L'OIT est une institution spécialisée des Nations-Unies
ILO-fr-strap

89e session, 5 - 21 juin 2001

Rapport de la Commission de la promotion des coopératives

Rapport

Présentation, discussion et adoption
 

Original anglais: La PRESIDENTE — Nous allons maintenant passer à l’examen du rapport de la Commission de la promotion des coopératives, qui figure au Compte rendu provisoire no 18. Je donne la parole à Mme Supersad, membre gouvernementale, Trinité-et-Tobago, rapporteuse de la commission, qui va vous présenter le rapport.

Original anglais: Mme SUPERSAD (déléguée gouvernementale, Trinité-et-Tobago; rapporteuse de la Commission de la promotion des coopératives) — C’est pour moi un honneur que de vous présenter le rapport de la Commission de la promotion des coopératives, qui procédait à une première discussion. Cette commission a été dirigée avec beaucoup de talent et de sagacité par M. Pliszkiewicz, membre gouvernemental de la Pologne. Son excellent travail a trouvé son pendant dans celui du vice-président employeur des Philippines, M. Tan, et du vice-président travailleur, M. Patel, de l’Afrique du Sud. Nous qualifierons également d’excellents les contributions du représentant du Secrétaire général, M. Henriques et de son équipe du secrétariat, ainsi que le soutien apporté par Mme Doumbia Henry et M.Picard, qui étaient les conseillers juridiques.

La commission a tenu 14 séances et son rapport, qui contient les conclusions proposées par la commission, vous est soumis dans le Compte rendu provisoire no 18.

Reconnaissant les changements politiques, économiques et sociaux considérables qui ont affecté les coopératives du monde entier depuis l’adoption de la recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966, le Conseil d’administration, lors de sa 274e session en mars 1999, a décidé de porter à l’ordre du jour de la 89e session de la Conférence, pour une double discussion, la question de la promotion des coopératives. Le Conseil d’administration a estimé que l’élaboration de nouvelles normes universelles pourrait permettre aux coopératives de mieux développer leur potentiel d’autoassistance et d’accroître leur capacité à répondre à un nombre croissant de problèmes socio-économiques actuels, notamment le chômage et l’exclusion sociale. Cela leur permettrait également d’être plus concurrentielles sur le marché mondial.

Pour faciliter ces discussions, la commission a pu se référer aux rapports V.1 et V.2 de la Conférence. Ces rapports ont été très utiles grâce à leur analyse pertinente des questions relatives aux coopératives et à leur promotion. Les conclusions proposées, qui sont le fruit de nos débats, sont très différentes de la recommandation qui existe déjà. Elles consacrent les efforts déployés par les partenaires sociaux pour élaborer un instrument universel et équilibré. Les conclusions visent également à intégrer, pour reprendre les paroles du porte-parole des travailleurs, «les valeurs de l’Organisation». Ces valeurs se retrouvent dans le préambule des conclusions et renvoient à la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, 1998, et également aux conventions fondamentales liées à la liberté syndicale et à la protection du droit syndical, à la négociation collective et au droit d’organisation, au travail forcé et à la lutte contre la discrimination. Les valeurs de l’OIT apparaissent également dans le concept du travail décent, mentionné dans le préambule, et un peu plus loin, dans les directives établies par la commission afin que les Etats Membres élaborent des politiques visant à promouvoir les normes fondamentales du travail de l’OIT.

Les Etats Membres doivent également adopter des mesures sur la sécurité et la santé au travail et promouvoir l’égalité des sexes dans les coopératives et dans leurs activités.

Le groupe des employeurs s’est inquiété du fait que la commission se concentrait sur la situation de l’emploi plutôt que sur la promotion des coopératives proprement dites. La commission a estimé que le champ d’application de l’instrument proposé devait couvrir tous les types et formes de coopératives. La commission a également décidé d’une définition des coopératives, qui est une alliance heureuse entre les perspectives de l’OIT et celles de l’ACI, l’Alliance coopérative internationale. La coopérative est ainsi définie comme une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels par la création d’une entreprise dont la propriété est collective, en fournissant une quote-part équitable du capital nécessaire, en acceptant une juste participation aux risques et aux fruits de cette entreprise, et en participant activement à sa gestion démocratique. Cette définition a été ensuite renforcée par l’inclusion de valeurs et de principes largement reconnus.

Tout en appuyant le concept d’autonomie de coopératives, la commission a résolument invoqué le fait que les coopératives ne devraient pas être traitées plus favorablement que les autres types d’entreprises. Cette idée que les conditions devraient être identiques ne peut s’appliquer que dans des situations où les acteurs sont égaux. Ce type de situation n’existe en fait que dans les pays développés. Les coopératives sont des organisations uniques qui ont des objectifs socio-économiques distincts de ceux des entreprises privées. Les coopératives ne sont pas axées sur les bénéfices, mais sur les besoins et elles offrent également des prestations de services publics.

Pour reconnaître la nature particulière des coopératives, la commission a pensé que l’instrument proposé devrait encourager l’adoption de mesures particulières permettant aux coopératives, en tant qu’entreprises ou organisations inspirées par l’esprit de solidarité, de répondre aux besoins de la société, y compris à ceux des groupes défavorisés, afin de les insérer dans la société.

La commission a accordé une attention particulière à la définition du rôle de l’Etat dans la promotion des coopératives. La commission avait convenu que les Etats Membres devraient mettre en place une politique et un cadre juridique d’appui, conformes à la nature et à la fonction des coopératives et guidés par les valeurs et principes coopératifs. Les conclusions fixent des lignes directrices pour l’élaboration de politiques publiques et pour la définition des types de services d’appui dont devraient bénéficier les coopératives. La commission a estimé que l’Etat devait également promouvoir le rôle important des coopératives dans la transformation de ce que beaucoup d’entre nous ont appelé le secteur informel, pour en faire un secteur protégé sur le plan juridique et pleinement intégré à la vie économique.

