L'OIT est une institution spécialisée des Nations-Unies
ILO-fr-strap

88e session, 30 mai - 15 juin 2000


Rapport VI (1)

Sécurité et santé dans l'agriculture

Sixième question à l'ordre du jour


Bureau international du Travail  Genève

ISBN 92-2-211517-1
ISSN 0251-3218


TABLE DES MATIÈRES

Introduction

Chapitre I: Vue d'ensemble

Chapitre II: Dispositions législatives en matière de sécurité et de santé dans l'agriculture

Chapitre III: Administration et mise en application de la législation nationale

Chapitre V: Activités de l'OIT concernant la sécurité et la santé dans l'agriculture

Questionnaire

Annexe I:

Annexe II:


INTRODUCTION

Le présent rapport sur la législation et la pratique a été établi par le Bureau pour donner suite à la décision prise par le Conseil d'administration, lors de sa 271e session(1) (mars 1998), d'inscrire une question concernant la sécurité et la santé dans l'agriculture à l'ordre du jour de la 88e session de la Conférence internationale du Travail, en l'an 2000.

Ce rapport fait le point de la législation et de la pratique existant dans les Etats Membres de l'OIT en matière de sécurité et de santé dans l'agriculture. Le terme "législation" est utilisé ici dans son sens large et comprend les lois, règlements, recueil de directives pratiques et autres instruments similaires à caractère législatif ou réglementaire. Les codes du travail généraux comme les lois spécifiques qui traitent de la sécurité et de la santé au travail sont examinés. Chaque fois que possible, le rapport tente d'analyser l'application de la législation sur la base des informations disponibles. Son contenu se fonde sur les renseignements fournis par les Etats Membres dans le cadre d'une enquête, sur ILOLEX, la base de données législatives du BIT, sur CISDOC, la base de données du BIT sur la sécurité et la santé ainsi que sur d'autres sources disponibles au BIT à Genève.

Le temps imparti pour l'établissement du rapport étant limité et plusieurs réponses des Etats Membres à l'enquête étant en retard, le rapport a été achevé alors que certaines réponses n'avaient pas encore été reçues. Il ne prétend pas passer en revue la législation pertinente dans chacun des Etats Membres de l'OIT, mais se borne à donner des exemples de lois nationales dans le monde de manière à présenter au lecteur un échantillon représentatif des questions que soulèvent la législation et la pratique actuelles en matière de sécurité et de santé dans l'agriculture. Toute information supplémentaire que les Etats Membres pourraient fournir pour aider le Bureau à donner un aperçu plus complet de la législation nationale serait très appréciée.

Un questionnaire fondé sur l'évaluation précitée figure à la fin du rapport. Il a pour objet de demander aux Etats Membres de faire connaître au Bureau leur avis pour la portée et le contenu de l'instrument (ou des instruments) proposé(s), après avoir consulté les organisations d'employeurs et de travailleurs les plus représentatives.

Compte tenu de l'ampleur du secteur agricole, il conviendrait que les réponses soient préparées en consultation avec les divers ministères et institutions dont les compétences s'étendent à l'agriculture, notamment les ministères de l'Agriculture, de la Santé et de l'Environnement.

Notes

1. Document GB.271/4/1, paragr. 274.

 


CHAPITRE I

VUE D'ENSEMBLE


La moitié de la population active à l'échelle mondiale est occupée dans l'agriculture et on estime à 1,3 milliard le nombre de travailleurs qui, dans le monde, participent à la production agricole. La part de la main-d'œuvre agricole dans l'ensemble de la population exerçant une activité économique est inférieure à 10 pour cent dans les pays développés et est égale à 59 pour cent (voir figure 1) dans les pays en développement(1).

L'agriculture est un des secteurs où le risque d'accident est le plus élevé, tant dans les pays en développement que dans les pays industrialisés. Il compte, avec l'extraction minière et la construction, parmi les trois secteurs les plus dangereux. Les estimations du BIT pour 1997 indiquent qu'à l'échelle mondiale, sur 330000 accidents mortels sur le lieu du travail, 170000 concernaient des travailleurs agricoles(2). Le recours croissant aux machines et aux pesticides et autres produits agrochimiques a aggravé les risques. Dans plusieurs pays, le taux des accidents mortels dans l'agriculture est double du taux moyen pour tous les autres secteurs réunis. Ce sont les machines telles que les tracteurs et les moissonneuses qui sont à l'origine des taux les plus élevés d'accidents mortels et de lésions. L'exposition aux pesticides et autres produits agrochimiques constitue un risque professionnel majeur pouvant entraîner l'empoisonnement et la mort et, dans certains cas, un cancer d'origine professionnelle et des déficiences de l'appareil reproducteur.

Par suite des insuffisances et du caractère hétérogène des systèmes d'enregistrement et de déclaration, les données officielles concernant l'incidence des accidents du travail et des maladies professionnelles sont imprécises et notoirement sous-estimées dans tous les secteurs de l'économie. Dans le cas du secteur agricole, la sous-déclaration est encore plus manifeste. Elle s'explique en partie par les difficultés du diagnostic des maladies professionnelles et liées au travail et de la détermination de la situation des travailleurs agricoles au regard de l'emploi (indépendants, ouvriers aux pièces, travailleurs à temps plein ou à temps partiel, travailleurs saisonniers, temporaires ou migrants, etc.).

Comparés aux travailleurs d'autres secteurs, les travailleurs agricoles sont sous-protégés. Ils connaissent des taux d'accidents mortels et non mortels sensiblement plus élevés que les autres travailleurs et disposent de très peu de sources d'indemnisation. Dans de nombreux pays, les travailleurs agricoles sont exclus de tout régime de prestations ou d'assurance pour les accidents du travail. Les agriculteurs indépendants sont rarement inclus dans les systèmes d'enregistrement et de déclaration et n'ont accès aux prestations de sécurité sociale que s'ils cotisent à titre personnel à des régimes d'assurance volontaire. Les groupes les plus vulnérables sont les travailleurs de l'agriculture familiale de subsistance, les travailleurs journaliers des plantations, les travailleurs saisonniers ou migrants, les femmes et les enfants qui travaillent. Les travailleurs temporaires sont particulièrement vulnérables. Ils sont davantage exposés aux risques d'accidents du travail que les autres travailleurs agricoles et sont moins bien rémunérés. Les travailleurs migrants peuvent en outre être confrontés à des problèmes de langue et à des problèmes culturels au travail et dans leur vie quotidienne.

Une des difficultés, lorsqu'on considère l'agriculture, est qu'il s'agit d'un secteur extrêmement complexe et hétérogène. On y rencontre un certain nombre de situations spécifiques qui diffèrent d'un pays à l'autre et entre pays développés et en développement – depuis l'agriculture fortement mécanisée dans les plantations jusqu'aux méthodes traditionnelles dans la petite agriculture de subsistance. Le terme "agriculture" recouvre non seulement les activités agricoles mais aussi de nombreuses autres activités associées, telles que le traitement et le conditionnement des récoltes, l'irrigation, la lutte contre les parasites, le stockage des céréales, l'élevage, la construction et les tâches domestiques (transport de l'eau ou du bois à brûler, etc.). Une des caractéristiques distinctives du travail agricole est qu'il s'effectue dans un environnement rural où il n'existe pas de distinction nette entre les conditions de travail et les conditions de vie. Le travail agricole s'exerce à la campagne et est donc soumis aux risques sanitaires de l'environnement rural ainsi qu'à ceux qui sont inhérents aux procédés de travail spécifiques mis en œuvre. La majeure partie du travail agricole est effectuée à l'extérieur. Il s'ensuit que les travailleurs agricoles sont dépendants, pour l'exécution de leurs tâches, des changements météorologiques. Ce facteur non seulement a une incidence négative sur l'efficacité des opérations mais affecte aussi les conditions de travail en les rendant difficiles et dangereuses (par exemple, un orage pendant la moisson, une rafale de vent soudaine pendant l'épandage d'insecticides, etc.).

Dans les pays en développement, un grand nombre d'habitants des zones rurales vivent au-dessous du seuil de pauvreté(3). Les facteurs socio-économiques, culturels et environnementaux influent, eux aussi, sur les conditions de vie et de travail des agriculteurs et des travailleurs agricoles. L'environnement dans lequel vivent et travaillent les habitants des zones rurales, leur niveau de vie et leur alimentation sont aussi importants pour leur santé que les services auxquels ils ont accès. La plupart des travailleurs agricoles dans les pays en développement vivent dans des conditions de logement et de régime alimentaire médiocres et sont exposés aux maladies en général et aux maladies professionnelles en particulier. Ils vivent parfois dans des conditions extrêmement primitives, sont généralement dispersés dans des zones reculées où les routes sont virtuellement inexistantes et les transports difficiles. Les travailleurs agricoles sont dépendants de la qualité générale des services de santé publique dans les zones rurales, où les soins de santé, l'approvisionnement en eau et les systèmes d'assainissement sont généralement insuffisants. La médiocrité des conditions d'hygiène dans les logements est le fait non seulement des petites propriétés mais aussi des grandes entreprises qui assurent le logement des travailleurs temporaires et migrants(4). Les communautés rurales sont souvent mal instruites et mal informées des risques sanitaires auxquels elles peuvent être confrontées. Les approches traditionnelles de la santé comportent peu de mécanismes efficaces permettant d'atteindre ces communautés. Par ailleurs, la dégradation des ressources naturelles et les changements environnementaux au niveau local et mondial ont des implications environnementales. La pollution de l'environnement est source, pour les travailleurs, leurs familles, les communautés et l'écosystème, de risques professionnels et de risques pour la santé publique. Les problèmes auxquels ont à faire face les travailleurs agricoles sont donc imbriqués et complexes.

Tendances à la mondialisation et développement technologique

En général, l'introduction des machines et des produits chimiques en agriculture a contribué de manière significative à accroître la production alimentaire dans le monde – même si cela n'a pas suffi à résoudre la famine qui affecte de nombreux pays. Au début des années quatre-vingt-dix, la production agricole mondiale par habitant a connu une période de stagnation accompagnée d'une aggravation du déficit alimentaire mondial; le nombre de pays souffrant d'un déficit alimentaire est passé de 15 en 1994 à 29 en 1997(5), dont plus de la moitié se situent en Afrique. Les populations rurales qui forment la majorité des pauvres à l'échelle mondiale ont été les principales victimes de cette détérioration de la situation(6, 7). L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)(8) et laCommission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC)(9) ont démontré que le nombre de personnes vivant en situation de pauvreté en Amérique latine et aux Caraïbes avait augmenté de 60 millions entre 1980 et 1990. Et même si la majorité des pauvres vit dans les villes, la fréquence et la gravité de la pauvreté sont plus grandes dans les zones rurales.

En outre, le changement technologique en agriculture n'est pas allé de pair avec des investissements dans la protection et l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs. S'il a certes permis un allégement du travail physique pénible de l'agriculture, il a aussi apporté de nouveaux risques inconnus jusqu'alors dans le secteur, notamment un accroissement du nombre d'accidents du travail et des lésions graves; une augmentation de la fréquence des décès dus aux machines agricoles; et la déstabilisation des écosystèmes de vastes régions du monde, imputable à une approche non durable du développement agricole.

Les inégalités du développement économique des différents pays ou des régions à l'intérieur d'un même pays ont entraîné la coexistence de plusieurs formes de production agricole. On peut, en gros, les classer en deux grands secteurs agricoles. Le premier est caractérisé par une agriculture de subsistance peu spécialisée, qui occupe une grande part de la population rurale; le second recourt souvent à des processus de production fortement automatisés et, par conséquent, atteint un niveau élevé de productivité avec un nombre relativement restreint de travailleurs. Il existe des différences de qualification non négligeables entre ces deux secteurs; le premier regroupe ceux qui pratiquent l'agriculture de subsistance(10), tandis que le second comprend des agriculteurs et des travailleurs agricoles qualifiés, tournés vers le marché.

Le développement technologique a également, à l'échelle mondiale, entraîné un recul de la part de la population agricole dans la population active. Dans les pays industrialisés, la mécanisation intensive a accéléré la baisse du nombre de travailleurs permanents occupés dans l'agriculture (moins de 10 pour cent). Dans les pays en développement, la proportion de travailleurs agricoles reste forte (plus de 50 pour cent de la population active). Bien que la part de l'agriculture dans la population active recule progressivement, en chiffres absolus le nombre de travailleurs agricoles augmente, tout comme la surface consacrée à la production agricole(11).

Tableau 1.1. Répartition de la population active agricole dans le monde en 1996
 


Région

Population totale


Population rurale


Population active agricole


1000

1000

% de la pop. totale

1000

% de la pop. totale


Proche-Orient et Afrique du Nord

365

158

43,3

48

13,2

Afrique subsaharienne

547

386

67,3

167

30,5

Asie et Pacifique

3010

2093

69,5

977

32,5

Amérique latine

477

123

25,7

43

9,0

Pays en transition

415

141

34,0

37

8,9

Pays développés

1289

349

27,1

56

4,3

Données tirées de FAO: La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture. Les industries agroalimentaires et le développement économique (Rome, 1997).


Tableau 1.2. Population agricole dans divers pays en 1996
 


Degré d'utilisation de la main-d'oeuvre dans l'agriculture

Pays

Population totale (millions)

Population agricole en pourcentage du total


 

Kenya

28

 

79

Elevé

Mexique

93

 

79

 

Zimbabwe

11

 

73

 

Chine

1232

 

71

 

Algérie

29

 

24

Moyen

Brésil

161

 

18

 

Afrique du Sud

42

 

12

 

Bulgarie

8

 

11

 

Australie

18

 

4

Faible

Etats-Unis

269

 

3

 

France

58

 

3

 

Canada

30

 

2

Source des données: FAO: La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture. Les industries agroalimentaires et le développement économique (Rome, 1997).


Composition de la population active agricole

Une des caractéristiques spécifiques du secteur agricole est l'absence de distinction nette entre les différentes catégories de travailleurs et les différentes catégories d'exploitations, selon leur taille et leur type. Il existe en effet toute une gamme de structures de propriété foncière et de méthodes de culture, de sorte que l'on rencontre de nombreux types de relations de travail ainsi que diverses formes d'activité – et la situation n'est pas la même dans les pays industrialisés et les pays en développement. Les diverses catégories de travailleurs varient aussi au sein de chaque pays et, dans certains cas, un même agriculteur peut relever de plusieurs catégories. Par exemple, dans les pays en développement, de nombreux petits propriétaires fonciers complètent les revenus qu'ils tirent de l'agriculture de subsistance par les salaires qu'ils perçoivent en travaillant dans les grandes exploitations commerciales au moment de la moisson.

Dans les pays industrialisés, la plupart des travailleurs agricoles sont de petits propriétaires fonciers qui gèrent des exploitations agricoles avec des moyens techniques et financiers divers et produisent pour le marché intérieur et/ou l'exportation. En Europe, les petites et moyennes propriétés sont généralement des entreprises agricoles familiales possédant un niveau élevé de productivité. Elles occupent généralement des travailleurs saisonniers lorsque le besoin de main-d'œuvre est important, en particulier s'il s'agit d'exploitations spécialisées dans la production de légumes, de fruits et de raisins dont le degré de mécanisation est relativement faible. Le tableau 1.3 présente la répartition et la taille des propriétés en France, l'un des pays d'Europe où la production agricole est élevée.

Tableau 1.3. Nombre et superficie des unités de production agricole en Frace, en 1993
 


Superficie

Nombre d'unités

% du nombre total d'unité


< 5 ha

224 000

28

5 à 20 ha

184 000

23

20 à 50 ha

208 000

26

50 à 100 ha

128 000

16

> 100 ha

56 000

7

Source: Statistiques de la Mutualité sociale agricole (1994).


Comme en Europe, la plupart des travailleurs agricoles en Asie et en Afrique sont de petits exploitants agricoles; toutefois, leurs conditions de vie et de travail diffèrent fortement de celles qui prévalent dans le monde industrialisé. Certains petits propriétaires fonciers dans les pays en développement combinent l'agriculture à petite échelle avec l'élevage; en Afrique australe, le secteur agricole se compose de petits exploitants, relevant généralement d'un régime foncier communautaire, qui travaillent avec des membres de leur famille et de la main-d'œuvre non salariée(15). En Malaisie, on trouve près d'un million de petits propriétaires fonciers – dont la moitié exploitent des propriétés de moins de 40,5 hectares(16).

Tableau 1.4. Nombre et superficie des petites exploitations agricoles
 


Pays

Période

Taille maximale des petites exploitations

Nombre
(en % du total)

Superficie
(en % du total)


Bangladesh

1983-84

< 1 ha

70,3

29,0

Brésil

1985

< 10 ha

52,9

2,7

Inde

1985-86

< 1 ha

58,0

13,2

Maroc

1973-74

< 5 ha

79,8

24,6

Pakistan

1990

< 1 ha

27,0

4,0

Philippines

1990

< 2 ha

50,9

Turquie

1987

< 10 ha

8,2

Zimbabwe

1983

70,3

29,0

Source: BIT: Les ouvriers agricoles dans l'agriculture: conditions d'emploi et de travail, Programme des activités sectorielles (Genève, 1996).


En Amérique latine, la répartition est quelque peu différente: les salariés forment une part importante de la population active. En Amérique centrale, par exemple, ils représentent 49 pour cent de la main-d'œuvre agricole; 27 pour cent d'entre eux sont des travailleurs permanents, 10 pour cent des propriétaires qui travaillent aussi comme salariés à titre temporaire, et 12 pour cent sont des travailleurs temporaires sans terre. Au Brésil, on compte 12 millions de paysans sans terre sur une population de 23 millions d'habitants(17).

Plusieurs traits caractérisent les petites exploitations agricoles dans les pays en développement. Premièrement, toute la famille – des plus jeunes aux plus vieux – participe aux travaux agricoles; deuxièmement, les travailleurs sont souvent très pauvres, illettrés ou peu instruits; troisièmement, ils sont mal nourris et souffrent d'un mauvais état de santé chronique en raison de maladies courantes transmissibles; enfin, ils n'ont pas accès aux services sociaux et de santé ni à des installations sanitaires appropriées.

