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Neuvième Réunion régionale africaine

Abidjan
décembre 1999

 

 

 

 

Travail décent
et protection pour tous
en Afrique 

Rapport du Directeur général

 

 

 

 

 

Bureau international du Travail  Genève

 

ISBN 92-2-211842-1

 

 


Le but fondamental
de l'OIT en Afrique
est que chacun,
homme ou femme,
puisse accéder à un travail
décent et productif
dans des conditions de liberté,
d'équité, de sécurité et de dignité.

 


Introduction

Au cours des cinq dernières années, après environ deux décennies de stagnation, la situation économique a connu une embellie dans plusieurs pays africains. Il n'empêche que l'Afrique demeure confrontée à de multiples problèmes – endettement, pauvreté, travail des enfants, VIH/SIDA, insécurité alimentaire, etc. Elle reste aussi en proie à des conflits ethniques et à des guerres civiles auxquels se trouve mêlée une grande partie de la population civile, y compris des enfants enrôlés de force. Le développement économique ne s'est pas traduit par un progrès social juste et équitable.

Face à cette situation, le but fondamental de l'OIT est que chacun, homme ou femme, puisse accéder à un travail décent et productif dans des conditions de liberté, d'équité, de sécurité et de dignité. C'est un grand défi pour l'Organisation. Dans le monde d'aujourd'hui, l'emploi est une question d'importance vitale: c'est l'une des clés de la sécurité économique, de la lutte contre la pauvreté et contre la vulnérabilité.

Le présent document, soumis aux fins de la discussion, décrit les quatre objectifs stratégiques qui ont été retenus pour aider l'OIT à relever le défi et qui guideront ses politiques et programmes au cours des années à venir en Afrique. Ces objectifs, autour desquels s'articule le programme et budget pour 2000-2001 et qui ont été explicités par le Directeur général dans son rapport à la session de 1999 de la Conférence internationale du Travail (Un travail décent), sont les suivants: i) promouvoir et réaliser les principes et droits fondamentaux au travail; ii) accroître les possibilités pour les femmes et les hommes de s'assurer un emploi et des revenus décents; iii) accroître l'étendue et l'efficacité de la protection sociale pour tous; iv) renforcer le tripartisme et le dialogue social. Toutes les activités entreprises en vue de la réalisation de chacun des objectifs stratégiques tiendront compte des besoins de développement ainsi que de la dimension sexospécifique des problèmes.

Pour chaque objectif stratégique, un certain nombre de programmes focaux internationaux ont été définis. Ces programmes, hautement prioritaires et propres à améliorer la pertinence et la visibilité de l'action de l'OIT, concentreront et intégreront les activités déjà en cours tout en répondant aux nouveaux besoins et demandes liés aux quatre objectifs stratégiques, ce qui devrait permettre d'obtenir un impact aussi grand et aussi large que possible.

L'OIT défend depuis toujours des valeurs et des objectifs universels mais elle ne saurait prescrire de solutions universelles. Nous vivons dans un monde multiculturel, aux traditions et institutions très variées. L'OIT doit donc être sensible à la diversité culturelle et institutionnelle de ses mandants tripartites.

Le présent rapport a justement pour objet de lancer, sur la base d'une confrontation des expériences et d'échanges de vues, un dialogue sur l'orientation que doit prendre le programme de coopération technique de l'OIT pour répondre aux besoins de la région. Pour que l'Organisation puisse renforcer ses capacités techniques et réagir concrètement et rapidement aux défis que doit relever l'Afrique en matière d'ajustement et de développement, il faudra que les discussions qui auront lieu durant cette réunion régionale permettent de centrer les priorités de nos politiques et programmes, y compris nos nouveaux programmes focaux, sur notre objectif commun, à savoir un travail décent et une protection pour tous en Afrique.


1. Promouvoir et renforcer les principes
et droits fondamentaux au travail et
les normes internationales du travail

Le processus de démocratisation qui s'est amorcé durant les années quatre-vingt s'est poursuivi tout au long des années quatre-vingt-dix et s'est généralement accompagné d'une révision des constitutions et des lois électorales ainsi que de l'apparition d'institutions, de partis politiques et de syndicats indépendants et, souvent, de l'organisation d'élections. La plupart des pays africains ont beaucoup progressé sur la voie de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi qu'en témoignent la renaissance de l'activité politique et syndicale et l'existence d'une presse libre. Plus de transparence préside désormais à la gestion des institutions publiques et privées aux niveaux national, provincial et local.

Il n'empêche que beaucoup de problèmes demeurent: pauvreté chronique et ampleur du chômage; nombreux conflits armés qui déstabilisent politiquement les pays et acculent à la misère des millions de personnes (réfugiés, personnes déplacées, combattants démobilisés, etc.); lenteur de la réforme de la législation du travail ainsi que de la ratification et de la mise en œuvre des normes internationales du travail.

En Afrique, il est courant que les enfants soient astreints au travail. Ils sont environ 80 millions dans ce cas. Souvent, ils travaillent dans des conditions dangereuses et sont soumis à des formes extrêmes d'exploitation. L'exploitation des enfants à des fins économiques est une insulte pour l'humanité. En obligeant les enfants à travailler, on compromet leur santé et parfois même leur vie, on les empêche de s'instruire et on hypothèque leur future vie d'adultes.

Le problème posé par le VIH/SIDA atteint des proportions alarmantes. L'Afrique est le continent le plus touché par la maladie. Les personnes séropositives sont souvent victimes de toutes sortes de discriminations, notamment sur le lieu de travail ou lorsqu'elles sont à la recherche d'un emploi. Pour promouvoir la lutte contre la maladie, protéger les travailleurs vulnérables et combattre la discrimination dont font l'objet les personnes séropositives sur le lieu de travail, il faut que l'OIT fasse un effort accru de sensibilisation.

Face à tous ces défis, l'OIT axera son action sur quatre priorités.

En adoptant en 1998 la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, les pays ont réaffirmé leur engagement de respecter, promouvoir et réaliser les principes et droits fondamentaux au travail. Le suivi de cette déclaration a un caractère promotionnel; il offrira une nouvelle voie de diffusion des informations relatives à ces droits et principes en rapport avec le développement social et économique. Le BIT mettra à la disposition des pays, directement ou indirectement, des services de coopération technique pour renforcer l'application des principes consacrés par les conventions fondamentales ainsi que pour faciliter la ratification de ces
conventions par les Etats Membres africains.

Le programme focal qui a été adopté s'attachera à promouvoir les principes et droits fondamentaux au travail et appuiera les activités relatives aux rapports qui doivent être présentés dans le cadre du suivi de la Déclaration, en étroite collaboration avec les structures extérieures et les services de coopération technique.

Les conventions ont toujours beaucoup inspiré les législations et pratiques nationales. Comme l'a souvent souligné l'OIT, il ne suffit pas de ratifier les conventions: il faut aussi qu'elles servent à améliorer concrètement la vie des gens. Malheureusement, au niveau national, de nombreuses faiblesses structurelles limitent l'efficacité des organes responsables de la ratification et de l'application des normes internationales du travail.

Le processus de démocratisation en cours dans la région peut être renforcé et favorisé par une meilleure application des normes internationales du travail, notamment de la convention (no 81) sur l'inspection du travail, 1947, de la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964, et de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976.
 

Programme focal pour la promotion de la Déclaration

Ce programme a un triple objet: appeler l'attention sur la Déclaration à tous les niveaux – national, régional, international – et dans les milieux socio-économiques intéressés; montrer comment le respect des principes et droits fondamentaux favorise le développement, la démocratie, l'équité et l'émancipation tant des femmes que des hommes; promouvoir des politiques donnant effet dans la pratique à ces principes compte tenu des conditions de développement de chaque pays.

L'OIT doit faire ressortir l'importance de ces droits et principes pour l'amélioration de la vie de chacun, conformément à l'esprit promotionnel de la Déclaration et de son suivi. Elle approfondira sa réflexion sur la façon de favoriser la démocratie, l'équité, l'efficience économique et la croissance durable, tant dans les pays développés que dans les pays en développement, en respectant ces droits et principes fondamentaux. Comme l'ont demandé les Etats Membres de la région, elle continuera à souligner que la Déclaration et son suivi ne sauraient être utilisés à des fins protectionnistes. Sur cette base, elle pourra aider ses mandants à intégrer ces principes dans leurs stratégies de développement et encourager les institutions et acteurs extérieurs à faire leur la Déclaration et à respecter ses objectifs.