Nous avons aussi essayé de définir au sein de la commission le rôle des organisations d’employeurs et de travailleurs et celui des organisations de coopératives et les liens qui les unissent. Concernant les organisations des travailleurs, la commission a pensé qu’elle pourrait jouer un rôle particulier dans l’établissement de nouvelles coopératives ayant pour but de créer ou de maintenir l’emploi, notamment lorsqu’il y a des projets de fermeture d’entreprises.

La commission a estimé que la mise en valeur des ressources humaines par le biais de l’éducation et de la formation était un outil important pour la promotion des coopératives. Elle a également considéré que l’Etat devait jouer un rôle non négligeable dans ce domaine. Les conclusions proposées ont donc précisé que les Etats Membres devaient adopter des mesures pour aider les coopératives à développer les capacités de leurs ressources humaines et leurs connaissances des valeurs du mouvement coopératif par l’éducation et la formation. Les politiques des gouvernements devraient aussi viser à développer les compétences professionnelles et techniques, les capacités de gestion et d’entreprise, la connaissance des potentiels commerciaux et les compétences générales en matière de politiques sociales et économiques des membres, des travailleurs et des directeurs. Elles devraient en outre viser à améliorer l’accès aux technologies de l’information et de la communication, et promouvoir l’éducation et la formation dans le domaine des principes et pratiques de coopération, à tous les niveaux appropriés des systèmes d’éducation et de formation ainsi que dans l’ensemble de la société.

Pour conclure mes remarques sur les travaux de notre commission, j’aimerais souligner que, suite à ses délibérations, celle-ci a inclus un certain nombre d’idées contemporaines dans ses conclusions. L’une a trait à la gouvernance des coopératives, l’autre au concept de régionalisation ou de régionalisme. Les Etats Membres ont d’ailleurs été priés d’élaborer, chaque fois que cela était possible, des lignes directrices régionales communes sur les coopératives afin de favoriser la coopération internationale.

A notre dernière séance, les Vice-présidents ont comparé notre commission à un genre de mini-coopérative où les personnes se rassemblaient volontairement pour participer activement et démocratiquement à une première discussion sur la promotion des coopératives. Notre président a été tellement inspiré par cette atmosphère de coopération et par les résultats fructueux de nos délibérations qu’il a conclu nos travaux par un chant, une excellente interprétation du célèbre hymne de Nouvel An cher à tous, Auld Lang Syne. Nous sommes maintenant devenus de vieilles connaissances et, j’en suis sûr, nous nous réjouissons tous à la perspective de nous retrouver pour la deuxième discussion, en 2002.

Je vous recommande d’adopter le rapport présenté par la Commission de la promotion des coopératives.

Original anglais: M. TAN (conseiller technique et délégué suppléant des employeurs, Philippines; vice-président employeur de la Commission de la promotion des coopératives) — Le rapport de la Commission de la promotion des coopératives dont nous proposons aujourd’hui l’adoption est d’une importance capitale. Il ne s’agit pas d’une simple question technique parmi tant d’autres sur l’ordre du jour de cette session de la Conférence. C’est une véritable innovation.

Le caractère et la portée universels du projet de recommandation vont mettre fin au régime établi par la recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966, sur laquelle les coopératives étaient considérées essentiellement comme des instruments de l’Etat aux fins du développement national. Lorsque sera adoptée une nouvelle recommandation applicable à tous les types de coopératives, dans tous les pays, quel que soit leur niveau de développement, la coopérative va faire son entrée dans le monde de la concurrence, motivée par les valeurs qui sont les siennes et soutenue par la solidarité de ses membres.

Tel est le monde des coopératives que nous espérons créer selon les lignes directrices définies par cette future recommandation au sens où il s’agit d’entreprises commerciales d’entraide organisées volontairement par des membres qui sont pour la plupart des travailleurs indépendants; en tant que telles, nous attendons des coopératives qu’elles deviennent des outils efficaces de création d’emplois de sorte que les chômeurs, les personnes sous-employées et, dans nombre de pays en développement, les personnes marginalisées, puissent améliorer leurs conditions d’existence.

Lors des quatorze séances de la commission, nous, employeurs, avons travaillé en fonction de cette définition, en gardant à l’esprit le mandat donné par le Conseil d’administration en mars 1999. Ce mandat était d’assurer la promotion des coopératives en tant qu’entreprises commerciales organisées par des adhérents dans leur intérêt mutuel.

Ce mandat était aussi de mettre à jour la recommandation no 127, et non pas de la remplacer par une Charte des droits des travailleurs des coopératives.

Toutefois, au début de nos travaux, nous avons failli nous perdre dans la jungle des normes et des autres mécanismes propres à cette Organisation.

La promotion des coopératives, pourtant au cœur de nos débats, a presque été marginalisée par une obsession de transformer la recommandation no 127 mise à jour en un instrument international concernant les normes du travail et les conditions de travail.

Heureusement, nous avons été remis sur les rails lorsque de nombreux gouvernements ont refusé de continuer les travaux de la commission si ceux-ci devaient garder ce caractère idéologique. Ce n’est qu’à partir de ce moment que nous avons avancé sans encombre vers la formulation des conclusions proposées, conclusions que les gouvernements, les travailleurs et les employeurs peuvent soutenir dans leur ensemble. Ce n’est pas que nous soyons hostiles aux droits des travailleurs et aux normes du travail. Loin de là. Mais il y a un temps pour tout et à chaque jour suffit sa peine.