La tendance mondiale à la flexibilité du travail et les pressions visant à réduire les coûts de main-d'œuvre et de production débouchent actuellement sur une augmentation du nombre de contrats de travail journaliers et saisonniers(18) souvent associés au recours à des travailleurs migrants qui partagent leur temps entre l'emploi rural non agricole et l'agriculture elle-même. Ce recul de la proportion du travail permanent a été observé dans beaucoup de pays et régions, notamment en France, en Espagne, au Bangladesh, en Afrique centrale et australe. Le travail agricole salarié est effectué en majeure partie par des journaliers, des travailleurs saisonniers et des travailleurs temporaires qui exécutent les tâches les moins spécialisées dans des conditions de travail médiocres. Les conditions et les relations de travail des travailleurs permanents diffèrent beaucoup de celles des non-permanents. Les premiers jouissent non seulement d'une certaine sécurité d'emploi mais aussi de salaires supérieurs, de logements de meilleure qualité, et de prestations de santé et d'avantages liés au travail.

Tableau 1.5. Proportion de salariés et de travailleurs temporaires dans la main-d'œuvre agricole de divers pays (fin des années quatre-vingt – début des années quatre-vingt-dix)
 


Pays

Salariés, en pourcentage
de la main-d'œuvre agricole totale

Travailleurs temporaires, en pourcentage
de l'emploi salarié agricole


Inde

37,1

82,0

Brésil

37,9

77,4

Chili

60,0

60,0

Guatemala

58,9

34,8

Honduras

77,7

21,0

Mexique

75,5

33,9

Panama

54,8

25,7

Espagne

36,6

62,7

Source: BIT: Les ouvriers agricoles dans l'agriculture: conditions d'emploi et de travail, Programme des activités sectorielles (Genève, 1996).


La migration de la main-d'œuvre est une des grandes conséquences de la flexibilité du travail, de l'emploi occasionnel, de la modicité des salaires, des mauvaises conditions de travail et de la pauvreté. C'est un phénomène à la fois national et international. Les migrants, qui qu'ils soient, sont toujours très désavantagés du point de vue du salaire, de la protection sociale, du logement et de la protection médicale. Cette mobilité de la main-d'œuvre est largement répandue dans le monde entier(19).

Le problème le plus grave reste cependant celui de la sous-traitance de main-d'œuvre qui, encore une fois, concerne surtout les travailleurs migrants. Les employeurs, qui doivent pouvoir compter sur un appoint de main-d'œuvre en périodes de forte demande, font de plus en plus souvent appel à des entrepreneurs de main-d'œuvre spécialisés dans l'embauche, le transport et la gestion des travailleurs agricoles. Ce processus, qui fait intervenir des "intermédiaires", fausse toute la relation d'emploi, entourant d'une "zone grise" les responsabilités de l'employeur et aboutissant au non-respect de la législation du travail. En règle générale, les conditions d'emploi sont précaires et les entrepreneurs de main-d'œuvre abusent souvent de leur autorité sur les travailleurs en réclamant des commissions, en surfacturant le transport, le logement et la nourriture, en tardant à verser les salaires et en imposant une véritable servitude pour dette, etc.(20).

La migration des hommes jeunes vers les villes a pour effet que le travail agricole est de plus en plus souvent laissé aux femmes, aux personnes âgées et aux enfants. Les femmes représentent actuellement 20 à 30 pour cent de l'emploi salarié total dans l'agriculture, et le travail des enfants est généralisé; dans certains pays, les enfants représentent jusqu'à 30 pour cent de la main-d'œuvre agricole.

Les femmes représentent une part considérable de la main-d'œuvre agricole dans les pays en développement, et forment 40 pour cent de la main-d'œuvre de ce secteur en Amérique latine et aux Caraïbes(21). Dans les pays d'Afrique australe, les femmes sont principalement occupées dans des emplois non permanents dans des exploitations grandes et moyennes – ce qui ne signifie pas qu'elles réduisent leurs activités domestiques. Les femmes et les enfants représentent 40 pour cent des personnes occupées dans le secteur agricole au Zimbabwe – pays où l'agriculture emploie plus de la moitié de la main-d'œuvre nationale. Très souvent, c'est toute la famille du travailleur (enfants, femmes et personnes âgées) qui participe à ce travail(22), une des conséquences étant que les femmes emmènent souvent leurs enfants avec elles aux champs, les exposant ainsi qu'elles-mêmes à des risques professionnels(23). La majeure partie des femmes travaillant dans le secteur agricole n'ont virtuellement aucune formation ni aucun accès aux informations concernant les risques qu'implique leur travail. L'exposition aux conditions de travail médiocres a de graves répercussions sur la croissance, le développement et la santé des enfants ainsi que sur les grossesses et peut aggraver les affections liées au vieillissement(24).

Plusieurs études ont mis en évidence la relation entre les risques professionnels et la carence en fer et l'anémie chez les femmes enceintes ainsi que les complications de la gestation, les troubles du fœtus, les troubles physiques et du développement chez les nouveau-nés et les enfants en bas âge. Une relation directe a été constatée entre le risque de fausse couche, les accouchements prématurés et l'avortement spontané, d'une part, et les conditions de travail défavorables, d'autre part, notamment les microclimats dans les serres et l'exposition aux pesticides(25).

D'après les dernières estimations du BIT, au moins 250 millions d'enfants âgés de 5 à 14 ans travaillent dans les pays en développement. Dans près de la moitié des cas (120 millions d'enfants), ce travail est effectué à plein temps. Une enquête réalisée récemment dans 26 pays par le BIT a révélé que le taux de participation des enfants aux activités économiques était sensiblement plus élevé dans les centres urbains. Soixante-dix pour cent des enfants considérés se livraient à des activités agricoles, la proportion étant plus élevée pour les filles que pour les garçons (respectivement 75 pour cent et 69pour cent). Les enfants des zones rurales, en particulier les filles, commencent généralement à travailler très tôt. En Amérique latine et dans les Caraïbes, sur 15 millions d'enfants présents sur le marché du travail, 56 pour cent travaillent dans le secteur agricole dès l'âge de 5 à 7 ans. La plupart des enfants travaillent sept jours par semaine et perçoivent un salaire inférieur à ceux généralement pratiqués dans leur localité. Ils effectuent de longues heures de travail et une proportion très élevée d'entre eux est victime d'accidents du travail. Les lésions les plus fréquentes sont les coupures et les blessures, les infections oculaires, les affections cutanées et les migraines provoquées par la chaleur excessive ou l'exposition aux pesticides lors du travail aux champs(26).

Notes

1. BIT: Annuaire des statistiques du travail, 1996 (Genève, 1996); W.M. Coombs: "Agricultural health – Quo Vadis", OccHSA juillet/août 1995, vol. 1, no 4; FAO: La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1996 (Rome, 1996).

2. BIT: Annuaire des statistiques du travail, op. cit.; National Safety Council, International Accident Facts (Illinois, Etats-Unis, 1995); J.L. Murray et Alan D. Lopez (directeurs de la fabrication): The Global Burden of Disease, Global burden of disease and injury series (OMS, Banque mondiale, Harvard School of Public Health, Washington DC, 1997); FAO, La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture, op. cit.

3. World Bank Atlas (Banque mondiale, Washington, DC, 1997).

4. BIT: Les organisations de travailleurs ruraux: structure et fonctions, Manuel d'éducation ouvrière, 2e édition (Genève, 1990); FMI: Perspectives de l'économie mondiale. Mondialisation, enjeux et défis (Washington DC, mai 1997); D. Coplan: "Damned if we know: Public policy and the future of the migrant labour system", dans l'ouvrage publié sous la direction de J. Crush, W. James, F. Vletter et coll.: Labour migrancy in Southern Africa: Prospects for post-apartheid transformation (Université du Cap, Afrique du Sud, 1995), Southern African Labour Monographs 3/95, Labour Law Unit; S. Gomez et E. Klein: Los pobres del campo. El trabajador eventual, FLACSO/PREALC (OIT, Santiago, Chili, 1993).

5. BIT: Les ouvriers agricoles: conditions d'emploi et de travail, Programme des activités sectorielles (Genève, 1996).

6. Nations Unies, Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL): Panorama social de América Latina (Santiago, Chili, 1993).

7. BIT: Les organisations de travailleurs ruraux, op. cit.

8. FAO: La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture, 1997 (Rome, 1997).

 9. CEPAL, op. cit.

10. BIT: Classification internationale type des professions: CITP-88 (Genève, 1991).

11. Ce recul ralentit actuellement: les projections indiquent qu'il sera de 0,6 pour cent par an entre 1990 et 2000 et de 0,45 pour cent entre 2000 et 2010. Voir BIT: Les ouvriers agricoles, op. cit.

12. En Ouganda, ils représentent 85 pour cent de la population active agricole. Voir D.K. Sekimpi: "Occupational health services for agricultural workers", dans l'ouvrage publié sous la direction de J.Jeyaratnam: Occupational health in developing countries (Oxford University Press, Royaume-Uni, 1992).

13. En Amérique latine, un latifundium est un vaste domaine dont une partie seulement est productive.

14. Par exemple, 40000 squatteurs vivaient en 1996 dans 244 logements temporaires sur des terres incultes au Brésil. Voir S. Salgado, Mouvement des Paysans Sans Terre (MST) et Frère des Hommes: "Terra". L'enjeu politique des Brésiliens (Paris, 1997).

15. R. Loewenson: Occupational health and safety in agriculture in southern Africa, rapport établi pour l'OIT (non publié, Harare, Zimbabwe, 1998).

16. Voir I.H. Singh: Occupational health and safety in the plantation sector, actes du Colloque national sur les inspections effectives du travail dans le secteur des plantations, Kuala Lumpur, Malaisie, 1986.

17. Salgado, op. cit.; Gomez et Klein, op. cit.; F. Bourquelot: "De quelques tendances sur l'emploi des salariés dans la production agricole", Economie rurale, no 178-179 (Paris, 1987); L. Gavira Alvarez: Segmentación del mercado de trabajo rural y desarrollo: el caso de Andalucia (ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation, Madrid, 1993); BIT: Les ouvriers agricoles, op. cit.; Copland, op. cit.

18. Gomez et Klein, op. cit.

19. P. Egger: Travail et agriculture dans le tiers monde. Pour une politique active de l'emploi rural (BIT, Genève, 1993).

20. BIT: Les ouvriers agricoles, op. cit.

21. BIT: ILO News. Latin America and Caribbean. 1996 Labour overview (Genève, 1996).

22. Editorial paru dans On Guard, vol. 6, no 11 (Harare, Zimbabwe, 1997).

23. R. Loewenson: Epidemiology in occupational health in developing countries, document polycopié (Congrès des syndicats du Zimbabwe, Harare, Zimbabwe, 1992).

24. C. Tibone: "Health hazards associated with agricultural activities in Botswana and how they affect women", East African Newsletter on Occupational Health and Safety. Agriculture, no 3 (Helsinki, 1989), pp. 22-23.

25. Ibid.

26. V. Forastieri: Children at work. Health and safety risks (BIT, Genève, 1997).

 


CHAPITRE II

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ
ET DE SANTÉ DANS L'AGRICULTURE


Définitions de l'agriculture dans les législations nationales

Il n'est pas courant de trouver une définition du terme "agriculture" dans les codes du travail ou la législation sur la sécurité et la santé des divers pays(1). Cela est probablement dû au fait que peu de législations nationales en matière de sécurité et de santé excluent expressément les entreprises agricoles de leur champ d'application. Même dans les cas où les lois nationales définissent l'"agriculture" ou le "travail agricole", ces définitions sont souvent générales et imprécises. Certaines définitions pertinentes ont toutefois pu être recensées, dont on trouvera ci-dessous un échantillon représentatif.

En Nouvelle-Zélande, l'article 2 du règlement de 1995 sur la sécurité et la santé au travail donne la définition suivante du "travail agricole":

L'expression "travail agricole":

Le Code du travail des Emirats arabes unis définit le "travail agricole" comme:

les activités comprenant le labourage et la culture de la terre, les récoltes de toutes sortes, ainsi que l'élevage du bétail, de la volaille, du ver à soie, des abeilles, etc.(2);

La législation de la Malaisie sur le travail des enfants définit une "activité agricole" comme:

Au Chili, le Code du travail (1994) exclut de sa définition du "travail agricole" les travailleurs forestiers autres que ceux employés dans les scieries temporaires.

Aux termes de l'article 1140.4a) de la loi californienne de 1975 sur les relations de travail dans le secteur agricole, l'"agriculture" comprend:

On trouve également une définition pertinente dans la loi fédérale des Etats-Unis, du 14 janvier 1983, tendant à assurer la protection des travailleurs agricoles migrants ou saisonniers. L'article 3 de cette loi définit comme suit l'"employeur agricole" comme:

La législation brésilienne contient la définition suivante de l'"employeur rural":

Toute personne physique, propriétaire ou non d'une entreprise rurale ou d'un terrain, qui, avec l'aide de travailleurs occupés de façon permanente, directement ou par des intermédiaires, exécute des tâches agricoles définies comme étant la culture des champs, la garde des moutons, l'horticulture ou l'industrie rurale, y compris l'extension de la production primaire tant végétale qu'animale(4).

L'examen des définitions de l'"agriculture" dans les législations nationales montre qu'il n'existe pas d'approche unique, claire et cohérente. La cause peut en être imputée au fait que les divers instruments nationaux examinés servent en grande par-tie des buts de politique différents. Les définitions employées doivent être vues dans le contexte de leur utilisation – aspect normalement pris en compte lors de la rédac-tion des instruments de l'OIT. A partir des définitions ci-dessus tirées des législations nationales, il est possible de formuler quelques conclusions à titre indicatif. L'"agriculture" englobe la culture et la récolte des produits de celle-ci; elle inclut généralement l'élevage, la garde du bétail et les activités horticoles et exclut d'ordinaire les travaux forestiers, sauf s'ils sont liés à l'agriculture, comme l'abattage occasionnel d'arbres.

Définitions se rapportant à l'agriculture relevées dans les instruments
et les documents techniques de l'oit
(5)

En 1962, lors de sa quatrième session, le Comité mixte OIT/OMS de la médecine du travail a examiné les problèmes de la santé au travail dans le secteur agricole et a établi deux définitions pertinentes en vue d'aider le comité dans ses travaux; ces définitions restent valables dans le contexte des activités de l'OIT. Le comité est convenu que, par "agriculture", il fallait entendre:

Le comité a aussi adopté une définition du travailleur agricole, à savoir:

On trouve une définition de l'entreprise agricole dans la convention (no 129) concernant l'inspection du travail (agriculture), 1969, et la recommandation (no 133) qui l'accompagne. Le paragraphe 1 de l'article 1 de la convention dispose que les termes "entreprise agricole" désignent:

Les paragraphes 2 et 3 autorisent l'autorité compétente à déterminer la ligne de démarcation entre l'agriculture, d'une part, et l'industrie et le commerce, d'autre part.

La Commission d'experts de l'OIT pour l'application des conventions et recommandations a, dans son étude d'ensemble de 1985, délibéré sur la signification de l'expression "entreprise agricole" dans la convention no 129. La commission a estimé qu'au sens strict, cette expression recouvrait uniquement "l'exploitation directe de ressources végétales et animales"(7), mais que certaines législations nationales y incluaient la transformation primaire des produits par l'exploitant(8).

Les instruments suivants évoquent l'"agriculture" sans définir le terme: la convention (no 11) sur le droit d'association (agriculture), 1921; la recommandation (no 14) sur le travail de nuit des enfants et des jeunes gens (agriculture), 1921; la convention (no141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975, et la recommandation (no149) qui l'accompagne.

Le secteur agricole dans la législation nationale

L'examen des lois nationales sur la santé et la sécurité a mis en évidence l'extrême diversité des approches nationales de la législation traitant de la sécurité et de la santé dans le secteur agricole. Dans la plupart des cas, les lois ou les codes du travail généraux n'y font pas référence de manière spécifique ou ne sont pas intégralement applicables au secteur agricole. L'agriculture, dans bon nombre de pays, est omise de la législation sur la sécurité et la santé au travail; dans certains cas, toutefois, les lois évoquent ce secteur de manière limitée. Dans d'autres pays, les lois générales sur le travail s'appliquent à l'agriculture au même titre qu'aux autres secteurs (par exemple Brésil, Espagne, Kenya et Mexique).

Dans certains pays, il n'existe aucune loi sur la sécurité et la santé au travail qui soit applicable au secteur agricole(9). Dans plusieurs pays, la législation générale du travail exclut totalement ou partiellement les travailleurs agricoles; c'est le cas notamment dans les pays suivants: Cambodge, Ghana, Jordanie, Maroc, Népal, Sierra Leone, Soudan, Turquie, Yémen et Zaïre(10).

Bon nombre des pays mentionnés dans le rapport ont des règlements ou décrets spécifiques intéressant l'agriculture qui sont subordonnés à des lois sur la sécurité et la santé ou directement au code du travail. La plupart de ces règlements portent sur la sécurité des machines et de l'équipement (essentiellement les tracteurs et les moissonneuses) et les substances ou agents utilisés en agriculture (en particulier les pesticides). Dans plusieurs autres pays, des lois régissent de manière spécifique les relations de travail dans l'agriculture (par exemple Argentine, Autriche, Cameroun, Grèce, Maroc et Etats-Unis (Californie))(11). D'autres règlements qui touchent l'agriculture prévoient les mesures en matière de sécurité sociale et les conditions de travail (salaires, durée du travail, etc.); l'interdiction d'employer les enfants et les jeunes travailleurs à des activités dangereuses; l'interdiction de conduire certains types de machines pour les travailleurs de moins de 18 ans, etc.

