’accent sur l’utilisation de l’énergie fossile qui est polluante. Or l’Afrique regorge de ressources hydrauliques, éoliennes, solaires etc. Je pense que, si nous développons l’énergie par ce biais, il est évident que nous allons créer de plus en plus d’emplois verts.
La question de l’emploi et la protection sociale dans le contexte démographique a été abordée au cours de cette conférence. Au niveau syndical, avez obtenus des résultats sur ces deux défis qui intéressent les travailleurs africains ?
Je pense que ce sont deux questions importantes et deux défis majeurs pour les syndicats africains. Aujourd’hui, les crises qui ont secoué le continent africain, ont eu des répercussions sur la création d’emplois, sur les emplois créés, mais également sur la sécurité sociale. Si vous prenez aujourd’hui l’Afrique, par rapport à sa population globale, vous avez à peu près environ 9 à 10 pour cent de sa population qui est couverte ; d’où l’importance de l’extension de la protection sociale. Et, jusqu’à présent, cette protection sociale n’est pas complète en Afrique. Il y a des branches qui n’existent pas encore chez nous. Vous n’avez pas la branche du chômage, par exemple. Il y a encore des pays qui n’ont pas la sécurité sociale. Il y a des travailleurs qui ne sont pas encore couverts par la sécurité sociale. L’Afrique, pour certains pays, a une population rurale extrêmement importante, avec un secteur informel qui se développe quotidiennement.
Nous pensons qu’en ce qui concerne l’emploi, ce sont les investissements qui vont créer les emplois. Mais, il faudrait, avant d’attirer ces investissements, faire en sorte que les emplois existants soient sauvegardés, soient consolidés, que les nouveaux emplois créés soient consolidés, qu’on ne soit pas dans une logique de créer des emplois pour les voir disparaître aussitôt. Et, considérant également la structure de la famille africaine, nous avons intérêt à ce que les emplois existants aujourd’hui soient préservés, soient consolidés, soient maintenus. En plus, il faut rechercher des voies et moyens pour développer les emplois par l’investissement. Et là, je crois que la protection sociale est une chose importante, nous en avons discuté l’année dernière sur le socle de protection sociale. Il faut arriver à ce que les Africains arrivent à mettre des mécanismes de couverture sociale qui permettent de couvrir l’ensemble des populations et particulièrement les populations les plus vulnérables qui sont en milieu rural ou dans le secteur informel. C’est une bataille quotidienne que nous menons et nous nous battons pour cela sur le continent africain.
Finalement, au niveau de la CSI-Afrique, quelles sont vos priorités notamment dans le cadre de la promotion et l’application des normes internationales du travail ?
Les normes et l’application des normes sont une priorité centrale pour les syndicats africains. Nous mettons l’accent sur la promotion des normes, sur l’information, sur la formation, le renforcement des capacités des travailleurs pour qu’ils comprennent l’importance des normes. Nous essayons de leur dire, de leur apprendre, les normes fondamentales et, particulièrement, cela est lié à ce qu’ils puissent mieux défendre leurs droits, et parce que, c’est un continent aussi sur lequel beaucoup de violations voient le jour. Ces violations, c’est le non-respect des libertés, le refus de voir les travailleurs désigner eux-mêmes leurs représentants, le refus d’association, le refus des négociations collectives, les discriminations à l’endroit des femmes... Autant de questions qui font que nous avons, depuis plusieurs années, à la CSI Afrique, dans le cadre de son programme de formation et d’éducation, mis les normes au centre, de son programme.
C’est le lieu également de remercier le BIT et ACTRAV, pour l’accompagnement qu’ils n’ont jamais cessé de nous apporter, parce que nous pensons que ce soutien et cet accompagnement vont se poursuivre car nous en avons encore besoin. L’Afrique est vaste, le mouvement syndical est encore jeune dans certains pays, le renouvellement des dirigeants également se fait quotidiennement. Nous avons besoin également de cet accompagnement d’ACTRAV pour mieux encore poursuivre ce combat, pour que le respect des normes du travail soit une réalité dans beaucoup d’entreprises africaines.