Dans le cadre du programme focal, le BIT lancera une campagne d'information en direction des dirigeants et des diverses composantes de l'opinion publique. Il coopérera avec les mandants, les parlementaires, les milieux qui influent sur l'opinion, les entreprises et les acteurs du développement. Les activités qui seront entreprises dans le cadre du programme seront guidées par les rapports annuels et le rapport global qui doivent être présentés au titre du suivi de la Déclaration ainsi que par les résultats des travaux de recherche sur les moyens de concilier efficacement développement et respect des droits et principes fondamentaux, compte dûment tenu de la dimension sexospécifique des problèmes.

Les activités de coopération technique, qui tiendront compte de l'évolution en cours ainsi que de l'importance du secteur informel et de l'agriculture sur le continent africain, viseront à répondre aux problèmes concrets et pratiques de la région, et notamment à promouvoir le respect de la liberté d'association et du droit de négociation collective, l'abolition du travail des enfants, à commencer par ses pires formes, et l'élimination de toute discrimination dans l'emploi et la profession. Des services de coopération technique et des services consultatifs seront offerts aux gouvernements, aux organisations d'employeurs et aux organisations de travailleurs, notamment dans les pays qui n'ont pas encore ratifié ou n'appliquent pas encore les conventions fondamentales.

Un effort concerté d'information, de sensibilisation et de formation doit être fait pour faciliter la ratification des huit conventions fondamentales(1). Le BIT continuera à fournir des services de coopération technique aux gouvernements et aux partenaires sociaux en vue de promouvoir la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail.

Il s'efforcera de faire en sorte que les normes internationales du travail aient plus d'impact sur le développement économique et la justice sociale. L'attention se portera sur la relation entre l'application des normes, d'une part, et, d'autre part, le développement durable, la démocratie, l'équité et l'émancipation des femmes et des hommes. Le nécessaire sera fait pour intégrer les principes et droits fondamentaux dans les projets et programmes de coopération technique.

L'examen des législations et pratiques nationales donne souvent l'occasion au BIT de fournir un appui technique. C'est aussi l'occasion de promouvoir la ratification des conventions fondamentales et autres conventions ainsi que leur application dans la législation et la pratique des pays concernés.

Pour promouvoir l'élimination du travail des enfants, notamment sous ses pires formes, le BIT mènera activement campagne en faveur de la ratification et de l'application de la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, et de la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, et il entreprendra toute une gamme d'activités de coopération technique (avis pour l'orientation des politiques, matériel d'information, etc.). Ces actions iront de pair avec la promotion et le suivi de la Déclaration, laquelle fait figurer l'abolition du travail des enfants parmi les principes fondamentaux.

Le Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) joue un rôle majeur dans la lutte contre l'exploitation des enfants. En juillet 1999, dix pays africains participaient à ce programme et une quinzaine d'autres avaient exprimé leur intention d'y adhérer. Le BIT aidera ces pays à analyser les différentes formes d'exploitation des enfants et l'ampleur du phénomène, à sensibiliser l'opinion publique et à mettre en œuvre des programmes assortis d'un calendrier précis.
 

Programme focal sur le travail des enfants: IPEC

Le travail des enfants nuit à la valorisation du capital humain et donc au développement. Il compte à la fois parmi les effets et parmi les causes de la pauvreté. Les politiques, plans et programmes nationaux de développement doivent donc faire de son élimination un de leurs objectifs. Le programme focal vise à mettre un terme au travail des enfants et à promouvoir le développement en poursuivant et élargissant l'œuvre du Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC). Les activités du BIT ont fait ressortir l'extrême complexité du problème et donc la nécessité de le traiter avec tact compte tenu du contexte dans lequel il s'inscrit – pauvreté, difficultés économiques, chômage. Pour mettre progressivement un terme au travail des enfants, il faut s'attaquer à toutes ses causes et offrir aux enfants, ainsi qu'à leurs familles, des solutions durables – éducation, réadaptation, travail décent pour les adultes.

Une approche sexospécifique sera adoptée pour la conception et l'exécution de toutes les activités de l'IPEC. Le BIT s'attachera à promouvoir des synergies avec les programmes visant l'emploi des femmes, lequel peut avoir beaucoup d'incidence sur le travail des enfants. En outre, et conformément aux dispositions de la nouvelle convention, une attention particulière sera accordée aux filles.

L'IPEC, principal instrument de la lutte contre le travail des enfants, redoublera d'efforts partout dans le monde.

Il continuera à renforcer les capacités nationales en s'attachant en priorité à promouvoir l'élimination immédiate des pires formes de travail des enfants. Il aidera les Etats Membres à concrétiser leur volonté politique de mettre un terme à ce fléau en veillant à l'application de lois appropriées et en prenant des mesures concrètes dont ils devront s'attacher à évaluer l'efficacité. La priorité de l'IPEC est d'éviter que des enfants ne soient obligés de travailler, de soustraire au travail ceux qui y sont astreints et d'établir les conditions de leur épanouissement. En août 1999, dix pays d'Afrique appliquaient le programme IPEC et plusieurs autres se préparaient à signer un protocole d'accord avec le BIT.

Le système d'information statistique et de suivi de l'IPEC (SIMPOC) aidera les pays à se doter de dispositifs efficaces de collecte et d'analyse des données sur le travail des enfants. Le travail statistique s'intensifiera en vue de l'établissement de séries chronologiques nationales. Neuf pays africains participent déjà au programme SIMPOC. Les données qui seront ainsi recueillies aideront beaucoup à améliorer les programmes et projets. Une aide sera apportée aux pays qui n'ont pas encore entrepris d'analyser l'ampleur et les différentes formes du travail des enfants. Il est attendu des pays africains qu'ils fassent le nécessaire en vue d'une ratification rapide de la convention no 182 et qu'ils prennent des mesures concrètes pour mettre un terme aux pires formes de travail des enfants.

En collaboration avec des partenaires nationaux et internationaux, l'IPEC mènera, en 1999 et les années suivantes, un certain nombre d'activités aux niveaux national, sous-régional et régional. Plusieurs programmes sous-régionaux seront mis en œuvre: Programme visant à prévenir et à éliminer le travail des enfants dans des activités dangereuses de l'agriculture commerciale en Afrique orientale et australe et à assurer leur réadaptation; Lutte contre la traite des enfants à des fins d'exploitation par le travail en Afrique occidentale et centrale; Elaboration d'une stratégie contre l'exploitation des enfants dans l'industrie du sexe dans quatre pays d'Afrique orientale; Action contre le travail des enfants par l'éducation et la formation dans trois pays anglophones et cinq pays francophones d'Afrique. Des programmes et enquêtes visant directement les enfants astreints au travail seront entrepris en Afrique du Nord.

Ces programmes seront exécutés, avec l'aide du BIT, par les gouvernements, les organisations d'employeurs, les organisations de travailleurs ainsi que les organisations locales. Des campagnes d'information et de sensibilisation seront lancées afin de favoriser la ratification et l'application par les pays africains de la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999. On rappellera à ce sujet que, en juillet 1999, à sa 35e session ordinaire, le Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine a demandé aux Etats Membres de ratifier cette convention le plus rapidement possible et, de préférence, avant le prochain Sommet, qui aura lieu en l'an 2000.

La structure tripartite de l'OIT et ses liens avec la société civile, les ONG, les collectivités, etc., lui permettent de s'attaquer efficacement et sous différents angles aux problèmes posés par le VIH/SIDA.

Un certain nombre de normes internationales du travail, notamment de conventions fondamentales, contiennent des dispositions qui permettent aux gouvernements, aux organisations d'employeurs et aux organisations de travailleurs de combattre efficacement la discrimination et de faire respecter les droits de l'homme. C'est sur cette base que le BIT s'attachera à mobiliser les organisations partenaires afin que l'on puisse s'attaquer de façon beaucoup plus résolue aux problèmes posés par le VIH/SIDA. Une aide sera apportée aux structures tripartites afin que soient adoptés des lois et règlements qui protègent les droits des séropositifs en ce qui concerne l'accès à l'assurance maladie, à l'emploi, à l'éducation, etc. En outre, l'incidence du VIH/SIDA dans les domaines auxquels le BIT s'intéresse en Afrique (par exemple, administration du travail, productivité, secteur informel) sera prise en compte.

Le principal objectif sera d'obtenir des gouvernements, des organisations d'employeurs et des organisations de travailleurs qu'ils favorisent des stratégies propres à protéger les travailleurs, leurs familles et la collectivité dans son ensemble.