Le temps n’est pas encore venu. Rien ne presse de surcharger les coopératives, en particulier leurs millions d’adhérents-propriétaires, par les obligations qu’entraînerait la mise en œuvre des conventions de l’OIT concernant les droits des travailleurs, conventions qui ne sont guère porteuses d’espoir, ni de signification, pour leur vie quotidienne.

Les conclusions proposées qui sont annexées au rapport traduisent le consensus des partenaires sociaux, fondé sur la détermination, le réalisme et le bon sens, dans l’élaboration d’une recommandation appropriée qui viendra remplacer la recommandation no 127.

D’une manière évidente, il ressort du texte définitif que nous sommes décidés à faire des coopératives des entités véritablement autonomes, libérées de la mainmise de l’Etat à laquelle nombre d’entre elles étaient soumises il n’y a pas si longtemps. C’est pourquoi les conclusions proposées sont suffisamment réalistes pour créer un environnement de libre concurrence qui ne sera pas moins favorable que celui dans lequel fonctionnent d’autres entreprises commerciales. Toutefois, parce qu’il tient compte du caractère particulier des coopératives en tant qu’organisations d’entraide ayant à la fois des objectifs économiques et sociaux, le texte est raisonnable dans sa façon de définir les droits et les devoirs d’une coopérative, c’est-à-dire une entreprise commerciale fondée sur le volontariat, gérée démocratiquement et visant essentiellement à améliorer la situation sociale et économique de ses membres.

Il est donc impératif de ne pas surcharger les coopératives par des obligations sociales et juridiques qui menaceraient leur autonomie.

Il faut libérer les coopératives des contraintes imposées par les gouvernements et par d’autres organisations. Nous devrions leur laisser

développer au maximum leur potentiel en matière de création d’emplois et d’intérêt général dans des domaines tels que les soins de santé, l’épargne, le crédit, la production agricole, la commercialisation, l’éducation, les assurances et toute une série d’autres services dont l’Etat s’est désengagé et que d’autres entreprises commerciales ne trouvent pas forcément attrayantes pour leurs investissements.

La recommandation proposée qui naîtra des discussions futures définira le rôle très important du gouvernement à cet effet, ainsi que le cadre juridique et politique des activités des coopératives.

Si, comme le dit le rapport, les règles du jeu sont les mêmes pour tous, de sorte qu’il n’y ait pas de traitement préférentiel pour les coopératives et qu’elles puissent concurrencer d’autres entreprises commerciales dans un marché ouvert; si, comme le prévoient les conclusions proposées, les gouvernements ne devaient exercer qu’une fonction de réglementation et laisser les coopératives agir comme elles l’entendent; si, comme nous l’avons compris dans les débats de la commission, les organisations de travailleurs limitent leur ingérence dans les activités des coopératives aux travailleurs qui ont avec ces coopératives une relation d’employé à employeur; si, comme il est stipulé dans les conclusions proposées, les organisations d’employeurs devaient, le cas échéant, s’élargir aux coopératives et leur fournir un appui dans les mêmes conditions qu’à leurs autres membres, alors nous pouvons pleinement soutenir ce rapport et nous demandons à la Conférence de l’adopter.

J’aimerais remercier maintenant le président et le secrétariat pour l’excellent travail qu’ils ont fourni à la commission. Je voudrais aussi rendre hommage au vice-président travailleur pour sa compétence et sa virtuosité, par lesquelles il nous a aidés à mener à bonne fin les travaux de cette commission. Je dis cela en toute sincérité, et comme le disait le poète «le parfum de la rose reste pour toujours dans la main de celui qui l’a offerte».

Original anglais: M. PATEL (délégué des travailleurs, Afrique du Sud; vice-président travailleur de la Commission de la promotion des coopératives) — Tout produit de qualité est le résultat des efforts d’une collectivité. Alors d’emblée je voudrais remercier le président de notre commission, le rapporteur, mon collègue employeur M. Tan, les nombreux gouvernements qui ont apporté des contributions utiles à la commission et le personnel du BIT qui a réalisé un travail remarquable. Le ton des discussions était positif et pratiquement toutes les conclusions ont été adoptées par consensus, ce dont nous nous félicitons. Le préambule des conclusions que le rapporteur vous a présentées renvoie à la Déclaration de Philadelphie, et notamment à ce passage de la Déclaration qui proclame que le travail n’est pas une marchandise.

Pendant plus de cinquante ans, l’OIT a cherché à défendre cette conviction fondamentale, une conviction qui a été menacée de plus en plus par les pressions incessantes de la concurrence dans une économie mondialisée. La Commission de la promotion des coopératives a reconnu et renouvelé son adhésion au principe selon lequel le travail n’est pas une marchandise et ne doit donc pas être traité comme telle. C’est valable non seulement parce que c’est une vérité universelle mais aussi parce que cette conviction est véritablement sous-jacente aux valeurs du mouvement coopératif lui-même.

Je suis très heureux de souligner l’appui du groupe des travailleurs aux excellentes conclusions que la commission a rédigées. Les conclusions sont exhaustives, équilibrées et contemporaines. C’est le premier instrument véritablement universel sur les coopératives — recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966. Le nouvel instrument proposé est universel dans les trois sens du mot. Il s’applique à toutes les sociétés, qu’elles soient en développement, en transition ou développées. Il s’applique à tous les types de coopératives et à tous les travailleurs au sein de ces coopératives, sans distinction.

La nature universelle des conclusions est appropriée dans un monde internationalisé où les barrières et où les obstacles aux transactions économiques disparaissent, un monde où les catégories et les distinctions anciennes ne sont plus valables.