Il n'empêche que, d'après les informations disponibles, les législations exhaustives sur la sécurité et l'hygiène du travail dans le secteur agricole ne sont pas légion. Seuls quelques pays possèdent un éventail complet de dispositions spéciales intéressant la sécurité et la santé dans ce secteur, notamment les pays suivants: Afrique du Sud, Argentine, Australie, Autriche, Finlande, France, Hongrie, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni et République tchèque. Certaines de ces législations sont plus complètes que d'autres. Par exemple, l'Argentine a adopté en 1997 un règlement de sécurité et d'hygiène pour le secteur agricole. La France possède une longue liste de règlements en la matière subordonnés à son code du travail, notamment une liste spécifique des maladies professionnelles dans l'agriculture ainsi que des règlements sur les services de médecine du travail pour les établissements agricoles.

Ces lois font l'objet d'un examen détaillé dans les pages qui suivent, où elles sont regroupées sous les trois titres suivants:

Lois nationales sur la sécurité et la santé qui excluent l'agriculture

De nombreux pays industrialisés ont, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, promulgué une législation traitant de manière spécifique des risques professionnels, ainsi que des "lois sur les fabriques". Toutes ces lois, sans exception, excluent l'agriculture de leur champ d'application. On trouve couramment ce type de législation sur la sécurité et la santé dans les pays en développement, en particulier ceux qui ont été colonisés par la Grande-Bretagne(12). Elle remonte souvent à l'époque coloniale ou à la période qui a suivi immédiatement l'accession à l'indépendance. En général, elle a été élaborée et promulguée en vue d'assurer la protection des travailleurs dans les entreprises industrielles à une époque où les gouvernements s'efforçaient de promouvoir l'industrialisation(13), et elle se fondait sur des dispositions législatives en vigueur dans l'Etat colonisateur. Il existe certains pays en développement dans lesquels les lois sur la sécurité et la santé se fondent encore sur les "lois sur les fabriques" et ne s'appliquent pas à l'agriculture en tant que secteur. Par exemple, la loi de 1973 sur les fabriques (Botswana) ne s'applique qu'aux "fabriques" – un terme dont la définition exclut les entreprises agricoles. Les législations de l'Inde, du Nigéria, de Sri Lanka, du Swaziland, de la Trinité-et-Tobago et du Zimbabwe, notamment, limitent pareillement leur champ d'application(14). Toutefois, certains pays tels que le Népal et le Pakistan ont légiféré non seulement sur les "fabriques" mais aussi sur les travailleurs occupés dans les plantations(15).

Lois nationales sur la sécurité et la santé qui excluent certaines catégories
de travailleurs agricoles

Un aspect important du secteur agricole est l'extrême diversité des travailleurs qui y sont occupés, depuis les travailleurs à temps plein sous contrat de travail jusqu'aux travailleurs occasionnels, temporaires et saisonniers qui ne sont embauchés qu'à des moments particuliers, tels que la saison de la moisson. D'autres personnes exerçant leur activité dans le secteur agricole sont les métayers et les fermiers qui, en règle générale, louent des terres en vue de les cultiver, ont un statut d'indépendants et sont rémunérés au moyen d'une partie de la production. En outre, de nombreux travailleurs sont des membres de la famille de l'agriculteur, y compris des enfants(16).

Outre les pays où la législation sur la sécurité et la santé ne s'applique pas au secteur agricole dans son ensemble, il en existe d'autres où elle s'applique à certaines catégories de travailleurs agricoles seulement. Bien qu'un nombre limité de pays excluent expressément le travail agricole du champ d'application de leur code du travail, on en trouve maints autres où la plupart des dispositions de la législation ne s'appliquent pas aux travailleurs qui ne sont pas au bénéfice d'un contrat à temps plein.

Certains pays étendent la portée de la protection offerte par leur législation du travail au-delà de la relation d'emploi salarié à temps plein. Le code du travail chilien de 1994(17), par exemple, contient des clauses spécifiques pour les travailleurs saisonniers, les travailleurs occupés en sous-traitance et les travailleurs temporaires, ainsi que pour les relations de travail des fermiers et des métayers. Le droit mexicain et le droit australien contiennent des dispositions similaires.

Les lois de nombreux pays, outre qu'elles imposent aux employeurs d'assurer la protection de la sécurité et de la santé de leurs travailleurs, les obligent à protéger la sécurité et la santé d'autres personnes qui pourraient être affectées par le travail de l'entreprise (Afrique du Sud, Fidji, Namibie, Nouvelle-Zélande)(18). Cette formulation très large étend la protection prévue par la législation à toute personne qui peut être employée (à quelque titre que ce soit) par l'employeur, y compris les travailleurs temporaires, les saisonniers ou les tâcherons, ainsi que les membres de la famille de l'employeur. Les tierces parties, notamment le public et les propriétaires fonciers voisins, sont également protégées par ces dispositions qui revêtent une grande importance dans le secteur agricole. Elles garantissent en effet qu'un éventail de personnes plus large que ce n'est habituellement le cas au titre de la législation générale du travail, notamment les travailleurs temporaires et les membres de la famille, est inclus dans le champ d'application de la protection légale.

Dans son étude d'ensemble sur l'administration du travail de 1997, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a relevé que les administrations du travail des pays en développement avaient du mal à "jouer le rôle important qui leur incomberait en ce qui concerne des catégories telles que les travailleurs ruraux indépendants ou les travailleurs réguliers ou saisonniers employés dans les entreprises rurales plus petites [...]". Comme il a été noté plus haut, ces travailleurs forment une proportion non négligeable de la main-d'œuvre agricole. La commission a observé que "parfois, ce sont les conditions locales et le manque de ressources qui font obstacle à une telle extension du rôle de l'administration du travail"(19). La commission faisait allusion aux activités de l'administration du travail prises globalement, mais des remarques similaires peuvent être faites à propos de l'inspection de la sécurité et de la santé, en particulier dans les pays en développement.

Les conditions de travail et les besoins en matière de sécurité et de santé des travailleurs ruraux des coopératives ainsi que des fermiers, des métayers, des travailleurs migrants et des travailleurs temporaires sont traités dans les conventions et recommandations suivantes de l'OIT: la convention (no 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, et la recommandation (no 86) qui l'accompagne; la recommandation (no 100) sur la protection des travailleurs migrants (pays insuffisamment développés), 1955; la recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966; la recommandation (no 132) relative aux fermiers et aux métayers, 1968(20); la convention (no 142) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975, et la recommandation (no 150) qui l'accompagne; la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975, et la recommandation (no 149) qui l'accompagne.

La situation juridique de bon nombre de ces travailleurs au regard de la législation et des codes du travail nationaux est incertaine. Par exemple, on estime qu'en Ethiopie, 80 pour cent de l'activité économique nationale tombe en dehors du champ d'application du code du travail dans la mesure où elle concerne la petite agriculture et l'agriculture de subsistance(21). C'est ainsi que les travailleurs saisonniers et occasionnels du secteur agricole sont souvent exclus et que les agriculteurs indépendants sont rarement protégés.

Aux Etats-Unis, la loi de 1970 sur la santé et la sécurité du travail ne prévoit pas de protection pour les membres de la famille occupés dans une exploitation agricole. En outre, les employeurs qui se livrent à des "activités agricoles" sont exempts des "normes générales de la branche", à l'exception de celles qui s'appliquent 1) aux camps de travail temporaires, 2) à l'ammoniac anhydre, 3) au bûcheronnage du bois à pâte et 4)aux véhicules lents(22). En Australie (Queensland), les employeurs agricoles sont dispensés de respecter certains aspects importants des prescriptions principales en matière de sécurité et de santé contenues dans l'article 146 du règlement de 1997 sur la santé et la sécurité sur le lieu de travail.

En Norvège, la législation sur la sécurité et la santé habilite la Couronne à exclure du champ d'application de la loi "les activités dans le secteur de l'agriculture qui ne font pas appel à l'embauche de main-d'œuvre autrement qu'à titre d'aide d'ur-gence"(23). Dans d'autres pays, les lois sur la sécurité et la santé habilitent le ministre ou une autre autorité à accorder à certains employeurs déterminés des dérogations administratives aux prescriptions légales.

Dans certains pays, notamment la République de Corée et le Népal, le code du travail s'applique aux lieux de travail où est occupé un nombre minimum de travailleurs(24). Ces dispositions limitent l'application des lois, en particulier dans le secteur agricole, où une proportion importante des entreprises agricoles tomberaient sous les seuils légaux.

Dans d'autres pays, les travailleurs agricoles sont exclus de certaines dispositions protectrices. Au Canada (Ontario), "les travailleurs saisonniers du secteur agricole" sont exclus de la protection offerte par la loi de 1993 sur l'égalité en matière d'emploi(25).

Le travail des enfants et la législation qui s'y rapporte

Les enfants forment, tant dans les pays en développement que dans les pays industrialisés, une proportion importante et croissante de la main-d'œuvre agricole(26). Outre les dispositions générales imposant aux employeurs de garantir un environnement de travail sans risque, il est courant que les codes du travail réglementent le travail des enfants et celui des femmes enceintes ou qui allaitent, en vue de protéger leur sécurité et leur santé.

Dans bon nombre de pays, il est interdit d'engager des enfants de moins de 14 ans. Les enfants de la tranche d'âge allant de 16 à 18 ans ne peuvent effectuer certains travaux à risque, notamment du travail de nuit et du travail en hauteur. Les dispositions qui intéressent particulièrement l'agriculture sont celles qui interdisent aux jeunes d'effectuer un travail impliquant l'exposition à des produits chimiques tels que les engrais et les pesticides ou qui les obligerait à soulever des charges importantes (par exemple au Costa Rica, en Lituanie, au Nicaragua et en Suède)(27). Dans bon nombre de pays, les lois interdisent également aux jeunes certaines activités déterminées. Un exemple concret est celui du Paraguay, où les enfants de moins de 18 ans ne peuvent conduire un tracteur, une moissonneuse ou d'autres engins agricoles dangereux.

En pratique, les restrictions au travail des enfants contenues dans les lois de beaucoup de pays sont souvent limitées ou non applicables, s'agissant du secteur agricole. Dans certains cas, c'est la conséquence de l'exclusion de ce secteur du code du travail qui régit le travail des enfants. Par exemple, en République dominicaine, la loi exclut les entreprises agricoles des dispositions du code du travail qui réglementent le travail des enfants et sa durée(28). Une étude récente de la législation sur le travail des enfants effectuée dans 157 Etats Membres de l'OIT a conclu que "dans un peu plus de 40 pays, le travail agricole est autorisé à tout âge"(29). De nombreux pays autorisent "les travaux agricoles légers" ou "les travaux de moisson légers" dès l'âge de 12 ans, en précisant que le travail ne doit pas interférer avec l'éducation de l'enfant(30). Les entreprises familiales et l'agriculture de subsistance demeurent toutefois en dehors du champ d'application de la législation et on trouve un grand nombre d'enfants – souvent dès l'âge de 5 ans – qui aident leurs parents ou jouent aux champs pendant que ceux-ci y travaillent(31).

Tous les Etats Membres qui ont ratifié la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, sont tenus de spécifier un âge minimum pour l'admission à l'emploi. Les 59Etats Membres qui ont ratifié la convention ont fixé un âge minimum compris entre 14 et 16 ans(32). Les articles 3 et 4 de la convention autorisent les Etats Membres à exclure de son champ d'application "des catégories limitées d'emploi ou de travail" autres que le travail qui, "par sa nature ou les conditions dans lesquelles il s'exerce, est susceptible de compromettre la santé, la sécurité ou la moralité des adolescents". La convention no 138 est applicable aux "plantations et autres entreprises agricoles exploitées principalement à des fins commerciales", mais exclut expressément les "entreprises familiales ou de petites dimensions produisant pour le marché local et n'employant pas régulièrement des travailleurs salariés"(33).

Les travailleuses dans le secteur agricole

Il est très fréquent que les codes du travail et les lois sur la sécurité et la santé contiennent des dispositions spéciales pour les travailleuses, en particulier les travailleuses enceintes ou qui allaitent. Dans la plupart des législations, ces dernières sont protégées contre certains travaux à risque, notamment ceux qui impliquent le soulèvement de charges importantes ou l'exposition à des produits chimiques dangereux et à des rayonnements ionisants; la Chine, la Lituanie et le Nicaragua sont trois exemples d'Etats Membres qui possèdent ce type de dispositions législatives(34). Parfois, les employeurs sont tenus de retirer les femmes d'un travail présentant ce type de risque au profit d'un autre qui ne présente pas les mêmes menaces pour la sécurité et la santé. Ces dispositions sont toutefois générales dans leur application et ne mentionnent pas explicitement le travail agricole. Souvent, c'est une législation distincte qui assure la protection. Dans certains pays, seules les travailleuses agricoles permanentes sont protégées. Les travailleuses agricoles bénéficient d'une protection spécifique dans les pays suivants: Angola, Bahreïn, Belize, Cambodge, Egypte, Ghana, Guinée-Bissau, République islamique d'Iran, Italie, Liban, Grèce, Hongrie, Madagascar et République tchèque. En Inde, au Népal et à Sri Lanka, les travailleuses agricoles employées dans les plantations sont protégées. Toutefois, dans de nombreux pays, les travailleuses agricoles ne sont pas protégées ou sont exclues des règlements sur la protection de la maternité. C'est le cas dans les pays suivants: Arabie saoudite, Bolivie, Dominique, El Salvador, Lesotho, Pérou, Philippines, Soudan, Swaziland, République arabe syrienne, Turquie et Yémen(35).

La très grande majorité des pays prévoient, dans leur législation, un congé de maternité rémunéré et bon nombre offrent des prestations de santé et des garanties de maintien de l'emploi, mais l'écart entre le droit et la pratique reste grand. Les personnes les plus susceptibles d'être défavorisées sont, notamment, les travailleuses agricoles, qui sont souvent exclues de ces avantages. Il n'en demeure pas moins qu'il existe une sensibilisation croissante à l'incidence du milieu de travail sur la santé génésique et aux effets négatifs que peut avoir sur la grossesse l'exposition de la mère à des substances présentant un risque, notamment les pesticides.

Lois nationales sur la sécurité et la santé qui n'excluent pas l'agriculture

Il existe une tendance à renoncer aux lois sectorielles sur la sécurité et la santé. Dans de nombreux pays industrialisés et dans certains pays en développement, la législation sur les "fabriques" a été remplacée – ou est en voie de l'être – par des lois globales sur la sécurité et la santé s'appliquant à la totalité ou la quasi-totalité des secteurs d'activité économique, y compris à l'agriculture. Par exemple, Hong-kong, Chine, a adopté, en 1997, une nouvelle ordonnance sur la sécurité et la santé au travail qui remplace l'ancienne ordonnance sur les fabriques et les entreprises industrielles, portant ainsi de 800000 à 2,6 millions le nombre de travailleurs protégés par la législation sur la sécurité et la sant0(36).

Dans certains pays, la législation n'a été étendue à l'agriculture qu'un certain temps après son adoption initiale(37). Cette approche de la portée attribuée à la législation sur la sécurité et la santé ne se limite pas aux pays industrialisés. Maurice, le Lesotho et la Namibie ont tous trois adopté des lois sur la sécurité et la santé qui s'appliquent d'une manière générale à tout lieu de travail où un travail est effectué au titre d'un contrat de travail(38). D'autres exemples de pays qui adoptent cette approche sont l'Australie, la Bulgarie, les Fidji, la Hongrie, la Malaisie, le Mexique et la Nouvelle-Zélande(39). Certains pays, notamment la Jamaïque et la Trinité-et-Tobago, sont actuellement en passe de promulguer une législation similaire(40).

Un rapport qui a exercé une influence particulière au Royaume-Uni et dans les pays du Commonwealth est le rapport de la commission sur la santé et la sécurité au travail. La commission était présidée par lord Robens et le rapport est plus connu sous le nom de "rapport Robens"(41). Une des recommandations les plus importantes du rapport Robens était d'abroger progressivement la législation sectorielle sur la sécurité et la santé et de la remplacer par une loi-cadre couvrant l'ensemble des secteurs. Les questions de sécurité et de santé liées à des risques ou à des secteurs particuliers doivent être traitées dans des règlements et des codes de bonne pratique adoptés au titre de cette loi-cadre.

La convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, de même que certains rapports de gouvernements et directives régionales importants ont eu une incidence sur cette tendance mondiale. En Europe, la "Directive-cadre sur la sécurité" (directive concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail)(42) a eu une influence sur tous les Etats Membres de l'Union européenne, qui sont tenus de veiller à ce que leurs lois sur la sécurité et la santé soient conformes à ses prescriptions(43). Cette directive s'applique à l'ensemble des secteurs d'activité économique, y compris l'agriculture. Il existe par ailleurs plusieurs directives européennes en matière de sécurité et de santé qui traitent de manière spécifique de la sécurité et de la santé dans le secteur agricole. Elles concernent essentiellement les pesticides, la sécurité des machines et la conception ergonomique des machines agricoles et sylvicoles(44).

Suite à ces faits nouveaux, de nombreux pays possèdent à présent un instrument législatif principal qui régit de manière générale la question de la sécurité et de la santé dans un vaste éventail de secteurs économiques, y compris l'agriculture. Un exemple typique est celui de la République sud-africaine qui, en 1993, a adopté une législation qui s'applique à tous les domaines de l'activité économique, à l'exception des mines et de certains navires(45) Un examen de cette législation permet d'illustrer les caractéristiques générales de ce type de lois. Les obligations principales prévues par la loi sud-africaine de 1993 sur la santé et la sécurité des travailleurs incombent à quiconque "occupe une personne, quelle qu'elle soit, ou lui confie un travail, et la rémunère ou s'engage explicitement ou tacitement à la rémunérer" (article 1(1)). La loi – comme c'est souvent le cas dans ce type d'instrument – impose des obligations juridiquement contraignantes de portée très large et très générale. Par exemple, l'article 8(1) impose à l'employeur (y compris l'employeur de travailleurs agricoles) de "garantir et de maintenir, pour autant que ce soit raisonnablement possible, un milieu de travail sûr et sans risque pour la santé de ses travailleurs". On trouve des obligations générales similaires dans les lois sur la sécurité et la santé de plusieurs autres pays.