2. Accroître les possibilités pour les
femmes et les hommes de s'assurer
un emploi et des revenus décents

L'emploi reste un problème majeur en Afrique. Le chômage et le sous-emploi ne semblent en effet guère refluer. La croissance économique est indispensable pour que la création d'emplois s'inscrive dans la durée mais, à court et moyen terme, il est impératif d'intervenir pour offrir des emplois productifs aux groupes défavorisés. En février 1999, les responsables africains de la planification de l'emploi ont demandé au BIT de les aider à élaborer des politiques économiques propices à la création d'emplois.

La pauvreté est endémique dans la région: plus de la moitié de la population de l'Afrique subsaharienne vit dans le dénuement le plus complet. Dans la plupart des pays, la reprise économique récemment observée n'a pas suffi à enrayer la montée du chômage et du sous-emploi en milieu urbain comme en milieu rural. Très rares sont les possibilités d'emploi et de revenu décents qui s'offrent à la vaste majorité de la population africaine. Ce problème, dû en grande partie au manque de performance des économies et à la rapidité de la croissance démographique, est aggravé par les guerres civiles, les effets de l'endettement et différents autres facteurs: capacité d'absorption limitée du marché du travail; difficulté pour les femmes, les jeunes et les groupes vulnérables d'accéder à la formation et à l'emploi; faibles taux d'alphabétisation des adultes; carences de la formation technique et professionnelle; incidence des conflits armés sur beaucoup de pays.

En Afrique, l'emploi a diminué ces dernières années dans le secteur formel. Dans beaucoup de pays, les licenciements provoqués par les réformes économiques ont en effet réduit les effectifs du secteur public, sans que cette réduction, en général, soit compensée par une nette augmentation de l'emploi dans le secteur privé. C'est par cette contraction de l'emploi dans le secteur formel que s'expliquent l'essor du secteur informel et la montée du chômage et du sous-emploi.

Une attention particulière doit être accordée au secteur informel. Il joue un rôle essentiel en absorbant près de 60 pour cent de la main-d'œuvre urbaine mais son essor inquiète les mandants de l'OIT. Les syndicats craignent que son développement nuise à la législation du travail et réduise le volume de l'emploi dans le secteur formel. Les employeurs se plaignent de la concurrence «déloyale» des producteurs informels. Les gouvernements souhaitent préserver le potentiel de croissance que recèle le secteur informel tout en assurant aux travailleurs une protection adéquate (conditions de travail, sécurité et santé, protection sociale, etc.).

L'incapacité des systèmes d'information sur le marché du travail de fournir des statistiques appropriées et fiables rend difficiles les analyses et la formulation des politiques. Par exemple, on a besoin d'informations précises sur la situation des femmes, notamment dans le secteur informel où la plupart travaillent, pour adopter des mesures propres à favoriser l'égalité entre hommes et femmes.

Le BIT aidera les pays africains à élaborer des politiques et programmes qui créent des emplois et atténuent la pauvreté en agissant prioritairement dans les domaines indiqués ci-après.

Les mandants de l'OIT en Afrique accordent beaucoup d'importance à la création d'emplois et de revenus. Cela exige d'agir sur plusieurs fronts: promotion de politiques économiques propres à favoriser la création d'emplois; investissement dans les connaissances, les compétences et l'employabilité; développement de la petite entreprise et accroissement de la productivité et, parallèlement, renforcement de la sécurité économique et sociale; lutte contre le travail des enfants; réponse aux crises sociales et politiques.

L'appui fourni durant les précédents exercices pour la promotion de l'emploi, notamment dans le cadre de divers programmes – Des emplois pour l'Afrique, Programme pour l'emploi en milieu urbain, Programme international pour des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité pour les femmes – sera renforcé et élargi. Les fondations sont en place et les programmes devraient être pleinement opérationnels au cours de l'exercice à venir. Un examen des politiques économiques et des programmes d'investissement public sera entrepris en vue d'optimiser leur impact sur l'emploi et sur la pauvreté.

Vu l'importance du secteur informel en Afrique, les possibilités d'emploi dans ce secteur seront explorées et exploitées. L'approche intégrée qui sera adoptée visera à assurer la protection sociale des travailleurs de ce secteur, à améliorer leurs conditions de travail et à leur donner accès au microfinancement/microcrédit.

La coopération technique restera un important moyen de promouvoir la création d'emplois de qualité dans la région. Des programmes globaux susceptibles d'intéresser les donateurs et d'avoir un impact réel sur le terrain seront étudiés. Le BIT s'est déjà engagé dans cette direction avec le programme Des emplois pour l'Afrique, dont l'exécution contribuera beaucoup à répondre aux besoins de la région. L'objectif est notamment que les réformes économiques tiennent davantage compte des problèmes d'emploi. Par ailleurs, le volet «Des emplois pour la paix», par exemple, aidera les pays qui sortent d'un conflit à réinsérer les personnes qui en ont été victimes.

Des mesures seront prises pour que les programmes de réforme économique soient conçus de manière à favoriser une croissance soutenue propre à stimuler la création d'emplois nombreux et de qualité. En outre, le BIT aidera les mandants à faire en sorte que les réformes sociales et économiques qui ont une incidence sur l'emploi reposent sur un consensus social.

Le BIT mettra sur pied un programme d'assistance aux pays qui sont récemment sortis d'un conflit. Ce programme sera axé sur la formation, le développement de l'entreprise, les projets de reconstruction à forte intensité d'emplois, les besoins spécifiques des femmes ainsi que des enfants soldats démobilisés, l'information sur le marché du travail et l'appui à apporter aux initiatives des employeurs et des travailleurs. Le BIT s'attachera aussi à renforcer les capacités dans différents domaines: administration du travail et services de l'emploi, réforme de la législation du travail, dialogue tripartite, protection sociale des groupes vulnérables.

Il est impératif que le BIT adopte une approche sexospécifique, non seulement pour des raisons d'équité, mais aussi à cause du rôle économique et social déterminant joué par les femmes. En s'appuyant sur les initiatives déjà prises pour promouvoir l'égalité entre hommes et femmes dans la région, le BIT s'attachera donc à donner une dimension sexospécifique à tous ses programmes.
 

Programme focal sur la réponse aux crises et la reconstruction

Ce programme vise à répondre aux besoins les plus urgents de réinsertion socio-économique des groupes vulnérables touchés par une crise ainsi que de reconstruction de l'économie des pays victimes, par exemple, d'une guerre, d'une catastrophe naturelle, d'une crise financière et économique ou encore d'une transition politique difficile. Ces crises nationales ont souvent des répercussions au niveau sous-régional ou régional. Il est impératif que le BIT puisse réagir rapidement et de façon cohérente afin de contribuer à l'amélioration de la situation matérielle et sociale des victimes et à leur réinsertion et de promouvoir le dialogue social, l'élaboration de politiques socio-économiques appropriées et le renforcement des capacités institutionnelles.

Le BIT, qui est déjà intervenu dans un certain nombre de crises, a mis à profit son expérience pour élaborer ce programme focal qui vise à renforcer et élargir sa contribution à la solution des problèmes associés aux crises, notamment sur le plan de l'emploi et de la pauvreté. Le programme vise aussi à appeler l'attention, aux niveaux national, régional et international, sur l'importance des problèmes d'emploi et autres problèmes sociaux dans les situations de crise, ainsi que sur la nécessité que les mandants de l'OIT jouent un plus grand rôle dans les mesures à prendre pour remédier aux effets des crises.

Il faut envisager des interventions coordonnées, de courte, moyenne ou longue durée, dont la forme doit être adaptée à la nature de la crise, à la situation socio-économique et politique ainsi qu'à la population visée. En dehors des mesures d'alerte rapide et de préparation aux crises, les efforts devront notamment porter sur les points suivants: programmes d'emplois d'urgence; activités de remise en état et de développement; travaux à forte intensité d'emplois, notamment pour le développement de l'infrastructure; formation et recyclage; réadaptation professionnelle des handicapés;

microcrédit et autres formes d'appui aux petites entreprises; développement économique local; promotion du dialogue social et de la protection sociale.

C'est en liaison étroite avec les autres programmes focaux et programmes techniques ainsi qu'avec les structures extérieures que le programme planifiera et mettra en œuvre la réponse du BIT aux crises. Il sera d'autant plus important d'adopter une approche sexospécifique que les femmes – et les enfants – sont généralement les plus touchés par les crises. Compte tenu des spécificités de l'Afrique, notamment du nombre alarmant de conflits armés auxquels cette région est en proie, une attention particulière sera accordée à la situation des pays qui sortent de tels conflits.