A cet égard, nous avons besoin d’une protection sociale et d’une protection du travail pour tous les travailleurs dans tous les pays et, lorsque ceci est nécessaire, au niveau mondial.

L’instrument proposé reconnaît cette réalité pour le monde des coopératives. Les conclusions intègrent les valeurs de l’OIT à cet instrument. Le travail décent est devenu le cadre des activités de l’OIT. Par ce projet d’instrument, les coopératives sont pleinement intégrées dans ce cadre. Les conclusions renvoient à la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, aux conventions fondamentales de l’OIT et à toute une série de normes internationales du travail. Ainsi, l’instrument se fonde sur l’expertise et les connaissances distinctives de l’OIT, qui, dans les domaines de l’emploi, des normes, des relations professionnelles et la protection sociale sont incontestées. Cet instrument intègre l’avantage comparatif que l’OIT peut apporter au cadre international des coopératives. Cet instrument reflète également les valeurs et principes sur lesquels se fonde le mouvement coopératif et que l’OIT a maintenant entérinés. Ce sont les valeurs de la démocratie, de l’égalité, de l’autoassistance, de la responsabilité, de l’équité et de la solidarité. Ces principes comprennent notamment la participation économique des Membres, l’autonomie et la recherche du bien pour la communauté. Ces valeurs et principes donnent le ton philosophique et moral de cet instrument et influencent les aspects substantiels de l’instrument proposé. Les conclusions mettent l’accent sur le rôle d’appui que doit jouer l’Etat dans la promotion des coopératives. Parallèlement, ces conclusions reconnaissent l’importance de l’autonomie pour les coopératives, l’Etat ne doit soutenir les coopératives qu’en respectant leur indépendance. Les coopératives sont une forme d’organisation économique qui a vocation à promouvoir de façon explicite toute une série de politiques publiques. La caractéristique des coopératives, c’est que leur objectif supérieur n’est pas de réaliser le plus grand bénéfice possible ou de détenir la plus grande part sociale possible. Leurs objectifs comprennent ce que les économistes appelleraient le bien public, c’est-à-dire la promotion de l’emploi et le développement des communautés. Les conclusions reconnaissent ce fait et appellent les Etats Membres à donner des mesures de soutien pour permettre aux coopératives, en tant qu’entreprises et organisations inspirées par la solidarité, de répondre aux besoins de la société, et d’aider notamment les groupes et régions défavorisés à s’intégrer socialement. La promotion de l’emploi est spécifiquement identifiée comme le résultat clé de ces mesures de soutien.

Les conclusions comportent toute une gamme de mesures pratiques de soutien et de services propres à aider les coopératives. Entre autres, l’accès aux financements, aux investissements, aux programmes de développement des ressources humaines, services de consultants en matière de technologie et d’innovation, services de comptabilité et d’audit, services juridiques, d’imposition et de gestion informatisée. Le secteur non structuré a été une question qui a toujours préoccupé l’OIT, et cela depuis trente ans. Depuis peu, un consensus se dessine sur ce qui devrait être le cadre directeur des activités de l’OIT concernant le secteur informel.

A la Conférence internationale du Travail de l’an dernier, une série de conclusions a été adoptée qui définissait le rôle de la politique de l’Etat à l’égard du secteur informel pour transformer ces activités marginales en activité décente pleinement intégrée dans l’économie, et pour le faire cette année, où le plein consensus au sein de la commission permet de franchir une étape de plus, c’est-à-dire d’incorporer ce concept dans un projet d’instruments de l’OIT. Le texte reconnaît que les Etats Membres devraient promouvoir le rôle très important que jouent les coopératives pour transformer l’activité du secteur informel en une activité juridiquement protégée intégrée à la vie économique. Les conclusions représentent également un engagement réel vis-à-vis des valeurs de non-discrimination et appellent spécifiquement les Etats Membres à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes dans les coopératives et dans les activités de celles-ci. Cet engagement est important compte tenu du fait que les femmes représentent, dans de nombreux pays, la majorité des travailleurs des coopératives. Mais elles font très souvent l’objet de discrimination pour l’accès au crédit et au financement et n’ont pas la possibilité de devenir membres actifs à part entière ou de tenir un rôle de dirigeants dans les coopératives. L’égalité entre les sexes est d’une importance vitale pour permettre au mouvement des coopératives de mettre en pratique ses propres principes et d’apporter une contribution maximale à la société.

Les coopératives ont souvent une attitude progressiste en matière de politique de l’emploi, sont souvent les initiateurs de formes modernes de participation des travailleurs à la prise de décisions et entretiennent des liens très forts avec les syndicats. Cependant, au cours des discussions qui se sont déroulées pendant ces deux dernières semaines, nous avons entendu parler de cas où des coopératives sont créées tout simplement comme moyen de tourner les normes relatives à l’emploi et la législation du travail. Les conclusions traitent spécifiquement de ce phénomène et invitent les Etats Membres à promouvoir des politiques qui permettent d’éviter que des coopératives ne soient créées dans le but de ne pas appliquer la législation en matière de travail ou qu’elles ne soient utilisées pour pratiquer certaines relations de travail déguisées. Cette clause a été adoptée par consensus, ce qui prouve qu’au sein de la commission nous étions parfaitement conscients de la nécessité de s’attaquer à ce problème.

Le développement des ressources humaines est quelque chose qui a une importance critique dans le contexte du progrès social. Les conclusions retiennent un certain nombre de composantes du développement des ressources humaines, définissent pour ces politiques un cadre plutôt vaste qu’étroit. Le texte invite les Etats Membres à mettre en place des politiques pour la formation professionnelle et technique pour l’acquisition de compétences en gestion, en économie générale et en politique sociale. Ces connaissances devraient être développées parmi les travailleurs et les administrateurs de coopératives. Les conclusions insistent en outre sur la nécessité d’une formation aux principes et pratiques des coopératives dans la société en général et à tous les niveaux du système national d’éducation et de formation.