L'adoption de ce type d'instrument-cadre a eu d'importantes conséquences en ce qui concerne l'inclusion du secteur agricole. Par exemple, en Nouvelle-Zélande, une législation était en vigueur qui prévoyait explicitement la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs agricoles(46). Or elle a été abrogée par la législation générale de 1992 sur la sécurité et la santé qui s'applique à toutes les formes d'emploi en Nouvelle-Zélande autres que le travail à domicile(47). Actuellement, les travailleurs agricoles bénéficient d'une protection spécifique en vertu d'un règlement adopté au titre de cette loi-cadre générale(48). Il semble que ce processus ait entraîné, en l'espèce, une protection plus étendue pour le secteur agricole. Ainsi, alors que l'ancienne loi ne concernait que le logement, les premiers soins et la sécurité générale, le nouveau règlement et la loi au titre de laquelle il a été adopté traitent de ces questions dans le contexte d'une gestion plus large des risques en matière de sécurité et de santé dans tous les secteurs, y compris dans le secteur agricole. D'autres pays qui ont adopté ces dernières années des lois-cadres sur la sécurité et la santé ont également abrogé des lois qui concernaient spécifiquement les travailleurs agricoles (notamment l'Australie et le Royaume-Uni)(49).

Normes régionales

En novembre 1976, le Conseil des Communautés européennes a adopté une résolution(50) relative aux mesures à prendre pour simplifier la législation agricole de ses Etats membres, en vue de mettre en œuvre une politique agricole commune. La Commission était invitée à améliorer la coordination entre tous les organes concernés dans le cadre de l'élaboration et de la mise en œuvre de la législation agricole. Cette initiative concernait principalement les relations de marché et les conditions économiques essentielles à remplir pour la mise en œuvre des mécanismes de la politique agricole commune.

Les débats qui ont entouré le programme de la Commission européenne sur la sécurité et la santé des travailleurs, de 1987 à 1992, ont fortement contribué à l'adoption d'un certain nombre de directives traitant de manière spécifique de la sécurité et de la santé au travail. En outre, la Commission européenne a, en 1988, inclus l'agriculture parmi les secteurs à haut risque dans son programme d'action pour la sécurité, l'hygiène et la santé. La convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, et la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985, ont également formé un précédent important pour les réformes législatives proposées au cours de cette période; elles ont, entre autres, introduit la notion de l'élargissement de la portée de la législation nationale. La directive du Conseil sur la sécurité et la santé au travail, de 1989(51), en constitue le meilleur exemple. Elle s'applique à tous les secteurs de l'activité économique, y compris l'agriculture, sous réserve de dispositions de l'Union européenne plus strictes, à adopter dans l'avenir.

Depuis, plusieurs directives sur la sécurité et la santé basées sur cette directive-cadre ont été adoptées. La nécessité d'une directive sur la protection des travailleurs dans l'agriculture a été examinée à plusieurs reprises au sein de la Commission européenne mais, pour l'heure, cette initiative n'a pas fait l'objet d'une proposition officielle(52).

Lois nationales sur la sécurité et la santé qui traitent de manière globale
de l'agriculture

Comme on l'a vu plus haut, rares sont les pays qui possèdent des lois sur la sécurité et la santé traitant de manière globale de l'agriculture. Les exemples les plus pertinents en sont l'Argentine et la France.

En Argentine, le règlement d'hygiène et de sécurité pour les activités agricoles est entré en vigueur le 7 juillet 1997(53). Il traite d'un certain nombre d'aspects de la sécurité et de la santé des travailleurs agricoles, notamment: Obligations générales (Titre I); Infrastructure (Titre II); Machines et outils (Titre III); Polluants (Titre IV); Risques liés à l'électricité (Titre V); Manipulation des matériaux (Titre VI); Prévention des incendies (Titre VII); Véhicules (Titre VIII); Sylviculture (Titre IX); Animaux (TitreX); et Formation (Titre XI). Ce règlement a été adopté parce qu'il a été reconnu que les lois argentines existantes sur la sécurité et la santé, bien qu'ayant une portée générale, ne traitaient pas suffisamment des risques spécifiques des activités agricoles(54). L'Argentine a aussi institué une commission nationale tripartite pour le travail agricole – qui fait partie du ministère du Travail – afin de superviser la mise en œuvre de la loi.

Le Code du travail français est le second exemple d'une approche législative globale de la sécurité et de la santé dans le secteur agricole. Il contient des dispositions détaillées concernant l'hygiène et la sécurité qui s'appliquent depuis 1979 aux exploitations agricoles(55). Le code du travail définit des règles spécifiques pour la protection de la sécurité et de la santé dans les établissements agricoles(56). Ces règles sont complétées par des règlements et des décrets qui abordent plus en détail certains aspects de la sécurité et de la santé dans ce secteur(57). Le Code du travail français contient également des dispositions spéciales pour l'administration et l'application des prescriptions de sécurité et d'hygiène applicables aux établissements agricoles. L'article L.231-1-2 dispose que les attributions conférées, en vertu du code, au ministre du Travail et aux inspecteurs du travail "sont respectivement exercées par le ministre chargé de l'agriculture et par les inspecteurs du travail placés sous l'autorité de ce ministre en ce qui concerne les établissements agricoles prévus à l'article L.231-1". Il est prévu que le ministre de l'Agriculture est assisté, dans l'élaboration des décrets et règlements applicables au secteur agricole, par des organes consultatifs constitués, en nombre égal, de représentants des organisations de travailleurs et de représentants des organisations d'employeurs(58). Le code traite de la médecine du travail(59) qui s'applique également au secteur agricole. Il impose aux employeurs d'"organiser des services médicaux du travail" conformément aux articles et décrets pertinents(60).

Le droit brésilien contient, lui aussi, des dispositions applicables à la sécurité et à la santé des travailleurs agricoles. La loi no 5889 du 5 juin 1973 est une loi-cadre qui traite des travailleurs ruraux.Toutefois, ses dispositions sont entrées en vigueur quinze ans seulement après sa promulgation, au titre de l'ordonnance de 1988 prise en vertu des règlements d'application de la loi no 5889. La même année, les travailleurs ruraux ont été explicitement mis sur pied d'égalité avec les travailleurs urbains, en vertu de l'article 7 de la Constitution fédérale(61). A la suite de ces réformes, une série de règlements traitant de questions telles que la prévention des accidents, les équipements de protection individuelle et les substances chimiques ont également été adoptés en 1988 au titre de cette loi.

On trouve d'autres exemples dans les pays suivants (liste non exhaustive): Australie, Canada, Espagne, Etats-Unis, Royaume-Uni et Suède. Tous ces pays possèdent un ensemble de décrets et de règlements qui s'appliquent au travail agricole et visent à protéger la sécurité et la santé des travailleurs.

Dispositions subordonnées en matière de sécurité et de santé
qui intéressent l'agriculture

Les obligations générales prévues dans les lois-cadres et les codes du travail en matière de sécurité et de santé n'ont qu'un effet limité si elles ne vont pas de pair avec des décrets et des règlements plus spécifiques qui précisent les normes en matière d'exposition, les prescriptions concernant les données à consigner et à déclarer, ainsi que d'autres règles détaillées. Il est courant que ces règlements soient élaborés en tant qu'éléments d'un ensemble de codes de pratique, de notes d'orientation et autres documents similaires. Ces instruments, qui ne sont pas toujours juridiquement contraignants, ont pour objet de fournir aux employeurs et autres parties concernées des indications pratiques sur la manière de remplir leurs obligations légales de diligence.

Dans bon nombre de pays, la législation subordonnée en matière de sécurité et de santé opère à trois niveaux interdépendants:

  1. Obligations générales des employeurs, des travailleurs et des autres parties, énoncées dans des lois.
  2. Obligations plus spécifiques énoncées dans des décrets et règlements.
  3. Recommandations pratiques énoncées dans des recueils de directives pratiques, des normes techniques, des documents de formation et des documents d'orientation juridiquement non contraignants.

C'est aux niveaux 2 et 3 que les lois nationales de certains pays traitent des questions de sécurité et de santé intéressant l'agriculture. Toutefois, bon nombre de ces lois ne traitent pas ces questions de manière exhaustive faute de normes détaillées. On se trouve ici face à une lacune majeure de la protection législative des travailleurs agricoles en matière de sécurité et de santé. A cet égard, certaines indications montrent qu'il existe une évolution positive, puisque le processus d'adoption d'une législation spécifique pour ce secteur est en cours dans un certain nombre de pays. Le BIT a été informé par les Fidji que le gouvernement compte, dans les deux ou trois prochaines années, adopter des règlements et des normes spécifiques pour l'agriculture. La Bulgarie a, en mai 1998, déposé un projet de loi sur les machines agricoles et sylvicoles devant son Assemblée nationale. Le Chili a promulgué récemment un recueil de directives pratiques concernant le travail forestier.

Les dispositions en matière de sécurité et de santé contenues dans les codes généraux du travail englobent aussi bien des dispositions étendues et globales que des dispositions plus spécifiques – qui concernent essentiellement la sécurité des machines et des produits chimiques. Certains pays complètent les dispositions de base de leur code du travail par des prescriptions plus détaillées contenues dans des décrets ou des règlements (par exemple le Brésil, Cuba, l'Espagne et le Viet Nam)(62). On trouve aussi des dispositions portant sur des questions intéressant les conditions de travail et certaines catégories spécifiques de travailleurs du secteur agricole, notamment la protection de la maternité, les travailleurs migrants, le travail des enfants, la durée du travail et l'indemnisation des accidents(63). Certains pays possèdent des règlements exhaustifs en matière de sécurité et de santé, en sus des dispositions de leur code du travail qui intéressent la sécurité et la santé (Burundi, Chine, France et Pologne)(64). Certains intègrent la législation sur la santé et la sécurité dans leur code du travail en y insérant des dispositions qui font référence à cette législation sans en reprendre l'énoncé (Japon, République de Corée)(65).

Parmi les nombreux décrets et règlements subordonnés applicables au secteur agricole, un certain nombre traitent des aspects suivants:

Décrets et règlements relatifs aux machines agricoles

On trouvera dans la présente section des exemples de règlements et de codes intéressant les machines et le matériel agricoles.

Les retournements de tracteurs et l'exposition aux parties dangereuses des machines et du matériel agricoles, notamment les vis sans fin et l'équipement de mois-sonnage, sont à l'origine de beaucoup de lésions et d'accidents mortels chez les travailleurs agricoles et les membres de leur famille(66).

Dans un certain nombre de pays, des décrets et règlements adoptés au titre de lois générales sur la sécurité et la santé imposent aux fabricants et aux employeurs d'assurer la sécurité des travailleurs qui utilisent certains matériels et machines (Hongrie, Namibie, Norvège)(67). Ce type de législation exige habituellement du fabricant qu'il garantisse que ses produits sont sans risque pour les consommateurs et dispose que les employeurs doivent fournir et maintenir, au profit de leurs travailleurs, des machines et du matériel ne présentant pas de risque. Ces prescriptions sont conformes à la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981.

Il arrive couramment que certaines machines agricoles, notamment les tracteurs, fassent l'objet d'une mention spéciale dans la législation sur la sécurité et la santé et que des systèmes de protection spéciaux soient imposés, notamment des structures de protection en cas de retournement (ROPS). Des pays comme les Etats-Unis, la Finlande, la France, la Norvège et la Suède possèdent ce type de lois depuis plus de dix ans. L'Espagne a, ces dernières années, adopté une législation détaillée concernant les tracteurs et d'autres machines agricoles. Les lois prévoyant des structures de protection en cas de retournement imposent habituellement aux fabricants et aux fournisseurs de certains tracteurs déterminés l'obligation de les équiper de ce type de structures avant de les vendre. Certaines dispositions imposent aussi aux employeurs de veiller à ce que les tracteurs soient dotés de ces structures(68). Comme on l'a vu plus haut, le Conseil des Communautés européennes a adopté un certain nombre de directives sur les machines agricoles, notamment, en 1987, une directive sur les structures de protection en cas de retournement(69).

La convention (no 119) sur la protection des machines, 1963, et la recommandation (no 118) qui l'accompagne s'appliquent aux "machines agricoles mobiles"(70). Bien que l'ensemble de la convention s'applique donc aux machines utilisées en agriculture, l'article 1(3)b) énonce que les dispositions de la convention "ne s'appliquent aux machines agricoles mobiles que dans la mesure ou la sécurité des travailleurs dont l'emploi est en rapport avec ces machines est en cause". La convention est entrée en vigueur le 21 avril 1965 et, à la date du 17 juin 1998, elle avait été ratifiée par 49 Etats Membres.

La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, dans son étude d'ensemble de 1987 sur la sécurité du milieu de travail(71), a relevé qu'un certain nombre de pays (Chypre, Sierra Leone et Zaïre(72)) étaient en train d'étendre leur législation sur la protection des machines de manière à ce qu'elle couvre les machines agricoles au même titre que les machines des usines, comme l'impose la convention.

La commission d'experts a aussi souvent relevé, dans ses rapports, que des pays, y compris ceux qui l'ont ratifiée, n'appliquaient pas complètement la convention no 119 s'agissant des machines agricoles. Par exemple, dans son rapport de 1989 sur l'application des conventions et recommandations, la commission d'experts a noté qu'au Zaïre, la législation ne couvrait pas les machines agricoles. Elle a formulé des remarques similaires en ce qui concerne la Turquie, en 1990, le Maroc, en 1995 et en 1998, et le Ghana, en 1996 et en 1998.

La France, dans son rapport examiné par la commission d'experts, cite l'inclusion des machines agricoles mobiles dans la convention no 119 comme un motif de la non-ratification de cet instrument(73). Toutefois, en 1987, un seul pays avait, au moment de la ratification, restreint l'application de la convention, comme l'autorise l'article 17(2) de celle-ci(74).

Décrets et règlements relatifs aux substances dangereuses

Dans beaucoup de pays, les lois sur la sécurité et la santé imposent aux fabricants et aux fournisseurs de substances dangereuses – ainsi qu'aux employeurs qui utilisent ces substances – l'obligation de protéger les travailleurs contre les dangers liés à celles-ci. Généralement, ce type de législation exige des fabricants et des fournisseurs qu'ils procurent aux destinataires des substances les informations relatives aux risques, par exemple, des fiches de données de sécurité pour les produits chimiques. Les employeurs, à leur tour, sont requis de respecter certaines mesures de protection, notamment la communication aux travailleurs d'informations concernant les substances qu'ils utilisent dans leur travail.

Les substances les plus couramment utilisées en agriculture sont les engrais et les pesticides. L'utilisation de ces derniers ainsi que d'autres produits agrochimiques fait l'objet, dans bon nombre de pays, d'une réglementation détaillée(75). Dans des pays tels que l'Inde, le Pakistan et Sri Lanka, ces lois constituent, parallèlement à la législation sur les "plantations", les principaux instruments législatifs de sécurité et de santé applicables à l'agriculture.

En règle générale, ces lois:

La convention (no 170) sur les produits chimiques, 1990, et la recommandation (no177) qui l'accompagne sont entrées en vigueur le 4 novembre 1993; à la date du 17juin 1998, la convention avait été ratifiée par sept pays. Aux termes de son préambule, la convention a pour but "de prévenir les maladies et lésions professionnelles dues aux produits chimiques, ou d'en réduire l'incidence". Elle s'applique "à toutes les branches d'activité économique où l'on utilise des produits chimiques" (article 1). Il est clair que la convention revêt une importance considérable pour le secteur agricole, qui recourt largement aux produits chimiques.

La recommandation (no 151) sur les travailleurs migrants, 1975, reconnaît les difficultés auxquelles sont confrontés les travailleurs migrants à cet égard. L'article22(1) dispose que "les employeurs devraient prendre toutes les mesures en leur pouvoir pour assurer que les travailleurs migrants soient à même de comprendre pleinement les instructions, avis de mise en garde, symboles et autres signaux relatifs aux risques de sécurité et d'hygiène concernant leur travail". L'article 22(3) suggère une approche possible de ces questions par les Etats Membres.

Dans son étude d'ensemble de 1980 consacrée aux travailleurs migrants, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations conclut que, compte tenu des problèmes particuliers en matière de sécurité et d'hygiène auxquels sont confrontés les travailleurs migrants, "il est essentiel, non seulement d'assurer une formation appropriée en matière d'hygiène et de sécurité, mais aussi de faire prendre conscience aux employeurs de la nécessité de veiller à ce que les travailleurs migrants comprennent parfaitement toutes les instructions et les précautions à prendre en matière d'hygiène et de sécurité, ainsi que du fait que [les employeurs] pourront avoir à prendre des mesures spéciales à cette fin, les instructions et la formation données aux autres travailleurs risquant d'être insuffisantes pour les travailleurs migrants"(76).

Logement et autres infrastructures

Dans un certain nombre de pays, la législation impose aux employeurs de fournir aux travailleurs les commodités de base telles que le logement, les installations sanitaires, l'eau potable, le transport en cas de blessure et l'infrastructure de premiers soins; ces commodités sont parfois étendues aux membres de la famille du travailleur. Les dispositions législatives vont de clauses extrêmement détaillées traitant, par exemple, des prescriptions diététiques (Chili et Uruguay, par exemple) à des clauses très générales imposant un logement "convenable et suffisant" (Nouvelle-Zélande)(77).

Dispositions relatives à la formation et à l'information en matière de sécurité
et de santé

La législation de sécurité et de santé de nombreux pays reconnaît également l'importance de la formation et de l'information; en réalité, elle impose aux employeurs, y compris ceux du secteur agricole, d'assurer cette formation et cette information au profit de leurs travailleurs (Ethiopie, Norvège)(78). On trouve des dispositions similaires dans les lois de pays qui traitent explicitement de la sécurité et de la santé dans le secteur agricole (Argentine, France)(79).

La prédominance, dans le secteur agricole, des travailleurs illettrés et migrants qui effectuent un travail saisonnier pendant les périodes de moisson a pour conséquence que de nombreux travailleurs, dans l'exécution de leurs tâches, sont confrontés à des difficultés de lecture, de langue et de culture, ce qui compromet leur sécurité.