Une stratégie spéciale de mobilisation des ressources sera arrêtée car, sans les ressources qui sont nécessaires, le BIT ne saurait répondre rapidement et de façon crédible aux crises. Des partenariats stratégiques seront établis avec différents organismes, qu'il s'agisse d'organismes du système des Nations Unies ou d'institutions régionales, sous-régionales ou nationales, en vue d'une meilleure coordination des interventions. En plus des interventions directes, le BIT s'emploiera systématiquement à renforcer la capacité de ses partenaires, aux niveaux local et régional; il publiera des guides et des manuels, entreprendra des projets de démonstration et s'efforcera d'obtenir un effet multiplicateur par des activités de promotion et de sensibilisation.

Le programme focal contribuera à la solution, non seulement des problèmes économiques, mais aussi des problèmes politiques qui sont une cause majeure de chômage dans la région. Les activités encourageront la protection des travailleurs et la démocratisation par une participation populaire accrue.

Le Programme pour des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité pour les femmes envisage l'emploi des femmes sous un angle intégré et notamment sous l'angle de ses rapports avec l'atténuation de la pauvreté, la valorisation des ressources humaines et l'élimination progressive du travail des enfants. Il vise à accroître, non seulement le volume de l'emploi, mais aussi sa qualité.

Le BIT continuera à fournir des services consultatifs et des services d'appui pour la conception et la mise en œuvre de plans d'action nationaux destinés à donner suite à la Conférence de Beijing. Le Programme pour des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité pour les femmes, déjà en cours au Burkina Faso et en République-Unie de Tanzanie, sera étendu à d'autres pays de la région. Les efforts porteront notamment sur la création et le renforcement des institutions nationales chargées de promouvoir l'égalité entre hommes et femmes ainsi que sur la démonstration, dans le cadre de la coopération technique, de stratégies et de moyens de créer des emplois pour les femmes et d'améliorer ceux qu'elles occupent, notamment dans le secteur informel, urbain ou rural.

Le BIT continuera aussi à veiller à ce que les politiques et programmes nationaux de développement, de formation et d'emploi tiennent compte des besoins spécifiques des femmes et de la nécessaire égalité entre hommes et femmes. Il aidera les mandants à réformer leurs systèmes judiciaires afin qu'ils soient plus justes pour les femmes et à établir ou renforcer des institutions chargées d'aider les femmes et de leur permettre d'exercer leurs droits.

Des activités visant à promouvoir les conventions relatives à l'emploi des femmes, à la famille et à la protection de la maternité ainsi qu'au harcèlement sexuel seront entreprises afin que les mandants puissent adopter des politiques et mesures appropriées pour leur donner effet.

La politique sexospécifique adoptée par le BIT suppose une action à trois niveaux: niveau politique, programmes techniques,
niveau institutionnel. Au niveau politique, il faut que les femmes soient beaucoup plus nombreuses dans les organes de décision tripartites. Sur le deuxième point, le BIT s'attachera systématiquement à donner une dimension sexospécifique à tous ses programmes et à toutes ses activités de coopération technique en Afrique. Il analysera les faits afin d'évaluer la différence d'impact de phénomènes clés – par exemple la mondialisation et l'évolution de la nature du travail – sur les femmes et sur les hommes.

Certaines catégories de travailleurs sont particulièrement défavorisées sur le marché du travail. En Afrique, c'est notamment le cas des jeunes, des personnes handicapées et des migrants.

Le problème que pose l'emploi des jeunes est dû à la contraction de l'emploi dans le secteur formel et aussi à la forte croissance démographique que continuent de connaître beaucoup de pays africains, de sorte que leur population est relativement jeune. Dans la région, les jeunes occupent souvent des emplois occasionnels et atypiques et ils sont proportionnellement beaucoup plus nombreux que les adultes à connaître le chômage. Dans plusieurs pays, il n'est pas simple pour un jeune de passer de l'école à la vie active, même dans le secteur informel. L'accès des jeunes, qui forment plus de la moitié de la population de l'Afrique, à des emplois décents et productifs est donc un problème crucial. Le chômage des jeunes ne tient pas seulement à un manque d'employabilité mais aussi à la demande insuffisante de travail et à la distribution inégale des emplois sur le marché du travail. Il faut donc agir sur plusieurs fronts. Une attention particulière devrait être accordée aux jeunes qui vivent dans des pays en proie à des conflits ou qui viennent de sortir d'un conflit (combattants, réfugiés, personnes déplacées, personnes touchées dans leur chair ou encore jeunes incapables de poursuivre leurs études à cause de la destruction des écoles et des établissements de formation professionnelle).

Dans la plupart des pays, les travailleurs handicapés ont encore plus de mal que les autres travailleurs à trouver un emploi car ils font souvent l'objet d'une discrimination. Le BIT fournira des conseils et un appui technique pour la formulation et la mise en œuvre du plan d'action de la Décennie africaine pour les personnes handicapées (1999-2009), que l'OUA a récemment décidé d'instituer.

D'autres catégories – par exemple les migrants et les populations indigènes – sont également en butte à toutes sortes de discriminations. Des efforts importants seront faits pour promouvoir la ratification et l'application des conventions de l'OIT qui portent sur l'égalité de traitement des migrants et pour faire respecter leurs droits fondamentaux.

Le BIT apportera une aide importante aux pays africains pour leur permettre d'élaborer et de mettre en œuvre des projets et programmes de coopération technique visant à renforcer leurs systèmes d'information sur le marché du travail.

Afin d'inciter les donateurs à appuyer plus résolument l'amélioration des statistiques du travail, le BIT s'emploiera à promouvoir la ratification par les pays africains de la convention (no 160) et de la recommandation (no 170) sur les statistiques du travail, qui offrent un cadre cohérent pour la production de données comparables.

Il s'attachera à renforcer les capacités de différents projets et programmes – par exemple, Des emplois pour l'Afrique, IPEC, STEP, WOMEMP, etc. – en vue d'améliorer la collecte et la diffusion de statistiques sur le marché du travail, notamment en ce qui concerne les femmes, les enfants astreints au travail et les groupes vulnérables.

Un cadre modèle, y compris des outils méthodologiques et pédagogiques, sera élaboré en vue de la création d'observatoires de
l'emploi et de la formation aux niveaux national, sous-régional et régional. Entre autres activités de renforcement des capacités, le BIT s'attachera à promouvoir la formation des responsables nationaux de l'information sur le marché du travail et fournira des avis techniques en collaboration avec des universités, des centres de formation statistique et des instituts de recherche.

Des efforts seront faits pour promouvoir une plus grande influence tripartite sur les institutions du marché du travail et, à cette fin, le BIT analysera le fonctionnement des institutions tripartites nationales dans tous les pays de la région. Pour l'amélioration des informations sur le marché du travail (qualité, quantité, actualité), le BIT s'appuiera notamment sur les travaux déjà consacrés aux indicateurs clés du marché du travail ainsi que sur les observatoires de l'emploi et de la formation.

Les compétences nécessaires varient d'un contexte à l'autre. Les économies africaines ont de plus en plus besoin de compétences dans le domaine des sciences et des techniques (y compris les techniques d'information et de communication). Cela est vrai aussi bien dans les entreprises que dans la société dans son ensemble. L'évolution de la nature du travail exige de la polyvalence, de nouvelles attitudes, le sens de la communication, de l'adaptabilité. Il faut aussi compenser l'érosion du capital humain due à la mortalité prématurée causée par le SIDA.

Le BIT est conscient que les mandants de la région doivent d'urgence adapter leurs systèmes de formation à l'évolution rapide des besoins de qualifications, en mettant l'accent sur l'adaptabilité de la main-d'œuvre, sur la transition de l'école à la vie active, sur des politiques et programmes efficaces de promotion de l'entreprise et sur des partenariats entre secteur public et secteur privé dans le domaine de la formation.

Les partenaires sociaux doivent résolument appuyer l'éducation et la formation continues, déterminées par la demande. Le secteur privé – entreprises, établissements de formation, particuliers – jouera un rôle central dans cette formation et dans son financement, de sorte que ces investissements correspondront aux véritables besoins des entreprises et des particuliers. La formation continue doit aussi permettre d'acquérir les compétences nécessaires pour identifier et exploiter de nouveaux débouchés.