La mondialisation refaçonne le monde politique et économique et la société attache une plus grande importance à la transparence et à l’ouverture en matière de prise de décisions ainsi qu’à la participation, à l’imputabilité et à l’intégrité. C’est ce que l’on entend par «gouvernance» d’entreprise, un concept qui s’applique aux secteurs privé et public ainsi qu’aux institutions sociales. Le texte invite les Etats Membres à promouvoir les meilleures pratiques en matière de gouvernance d’entreprise ou dans les coopératives. Les conclusions reconnaissent le rôle important que les syndicats et les organisations d’employeurs peuvent jouer en encourageant et appuyant l’expansion des coopératives. Un certain nombre de mesures spécifiques sont évoquées, et les syndicats espèrent pouvoir établir un lien fort avec le mouvement coopératif et instaurer un soutien et une assistance mutuels.

Enfin, dans un monde où les frontières économiques disparaissent, les conclusions reflètent cette réalité. Elles en appellent à une coopération internationale plus grande et à la mondialisation de ce concept coopératif. Nous avons souscrit à ces conclusions, nous les appuyons car nous sommes persuadés que les coopératives sont importantes dans le contexte d’une économie mondiale, mais surtout à cause des valeurs fondatrices. Elles emploient environ 100millions de travailleurs à l’échelle mondiale et cela dépasse les 86millions de travailleurs qui sont employés par les multinationales dans le monde. Les coopératives ont connu un essor au XIXe siècle, procédant d’une vision de l’activité économique fondée sur des valeurs morales et éthiques et aussi sur l’idée que la production et la consommation des biens et services est compatible avec la promotion des valeurs humaines et de la solidarité entre les hommes.

Nous estimons que ces valeurs ont une place plus importante que jamais en cette ère marquée par la mondialisation.

M. PLISZKIEWICZ (conseiller technique gouvernemental, Pologne; président de la Commission de la promotion des coopératives) — Je suis très honoré d’avoir assumé au nom de la Pologne la présidence de la Commission de la promotion des coopératives. J’y vois la volonté de refléter le fait que la Pologne est un pays qui a une très longue tradition et une riche expérience dans le domaine du développement coopératif. Les coopératives, comme toutes les autres institutions et entreprises en Pologne, ont été confrontées durant la dernière décennie aux problèmes liés aux profonds changements des systèmes politique, économique et social. Elles participent toujours activement à la résolution des difficultés de la vie quotidienne bien connues dans les pays à économie de marché.

Je suis persuadé que le thème central des discussions au sein de la commission est d’une importance capitale pour ceux qui veulent relever les défis gigantesques qui se posent à nombre de Membres de l’OIT dans le domaine de l’emploi. Il est exact que les coopératives sont un outil précieux, générateur d’emplois tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Les coopératives s’avèrent utiles lorsqu’il s’agit de donner à l’individu les moyens de s’assumer et de tirer parti des opportunités qui s’offrent à lui en matière économique.

Comme nous le savons tous, la coopérative est une structure très efficace, à laquelle peuvent recourir des personnes qui souhaitent se regrouper pour poursuivre des objectifs économiques et sociaux communs. Les coopératives fondées sur les valeurs et les principes universellement reconnus existent sous différentes formes et à différents niveaux. Elles opèrent dans tous les secteurs socio-économiques, et s’adressent à de nombreux groupes de la société.

Grâce aux coopératives d’achat, de petites entreprises peuvent conjuguer leurs ressources ensemble et acquérir des biens et services à des conditions plus intéressantes qu’elles ne pourraient le faire séparément. En se regroupant en coopératives de vente, les petites entreprises peuvent réaliser des économies d’échelle et atteindre un pouvoir de négociation sans lequel elles ne pourraient faire face à la concurrence du marché. Parfois aussi, le recours à la formule coopérative permet à de petits exploitants ruraux d’acquérir ensemble un équipement onéreux auquel aucun d’eux ne pourrait prétendre séparément. Les coopératives permettent aussi à des ménages de se regrouper pour créer, par exemple, des coopératives de consommateurs, de logement, d’épargne ou de crédit, qui répondent mieux à leurs besoins. De plus, les coopératives ont fait la preuve de leur efficacité lorsqu’il s’agit de satisfaire les besoins des groupes défavorisés et marginalisés, ce que la commission a reconnu de manière explicite dans les conclusions qu’elle propose.

La commission a donné une définition pertinente de la coopérative, qui réunit des éléments de la définition de l’Alliance coopérative internationale et des conclusions proposées par le Bureau international du Travail. Nous estimons que cette définition peut être d’une grande utilité pour les Etats Membres lorsqu’ils poursuivront leurs efforts de promotion du potentiel des coopératives. Les discussions de la commission ont par ailleurs mis en lumière l’importance capitale du contexte politique et législatif, et ont donné des pistes concrètes sur ce qui devait constituer la base de ces politiques et de leur mise en œuvre.

La discussion a également souligné la nécessité de fournir des services d’appui appropriés et a montré à quel point il est important, pour ce faire, de créer des structures coopératives intégrées.

C’est avec une grande joie et satisfaction que je vous informe que les travaux de la commission se sont déroulés de manière très satisfaisante, dans un esprit de dialogue et de consensus. Je constate que le rapport et les conclusions proposés témoignent de la qualité de nos discussions, dont les fruits s’avèrent constructifs et orientés vers l’avenir. Ces discussions augurent bien de la mise au point définitive, le moment venu, d’une recommandation qui permettra d’orienter les Etats Membres utilement et de façon durable dans les efforts qu’ils déploient pour résoudre les problèmes de l’emploi, du chômage et de l’exclusion par la promotion des coopératives.