Certaines lois nationales reconnaissent expressément l'importance de la communication des informations dans une langue compréhensible par les travailleurs. La loi hongroise, par exemple, dispose que:

Chaque fois qu'il existe, sur un lieu de travail, un travailleur qui ignore le hongrois, l'employeur veillera également à ce que la documentation pratique, les panneaux de mise en garde et les panneaux d'interdiction et d'information soient libellés dans une langue comprise par l'intéressé(80).

En Australie (Victoria) et aux Fidji, les lois sur la sécurité et la santé contiennent une prescription similaire qui souligne l'importance d'assurer l'information dans une langue compréhensible par les travailleurs(81). L'autorité compétente de la province de Victoria a également établi un recueil de directives pratiques en vue d'aider les employeurs à remplir leurs obligations vis-à-vis des travailleurs dont la langue principale n'est pas l'anglais(82). Dans les pays en développement, l'analphabétisme est largement répandu parmi les travailleurs agricoles – et certains pays en tiennent compte dans leurs dispositions. En Argentine, par exemple, un employeur agricole est tenu de prendre en compte, pour la détermination de la formation à assurer, le "niveau d'instruction atteint par le travailleur"(83).

Il est universellement admis que les travailleurs ont besoin d'une formation et d'informations sur la sécurité afin de leur permettre d'effectuer leur travail sans risque pour eux-mêmes et pour les autres. L'article 19d) de la convention no 155 énonce que des dispositions devront être prises au niveau de l'entreprise aux termes desquelles "les travailleurs et leurs représentants dans l'entreprise recevront une formation appropriée dans le domaine de la sécurité et de l'hygiène du travail". Aux termes du paragraphe 12(2)a) de la recommandation no 164, cette formation doit être complétée par "une information suffisante sur les questions de sécurité et d'hygiène".

Autres textes législatifs intéressant l'agriculture

Outre les lois générales sur la sécurité et la santé et les règlements qui traitent d'aspects spécifiques de ces questions dans le secteur agricole, on trouve des lois "autonomes", c'est-à-dire des lois qui ne sont pas subordonnées à des lois-cadres sur la sécurité et la santé. Une des conséquences importantes de cette distinction est que les lois "autonomes" sont souvent administrées par un organisme ou une institution différents de ceux qui administrent les lois-cadres ou les codes du travail relatifs à la sécurité et à la santé. Par exemple, les lois sur les pesticides sont généralement administrées par les ministères de l'agriculture, de l'environnement ou de la santé. Cela a des répercussions sur la coordination de l'administration et sur la mise en application des lois sur la sécurité et la santé intéressant le secteur agricole.

Bien qu'il y ait à cela des exceptions notables qui ont été signalées ci-dessus, le fait que la promulgation de la législation pour le secteur agricole ne se soit pas faite selon une politique ordonnée et globale a entraîné l'application de règlements spécifiques par différents ministères – souvent sans coordination, ce qui peut compromettre sensiblement l'application de la législation principale dans ce secteur. Le Honduras est, à cet égard, un exemple typique. Afin de promouvoir le développement technologique dans l'agriculture et d'éviter certains obstacles bureaucratiques à la modernisation, la législation du Honduras permet aux producteurs agricoles d'importer des "matières premières, outils ou machines agricoles" sans devoir obtenir l'autorisation ou les permis administratifs qui seraient normalement requis(84). En outre, ces producteurs ne bénéficient pas de conseils techniques en matière de mesures de sécurité ni d'un encadrement pour le choix des produits chimiques et du matériel agricole.

Limitations inhérentes à la portée des lois

Il existe trois limitations inhérentes à la portée des lois générales sur la sécurité et la santé examinées ci-dessus, s'agissant de leur application au secteur agricole. Premièrement, comme on l'a vu plus haut, le cadre réglementaire global établi par ce type de législation n'est efficace, dans une large mesure, que pour autant qu'il ouvre la voie à des normes détaillées sous la forme de règlements, décrets, arrêtés, recueils de directives pratiques, etc. Seuls quelques pays ont élaboré un corps complet de normes applicables à l'agriculture. Deuxièmement, dans de nombreux pays, seuls les travailleurs au bénéfice d'un contrat de travail jouissent de la protection complète offerte par la législation. Par exemple, les droits – tels que le droit à la formation, le droit d'être représenté en matière de sécurité et de santé, et le droit à des examens médicaux périodiques – sont généralement réservés, dans ce type de législation, aux "travailleurs". Etant donné qu'un grand nombre de personnes qui travaillent dans le secteur agricole sont des membres de la famille de l'exploitant ou appartiennent à d'autres catégories à part, comme les travailleurs temporaires ou les saisonniers, les protections prévues par la loi n'ont généralement pour eux qu'un intérêt limité, ou n'ont aucun effet. Troisièmement, la législation de nombreux pays ne protège pas les travailleurs indépendants, dans la mesure où elle ne s'applique qu'aux personnes occupées au titre d'un contrat de travail.

Un souci important pour les pays d'Europe centrale et orientale ainsi que pour les nouveaux Etats indépendants est de mettre à jour leur législation sur la sécurité et la santé au travail pour tenir compte de la situation économique et politique actuelle. La nécessité de pratiques solides en matière de sécurité et de santé sur le lieu de travail pour protéger la santé des travailleurs a été examinée récemment dans le cadre d'une réunion sur la sécurité et la santé au travail et la protection de l'environnement dans le secteur de l'agriculture, organisée à Kiev en septembre 1998(85).

Notes

1. Lorsque le présent rapport mentionne des lois d'Etats fédéraux, le lecteur pourra considérer, sauf indication contraire, qu'il s'agit de lois promulguées par les parlements nationaux des Etats en question. Pour les lois adoptées par un Etat ou un parlement provincial faisant partie d'une fédération, la dénomination suivante sera utilisée: "Australie (Victoria)", "Etats-Unis (Californie)", etc.

2. Loi fédérale de 1980 portant réglementation des relations de travail, titre 1, article 1.

3. Loi de 1996 portant réglementation du travail des enfants et des adolescents, article 19.

4. Voir loi brésilienne no 6260 du 6 novembre 1975 sur la protection sociale des employeurs et des travailleurs ruraux.

5. Pour la liste des conventions et des recommandations intéressant l'agriculture, voir les Annexes I etII.

6. BIT: Problèmes de médecine du travail en agriculture. Rapport de la quatrième session du Comité mixte OIT/OMS de la médecine du travail (Genève, 1963), p. 6.

7. BIT: L'inspection du travail, étude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 71e session, Genève, 1985, rapport III (partie 4B), paragr. 53.

8. Autriche: loi de 1948 sur le travail dans l'agriculture, article 5.

9. En 1970, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a noté que l'agriculture était exclue des lois sur la sécurité et la santé de nombreux pays. Voir BIT: La protection de la santé, les services sociaux et le logement des travailleurs. Etude sur l'effet donné à quatre recommandations (Genève, 1970).

10. Cambodge: loi de 1992 sur le travail, chapitre 7 (exclut les exploitations agricoles familiales); Turquie: loi de 1971 sur le travail, article 5. Voir aussi BIT: Sécurité du milieu de travail, étude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 73e session, rapport III (partie 4B).

11. Argentine: décret no 390, loi no 390; Autriche: loi de 1948 sur le travail agricole; Cameroun: décret no 68-DF-250 du 10 juillet 1968 fixant les modalités d'application de la durée du travail et déterminant les dérogations dans les entreprises agricoles et assimilées; Grèce: lois nos 1264/82, 1361, 4169 et 1915 (dont chacune traite d'un aspect distinct de la réglementation des relations de travail dans l'agriculture); Maroc: dahir portant loi no 1-72-219 du 24 avril 1973; Etats-Unis (Californie): code du travail de la Californie, partie 3.5.

12. Pour un examen de l'influence que la législation britannique sur les "fabriques" a eue sur les lois de plusieurs pays africains, voir African Newsletter on Occupational Health and Safety. Legislation as a tool in occupational health and safety, vol. 2, no 3 (Helsinki, 1992).

13. Par exemple, une législation de ce genre a été adoptée pour la première fois dans les Indes orientales néerlandaises (l'Indonésie actuelle) en 1910. Voir "Ordonnance sur la sécurité", Journal officiel, no406, 1910.

14. Voir loi de 1948 sur les fabriques (Inde); loi de 1990 sur les fabriques (Nigéria); loi sur les fabriques (Sri Lanka); loi de 1972 sur les fabriques, les machines et les travaux de construction (Swaziland); ordonnance sur les fabriques (Trinité-et-Tobago) et loi sur les fabriques et les lieux de travail, chapitre 283 (Zimbabwe). Certains commentateurs ont regretté l'absence de lois exhaustives sur la sécurité et la santé en Inde. Voir T.K. Joshi: "Practising occupational health in India", dans l'ouvrage publié sous la direction de J.M. Stellman: Encyclopaedia of Occupational Safety and Health, 4e éd., vol. 1 (BIT, Genève, 1998).

15. Loi de 1934 sur les fabriques (Pakistan) et ordonnance de 1962 visant à garantir la protection sociale aux travailleurs des plantations de thé. L'article 2 limite le champ d'application de cette ordonnance aux plantations comptant 30 travailleurs au moins. Au Népal, la portée de la loi de 1992 sur le travail (qui abroge et remplace la législation antérieure sur les "fabriques") est limitée aux entreprises industrielles et aux plantations de thé qui occupent plus de 10 personnes.

16. Pour un examen des risques en matière de sécurité et de santé auxquels sont exposés les enfants qui travaillent dans le secteur agricole, voir Forastieri, op. cit.

17. Articles 87 à 95. Voir aussi la loi australienne de 1996 sur les relations sur le lieu de travail, articles127A à 127C, qui autorise la juridiction du travail (la Commission australienne des relations professionnelles) à examiner, dans certaines circonstances, les conditions de travail des sous-traitants indépendants, ainsi que le code fédéral du travail du Mexique au sujet des métayers et des fermiers.

18. Loi sur la santé et la sécurité du travail (Afrique du Sud), article 9; loi de 1996 sur la santé et la sécurité au travail (Fidji), article 10; loi de 1992 sur le travail (Namibie), article 97; loi de 1992 sur la santé et la sécurité des salariés (Nouvelle-Zélande), article 15.

19. BIT: Administration du travail, étude d'ensemble de la commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 85e session, Genève, 1997, rapport III (partie 4B), paragr. 137.

20. Le paragraphe 18 de la recommandation vise la mise à disposition, par les propriétaires fonciers, d'un logement approprié ainsi que d'un approvisionnement en eau potable et d'installations sanitaires.

21. Estimation fournie dans la réponse de l'Ethiopie à une demande d'informations du BIT.

22. W.G. Vause: "Occupational safety and health law for agricultural employment", Stetson Law Review (St. Petersburg, Floride) vol. 8, no 1, 1978.

23. Loi no 4 du 4 février 1977 sur la protection des travailleurs et le milieu de travail, chapitre 1, article2(5).

24. République de Corée: loi de 1997 sur les normes du travail, article 10 (cinq travailleurs au moins); Népal: loi de 1992 sur le travail, article 2b) – Définition de l'"établissement (dix travailleurs au moins).

25. Voir le règlement 388/94 de l'Ontario.

26. Forastieri, op. cit.

27. Costa Rica: Code du travail, article 89; Lituanie: loi no I-266 sur la protection du travail, chapitre 6, sous-chapitre 1; Nicaragua: Code du travail, articles 131 et 133; Suède: loi sur le milieu de travail (no 1160 de 1997), chapitre 5, article 3.

28. Code du travail de la République dominicaine, titre no 6, articles 277 à 282.

29. BIT: "Child labour in agriculture. A survey of national legislation", document non publié (Genève, 1996).

30. P.ar exemple, République dominicaine: code du travail, article 282; Panama: code du travail, article 119; Portugal: décret législatif no 396/21 définissant les règles nouvelles pour l'emploi des mineurs, article 122(2).

31. Forastieri, op. cit.

32. Source en ce qui concerne le nombre de ratifications: BIT: Liste des ratifications par convention et par pays, Conférence internationale du Travail, 86e session, Genève, 1998, rapport III (partie 2).

33. Article 5, paragr. 4. Dès 1920, l'OIT interdisait, à de rares exceptions près, le travail des enfants de moins de 14 ans "dans les entreprises agricoles publiques ou privées [...]" (convention (no 10) sur l'âge minimum (agriculture), 1920); on notera l'effet de l'article 10(3) de la convention no 138 sur la convention no 10.

34. Chine: code du travail, 1994, chapitre VII, articles 61 à 63; Lituanie: loi no I-266 sur la protection du travail, chapitre 6, sous-chapitre 2; Nicaragua: code du travail, 1996, articles 130 à 137.

35. BIT: La protection de la maternité au travail, Conférence internationale du Travail, 87e session, Genève, 1997, rapport V(1).

36. Voir "International Conference on Occupational Health and Safety in the Informal Sector" (ICOHIS'97), Asian-Pacific Newsletter on Occupational Health and Safety (Helsinki), vol. 5, no 1, 1998.

37. Par exemple, la loi suédoise initiale sur la sécurité et la santé, à savoir la loi de 1889 sur les activités professionnelles à risque, ne s'appliquait qu'aux activités industrielles. Ce n'est qu'après qu'une commission l'eut revue en 1938 qu'une nouvelle loi fut promulguée en 1949 qui prévoyait l'extension au secteur agricole. La loi de 1949 fut à son tour abrogée et remplacée par la loi de 1977 sur le milieu de travail, qui est encore en vigueur actuellement. Voir J.E. Korostoff, L.M. Zimmerman et C.E. Ryan: "Rethinking the OSHA approach to workplace safety: A look at worker participation in the enforcement of safety regulations in Sweden, France and Great-Britain", Comparative Labour Law Journal, no 13, 1991.

38. Lesotho: ordonnance relative au code du travail, 1992; Maurice: loi no 34 de 1988 sur la santé et la sécurité au travail et sur la protection sociale; Namibie: loi de 1992 sur le travail.

39. Australie (Fédéral): loi de 1991 sur la santé et la sécurité (travail dans le Commonwealth); Australie (Etats): loi de 1995 sur la santé et la sécurité sur le lieu de travail (Tasmanie); Bulgarie: loi de 1997 sur la santé et la sécurité au travail (Journal officiel no 124 du 23 décembre 1997); Fidji: loi de 1996 sur la santé et la sécurité au travail; Hongrie: loi no 93 sur la sécurité et la santé au travail; Malaisie: loi no 514 sur la santé et la sécurité au travail; Mexique: loi fédérale de 1997 sur la sécurité, la santé et l'environnement (21janvier 1997); Nouvelle-Zélande: loi de 1992 sur la santé et la sécurité au travail.

40. La Trinité-et-Tobago est en train d'adopter une loi globale sur la sécurité et la santé qui remplacera l'ordonnance sur les fabriques. La nouvelle loi, qui s'intitulera "loi de 1998 sur la sécurité et la santé au travail", s'appliquera à tous les travailleurs agricoles.

41. Pour un résumé des principales conclusions et recommandations du rapport, voir B. Creighton et P.Rozen: Occupational health and safety law in Victoria (The Federation Press, Sydney), 2e éd., 1997.

42. Directive du Conseil 89/391 CEE du 12 juin 1989, Journal officiel des Communautés européennes, vol. 32, no L183 (Bruxelles, 29 juin 1989).

43. Voir J. Manos: "Occupational safety and health directives of the European Union: An overview", dans l'ouvrage publié sous la direction de D. Brune, G. Gerhardsson, G.W. Crockford et D. d'Auria: The Workplace, vol. 1 (Scandinavian Science Publishers, Oslo, et CIS/BIT, Genève, 1997).

44. J. Manos, ibid.

45. Loi de 1993 sur la santé et la sécurité des travailleurs (République sud-africaine), article 5(3).

46. Voir la loi de 1997 sur les travailleurs agricoles (Nouvelle-Zélande), titre VI, Sécurité, santé et protection sociale.

47. Voir la loi de 1992 sur la santé et la sécurité des travailleurs (Nouvelle-Zélande), article 62(1) et appendice 3.

48. Voir le titre VI du règlement de 1995 sur la santé et la sécurité des travailleurs, qui traite des prescriptions en matière d'infrastructures d'hébergement et de préparation des repas pour les travailleurs agricoles.

49. Au Royaume-Uni, l'abrogation des lois sur la sécurité et la santé dans le secteur agricole (notamment la loi de 1956 sur l'agriculture: dispositions en matière de sécurité, de santé et de protection sociale) a fait appel à un processus de consultation; voir Commission de la santé et de la sécurité (HSC): The proposed removal of outdated agricultural health and safety legislation, HSE Booklet CD 102, HSE Books (Sudbury, Suffolk, Royaume-Uni, 1996).

50. Journal officiel des Communautés européennes, vol. 19, no C287 (Bruxelles, 4 déc. 1976).

51. Directive du Conseil, 89/392/CEE, op. cit.

52. L. Vogel: "L'observatoire du BTS sur l'application des directives européennes: un premier bilan", L'environnement du travail dans l'Union européenne: le difficile passage du droit à la pratique, Conférence de 1997 du Bureau technique syndical européen pour la santé et la sécurité (BTS), Bruxelles, 1er-2 décembre 1997.

53. Décret no 617/97.

54. L'Argentine possède également une législation générale sur la sécurité et la santé: loi no 19587 concernant la sécurité et la santé au travail (1972) et loi no 24557 sur les risques professionnels (1995).

55. Titre III du Livre deuxième du Code du travail (France), article L.231-1 et décret no 79-228 du 20mars 1979.

56. Chapitre II, section V, sous-section 1.

57. Les décrets et règlements sont adoptés en vertu de l'article L.231-1.

58. Article L.231-1-3.

59. Titre IV du Livre deuxième, article L.241-1.

60. Voir articles L.241-1 à L.241-5.

61. L'expression "travailleurs ruraux" est couramment utilisée dans la législation des pays d'Amérique latine. Elle est plus large que l'expression "travailleurs agricoles" en ce qu'elle comprend les travailleurs tels que les artisans des zones rurales. Voir, par exemple, la définition figurant à l'article 279 du Code fédéral du travail (Mexique).