L'un des grands problèmes de la valorisation des ressources humaines en Afrique est que les femmes et les catégories démunies n'ont guère accès à l'éducation et à la formation. L'une des premières priorités est de faire disparaître les obstacles économiques, sociaux et culturels qui sont à l'origine de cette situation et qui, souvent, ne relèvent d'ailleurs pas des politiques d'éducation et de formation. Les facteurs qui entraînent des inégalités dans le domaine de l'éducation et de la formation sont notamment les suivants: coût d'opportunité et coût marginal élevés pour ceux qui suivent une formation; stéréotypes dans le choix des cours; programmes qui ne tiennent pas compte des horaires auxquels sont assujetties les femmes du fait de leurs responsabilités familiales; subventions mal conçues que les riches savent mieux exploiter que les pauvres. L'adoption de politiques et de mesures législatives appropriées ainsi que de programmes de discrimination positive est nécessaire pour mettre un terme aux pratiques qui nuisent à l'égalité de chances dans le domaine de l'éducation et de la formation.

Il faut offrir des possibilités de formation aux travailleurs qui sont en passe de perdre leur poste à cause de restructurations dans le secteur privé ou dans le secteur public, de préférence avant leur licenciement et après identification de nouvelles possibilités d'emploi. Cette formation les aidera à trouver un emploi salarié ou à devenir travailleurs indépendants. Le coût de cette formation devrait être principalement à la charge de l'organisation ou de l'entreprise qui se restructure. Les travailleurs licenciés devraient également bénéficier d'une orientation appropriée en matière d'emploi et de formation.

Les moyens des différents partenaires varient. Il faut donc renforcer les capacités. Pour promouvoir le partenariat dans le domaine de la formation, il faut accorder une attention particulière à la législation et au cadre institutionnel nécessaires pour que les activités soient durables. L'attention devrait aussi se porter sur la reconnaissance et la certification des compétences et des qualifications dans les secteurs peu organisés.
 

Programme focal sur l'investissement dans les connaissances,
les compétences et l'employabilité

Nouvelle initiative stratégique, ce programme porte sur la manière dont la valorisation des ressources humaines peut favoriser la croissance de l'emploi. L'approche proposée à la suite de consultations approfondies entre les gouvernements, les employeurs et les travailleurs est axée sur la contribution de la formation et de la valorisation des ressources humaines à la promotion de l'emploi.

La plupart des pays de la région jugent essentielle la formation car c'est elle qui permet d'acquérir les compétences indispensables pour occuper un emploi rémunérateur et de qualité ou pour créer des entreprises. En conséquence, ils donnent aujourd'hui la priorité à la valorisation des ressources humaines mais les investissements, tant privés que publics, demeurent insuffisants dans ce secteur. Les institutions du marché du travail ainsi que les établissements d'enseignement et de formation ont souvent du mal à suivre l'évolution rapide des systèmes de production. Par ailleurs, de fortes inégalités persistent, notamment entre filles et garçons, en ce qui concerne l'accès à l'éducation et à la formation.

La contribution potentielle de la valorisation des ressources humaines à la réduction du chômage demeure ainsi inexploitée.

De nouveaux efforts seront faits pour améliorer les systèmes d'information sur le marché du travail. Des activités de coopération technique seront entreprises afin de renforcer les systèmes nationaux et de mettre en place des réseaux sous-régionaux. Les enseignements tirés de certains projets seront mis à profit dans toute la région. Les méthodes modernes de communication seront utilisées au maximum.

Le BIT aidera à l'établissement ou à la remise en état des systèmes d'information sur le travail, lesquels fournissent des données indispensables pour l'élaboration des politiques et programmes. Cette tendance est illustrée par la mise en place progressive d'observatoires de l'emploi et de la formation. Le BIT renforcera encore les observatoires sous-régionaux. Ils fourniront des statistiques et faciliteront la formulation des politiques.

Dans la plupart des pays, la majorité des emplois se créent dans les petites entreprises (il peut s'agir d'une entreprise individuelle du secteur informel aussi bien que d'une unité de production complexe employant un certain nombre de salariés). Beaucoup de ces emplois garantissent un revenu sûr et des conditions de travail convenables mais beaucoup aussi sont médiocres, faiblement productifs, dangereux et ne s'assortissent d'aucune protection sociale. Les femmes sont particulièrement nombreuses dans ces catégories d'emplois. Les petites entreprises sont très diverses: cela va du petit atelier traditionnel aux sociétés de production ou de services utilisant des techniques de pointe. Cette hétérogénéité témoigne du potentiel de ce secteur mais aussi de la diversité des problèmes qui s'y posent, problèmes auxquels il faut s'attaquer par la mise en œuvre de politiques de l'emploi véritablement efficaces.

En Afrique, la solution du problème de l'emploi passe généralement par la promotion des petites et moyennes entreprises, de leurs organisations et des coopératives. Le BIT fera un effort particulier en faveur des petites entreprises car ce sont elles qui, en Afrique, créent la plupart des emplois. Il accordera aussi une attention particulière aux besoins des femmes, qu'elles soient salariées ou chefs d'entreprise. Des programmes à forte intensité d'emplois continueront à promouvoir l'esprit d'entreprise par le biais de la formation et d'accords de sous-traitance respectueux des droits fondamentaux des travailleurs. Diverses initiatives conçues par la région ou par le BIT visent à promouvoir l'emploi et la productivité dans le secteur informel et dans les petites entreprises. Les programmes Créez votre entreprise et Gérez mieux votre entreprise ont donné d'excellents résultats en Afrique orientale et australe. Un programme analogue (GERME) a été lancé en Afrique centrale et occidentale.

Vu que le secteur informel occupe une place très importante dans les économies africaines et que c'est dans ce secteur que travaillent la grande majorité des femmes et des enfants, le BIT encouragera systématiquement l'intégration de ce secteur, qu'il soit urbain ou rural, dans les politiques et programmes de développement. Ses interventions viseront à favoriser la création d'emplois indépendants et de microentreprises afin de combattre la pauvreté, à rendre plus efficientes les petites et microentreprises et à promouvoir la création ou le renforcement d'associations de travailleurs. Elles s'accompagneront de mesures destinées à améliorer la protection sociale ainsi que les conditions de sécurité et de santé, à promouvoir l'égalité entre hommes et femmes et à combattre le travail des enfants.
 

Programme focal de promotion de l'emploi par le développement
des petites entreprises

Ce programme vise à mobiliser les diverses compétences techniques du BIT pour promouvoir la création d'un grand nombre d'emplois de qualité dans les petites entreprises. Le BIT possède une vaste expérience de différentes questions qui intéressent ces entreprises, qu'il s'agisse de la façon de monter une affaire, des conditions de travail, du microcrédit, du développement du secteur informel, du cadre réglementaire et de la fiscalité, ou encore des différentes formes d'organisation et de représentation. Il compte mettre à profit cette expérience pour constituer un ensemble d'instruments qui favoriseront la création, dans des types d'entreprises très variés, d'emplois décents, respectueux de l'égalité entre les sexes. Pour ce faire, il faudra entreprendre des recherches sur différents sujets: fonctionnement et dynamique des petites entreprises, comportement face aux crises, facteurs influant sur la productivité, compétences et capacités, réseaux et relations interentreprises, formes de représentation et de dialogue. Il faudra étudier la manière dont les politiques visant à créer des emplois dans les petites entreprises peuvent contribuer à la réalisation d'autres grands objectifs, comme l'élimination du travail des enfants ou la garantie d'un niveau décent de protection et de sécurité. Il faudra accorder une attention particulière à la situation des femmes afin qu'elles puissent accéder à des emplois de qualité ou créer leur propre entreprise. Il faudra étudier et renforcer le lien entre la qualité des emplois, d'une part, et, d'autre part, le dynamisme, la productivité et la capacité d'innovation des entreprises. Il faudra aussi examiner les conséquences économiques et sociales des réglementations.

Différentes manières d'améliorer la situation économique des petites entreprises seront étudiées, par exemple: collaboration entre petits producteurs pour accroître la productivité, prendre pied sur de nouveaux marchés et améliorer les conditions de travail; appui accru aux petites entreprises dans les stratégies de développement industriel; possibilité donnée à ces entreprises de participer plus largement aux investissements de l'Etat dans l'infrastructure et les services. Les recherches qui seront entreprises dans le cadre du programme focal et les services qu'il offrira auront un double objectif: aider à la création et au développement d'entreprises solides; stimuler l'entreprenariat en développant les marchés potentiels des produits et services que les petites entreprises peuvent fournir.