Le déroulement très satisfaisant de nos travaux est à l’évidence dû au professionnalisme et à l’esprit de coopération dont ont fait montre toutes les parties tout au long de nos délibérations. Je souhaite donc adresser mes plus sincères remerciements à tous ceux qui, sous une forme ou une autre, ont contribué au succès des travaux de la commission. Je tiens en particulier à exprimer ma profonde gratitude à M. Ancheta Tan, vice-président du groupe des employeurs, et à M. Ebrahim Patel, vice-président du groupe des travailleurs. Ils m’ont tous deux beaucoup aidé à conduire les travaux de la commission à un rythme adapté au programme de la Conférence, et à maintenir les débats au bon niveau. Ils m’ont beaucoup impressionné par leur profonde connaissance du sujet, et par les qualités humaines exemplaires dont ils ont fait preuve, notamment dans les moments difficiles de nos discussions.

J’aimerais également exprimer mes remerciements les plus sincères aux représentants gouvernementaux qui sont présents dans cette salle. J’ai bénéficié d’une aide et d’un soutien sans réserve de leur part dans l’accomplissement de ma tâche de Président de la commission.

Je tiens à remercier tous les membres et tous les participants du comité de rédaction, et notamment M. Wolas, représentant gouvernemental de la France, M. Moorhead, qui représentait le groupe des employeurs, et M. Patel, représentant du groupe des travailleurs.

C’est dans une large mesure à Mme Supersad, représentante gouvernementale de la Trinité-et-Tobago, que nous devons l’adoption, dans un laps de temps très court, d’un rapport qui reflète les idées et les suggestions des membres de la commission, et qui sera certainement utile lors des prochaines discussions.

J’aimerais aussi remercier M. Henriques et tous les membres de son équipe pour la documentation extrêmement utile et éminemment technique qu’ils ont préparée, pour leur appui technique au cours du travail de la commission, et pour les excellents services de secrétariat, de traduction et d’interprétation dont a bénéficié la commission.

Les rapporteurs et les vice-présidents de la commission vous ont déjà présenté le déroulement de nos travaux et les documents adoptés par la commission. Pour ma part, je vous demande de bien vouloir adopter les documents soumis par la Commission de la promotion des coopératives. Je vous remercie de votre attention.

Original anglais: La PRESIDENTE — Nous allons maintenant entamer la discussion générale sur le rapport de la Commission de la promotion des coopératives.

M. ATTIGBE (conseiller technique des travailleurs, Bénin) —Avant d’exprimer mon appréciation pour le travail de la Commission de la promotion des coopératives, je voudrais réitérer toute mon admiration pour la manière dont Madame la Présidente conduit les débats de notre Conférence.

Permettez-moi d’exprimer toute ma satisfaction à l’équipe qui a dirigé les travaux de la commission, ainsi qu’aux membres de cette commission, pour la discipline et l’esprit de compréhension et de tolérance qui ont caractérisé les travaux.

Les coopératives font partie de ce que l’on appelle aujourd’hui le secteur de l’économie ou de l’économie sociale. C’est pourquoi, la commission a estimé, en premier lieu, que l’instrument qui sera adopté doit apporter un plus aux coopératives c’est-à-dire contribuer qualitativement à leur promotion.

Les coopératives ne doivent pas constituer pour nous des entités où les droits des travailleurs ne sont pas respectés mais des unités modèles où l’éthique du travail devrait prévaloir par-dessus tout.

Une attention particulière devrait être accordée à la formation et à l’intégration des démunis et des marginalisés de notre société. Heureusement, cette approche a été partagée par tous les membres de la commission tout le temps. C’est pour cela que je voudrais, avec votre permission, demander à notre assemblée de bien vouloir adopter le rapport de la commission.

Original anglais: M. AMPIAH (délégué des employeurs, Ghana) — C’est pour moi un immense plaisir de vous faire part de quelques réflexions au nom des employeurs africains qui ont siégé à la Commission de la promotion des coopératives.

Le rapport de la commission, qui vient après la recommandation de 1998 sur la création d’emplois dans les petites et moyennes entreprises, renforce encore la priorité que l’OIT et que la Conférence accordent à la nécessité de créer des emplois pour les nombreux chômeurs des économies en développement en Afrique et ailleurs. Cette stratégie peut venir en aide à ces chômeurs et éviter leur exclusion sociale et économique.

L’esprit de respect mutuel et la maturité, dont ont fait preuve les partenaires sociaux au sein de la commission, ont permis aux membres de parvenir à un rapport et un projet de conclusions qui, j’en suis certain, passeront l’épreuve du temps et aideront à développer les coopératives en leur permettant de jouer le rôle attendu d’elles comme entreprises.

Ce rapport est le résultat d’un débat très vif qui a eu lieu dans le contexte des échecs qu’ont connus les coopératives depuis l’adoption de la recommandation no 127, il y a de cela trente ans.

L’optique protectionniste des coopératives de l’époque, associée à des interventions directes de l’Etat a rendu les coopératives incapables de fonctionner dans le monde d’aujourd’hui où la durabilité des entreprises passe inévitablement par la compétitivité.

C’est pourquoi, le groupe des employeurs a toujours demandé que toutes les entreprises, y compris les coopératives, soient traitées sur un pied d’égalité. D’ailleurs, l’histoire des entreprises nous montre que ce sont les entreprises qui ont été protégées par des subventions et des taxes qui n’ont pas pu se maintenir en place avec la libéralisation des échanges. Cette expérience historique est toujours vraie aujourd’hui.