62. Cuba: loi no 13 sur la protection et l'hygiène au travail (28/12/77): Viet Nam: décret gouvernemental no 06/CP du 20 janvier 1995, contenant des dispositions détaillées en vue d'un code du travail sur la sécurité et la santé au travail. Le Brésil et l'Espagne possèdent tous deux une longue liste de décrets et de règlements intéressant ce secteur.

63. Pour un examen plus détaillé des dispositions relatives aux relations de travail, voir BIT, Les ouvriers agricoles, op. cit.

64. Burundi: Code du travail, 1993, art. 11; Chine: Code du travail, 1994, chapitre VI; France: Code du travail, Livre deuxième, titre III; Pologne: Code du travail, 1974, article 15.

65. Par exemple, le chapitre 6 de la loi de 1997 sur les normes du travail (République de Corée) impose l'obligation de respecter la loi sur la sécurité et l'hygiène au travail. Voir aussi: Industrial safety and health law and related legislation of Japan (Japan Industrial Safety and Health Association, Tokyo, 1983).

66. J. Takala: Safety of agricultural tractors and machinery, Conférence sur les risques pour la santé et la sécurité dans les travaux agricoles: les besoins des pays en développement, octobre 1997 (National Safety Council/NECAS, Illinois, Etats-Unis).

67. Voir, par exemple, les articles 23 et 29 de la loi no 93 de 1993 sur la sécurité et la santé au travail (Hongrie); l'article 96(2)a) de la loi de 1992 sur le travail (Namibie) et l'article 9 de la loi no 4 du 4 février 1997 sur la protection des travailleurs et le milieu de travail (Norvège).

68. Pour un examen du fonctionnement de ces lois en Scandinavie, voir S. Höglund: "Agriculture", dans The Workplace, op. cit. Au sujet de la position des Etats-Unis, voir Vause, op. cit.

69. Directive 87/402/CEE du Conseil du 25 juin 1987 relative aux dispositifs de protection en cas de renversement, montés à l'avant des tracteurs agricoles et forestiers à roues, à voie étroite, Journal officiel des Communautés européennes, no L.220 (Bruxelles, 8 août 1987). Voir aussi Manos, op. cit.

70. Article 1(3) de la convention.

71. BIT: Sécurité du milieu de travail, op. cit.

72. Actuellement, la République démocratique du Congo.

73. BIT: Sécurité du milieu de travail, op. cit.

74. Ibid. L'étude ne précise pas de quel pays il s'agit.

75. Voir, par exemple, Brésil: loi de 1989 sur les pesticides; Finlande: ordonnance sur les pesticides (1984); France: décret no 87-361 relatif à la protection des travailleurs agricoles exposés aux produits antiparasitaires à usage agricole; Inde: loi de 1968 sur les insecticides; Indonésie: règlement no 7 du gouvernement de la République d'Indonésie sur la vente, l'entreposage et l'utilisation des pesticides (1973) et règlement du ministère de la main-d'œuvre concernant les conditions de sécurité et de santé sur les lieux de travail gérant des pesticides (1986); Mexique: Nom-Y-302-1988 (1er juin 1988); Seychelles: loi no 4/1996 sur le contrôle des pesticides; Australie (Nouvelle-Galles du Sud): loi de 1978 sur les pesticides (NSW).

76. BIT: Travailleurs migrants, étude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 66e session, Genève, 1980, rapport III (partie 4B), paragr. 440.

77. On peut citer les exemples suivants de ce type de lois: Chili: code du travail (1994), article 92 (travailleurs temporaires et permanents); Mexique: Code fédéral du travail, article 283; Nouvelle-Zélande: règlement sur la santé et la sécurité au travail (1995), titre VI; Uruguay: loi no 14785. Voir aussi l'examen des lois nationales sur le logement des travailleurs dans BIT, La protection de la santé, les services sociaux et le logement des travailleurs, op. cit.

78. Ethiopie: proclamation no 42/1993 relative au travail, article 92(2); Norvège: loi no 4 du 4 février 1997 sur la protection des travailleurs et le milieu de travail, article 14h).

79. Argentine: décret no 617/97, articles 48 à 50; France: Code du travail, articles L.231-2.4 et L.231-3-1.

80. Loi no 93 sur la sécurité et la santé au travail, article 39(2).

81. Fidji: loi de 1966 sur la sécurité et la santé au travail, article 9(2)c); Australie (Victoria): article21(4)e) de la loi de 1985 sur la sécurité et la santé au travail.

82. Code of practice for the provision of information in languages other than English.

83. Décret no 617/97, article 50.

84. Article 17 du décret no 31-92 de mars 1992 relatif à la modernisation du secteur agricole.

85. Conférence internationale sur la santé et la sécurité environnementales dans l'agriculture à la charnière entre deux siècles, organisée par l'Institut de la santé au travail, à Kiev, Ukraine, du 8 au 11 septembre 1998.

 


CHAPITRE III

ADMINISTRATION ET MISE EN APPLICATION
DE LA LÉGISLATION NATIONALE


Le présent chapitre examine les difficultés que soulèvent l'administration et la mise en application de la législation sur la sécurité et la santé dans le secteur agricole. Plusieurs Etats Membres qui ont répondu à la demande d'informations du BIT sur la sécurité et la santé dans le secteur agricole ont souligné, à cet égard, qu'un de leurs principaux problèmes pratiques était l'administration de la législation.

De nombreux pays prévoient, dans leurs lois sur la sécurité et la santé, des organismes consultatifs tripartites compétents en la matière. Il est moins courant d'y voir représentés le ministère de l'Agriculture et les employeurs et travailleurs du secteur agricole.

Autorités compétentes et coordination interinstitutionnelle

La législation de nombreux pays sur la sécurité et la santé prévoit un conseil, une commission ou tout autre organe tripartite chargé de la sécurité et de la santé composé de représentants du gouvernement, des travailleurs et des employeurs(1). Généralement, ces organes sont constitués de représentants des ministères de la Santé, de l'Industrie, du Travail ou de la Sécurité sociale ainsi que de représentants des employeurs et des travailleurs et, parfois, d'un ou plusieurs experts indépendants en sécurité et santé au travail. Ils relèvent d'ordinaire de la compétence administrative du ministère du Travail, et ils remplissent une ou plusieurs des fonctions suivantes:

Toutefois, il n'est pas très fréquent que la législation instituant ces organes inclue des représentants du ministère de l'Agriculture ou précise que les employeurs et les travailleurs du secteur agricole doivent y être représentés. Comme on l'a vu plus haut, le Code du travail français est une exception à cet égard, puisqu'il prévoit un organe tripartite spécialisé, la Commission nationale d'hygiène et de sécurité du travail en agriculture(2), qui traite uniquement de la santé et de la sécurité dans le secteur agricole. Présidée par le ministre de l'Agriculture, cette commission comprend en outre des représentants des ministères chargés du travail, de la santé, de l'industrie et de l'environnement ainsi que six représentants des employeurs et six représentants des travailleurs du secteur agricole, et neuf experts(3); son rôle consiste à participer à l'élaboration de la politique nationale de prévention des risques professionnels dans les professions agricoles(4). Un autre exemple d'organe tripartite compétent en matière de sécurité et de santé et où le secteur agricole est représenté est le Conseil supérieur de la santé au travail, en République islamique d'Iran. Siègent au Conseil un représentant du ministre de l'Agriculture, d'autres représentants du gouvernement, des représentants des employeurs et des travailleurs et des experts indépendants(5). En Italie, un représentant du ministère de l'Agriculture siège au conseil d'administration de l'Institut national pour la prévention et la sécurité au travail (ISPEL)(6). Le Conseil national pour la prévention et la santé et la sécurité au travail du Venezuela comprend un représentant du ministre de l'Agriculture ainsi qu'un représentant de la Confédération des agriculteurs vénézuéliens(7). D'autres exemples sont, notamment: le Conseil national du travail agricole, en Argentine(8); la Commission de l'hygiène et du milieu de travail, au Pérou(9) et le Conseil national de la sécurité et de l'hygiène au travail (CNHST), au Portugal(10).

Dans certains pays, les organes consultatifs généraux en matière de sécurité et de santé créent leurs propres comités consultatifs sectoriels. Au Royaume-Uni, par exemple, la loi-cadre sur la sécurité et la santé institue un organe consultatif général, la Commission de la santé et de la sécurité (HSC)(11). La HSC a créé un certain nombre de comités consultatifs sectoriels, notamment le Comité consultatif du secteur agricole (AIAC). Ce comité se compose d'employeurs et de travailleurs du secteur agricole ainsi que de représentants des services gouvernementaux chargés de l'agriculture et de conseillers du secteur de l'enseignement professionnel agricole. L'AIAC a pour rôle principal de conseiller la HSC sur les questions agricoles en général et sur les questions de sécurité et de santé qui intéressent l'agriculture.

La nécessité d'une coordination entre les autorités est reconnue dans la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981. L'article 15 de la convention prescrit aux Etats Membres d'"adopter des dispositions conformes aux conditions et à la pratique nationales, visant à assurer la coordination nécessaire entre les diverses autorités et les divers organismes chargés de donner effet aux parties II et III de la convention". De même, l'article 7, paragraphe 1, de la convention (no 129) sur l'inspection du travail (agriculture) dispose que "pour autant que cela est compatible avec la pratique administrative du Membre, l'inspection du travail dans l'agriculture sera placée sous la surveillance et le contrôle d'un organe central"(12).

L'inspection constitue l'effort le plus visible des gouvernements pour garantir des conditions d'emploi, ainsi que des conditions de santé et d'hygiène au travail, qui soient satisfaisantes. Dans la majorité des pays examinés, la législation sur la sécurité et la santé est administrée par le ministère du Travail, souvent par l'intermédiaire d'un bureau ou d'une direction de la sécurité et de la santé. La réception des déclarations, l'exécution des inspections et des enquêtes et l'application des lois sont généralement de la compétence d'inspecteurs du travail ou d'inspecteurs de la sécurité et de la santé. En Bulgarie, par exemple, il existe un inspecteur dans chacune des vingt-huit inspections du travail de district, qui est responsable des sites de travail agricoles. La Suède compte de un à trois inspecteurs du travail spécialisés en agriculture dans chacun de ses onze districts. Ceux-ci sont parfois aidés par des fonctionnaires du ministère de l'Agriculture ou de la Santé lorsqu'ils mènent des inspections ou des enquêtes dans des exploitations agricoles(13). Dans ce contexte, le rôle de ces fonctionnaires consiste généralement à fournir des conseils techniques concernant les produits agrochimiques ou les machines agricoles. Dans quelques pays, notamment l'Argentine, la France et l'Uruguay, le ministère de l'Agriculture est l'organe désigné pour assurer l'inspection en matière de sécurité et de santé dans le secteur agricole.

Outre ce rôle secondaire de conseil et d'appui aux inspecteurs de la sécurité et de la santé, les ministères de l'Agriculture, de l'Environnement ou de la Santé ont souvent la responsabilité première de l'administration de la législation spécifique aux exploitations agricoles, notamment celle de réglementer l'usage des pesticides. De même, dans bon nombre de pays, le ministère de la Santé a la charge administrative de l'inspection de la santé au travail. Au Costa Rica, le ministère de la Santé reçoit une partie des cotisations des employeurs pour financer des activités de prévention dans les plantations agricoles.

Un document de travail établi en 1995 par l'Equipe consultative multidisciplinaire de l'OIT pour l'Amérique centrale, qui a examiné le droit et la pratique dans plusieurs pays d'Amérique latine, signale que l'insuffisance des ressources disponibles pour l'inspection du travail réduit fortement l'efficacité des lois sur la protection du travail dans les zones rurales. Ce document met en évidence des disparités importantes en ce qui concerne le nombre d'inspecteurs affectés aux zones rurales ainsi qu'un manque d'infrastructure de base et de moyens de transport. Par exemple, au Chili, où l'implantation des services d'inspection dans les zones rurales est meilleure que dans de nombreux pays d'Amérique latine, le rapport inspecteurs-travailleurs dans les zones rurales en 1995 allait de un pour 16770, dans la région où la densité d'inspecteurs était le plus élevée (Concepción), à un pour 47810 dans la région où elle était le plus faible (Arauco)(14). En outre, le document relève que les sanctions appliquées à ceux qui enfreignent les lois sont trop faibles pour avoir un réel effet dissuasif. Il souligne par ailleurs que la lenteur et la lourdeur des procédures juridiques pour la poursuite des infractions à la loi font obstacle à leur fonctionnement efficace(15).

Bon nombre des réponses reçues par le BIT s'inquiètent des ressources disponibles pour l'application des lois sur la sécurité et la santé dans le secteur agricole, sur le plan tant des compétences des fonctionnaires que des ressources auxquelles ils ont accès(16).

D'après la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, les services d'inspection de la sécurité et de la santé et les services d'inspection du travail qui ont pour mission de faire appliquer la législation sur la sécurité et la santé "sont essentiellement limités aux zones urbaines"(17). En réalité, ces services d'inspection sont traditionnellement axés sur les risques professionnels et les risques existant dans les secteurs particulièrement dangereux comme la construction et les industries extractives. Qui plus est, les inspecteurs généralistes des services d'inspection de la sécurité et de la santé non seulement ne comprennent pas les aspects techniques des risques propres à l'agriculture mais encore ignorent tout de l'organisation du travail dans le secteur agricole. Il est clair que ces lacunes réduisent leur efficacité s'agissant de faire respecter les lois sur la sécurité et la santé dans le secteur agricole(18).

Par exemple, le Viet Nam a signalé que le personnel qui travaille au ministère de l'Agriculture et du Développement rural manque de qualifications en matière de sécurité et de santé, ce qui porte atteinte à sa capacité d'assurer les services concernés aux travailleurs et aux employeurs du secteur agricole. Il arrive que les inspecteurs de la sécurité et de la santé possèdent ces qualifications, mais manquent de l'expérience requise du secteur agricole(19). Les Fidji, dans leur réponse à la demande d'informations du BIT, ont indiqué que les ressources limitées dont le pays dispose pour les activités d'inspection et de mise en application de la loi compromettaient l'efficacité de leur législation globale, récemment adoptée, sur la sécurité et la santé dans le secteur agricole. L'Ethiopie, le Nicaragua et la Thaïlande ont signalé qu'ils ne disposaient pas des ressources matérielles, financières et humaines requises pour couvrir correctement le secteur agricole. Des préoccupations similaires ont été exprimées précédemment par la Barbade, le Belize, le Burundi, l'Inde, les Philippines et la Somalie(20).

Il existe des exemples d'initiatives récentes prises par certains services d'inspection de la sécurité et de la santé en vue de renforcer les ressources qu'ils affectent au secteur agricole. Par exemple, certains pays possèdent un service d'inspection spécifique de la sécurité et de la santé dans le secteur agricole (Royaume-Uni, Suisse). Au Royaume-Uni, la Direction de la sécurité et de la santé a lancé, en 1993, un programme visant à réduire le nombre d'accidents associés à l'utilisation des arracheuses de pommes de terre. Ce programme a permis une diminution de 60 pour cent du nombre d'accidents et de lésions entre 1992-93 et 1994-95(21). Plus récemment, en 1996, l'Inspection de l'agriculture de la Direction de la sécurité et de la santé a publié un dossier pédagogique et un film vidéo intitulés No Second Chances, qui ont été envoyés gratuitement à toutes les écoles d'agriculture du Royaume-Uni.

Ce bref aperçu illustre le chevauchement des rôles joués par les différents ministères dans l'administration et la mise en œuvre des lois sur la sécurité et la santé applicables aux exploitations agricoles. Il montre combien il est important de disposer d'inspecteurs formés tant dans le domaine de la sécurité et de la santé que dans celui de l'agriculture pour effectuer inspections et enquêtes. Enfin, il souligne la nécessité d'une coordination active entre les différents ministères ayant des compétences en matière d'agriculture, pour assurer une utilisation optimale et efficace des ressources des services de formation et d'inspection, qui sont souvent très minces, en particulier dans les pays en développement(22).

Outre les nombreux arrangements officieux existant entre les organismes et les départements qui assument la responsabilité administrative des lois sur la sécurité et la santé applicables à l'agriculture, plusieurs pays offrent des exemples de coopération officielle entre les organismes qui administrent les lois sur les pesticides. Le Mexique, par exemple, possède une commission interministérielle pour le contrôle, le traitement et l'utilisation des pesticides, engrais et autres substances toxiques. Les compétences de cette commission, constituée de représentants des ministères de l'Industrie, de l'Agriculture, de l'Environnement et de la Santé, concernent la fixation des normes relatives à la préparation, à l'utilisation et à l'élimination des engrais et des pesticides, et la promotion de la recherche et de la formation. La commission possède également une sous-commission pour les études sur l'agriculture, l'hygiène, l'écologie et la santé, présidée par un représentant du ministère de l'Agriculture. Au Panama, la Commission technique nationale des produits agrochimiques poursuit un but similaire. Les travaux de cette commission sont coordonnés par un représentant du ministère de l'Agriculture(23).

Limitations dues au défaut de mise en application

La question de l'application des lois générales sur la sécurité et la santé dans le secteur agricole présente deux aspects. Premièrement, dans de nombreux pays – Afrique du Sud, Fidji, Hongrie et Suède, notamment – la législation sur la sécurité et la santé repose, pour l'efficacité de son fonctionnement, sur la participation des représentants des travailleurs pour la sécurité et la santé(24). Dans des pays tels que la France, la Suède et le Royaume-Uni, les représentants des travailleurs pour la sécurité jouent un rôle essentiel dans l'application de la législation sur la sécurité et la santé(25).