En Afrique, il est particulièrement important de promouvoir l'emploi dans le secteur informel. Ce secteur continuera à employer pendant de longues années encore une part importante et croissante de la population active. Pour combattre la pauvreté, le programme doit aider les entreprises de ce secteur, soit en leur donnant accès à des services de crédit et d'appui propres à leur permettre de s'intégrer dans l'économie formelle, soit par des transferts directs et des efforts de promotion de l'emploi dans le cadre de programmes plus larges de lutte contre la pauvreté.

L'expérience acquise grâce à différents programmes régionaux ou interrégionaux (par exemple, ACOPAM, PA-SMEC, GERME, etc.) sera mise à profit, et les outils méthodologiques qu'ils ont permis de mettre au point seront largement utilisés.

Une grande importance sera accordée aux besoins spécifiques des femmes. Ainsi, une aide sera fournie aux travailleuses à domicile afin d'améliorer la qualité de leur emploi.

L'intégration régionale ou sous-régionale est considérée par les mandants africains comme une étape décisive vers une meilleure gouvernance et une croissance durable. Le BIT étudiera la possibilité de regrouper les diverses activités qu'il mène à l'appui de l'intégration régionale afin de les rendre plus visibles et plus efficaces.

Il appuiera les efforts qui sont actuellement faits au niveau régional ou sous-régional, qu'il s'agisse de renforcer les organisations régionales et sous-régionales, de promouvoir des cadres législatifs et réglementaires propres à favoriser l'emploi ou à faciliter la circulation des personnes et des biens, d'harmoniser les législations commerciales, de renforcer les capacités de négociation et la participation aux travaux des organisations économiques internationales ou encore d'encourager les échanges à l'intérieur de l'Afrique.

Le BIT renforcera sa coopération avec les organisations et institutions régionales et sous-régionales, notamment la Banque africaine de développement et la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique. L'accord signé entre l'OIT et la Communauté pour le développement de l'Afrique australe (SADC) va dans cette direction. Un nouvel élan sera donné à la coopération avec l'OUA, notamment avec sa Commission du travail et des affaires sociales.

Le BIT renforcera sa capacité d'analyser les tendances régionales, d'élaborer des politiques et de répondre rapidement aux problèmes qui se posent dans la région, notamment en matière d'ajustement et de développement. Il sera indispensable à cet égard de créer ou renforcer des bases de données sous-régionales sur l'emploi et le marché du travail.

Des programmes régionaux tels que Des emplois pour l'Afrique, GERME, ACOPAM ou PACDEL offriront un cadre cohérent pour une coordination sous forme de réseaux. Des informations sur l'expérience des différents pays participant à ces programmes seront largement diffusées.


3. Protection sociale pour tous

Dans la plupart des pays africains, les conditions de travail, la protection sociale ainsi que la sécurité et la protection de la santé des travailleurs laissent beaucoup à désirer, notamment en milieu rural et dans le secteur informel. L'utilisation croissante de nouvelles technologies, de produits chimiques et de pesticides, ainsi que l'aggravation de la pollution et de la dégradation de l'environnement, exposent les travailleurs à des risques d'autant plus graves qu'ils en sont généralement mal informés.

Par ailleurs, seule une infime partie de la population bénéficie d'une protection sociale. Dans certains pays, les systèmes de protection sociale couvrent moins du dixième de la population active, et cette couverture se limite à quelques risques. La majorité de la population travaille dans le secteur informel et dans le secteur rural où les problèmes sont multiples: chômage, absence de réglementations, rémunérations médiocres, exploitation des enfants, etc. L'utilisation de produits chimiques, la pollution et la dégradation de l'environnement mettent souvent en péril la santé des travailleurs.

Dans le secteur moderne, la non-observation d'un minimum de règles de sécurité sur le lieu de travail multiplie les risques d'accidents.

Le BIT encouragera les pays africains à se doter de mécanismes propres à améliorer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs ainsi que les conditions de travail, à faire en sorte que leurs systèmes de sécurité sociale soient plus efficaces, mieux gérés et financièrement viables, et à formuler des politiques et mettre en place des mécanismes propres à étendre le champ de la protection sociale.

Le BIT, par des services consultatifs et des services d'appui, s'attachera à renforcer la capacité des mandants d'élaborer et d'appliquer des politiques propres à améliorer les conditions et le milieu de travail ainsi que la sécurité et la protection de la santé des travailleurs. Il encouragera les gouvernements à faire participer les partenaires sociaux à l'élaboration des politiques et à l'identification des risques professionnels et s'emploiera à promouvoir à cette fin différentes structures (conseils consultatifs nationaux tripartites, comités d'entreprise et conseils paritaires pour la sécurité, délégués à la sécurité, systèmes de gestion des risques).

Le BIT s'attachera à promouvoir l'amélioration de l'hygiène, de la sécurité et de la protection de la santé des travailleurs, au niveau national et dans les entreprises, par la formation du personnel, des inspecteurs du travail, des médecins du travail, des spécialistes de l'hygiène et de la sécurité, etc.

Il appuiera la création de réseaux nationaux d'information qui seront en liaison avec le réseau régional et avec le Centre international d'informations de sécurité et de santé au travail. Il fournira une assistance technique pour faire mieux connaître les conventions et recommandations pertinentes et favoriser leur ratification et leur application.

La lutte contre le VIH/SIDA s'intensifiera par la mise en œuvre de programmes visant à prévenir la maladie et à combattre la discrimination à l'encontre des travailleurs séropositifs.

Les problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie sur le lieu de travail seront également pris en compte.

Une plus grande attention sera accordée à l'amélioration des conditions de travail dans le secteur informel, urbain ou rural.

Il est extrêmement important de prendre d'urgence des mesures pour améliorer et étendre les systèmes de protection sociale, vu que ces systèmes couvrent actuellement moins du dixième de la population dans la plupart des pays africains.

Les activités visant à promouvoir la réforme et le renforcement des systèmes de protection sociale se poursuivront: appui pour l'élaboration d'une législation appropriée, renforcement de la capacité des institutions de concevoir et de gérer des systèmes bien adaptés, identification des secteurs où des réformes sont nécessaires, formation du personnel.
 

Programme focal sur le travail sans risque: sécurité et productivité
par la protection des travailleurs et de leur santé

Les accidents et maladies liés au travail restent un grave problème dans la région. Les pertes économiques sont énormes et le coup porté aux familles et aux collectivités est incalculable.

L'action dans ce domaine est généralement entravée par le manque de connaissances et d'informations ainsi que par la capacité limitée des pays de concevoir et de mettre en œuvre des politiques et programmes efficaces. Des accidents industriels majeurs se sont produits dans la région, provoquant beaucoup de pertes humaines.

Les principaux objectifs du programme sont les suivants:

a) Protéger les travailleurs exposés à des conditions dangereuses: il s'agit que les Etats Membres élaborent et mettent en œuvre des politiques et programmes efficaces de prévention pour protéger les travailleurs qui exercent des métiers dangereux ou qui sont actifs dans des secteurs dangereux, compte tenu aussi de la nécessité de protéger l'environnement.

b) Assurer la protection des groupes vulnérables: il faut garantir une protection efficace aux groupes vulnérables de travailleurs qui n'entrent pas dans le champ des systèmes traditionnels.

c) Promouvoir la santé et le bien-être des travailleurs: les mandants doivent être mieux informés et mieux armés pour combattre les problèmes qui nuisent au bien-être des travailleurs, à leur santé et à la qualité de leur vie.

d) Montrer que la protection est rentable: il faut que les avantages sociaux et économiques de la protection des travailleurs soient documentés et reconnus par les responsables et les décideurs au niveau international, au niveau national et dans les entreprises.

Le programme suivra deux grands axes. Premièrement, il créera des alliances et des partenariats en lançant des activités qui pourront être mises à profit par les mandants de l'OIT, les organisations non gouvernementales et les groupes de défense des droits de l'homme pour mener des campagnes de sensibilisation et pour pousser les gouvernements à entreprendre une action énergique. Deuxièmement, il appuiera les efforts nationaux par un programme intégré d'assistance technique directe qui visera notamment à promouvoir des services de gestion et d'information qui aideront à prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles et à protéger la santé et le bien-être des travailleurs ainsi que l'environnement.

L'effort portera en priorité sur les emplois dangereux. Il visera les travailleurs exerçant des métiers très dangereux, les travailleurs particulièrement vulnérables en raison de leur sexe ou de leur âge et les travailleurs du secteur informel urbain qui, en général, ne bénéficient d'aucune protection en matière de santé.