Pour permettre aux coopératives de survivre et de jouer leur rôle socioéconomique, la plupart des obstacles à leur croissance ont été évoqués dans le rapport et les conclusions.

J’espère qu’au stade suivant le débat sur le projet de recommandation fera dissiper tout voile de protectionnisme pour que les coopératives puissent vraiment faire face aux forces du marché.

Le rapport et les conclusions ont donné aux Etats Membres un nouveau rôle à jouer comme facilitateur plutôt qu’en intervenant pour contrôler les coopératives.

Nous remercions l’Alliance coopérative internationale pour les sept principes qu’elle a mis en place. Le rôle des employeurs et des travailleurs a également été spécifié dans le document.

En Afrique subsaharienne, nous ne pouvons pas attendre qu’on ait mis la dernière main au rapport et aux conclusions. Ce rapport va être mis en application immédiatement. Nous devons rentrer chez nous, gouvernements, employeurs, travailleurs et tout de suite appliquer le rapport et les conclusions. Nos populations ne peuvent pas attendre; nous faillirons à notre devoir si nous ne mettons pas en pratique immédiatement ces dispositions parce que c’est là un message d’espoir.

Au nom de la délégation africaine, je voudrais féliciter M.Pliszkiewicz, notre président, membre gouvernemental de la Pologne, et les deux vice-présidents, M. Tan, membre employeur des Philippines, et M. Patel, membre travailleur de l’Afrique du Sud, ainsi que tous les membres de la commission; nous voudrions également dire notre profonde reconnaissance à l’OIT et à l’OIE qui ont véritablement rendu un immense service à l’humanité.

Original anglais: M. ERIXON (conseiller technique des employeurs, Suède) — La tâche assignée à la Commission de la promotion des coopératives était précisément de promouvoir les coopératives. Cependant, le travail de cette commission a mené à des conclusions qui constituent la base d’une nouvelle recommandation et s’écartant des objectifs qui étaient indiqués.

Je voudrais vous faire part de nos préoccupations en ce qui concerne ces conclusions et notre activité pour l’année prochaine et cela par rapport à quatre aspects différents.

Les conclusions mettent l’accent sur les politiques sociales et les normes de travail au sein des coopératives. Celles-ci sont déjà, ou du moins devraient être déjà couvertes par les politiques sociales et les normes de travail conformément aux législations nationales et les instruments internationaux déjà ratifiés par les Etats Membres. Cette introduction d’une nouvelle recommandation servirait seulement à rendre ce document beaucoup trop lourd, inefficace et compliqué. Ce serait donc une contribution négative à la promotion des coopératives.

Deuxièmement, le début de nos travaux à la commission et les réponses reçues de la part de nombreux Etats Membres montraient l’existence d’une tendance générale que je déplore, tendance qui, à mon avis, aboutirait à se décharger de certaines responsabilités sociales sur les coopératives. Evidemment, il est parfaitement normal que les coopératives se préoccupent des questions sociales. Cependant, cela devrait être le choix propre de la coopérative et devrait être conforme aux objectifs qu’elle s’est assignés. La tendance à considérer les coopératives comme une sorte de panacée pour tous les problèmes sociaux est, à mon avis, négative et nuisible aux objectifs que nous poursuivons, à savoir la promotion des coopératives. C’est cela qui devrait être notre objectif et non pas les effets secondaires possibles dans d’autres domaines.

Troisièmement, les conclusions laissent aux gouvernements la possibilité d’accorder aux coopératives un traitement préférentiel et cela de diverses manières. Les points de vue exprimés par certains gouvernements et par les travailleurs semblent être basés sur une méconnaissance des réalités économiques. Les coopératives sont quelquefois considérées comme des organisations à but non lucratif mais cela ne veut pas dire qu’elles ne génèrent pas des excédents ou une valeur ajoutée comme résultat de leurs activités économiques, c’est-à-dire des bénéfices. Si elles ne le faisaient pas, toute leur activité économique serait inutile et contre-productive. Ainsi, en ce qui concerne le rôle des coopératives dans une économie de marché, il est vital que le principe de liberté d’action pour tous les acteurs économiques soit maintenu. En plus, pour les coopératives elles-mêmes, les politiques nationales de traitement préférentiel au niveau du marché seront plutôt négatives si l’on veut promouvoir l’efficacité, la productivité et la compétitivité, et à cet égard les conclusions laissent beaucoup à désirer.

Enfin et surtout, la probable nouvelle recommandation est censée traiter du rôle des coopératives locales dans une économie mondialisée. Je voudrais attirer votre attention sur l’aspect émotionnel que suscite l’expression «mondialisation». Celle-ci semble avoir remplacé le mot «capitalisme» et devient maintenant responsable de tous les malheurs économiques et sociaux de ce monde. J’espère que dans ce contexte, le concept de mondialisation sera traité de manière compatible avec une économie de marché et la liberté des échanges. Autrement, le consensus qui s’est manifesté au sein de la Conférence en serait affecté.

Pour ces raisons, je pense qu’une nouvelle recommandation devrait supprimer tous ces éléments qui nous paraissent aberrants et superflus. Sans eux, nous pourrions alors la soutenir.

Original espagnol: M. DE ARBELOA (conseiller technique et délégué suppléant des employeurs, Venezuela) — Au nom des employeurs d’Amérique latine, et avec la collaboration de MlleIglesias, membre employeur d’Uruguay, je voudrais, dans un premier temps, féliciter tout particulièrement M. Tan, notre porte-parole ainsi que M. Muia, notre collaborateur, qui ont fait un travail tout à fait remarquable dans le cadre des travaux fort complexes et approfondis de notre commission sur la question de la promotion des coopératives.