Dans certains pays – Hongrie, Namibie, Afrique du Sud –, pour qu'un représentant à la sécurité puisse être élu, il faut qu'il y ait un nombre minimum de travailleurs sur le lieu de travail. De nombreuses entreprises agricoles n'atteignent pas ce seuil (dix travailleurs en Hongrie et en Namibie, 20 en Afrique du Sud)(26). Même dans les pays qui ne prévoient pas de seuil, une proportion importante des lieux de travail agricoles n'ont pas de tels représentants, ce qui peut compromettre l'application effective de la législation. Le Code du travail français, par exemple, confère un rôle essentiel aux comités d'hygiène et de sécurité dans l'application des normes concernant la sécurité et la santé et d'autres conditions de travail. Les entreprises de tous les secteurs de l'économie autres que les mines, les carrières et les transports comptant 50 travailleurs ou plus sont tenues de constituer un tel comité(27). En pratique, ces comités sont toutefois beaucoup moins répandus et actifs dans le secteur industriel que dans le secteur non industriel(28).

Le second aspect à prendre en considération lorsqu'on examine l'application des lois sur la sécurité et la santé est que, dans la plupart des pays, cette tâche est confiée à des inspecteurs relevant d'un service d'inspection de la sécurité et de la santé ou de l'inspection générale du travail. Ces services d'inspection se chargent du contrôle de l'application des lois sur la sécurité et l'hygiène visé à l'article 9 de la convention (no155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981(29). Les difficultés auxquelles de nombreux pays sont confrontés lors de la création de services d'inspection de la sécurité et de la santé pour le secteur agricole sont examinées plus en détail ci-dessous.

Il est important de noter, s'agissant de l'inspection en agriculture, que la convention (no 129) sur l'inspection du travail (agriculture), 1969, et la recommandation (no133) qui l'accompagne prévoient en détail le régime de l'inspection dans ce secteur(30). En réalité, la recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, précise en son paragraphe 5 que le système d'inspection prévu par la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, doit s'inspirer des dispositions de la convention no 129.

La convention no 129 reconnaît, à l'article 7(3), que l'inspection du travail dans l'agriculture peut être assurée de plusieurs manières différentes, notamment par:

a) un organe unique d'inspection du travail, compétent pour toutes les branches de l'activité;

b) un service d'inspection agricole spécialisé;

c) d'autres formules intermédiaires.

En réponse aux préoccupations exprimées par plusieurs Etats Membres au sujet de la nécessité de créer un service d'inspection s'occupant exclusivement de l'agriculture, la commission d'experts a insisté sur le fait que "la mise en œuvre de la convention no129 n'implique donc pas nécessairement l'établissement de services d'inspection propres à l'agriculture"(31). Les inspecteurs du travail dans le secteur de l'agriculture doivent toutefois, en vertu des articles 9 et 11 de la convention, être dûment qualifiés et suffisamment formés et des mesures appropriées doivent être prises pour "favoriser une coopération effective entre les services d'inspection du travail dans l'agriculture et les services gouvernementaux ou les institutions publiques ou agréées qui peuvent être appelés à exercer des activités analogues" (article 12).

La convention (no 110) sur les plantations, 1958, impose à chaque Etat Membre pour lequel la convention est en vigueur d'avoir "un système d'inspection du travail" composé "d'inspecteurs ayant reçu une formation appropriée" (articles 71 et 72). L'autorité compétente doit prendre les mesures nécessaires pour assurer aux inspecteurs les conditions et les ressources nécessaires à l'exercice de leurs fonctions de mise en application des dispositions en matière de protection, y compris celles applicables à la sécurité et à la santé des travailleurs des plantations (articles 74 et 75).

Il existe, dans la plupart des pays, un écart – d'importance variable – entre les dispositions juridiques et la pratique dans l'agriculture. Les moyens dont disposent les services d'inspection en général et les services d'inspection de la sécurité et de la santé au travail en particulier sont très insuffisants par rapport à la tâche à accomplir. En Norvège, malgré la législation, 2 pour cent seulement des exploitations agricoles font l'objet d'une inspection, faute de ressources financières; une stratégie d'information visant à promouvoir la santé et la sécurité au travail dans le secteur agricole est en cours d'élaboration. Au Canada, les inspections dans l'agriculture sont effectuées soit de façon systématique, soit à la suite d'une plainte ou d'un accident.

Déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles

Dans la plupart des pays, les lois sur la sécurité et la santé imposent aux employeurs ou aux occupants des lieux de travail de déclarer à l'autorité administrative, dans les délais et les formes prescrits par la législation, les accidents du travail et les maladies professionnelles ainsi que les situations dangereuses.

On en trouve un exemple dans la loi mauritanienne, qui impose à l'employeur (y compris dans le secteur agricole):

Les obligations de déclaration varient d'un pays à l'autre. Dans certains pays, les déclarations d'accidents du travail ou de maladies professionnelles dans le secteur agricole que reçoit l'autorité compétente se limitent généralement aux cas mortels et aux intoxications aiguës.

L'article 8 de la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, dispose que la législation nationale doit comprendre une définition générale des maladies professionnelles qui devra être suffisamment large pour couvrir au moins les maladies énumérées au tableau I joint à la convention (mis à jour en 1980). Parmi les maladies professionnelles figurant au tableau, certaines intéressent particulièrement l'agriculture, notamment l'asthme professionnel, les alvéolites allergiques extrinsèques, les maladies causées par l'arsenic, les maladies causées par les substances asphyxiantes, les atteintes auditives causées par le bruit, les maladies causées par les vibrations, les maladies de la peau, les maladies infectieuses et parasitaires. En 1991, un groupe d'experts du BIT a proposé une nouvelle liste de maladies professionnelles(33). Le Recueil de directives pratiques du BIT sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, de 1996, reprend la nouvelle liste proposée dans son annexe B.

De nombreux pays tiennent une liste de maladies professionnelles qui recense les maladies que la loi définit comme étant liées à des activités professionnelles spécifiques (notamment la Colombie, Cuba, le Mozambique, le Nicaragua)(34) et l'employeur est généralement tenu d'avertir l'autorité lorsqu'un travailleur contracte une des maladies de la liste. Dans certains pays, la liste est "ouverte", ce qui signifie qu'une maladie dont souffre un travailleur pourra être considérée comme d'origine professionnelle même si elle ne figure pas dans la liste pour autant que le lien requis avec le travail puisse être médicalement établi. Bon nombre de pays reprennent dans leur liste des maladies agricoles d'origine professionnelle. La France possède deux listes distinctes, l'une pour les maladies dans l'agriculture (régime agricole), l'autre pour les autres secteurs (régime général). Dans le droit italien antérieur à 1975, on trouvait des listes distinctes pour les travailleurs agricoles et les travailleurs du secteur industriel. Ces listes ont été fusionnées cette même année.

Sous-déclaration

Le Bureau international du Travail rassemble et publie des chiffres des accidents et des maladies au niveau mondial, sur la base des systèmes nationaux d'enregistrement et de déclaration. Toutefois, seuls un nombre limité de pays (un tiers environ des Etats Membres de l'OIT) fournissent des données raisonnablement fiables. Les renseignements disponibles ne sont pas basés sur des systèmes harmonisés d'enregistrement et de déclaration. Les sous-déclarations sont courantes et, dans beaucoup de pays, les systèmes de déclaration et d'indemnisation ne concernent que certaines activités économiques et excluent des secteurs importants, notamment l'agriculture, dont on sait qu'ils présentent un taux d'accidents supérieur à la moyenne. Il se peut, par ailleurs, que les écarts nationaux dans le temps soient influencés par des modifications des aspects couverts, des règlements, des procédures de déclaration ou des conditions économiques. La sous-déclaration s'explique aussi en partie par les difficultés de détermination du statut des travailleurs agricoles au regard de l'emploi, notamment pour ce qui est des travailleurs rémunérés aux pièces, des travailleurs à temps partiel, ou des travailleurs saisonniers ou migrants, etc.(35).

Dans beaucoup de pays, le problème de l'insuffisance de la protection de la santé des travailleurs se complique du fait que le personnel médical n'a pas été dûment formé à l'identification des causes professionnelles de la maladie. Les critères de reconnaissance et les procédures de déclaration ne sont pas toujours appropriés, ce qui incite à la non-déclaration. Bien que les agents causals de nombreuses maladies professionnelles ainsi que les mécanismes d'action de ces agents soient bien connus, le niveau de diagnostic et de déclaration est faible, ce qui prive les travailleurs d'un traitement adéquat et de mesures préventives appropriées. Les données disponibles proviennent en majeure partie d'études épidémiologiques qui dissipent tout doute quant à la relation causale entre les facteurs de risque et l'apparition de certaines maladies dans le cadre du travail agricole. Toutefois, on ne peut établir aucune extrapolation en ce qui concerne l'incidence au niveau mondial. Cette situation est particulièrement préoccupante, dans la mesure où de nombreux travailleurs sont exposés à des risques associés aux changements rapides des processus de production et au recours accru à des substances présentant un risque.

Le nombre d'accidents mortels est relativement faible, et les informations dont on dispose sur les accidents de travail ne rendent pas compte des très nombreuses lésions non mortelles et mineures qui ne sont pas déclarées. Lorsqu'une lésion professionnelle est à l'origine d'un décès, cette circonstance est souvent omise dans le certificat de décès. De plus, les taux d'accident varient beaucoup selon les activités agricoles.

La sous-déclaration dans le secteur agricole est un phénomène qui concerne les pays industrialisés comme les pays en développement. Au cours de la période 1989-90, la Direction de la sécurité et de la santé (Royaume-Uni) a commandité une série de questions supplémentaires dans l'enquête de 1990 sur la main-d'œuvre afin de tenter d'établir avec précision le niveau exact des lésions et des maladies liées au travail; ces questions ont confirmé le degré de sous-déclaration dans les principales industries. L'enquête était basée sur des interviews auprès de quelque 77000 travailleurs de tous les secteurs. Les critères de déclaration comprenaient les absences de plus de trois jours au travail, à l'exclusion des accidents mortels. Les données ont confirmé que le niveau de sous-déclaration était particulièrement élevé dans l'agriculture. Dix-neuf pour cent seulement des lésions et maladies ont été déclarés au cours de cette période; les agriculteurs indépendants déclaraient beaucoup moins que les employeurs(36).

Tout récemment encore – à la fin des années soixante-dix – les accidents des agriculteurs indépendants n'étaient pas déclarés en Suède, en dépit du fait que ceux-ci représentent environ 90 pour cent de la main-d'œuvre agricole. Depuis, ils ont été inclus dans les statistiques. En 1987, l'Association suédoise des agriculteurs pour la sécurité et l'hygiène préventive a réalisé une étude sur les accidents professionnels parmi 20000 agriculteurs et propriétaires d'exploitations forestières. Les résultats ont montré que le nombre d'accidents déclarés de cette manière était environ deux fois plus élevé que celui des accidents enregistrés dans les statistiques officielles(37). Dans une autre étude réalisée dans les hôpitaux et les centres sanitaires en vue d'étudier les accidents professionnels et domestiques dans les exploitations agricoles entre 1978 et 1990 en Suède, le niveau de sous-déclaration a été calculé en comparant le nombre d'urgences enregistrées et la liste des consultations des services d'urgence. Le déficit total des enregistrements de visites d'urgence s'élevait à 9 pour cent(38).

Les problèmes liés au diagnostic des maladies entraînent également une sous-déclaration dans la grande majorité des pays. Les troubles chroniques résultant du bruit, des vibrations, d'une exposition de faible intensité aux poussières et aux pesticides sont plus difficiles à évaluer en raison du délai d'apparition des effets et de l'incertitude des symptômes. Il est difficile, par exemple, d'obtenir des chiffres fiables en matière d'intoxication par les pesticides dans la mesure où seuls les cas d'intoxication aiguë sont déclarés parce que susceptibles de laisser des traces visibles et immédiates, d'exiger une hospitalisation et d'entraîner une issue fatale. Les expositions cumulées de faible intensité aux pesticides ne sont souvent pas déclarées, les symptômes étant imprécis et les effets pouvant n'apparaître qu'à long terme.

Les chiffres relatifs aux intoxications aiguës par les pesticides proviennent souvent des services de traitement des intoxications des hôpitaux qui, dans une large mesure, enregistrent les cas d'intoxication accidentelle, de suicide ou de tentative de suicide. Ces données cachent l'importance réelle des chiffres d'intoxication par les pesticides et peuvent donner l'impression fausse que les suicides sont plus fréquents que les cas liés à l'exposition professionnelle. Cet état de fait peut toutefois être attribué à l'abondance des produits agrochimiques disponibles et au manque d'informations et de contrôle de leur vente aux particuliers. A Sri Lanka, pays qui connaît une incidence élevée de suicides(39), les pesticides d'organophosphate et du groupe des carbamates ont été responsables de 35,7 pour cent du total des admissions dans les hôpitaux et de 21,8pour cent des décès sur une période de 21 mois entre 1995 et 1996.

Au Costa Rica, la Caisse de sécurité sociale a enregistré 392 cas d'intoxication aiguë en 1981, alors qu'une étude détaillée des admissions dans un hôpital d'une région de culture bananière (l'hôpital de Guapiles) a révélé 373 cas d'intoxication d'origine professionnelle au cours de la même année(40).

Mécanismes d'indemnisation des accidents du travail et des maladies
professionnelles dans l'agricultur
e

Dans la plupart des pays, l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles s'inscrit dans le régime général de la sécurité sociale. Depuis toujours, la protection des travailleurs agricoles au titre des mécanismes de la sécurité sociale est limitée. Dans les pays industrialisés, les régimes nationaux ont été progressivement étendus aux travailleurs agricoles au cours du XXe siècle(41). Toutefois, dans un grand nombre de pays, les travailleurs agricoles sont rarement inclus dans un système quelconque d'enregistrement et de déclaration et ils sont exclus de tout régime d'assurance ou prestation pour les lésions professionnelles.

L'étendue de la protection des travailleurs agricoles au titre des régimes d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles varie elle aussi. Dans certains pays, les agriculteurs indépendants ne peuvent s'affilier à la sécurité sociale qu'à titre volontaire, en payant eux-mêmes toutes les cotisations. Même là où les travailleurs agricoles ne sont pas exclus de ces régimes, le BIT a constaté qu'"ils ne sont pas pour autant assurés d'être réellement protégés, car nombre d'obstacles pratiques ou réglementaires peuvent surgir", notamment l'exclusion des travailleurs occasionnels, l'obligation d'une période minimale de travail, ou l'absence, dans les villages, de services administratifs pouvant traiter les demandes de prestations(42). Beaucoup de pays imposent une période minimale d'affiliation avant qu'un travailleur puisse bénéficier des prestations. En Italie, par exemple, un travailleur doit compter 90 jours d'activité au moins pour avoir droit aux prestations(43). Le Mexique prévoit des dispositions spéciales pour les travailleurs ruraux au chapitre 8 de sa loi sur la sécurité sociale(44). Il n'en demeure pas moins qu'au mieux la protection de certains ouvriers agricoles, notamment les travailleurs temporaires et saisonniers, reste sporadique. Tout d'abord, 13 pour cent des pays étudiés par le BIT en 1993 excluent expressément les travailleurs agricoles(45). Pour les raisons citées ci-dessus, l'accès aux mécanismes d'indemnisation est également difficile dans les pays qui n'excluent pas expressément les travailleurs agricoles, en particulier pour les travailleurs migrants(46).

Moins de 20 pour cent des ouvriers agricoles dans le monde sont protégés contre une au moins des neuf éventualités visées dans la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, à savoir: les soins médicaux, les indemnités de maladie et de maternité, les prestations aux familles, les prestations de chômage, les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, les prestations d'invalidité et de survivants, et les prestations de vieillesse(47). Une enquête réalisée en 1993 à l'échelle mondiale dans 147 pays a conclu que 13,1 pour cent des pays excluaient expressément les travailleurs agricoles du bénéfice des prestations de vieillesse, d'invalidité et de décès et que 7,8 pour cent les excluaient des prestations de maladie et de maternité(48). La position des travailleurs agricoles est pire dans certaines régions que dans d'autres(49). En Afrique, par exemple, les régimes de sécurité sociale excluent souvent les travailleurs agricoles, en particulier ceux qui ne sont pas salariés. La proportion de la main-d'œuvre africaine totale couverte par les régimes de sécurité sociale dans les 20 pays pour lesquels on disposait de données en 1987 varie de 0,7 à 20pour cent(50).

Le niveau de protection varie considérablement d'un pays à l'autre. Dans certains pays, notamment en Israël et en Australie, les travailleurs agricoles ont droit aux mêmes niveaux et types de prestations que les autres travailleurs victimes de maladies ou d'accidents liés au travail(51). Au Luxembourg, le régime d'indemnisation des accidents couvre tous les travailleurs mais il s'agit d'un régime volontaire pour les travailleurs agricoles qui travaillent sur des exploitations d'un demi-hectare ou moins(52). L'Equateur a institué un régime d'assurance pour les travailleurs agricoles(53). En Bulgarie et en Suède, les travailleurs agricoles bénéficient de la même protection de sécurité sociale que les autres travailleurs(54). Les lois japonaises sur la réparation des accidents du travail excluent les exploitations agricoles occupant moins de cinq travailleurs(55). En Finlande, des dispositions législatives spéciales régissent l'indemnisation des travailleurs blessés ou tombés malades pendant des travaux agricoles(56). En Allemagne, le "régime d'assurance contre les accidents agricoles" couvre les employeurs, les travailleurs et les conjoints des employeurs dans le secteur agricole. En Uruguay, un décret prévoit un régime d'assurance contre les accidents du travail et les maladies dans les entreprises rurales(57). De même, à Sri Lanka, la législation prévoit un régime de retraite et de sécurité sociale pour les agriculteurs(58).

Participation des travailleurs et des employeurs en matière de sécurité
et de santé par le biais des conventions collectives

Les conventions collectives pour les employeurs et les travailleurs sont une source importante de droits et d'obligations en matière de travail. Toutefois, dans le domaine de la sécurité et de la santé, la principale source de droits et d'obligations est généralement constituée par des normes et des instruments législatifs ou quasi législatifs. Dans la plupart des pays, c'est particulièrement vrai pour le secteur agricole où, en raison du faible taux de syndicalisation, les conventions collectives sont l'exception plutôt que la règle(59).