En Afrique, le BIT favorisera l'identification tripartite des risques professionnels, la formulation de politiques appropriées et la création de structures tripartites consultatives. En collaboration avec l'OMS, il continuera à fournir son assistance technique pour la révision des lois et règlements dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail. Des activités seront entreprises en coopération avec divers organismes, dont le programme des Nations Unies contre le SIDA, pour combattre la discrimination dont sont victimes les travailleurs séropositifs ainsi que pour prévenir la toxicomanie et l'alcoolisme.

Avec l'appui du programme STEP (Stratégies et techniques contre l'exclusion sociale et la pauvreté), des méthodes d'élargissement progressif des régimes de sécurité sociale, afin qu'ils englobent de nouveaux risques et de nouvelles catégories, seront testées et appliquées et une grande importance sera notamment accordée à la solidarité locale (par exemple, mutuelle de santé).

Par des avis techniques et des services d'appui, le BIT veillera à ce que les problèmes de sécurité sociale soient pris en compte dans les programmes économiques et sociaux.
 

Programme focal sur la sécurité socio-économique

En Afrique, une large proportion de la population souffre d'une insécurité économique chronique. Un grand nombre de personnes n'ont aucune protection sociale et n'ont pas accès à des institutions qui pourraient les aider. Dans beaucoup de pays, les systèmes classiques de protection sociale fonctionnent mal. Du fait de la mondialisation, de la flexibilisation des marchés du travail et de l'essor du secteur informel, différentes formes d'insécurité socio-économique gagnent du terrain: de plus en plus de personnes et de collectivités n'ont pas accès aux grands systèmes de protection. Dans ces situations, ce sont les femmes qui sont le plus touchées. Ces tendances sont alarmantes. Pour l'OIT, la sécurité est au cœur de la justice sociale; l'insécurité engendre la peur, l'appauvrissement et des tensions sociales, et elle empêche les gens de réaliser leur potentiel en tant que travailleurs et en tant que membres de la société.

Pour promouvoir la protection sociale et combattre l'insécurité économique, le BIT aidera les responsables à concevoir des moyens d'aider les catégories généralement exclues des régimes classiques de sécurité sociale, à faciliter l'accès des groupes défavorisés aux services sociaux et à améliorer leur sécurité sur le plan du travail, et à permettre à la population dans son ensemble d'avoir son mot à dire dans la conception et le fonctionnement des politiques de protection sociale.

Le programme focal aidera à définir des moyens équitables et financièrement viables d'offrir une protection sociale à toutes les catégories de la société et il fournira des avis sur les avantages et inconvénients des différentes politiques pouvant être adoptées pour promouvoir la sécurité sociale et économique.

Comme la situation varie selon les catégories sociales, des enquêtes seront entreprises dans une sélection de pays de la région afin de permettre aux travailleurs et à leurs familles d'exprimer leurs besoins en matière de sécurité et leurs aspirations au sein de leurs collectivités. Cela aidera les pays à concevoir des politiques et à mettre en place des institutions qui pourront répondre à ces besoins et aspirations.

Vu que la sécurité des travailleurs dépend dans une grande mesure des pratiques des entreprises (y compris les entreprises agricoles), des enquêtes sur la sécurité et la flexibilité du travail dans les entreprises seront effectuées dans certains pays, à l'aide de la méthodologie utilisée dans de récentes enquêtes. En examinant les liens entre diverses formes de sécurité sur le lieu de travail et à l'extérieur, le BIT cherchera à promouvoir l'idée d'un niveau optimal de sécurité au travail et montrera que les entreprises industrielles et agricoles peuvent concilier efficience, dynamisme, rentabilité, flexibilité et sécurité au travail.


4. Renforcer le tripartisme
et le dialogue social

Les institutions démocratiques qui ont vu le jour dans la région après des décennies placées à des degrés divers sous le signe de l'autoritarisme ont encore à s'enraciner. Les consultations tripartites et le dialogue social, ingrédients essentiels d'une gouvernance démocratique, sont une totale nouveauté pour certains pays. Les structures et institutions tripartites qui ont été créées sont extrêmement fragiles et risquent de s'effondrer si l'Etat y voit une menace.

Il n'empêche que le processus de démocratisation en cours a beaucoup contribué à faire changer les relations au niveau institutionnel. La nécessité d'associer les organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs à la conception et à la mise en œuvre des politiques sociales et économiques est de mieux en mieux admise. La plupart des gouvernements ont confirmé leur volonté de gérer efficacement les affaires publiques en appliquant les principes d'une bonne gouvernance. Cette volonté se traduit par une participation accrue des organisations d'employeurs et des organisations de travailleurs aux décisions concernant les politiques sociales et économiques, dans le cadre de mécanismes consultatifs tripartites qui existent sous différentes formes dans différents pays. Néanmoins, ces consultations sont souvent irrégulières et insuffisantes compte tenu de la contribution potentielle du dialogue social au développement social et économique durable de l'Afrique.

Dans la plupart des pays, le dialogue tripartite reste peu développé. Il prend généralement la forme de consultations et ne porte que sur un nombre limité de questions. Bien que des efforts aient été faits pour lui donner un nouvel élan, les partenaires sociaux sont généralement exclus des mécanismes consultatifs de l'Etat. En outre, la plupart des ministères – le ministère du Travail fait exception – ne consultent pas les partenaires sociaux au sujet des questions sociales ou économiques qui les concernent. La marginalisation et la fragmentation progressives des ministères du Travail sont l'un des principaux obstacles au dialogue social. Dans la plupart des pays, ces ministères ont peu de pouvoir, ne sont guère considérés et leur image est plutôt médiocre. En outre, dans certains pays, les questions concernant le monde du travail ne relèvent pas d'un ministère du Travail mais d'un département d'un autre ministère, d'où la difficulté de promouvoir un dialogue social constructif.

En Afrique, les ministères du Travail sont en général peut ou mal dotés en personnel et ne disposent pas des ressources nécessaires pour mener à bien leur mission. Leur influence sur les grandes orientations des réformes économiques et sociales est relativement limitée et la confiance des organisations d'employeurs et des organisations de travailleurs est souvent mise à l'épreuve. C'est ce qui explique les blocages, les lenteurs, les réserves et les plaintes concernant la réforme de la législation du travail, la ratification et l'application des normes et le fonctionnement des services de l'emploi et de l'inspection du travail.

Dans certains pays, les organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs sont pratiquement absentes du secteur informel, urbain et rural, dans lequel travaillent pourtant la majorité des Africains.

Le BIT s'attache à aider les organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs à renforcer leur capacité de défendre les intérêts de leurs adhérents et de les représenter dans le dialogue social. Les mandants de tous les pays de la région seront encouragés à mettre en place des mécanismes consultatifs tripartites ou à les renforcer. De nouveaux partenariats et alliances stratégiques entre les mandants tripartites de l'OIT et certaines organisations de la société civile pourraient favoriser la réalisation des objectifs stratégiques de l'Organisation. Les partenaires sociaux devront déterminer ce qu'ils peuvent faire par eux-mêmes et ce qu'il est préférable de faire avec d'autres ou de laisser faire à d'autres.

Les organisations d'employeurs se trouvent confrontées à de grands défis du fait de la mondialisation et d'autres changements récents. L'évolution du marché du travail a beaucoup de conséquences pour elles. Dans la région, le secteur informel a aussi des répercussions sur leurs activités car les employeurs se plaignent de la concurrence «déloyale» des producteurs de ce secteur. L'essor de l'économie informelle ne saurait manquer d'avoir un impact sur l'activité des organisations d'employeurs.

Par ailleurs, elles doivent aider leurs membres à mieux comprendre comment évolue le cadre dans lequel ils opèrent et accroître la gamme des services qu'elles leur offrent.

Le BIT continuera à appuyer la restructuration et le renforcement des organisations d'employeurs. Une attention particulière sera accordée à la planification stratégique et à la formation dans le domaine de l'investissement, de la gestion des ressources humaines, de la promotion de l'entreprenariat et de la productivité, de la sécurité et de la santé au travail, ainsi que pour toutes les questions qui ont trait à la mondialisation et à la régionalisation. Le Centre de Turin apportera aussi son aide aux organisations d'employeurs sur le plan de la formation.