Nous sommes conscients du rôle important que les coopératives peuvent jouer dans le monde du travail, en fonction des caractéristiques et des nécessités de chaque pays. Et c’est pour cette raison que nous estimons que leur promotion doit exclusivement s’inscrire dans le cadre d’une recommandation. Celle-ci devrait être simple, souple et pratique et en outre, conforme à la nouvelle politique normative de l’OIT, ce qui garantirait son application la plus large, tout en respectant toujours les pratiques et les coutumes nationales et l’esprit du mouvement coopératif international.

Cette recommandation devrait nous donner des orientations générales et claires en matière de politique et de législation, mais sans pour autant approfondir des questions qui sont réellement étrangères à la promotion des coopératives. A cet égard, nous constatons, non sans préoccupation, que l’on a constamment fait référence, dans les discussions, aux droits des travailleurs sans distinguer clairement entre le statut de membre de la coopérative et celui d’employé.

Dans ce sens, je dois souligner la conviction que partagent tous les employeurs d’Amérique latine avec l’Organisation internationale des employeurs, l’OIE, à savoir que, sans entreprises ni travail productif, les droits des travailleurs n’existent ni ne peuvent exister.

Par conséquent, nous devons insister sur le fait qu’il faut laisser à la législation et à la pratique nationales les questions d’application et la réglementation des aspects les plus spécifiques, de manière à promouvoir les coopératives d’une manière constructive et universellement acceptée.

Il est également important que le texte de la future recommandation renforce la nature autonome et démocratique des coopératives, sans que cette autonomie implique que les coopératives seront, de quelque façon que ce soit, traitées différemment d’autres types d’entreprises.

Enfin, les employeurs d’Amérique latine sont confiants que l’année prochaine, une recommandation verra le jour qui tiendra compte des points que j’ai ici très rapidement évoqués —ycompris les conditions nationales et internationales—, et qui établira un juste équilibre entre le contexte économique et les nécessités sociales.

Je demande à mes collègues d’adopter ce rapport.

Original anglais: Mme ANDREW (conseillère technique des employeurs, Canada) — Je suis heureuse de pouvoir m’exprimer ici au sujet de notre première discussion sur le rapport de la Commission de la promotion des coopératives. Les employeurs s’inquiètent de voir que les normes du travail et les droits des travailleurs occupent une place trop prédominante dans ce document. Dans un instrument censé se concentrer sur la promotion des coopératives, cela réduit à néant la contribution positive de ce document. Les employeurs sont préoccupés par le fait que le concept de travail décent, tel qu’il apparaît dans le rapport, ne soit pas défini. Si cela n’est pas corrigé, il est à craindre que l’interprétation future de l’application de ce terme dans les Etats Membres de l’OIT ne pose problème. Les employeurs estiment que la commission a travaillé sans avoir une idée très précise du fonctionnement des coopératives, partant de l’hypothèse que la plupart d’entre elles sont de petites organisations, survivant difficilement et à vocation sociale. Or, étant donné que certaines coopératives sont des organisations commerciales de grande taille ne nécessitant pas un soutien spécial, nous nous opposons à l’idée qui est reprise maintes fois dans le rapport à savoir qu’il faut fournir à cette forme d’organisation une assistance financière spéciale ou un autre type d’assistance exclusive. Les employeurs continueront à insister pour qu’il soit précisé clairement qu’un soutien doit leur être apporté dans des conditions égales ou comparables à celui dont bénéficient d’autres formes d’organisations, de façon à empêcher les gouvernements d’utiliser l’argent du contribuable pour créer des distorsions dans les échanges commerciaux.

Sur un point connexe, les employeurs estiment que tout instrument relatif à la promotion des coopératives doit fonctionner en parallèle avec la recommandation importante de l’OIT (nº 189) sur la promotion des petites et moyennes entreprises. Etant donné que celles-ci sont les principaux créateurs d’emplois dans la plupart des économies, il serait illogique que les politiques relatives aux coopératives aient pour effet de diminuer leur potentiel.

Le rapport de la Commission de la promotion des coopératives est le résultat du travail diligent fait lors de la première discussion conduite au sein de notre commission tripartite. Nous espérons, et nous avons confiance, que ses insuffisances seront corrigées au cours des réunions de l’année prochaine, de façon qu’en qualité d’employeurs, nous puissions lui accorder tout notre soutien.

Je saisis cette occasion pour remercier toutes les personnes qui ont apporté leur contribution.

Original anglais: La PRESIDENTE — Nous allons maintenant procéder à l’adoption du rapport de la commission, en commençant par le rapport lui-même, c’est-à-dire le résumé des discussions qui figure aux paragraphes 1 à 328. S’il n’y a pas d’objections, je considérerai que le rapport est adopté.

(Le rapport — paragraphes 1 à 328 — est adopté.)

Nous passons maintenant à l’adoption, partie par partie, des conclusions proposées.

(Les conclusions proposées — paragraphes 1 à 20 — sont adoptées.)

Nous procédons maintenant à l’adoption de la résolution concernant l’inscription à l’ordre du jour de la prochaine session ordinaire de la Conférence de la question intitulée «Promotion des coopératives». S’il n’y a pas d’objections, je considérerai que la résolution est adoptée.

(La résolution est adoptée.)

Nous avons donc examiné le rapport, les conclusions proposées et la résolution présentés par la Commission de la promotion des coopératives. J’aimerais remercier le président, les vice-présidents, la rapporteuse, les autres membres de la commission, de même que le secrétariat et son personnel pour l’excellent travail qui a été fait.

Mise à jour par HK. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 June 2001.