L'OIT voit dans les syndicats africains des partenaires essentiels du dialogue tripartite. Ils ont joué un rôle fondamental en traduisant les aspirations des travailleurs en stratégies cohérentes et structurées aux niveaux national, continental et international. Ils sont l'une des grandes forces qui luttent pour le respect universel des droits de l'homme et pour la justice sociale et qui défendent les valeurs de solidarité et de protection des plus faibles qui sont consacrées par la Constitution de l'OIT. Le BIT coopère avec les syndicats africains pour trouver des réponses novatrices et efficaces à de multiples problèmes. Il appuie les syndicats représentatifs, indépendants et démocratiques capables de participer efficacement au dialogue social et de défendre les droits des travailleurs, et soutient les efforts qu'ils font pour organiser les travailleurs du secteur informel et leur offrir des services.

Dans le cadre du programme des activités pour les travailleurs du Centre de Turin, le BIT octroie des bourses et des subventions afin de favoriser la participation des syndicalistes aux activités de formation. Celle-ci est appuyée et complétée par des recherches pratiques, par la diffusion de l'information à l'aide de nouvelles technologies et par la publication de guides et de manuels.

A l'instar des organisations de travailleurs et des organisations d'employeurs, tous les gouvernements de la région doivent faire face à l'évolution du monde du travail. Les ministères du Travail sont traditionnellement les interlocuteurs directs du BIT. Toutefois, les décisions de beaucoup d'autres ministères, notamment ceux des Finances, de l'Industrie et de la Planification, ont aussi une incidence sur les travailleurs et sur les employeurs. Le BIT doit donc coopérer avec plusieurs ministères en vue de promouvoir la cohérence des politiques qui ont une incidence sur le monde du travail.

Les efforts viseront principalement à renforcer la capacité des ministères du Travail d'assumer leur rôle, qui est de définir le cadre réglementaire et de fixer les règles du jeu pour le monde du travail, ainsi que celle des ministères des Finances, de l'Industrie et de la Planification d'élaborer et de mettre en œuvre des politiques économiques et des politiques de développement.

A la demande des gouvernements et des partenaires sociaux, le BIT fournira une assistance technique dans le cadre des projets et programmes déjà en cours. Pour que le dialogue social, bipartite ou tripartite, soit efficace, il faut que les ministères du Travail soient puissants et l'administration du travail moderne. Des avis techniques seront donnés aux gouvernements, aux organisations d'employeurs et aux organisations de travailleurs au sujet du dialogue social ainsi que sur d'autres questions (effets des réformes macroéconomiques sur l'emploi, sécurité sociale, formation professionnelle, etc.). Le BIT suivra également les processus de privatisation en cours dans la région afin d'identifier les meilleures pratiques, fondées sur un dialogue social authentique.

Par des études et des consultations, le BIT s'attachera à identifier les domaines dans lesquels le dialogue avec les partenaires sociaux devrait s'intensifier. Des efforts d'information et de sensibilisation seront entrepris en vue de promouvoir la ratification de la convention no 144 et d'autres conventions pertinentes.
 

Programme focal pour le renforcement du dialogue social

Il convient de renforcer les partenaires sociaux afin qu'ils puissent davantage influer sur la politique économique et sociale aux niveaux local, national et régional. En Afrique, le dialogue tripartite est peu développé et les organisations d'employeurs et de travailleurs n'ont qu'une influence limitée. Au-jourd'hui, la plupart des gouvernements marquent leur volonté d'améliorer leur gouvernance et d'associer davantage ces organisations à l'élaboration des politiques sociales et économiques. Le programme focal vise quatre grands objectifs.

La première priorité est que soient mieux reconnus les avantages du dialogue social, à la fois comme une fin en soi et comme un moyen indispensable pour la réalisation de l'ensemble des objectifs stratégiques de l'OIT. A partir de l'étude de différents exemples, le BIT s'efforcera de mieux cerner l'efficacité, les avantages et le coût du dialogue social et d'identifier les bonnes pratiques. Il lancera une grande campagne de sensibilisation, notamment dans les médias, afin que le dialogue social soit mieux accepté et davantage utilisé.

La deuxième priorité sera d'aider les organisations de travailleurs et les organisations d'employeurs à s'ouvrir, notamment aux femmes, aux jeunes et aux travailleurs du secteur informel. L'accent sera mis, dans le cas des syndicats, sur les techniques d'organisation dont l'efficacité est avérée et, dans le cas des employeurs, sur les relations avec les créateurs d'emplois (aussi bien les PME que les grandes entreprises). Dans un cas comme dans l'autre, il faudra exploiter avec efficacité les techniques de communication les plus modernes dans différents contextes et pour différents types d'organisation. Les ministères responsables de l'administration du travail, qui sont souvent très faibles en Afrique mais qui constituent le troisième pilier du tripartisme, devront se renforcer pour pouvoir jouer leur rôle capital dans la promotion du dialogue social.

Le programme focal contribuera à renforcer leur capacité d'offrir de meilleurs services, de promouvoir et faciliter le dialogue social et d'y participer.

Troisièmement, le BIT fournira des conseils pour l'amélioration qualitative et quantitative des services que ces organisations offrent à leurs adhérents: conception de services novateurs, établissement d'alliances, amélioration de l'administration interne, ouverture au changement, prise en compte de la dimension sexospécifique des problèmes, etc. Il faudra aussi renforcer la capacité des partenaires sociaux de participer efficacement aux débats nationaux et supranationaux sur la politique sociale et économique. Enfin, il faudra améliorer le savoir-faire en matière de conduite des organisations.

Dans le cadre du programme focal, le BIT s'attachera également à identifier, au sein des gouvernements, les points de contact clés qui s'occupent des questions relatives au monde du travail et des questions connexes, afin de créer des réseaux entre les différentes unités administratives ainsi qu'entre ces unités et les organisations d'employeurs et de travailleurs. Aux niveaux régional et international, il cherchera à renforcer les liens entre les décideurs et les représentants des travailleurs et des employeurs.

Quatrièmement, le BIT fera ressortir l'importance de solides institutions bipartites et tripartites en mettant en avant, à l'aide d'exemples, le rôle capital qu'elles ont joué (prévention et règlement des conflits, formes novatrices de négociation de branche ou d'entreprise, conseils économiques et sociaux et pactes ayant contribué de diverses manières à la paix sociale et à la croissance économique). Le BIT s'efforcera d'identifier les paramètres clés à l'origine de ces succès. Il examinera également la manière dont des alliances conclues avec d'autres groupes ont contribué au renforcement des partenaires sociaux à différents niveaux d'interaction.


 Conclusion

La réalisation des quatre objectifs stratégiques exige une bonne gestion de nos structures et systèmes. Cela suppose d'établir des liaisons appropriées entre le siège et le terrain, de renforcer notre capacité de répondre aux besoins des mandants tripartites dans divers contextes nationaux, de créer des capacités institutionnelles pour l'accumulation du savoir et de mettre en place des partenariats extérieurs.

Au siège, le Bureau a déjà été réorganisé en secteurs correspondant aux quatre objectifs stratégiques. Un examen des structures extérieures et de la politique de partenariat actif est en cours, et l'amélioration des interactions entre le siège et le terrain fera partie des principales questions à traiter.

Le budget pour la région Afrique s'organisera autour des quatre objectifs stratégiques, auxquels sont associés un certain nombre d'objectifs opérationnels. Ce processus de budgétisation stratégique sera axé sur l'établissement de cibles, le suivi des performances et l'évaluation de l'impact et des réalisations.

La coopération technique prendra la forme d'activités de sensibilisation, de recherches, de services consultatifs et de projets; son efficacité se trouvera renforcée par une participation accrue des mandants tripartites et d'experts locaux à nos activités.

L'OIT établira des partenariats avec les pays d'Afrique et avec la communauté internationale en vue de créer des conditions sociales et institutionnelles propices à une croissance équilibrée. Elle renforcera ses relations avec des organisations régionales ou sous-régionales telles que la Commission du travail et des affaires sociales de l'OUA, l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA), l'Organisation régionale africaine (ORAF) de la Confédération internationale des syndicats libres et la Confédération panafricaine des employeurs. Elle intensifiera ses contacts avec la Banque africaine de développement ainsi qu'avec le système des Nations Unies et les institutions de Bretton Woods. Nous devrons aussi réfléchir attentivement à la manière dont l'OIT peut entretenir de bonnes relations avec les ONG et la société civile.


1 Convention (no 29) sur le travail forcé, 1930; convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; convention (no 100) sur l'égalité de rémunération, 1951; convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957; convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973; convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999.


Pour tout renseignement complémentaire, s'adresser au Service des relations officielles (REL OFF) au tel: +41.22.799.7732, fax: +41.22.799.8944 ou par e-mail: RELOFF@ilo.org.


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