L'examen conjugué des lois nationales sur les conventions collectives et des conventions elles-mêmes n'a guère livré d'informations sur la manière dont les questions de sécurité et de santé sont traitées. D'une manière générale, les conventions collectives évoquent certaines questions de sécurité et de santé, notamment les vêtements de protection, l'équipement de sécurité, le transport en cas d'accident, les premiers soins, les procédures de sécurité, les comités de sécurité, les examens médicaux, l'assurance-accidents et certaines indemnités. Les autorités compétentes en matière de sécurité et de santé dans un certain nombre de pays – notamment au Canada (Québec) et en Australie – ont publié des documents d'orientation en vue d'aider les employeurs et les syndicats à aboutir à un accord sur les questions de sécurité et de santé au cours du processus de négociation collective.

Dans des pays tels que l'Inde, les conventions collectives évoquent souvent un engagement de la part de l'employeur, du syndicat et des travailleurs à œuvrer conjointement, dans le cadre de comités de sécurité, à l'amélioration de la sécurité et de la santé sur le lieu de travail. Dans certaines juridictions, notamment en Colombie britannique (Canada), il existe des conditions légales minimales applicables en matière de sécurité et de santé, et les conditions de travail négociées ne peuvent être inférieures à ces normes légales(60).

En Ukraine, il existe une prescription légale aux termes de laquelle les conventions collectives doivent prévoir pour les travailleurs "une assurance de garanties sociales dans le domaine de la protection des travailleurs au moins égale à la norme prescrite par la législation et doivent énumérer leurs obligations respectives ainsi que toutes les mesures destinées à fixer des normes de sécurité et de santé pour le lieu de travail"(61). Au Viet Nam, la législation contient une prescription similaire(62). En Bulgarie, une convention collective a été conclue entre la Fédération des syndicats indépendants du secteur agricole et le ministère de l'Agriculture, de la Sylviculture et de la Réforme agraire. Les articles 49 et 50 de cette convention collective précisent les obligations des employeurs en matière de sécurité et de santé au travail.

La participation des travailleurs, des employeurs et de leurs représentants en matière de sécurité et de santé varie beaucoup d'un pays à l'autre. Dans les pays développés, la législation prévoit généralement que travailleurs et employeurs devront participer aux comités de sécurité et de santé dans les entreprises agricoles comme aux programmes de prévention des accidents et maladies liés au travail mais, dans la plupart des cas, leur activité dans ce domaine est très limitée.

Un certain nombre de syndicats et autres organisations associatives s'emploient également à promouvoir la sensibilisation, l'information et la formation dans ce domaine, en collaboration avec les ministères de l'Agriculture, du Travail et de la Sécurité sociale ainsi qu'avec les universités et les centres de recherche. Dans certains pays, ils assurent des services de médecine du travail et de médecine curative au travail. Le BIT a, en 1994, réalisé une étude portant sur seize organisations – dix organisations de travailleurs indépendants et six organisations de salariés – en Asie, en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Toutes avaient fait mettre en place des services de santé, à l'instigation de leurs membres. Quinze d'entre elles avaient bénéficié d'une aide financière extérieure importante pour créer ces services et, parmi ceux-ci, deux nécessitaient un soutien financier permanent pour se maintenir tandis qu'un troisième avait fermé lorsque la subvention avait été supprimée(63).

La plupart des conventions collectives conclues dans le secteur agricole ne traitent pas des questions de santé et de sécurité. Tout au plus renvoient-elles parfois à la législation sur cette question. Dans certains pays tels que la Norvège, l'Ukraine (exploitations d'Etat et exploitations collectives), le Royaume-Uni et les Philippines, les conventions abordent cependant la question. Suite à la réorganisation du mouvement syndical au Brésil dans les années quatre-vingt, les préoccupations des travailleurs en matière de sécurité et de santé sont devenues une question essentielle: des semaines de formation à la sécurité et à la santé ont dès lors été organisées (SEMSATs) qui ont débouché sur la création, au sein de plusieurs syndicats, de secrétariats spécialisés traitant de ces questions, ainsi qu'à l'établissement d'un centre syndical national de formation et de conseil en matière de santé et de sécurité (DIESAT), très actif jusqu'ici. Il existe, dans le secteur agricole, une solide tradition de négociation collective impliquant des organisations d'employeurs et de travailleurs puissantes soutenues par des effectifs nombreux. Les conventions négociées peuvent être très détaillées et couvrir les salaires, la durée du travail, les jours de repos, les congés, les conditions de transport des travailleurs, la santé et la sécurité sur le lieu de travail, les prestations en cas d'accident du travail, etc.

En général, les conventions collectives sont conclues dans les secteurs et les entreprises qui comptent une proportion appréciable de travailleurs permanents, et elles reflètent d'ordinaire les préoccupations de ceux-ci. Il arrive que les travailleurs temporaires ou saisonniers, qui constituent souvent la majorité, ne soient pas couverts, ou ne le soient que partiellement. Leurs changements fréquents d'employeur sont considérés comme un obstacle majeur. La France a tenté de résoudre ce problème en introduisant dans le Code du travail (article L.127-1) la notion de "groupement d'employeurs". Ces groupements peuvent conclure avec un ou plusieurs travailleurs des contrats au titre d'une convention collective unique qui spécifie les conditions d'emploi; les durées et les périodes de travail sont ensuite convenues par les différents employeurs. Plusieurs entreprises agricoles peuvent ainsi se partager un ou plusieurs travailleurs que peut-être aucune d'entre elles ne pourrait employer à temps plein(64).

Notes

1. Par exemple, Bulgarie: Conseil national des conditions de travail, établi par la loi de 1997 sur la sécurité et la santé; Mexique: Comité consultatif national sur la sécurité et la santé au travail, établi par les articles 114 à 119 de la loi fédérale sur la sécurité, l'hygiène et l'environnement; et Venezuela: Conseil national pour la prévention et pour la sécurité et la santé du travail, établi en vertu de l'article 8 de la loi fondamentale sur la prévention, les conditions de travail et le milieu de travail (10 juillet 1986).

2. Voir section III, sous-section II.

3. Article R.231-26.

4. Article 231-25.

5. Voir le Code du travail iranien (1990): chapitre 4 et, en particulier, l'article 86.

6. Voir le décret no 619 du 31 juillet 1980.

7. Voir l'article 9 de la loi-cadre sur la prévention, les conditions de travail et le milieu de travail (10juillet 1986).

8. Un organe administratif au sein du ministère du Travail.

9. Instituée par le décret 025-81 TR.

10. Institué par l'article 1 du décret no 204-82.

11. La composition et les fonctions de la commission sont définies au titre I de la loi de 1974 sur la santé et la sécurité au travail.

12. Voir aussi l'article 4(1) de la convention (no 81) sur l'inspection du travail, 1947.

13. Par exemple, dans les pays suivants: Algérie, Bahreïn, Guyana, Israël, Jamahiriya arabe libyenne et Malawi, voir BIT, L'inspection du travail, op. cit.

14. BIT, Equipe consultative multidisciplinaire pour l'Amérique australe: La Justicia Social en el Desarrollo Rural Chileno. Aspectos laborales en el libre commercio, document de travail, no 25.(Santiago, 1995). Voir également, M. Vanackere: "La condition du journalier agricole au Mexique", Revue internationale du travail (Genève, BIT), vol. 127, no 1, 1988, où l'auteur aboutit à des conclusions similaires à propos de l'application aux exploitations agricoles de la législation mexicaine du travail.

15. Ibid.

16. Plusieurs pays, dans leur rapport à la Commission d'experts du BIT pour l'application des conventions et recommandations, ont évoqué des problèmes d'insuffisance, en pratique, des ressources financières, humaines et matérielles des services d'inspection dans le secteur agricole comme motif de la non-ratification de la convention no 129. Voir BIT, L'inspection du travail, op. cit.

17. Ibid.

18. Pour un examen des avantages et des problèmes respectifs des services d'inspection généralistes et spécialisés, voir W. von Richthofen: "Labour inspection", dans l'ouvrage publié sous la direction de J.M. Stellman: Encyclopaedia of Occupational Health and Safety, 4e éd., vol. 1 (BIT, Genève, 1988).

19. Le Viet Nam compte 170 inspecteurs du travail chargés des inspections de la sécurité et de la santé dans 38000 entreprises.

20. BIT: L'inspection du travail, op. cit., paragr. 310.

21. G. Ungay: "The control of machine and tool safety: a strategy for reducing fatal and serious accidents on agricultural machinery", Proceedings of the XIVth World Congress on Occupational Safety and Health (Madrid, Instituto Nacional de Seguridad e Higiene en el Trabajo, 1997.

22. BIT: L'inspection du travail, op. cit.

23. La commission a été instituée par la loi no 28, du 26 décembre 1990.

24. Afrique du Sud: loi de 1983 sur la sécurité et la santé au travail, article 17; Fidji: loi de 1996 sur la sécurité et la santé au travail, articles 16 et 17; Hongrie: loi no 93 sur la sécurité et la santé au travail, articles 70 à 76; Suède: loi de 1977 sur le milieu de travail, chapitre 6.

25. Pour une excellente étude comparative du rôle des représentants des travailleurs au titre des lois sur la sécurité et la santé dans ces pays par rapport aux Etats-Unis d'Amérique, voir Korostoff, Zimmerman et Ryan: "Rethinking the OHSA approach to workplace safety", op. cit.

26. Afrique du Sud: loi de 1983 sur la sécurité et la santé au travail, article 17, paragr. 1; Hongrie: loi no 39 sur la sécurité et la santé au travail, article 70, paragr. 1; Namibie: loi de 1992 sur le travail, article 99, paragr. 1.

27. Code du travail, article L. 231-1-1.

28. Voir les statistiques officielles du gouvernement français citées dans: Korostoff, Zimmerman et Ryan, op. cit.

29. L'article 9, paragraphe 1, dispose que "le contrôle de l'application des lois et des prescriptions concernant la sécurité, l'hygiène et le milieu de travail devra être assuré par un système d'inspection approprié et suffisant".

30. Cette convention avait été ratifiée par 38 pays à la date du 31 décembre 1997. Pour l'examen des difficultés auxquelles certains pays sont confrontés en matière de ratification, voir BIT: L'inspection du travail, op. cit.

31. Ibid.

32. Loi de 1988 sur la sécurité et la santé au travail: articles 63 et 64.

33. Pour une discussion des questions pertinentes examinées par la réunion, voir M. Lesage: "Work-related diseases and occupational diseases: The ILO International List", Encyclopaedia of Occupational Health and Safety, op. cit.

34. Colombie: décret no 1295 de 1994; Cuba: loi no 13 pour la protection et l'hygiène au travail (28décembre 1977); Mozambique: loi de 1988 sur le travail, article 1432)c); Nicaragua: Code du travail, article111.

35. V. Forastieri: "Information note: The ILO programme on occupational health and safety in agriculture", 1997 (www.ilo.org/public/english/90travai/sechyg, Organisation internationale du Travail).

36. G. Stevens: "Workplace injury: A view from HSE's trailer to the 1990 Labour Force Survey", Employment Gazette (Londres), no 100/12, décembre 1992.

37. Höglund: "Agriculture", op. cit.

38. L. Schelp: "The occurrence of farm-environmental injuries in a Swedish municipality", Accident Analysis and Prevention (Oxford, 1992), vol. 24, no 2.

39. Quarante suicides au moins pour 100000 habitants, par an, contre huit pour 100000 au Royaume-Uni.

40. L.E. Castillo Martinez et H.C. Wesseling: Diagnóstico de la problemática de los plagauicidas en Costa Rica, programme des pesticides (Université nationale du Costa Rica, 1988).

41. En Allemagne, par exemple, l'assurance-maladie a été étendue aux travailleurs agricoles en 1972; en France, les travailleurs agricoles ont pu accéder à l'assurance-accidents à partir du début des années soixante-dix: voir BIT: Les ouvriers agricoles, op. cit.

42. Ibid.; T.G. Ison: "Workers' compensation systems, overview", Encyclopaedia of Occupational Health and Safety, op. cit.

43. Loi no 457 du 8 août 1972.

44. L'article 235 traite des indépendants, l'article 236 des petits agriculteurs, et l'article 238 concerne la "solidarité sociale" pour les populations indigènes, les travailleurs vulnérables et ceux en situation de pauvreté extrême.

45. BIT: Les ouvriers agricoles, op. cit., tableau 5.2.

46. Pour un examen des problèmes auxquels les travailleurs migrants sont confrontés pour accéder à l'indemnisation des lésions professionnelles en Afrique du Sud, voir BIT, Equipe consultative multidisciplinaire pour l'Afrique australe: The social protection of migrant workers in South Africa (Harare, 1997).

47. BIT: Les ouvriers agricoles, op. cit.

48. United States Department of Health and Human Services: Social security programs throughout the world, 1993 (Washington, DC, 1994), cité dans Les ouvriers agricoles, op. cit.

49. Les problèmes auxquels sont confrontés les pays en développement qui tentent d'établir des régimes de sécurité sociale sont examinés dans: S. Guhan: "Social security options for developing countries", Revue internationale du Travail (Genève, BIT), vol. 133, no 1, 1994.

50. J.V. Gruat: "Les régimes de sécurité sociale en Afrique: tendances et problèmes contemporains", Revue internationale du Travail (Genève, BIT), vol. 129, no 4, 1990.

51. H. Chayon: "Employment injuries insurance and compensation in Israel", Encyclopaedia of Occupational Health and Safety, op. cit. Voir aussi Australie (Victoria): loi de 1985 sur la réparation des accidents du travail.

52. Loi du 17 novembre 1997.

53. Décret législatif no 21 du 12 mai 1986.

54. Bulgarie: code du travail de 1951, section III; Suède: renseignements communiqués en réponse à la demande d'informations du BIT.

55. Loi de 1947 sur la réparation des accidents du travail.

56. Finlande: loi de 1981 sur l'assurance-accidents pour les agriculteurs.

57. Décret no 623/988 du 5 octobre 1988.

58. Loi no 12 de 1987 instaurant un régime de retraite et de sécurité sociale pour les agriculteurs.

59. Pour un examen général des négociations collectives dans le secteur rural, voir BIT: Les ouvriers agricoles, op. cit.

60. Par exemple, la loi sur les normes de travail définit des normes minimales pour les vêtements spéciaux.

61. Loi du 14 octobre 1992 sur la protection des travailleurs, article 22.

62. Code du travail: article 462).

63. BIT: Les organisations de travailleurs ruraux, op. cit.

64. Bourquelot, op. cit.

 


CHAPITRE IV

LA PRATIQUE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ
ET DE SANTÉ DANS L'AGRICULTURE


Conditions de travail

L'agriculture, on l'a vu, présente de multiples visages: microexploitations, petites exploitations familiales, grandes exploitations privées ou d'Etat, exploitations collectives ou communales, latifundia, terres exploitées par des occupants sans titre, etc. Les techniques de production utilisées dépendent principalement de la taille de l'exploitation, de ses ressources financières et des cultures qu'elle pratique. On peut distinguer quatre grandes catégories d'exploitation:

Il est plus difficile de faire respecter des règles de sécurité et de protection de la santé dans l'agriculture que dans l'industrie du fait, en particulier, de la multiplicité des tâches qui incombent généralement à chaque travailleur et aussi de la multiplicité des lieux de travail. Le travail agricole présente notamment les spécificités suivantes:

L'intensification des échanges internationaux impose une modernisation des techniques d'agriculture (plantation, traitement, récolte) et d'élevage. L'utilisation de machines de plus en plus complexes et de produits chimiques de plus en plus nombreux, qui peuvent présenter des risques pour la santé et pour l'environnement, ne s'accompagne pas d'informations et de formations appropriées.

Dans les pays en développement, le travail dans les grandes exploitations agricoles se caractérise par un rythme soutenu, d'où une fatigue et une baisse de la vigilance qui occasionnent des accidents. Les risques inhérents au travail agricole sont d'autant plus grands dans ces exploitations que les travailleurs ne peuvent guère influer sur le rythme, le contenu et l'organisation de leur travail. Les règles de sécurité, même si elles sont meilleures que celles appliquées dans les petites exploitations, où il n'existe pas de programme de prévention des risques, ne sont pas toujours observées. Les activités en matière de santé se limitent souvent à mesurer l'aptitude au travail et à donner des soins. Les logements des travailleurs temporaires sont souvent insalubres.

Dans les pays où l'agriculture est très diversifiée, la variété des cultures (y compris des cultures exotiques) exige toutes sortes de machines spécialisées pour la plantation, la récolte et la transformation. Ces machines coûtent en général très cher et ne servent souvent qu'à certaines saisons, pendant de courtes périodes. Plusieurs facteurs interdépendants – nature du sol, conditions climatiques, calendrier agricole – déterminent le temps disponible pour les différents travaux.

Le fait que le matériel ne soit souvent utilisé que pendant de courtes périodes est une cause d'accidents du travail. Les travailleurs sont censés passer d'un type de machine ou d'outil à un autre en fonction des besoins saisonniers et du type de culture, et ils n'ont donc guère le temps de se familiariser avec l'utilisation de ce matériel. Généralement, ils sont formés sur le tas, ce qui n'est pas suffisant pour éviter les accidents(1). A l'échelon mondial, la majorité des travailleurs manuels sont actifs dans l'agriculture, et les lésions sont fréquentes (amputations, blessures aux yeux et autres lésions entraînant un handicap).

Dans les pays en développement ainsi qu'en Europe centrale et orientale et dans la Communauté d'Etats indépendants, l'agriculture reste le plus souvent une activité à forte intensité de travail. Dans ces pays, une bonne partie de la population, y compris femmes, enfants et personnes âgées, pratique la petite agriculture.

Dans les pays en développement, les conditions de travail de la grande majorité des petits exploitants, métayers et fermiers sont extrêmement dures. Généralement, ils ne bénéficient pas d'une protection sociale appropriée et n'ont guère accès aux services officiels de formation et d'assistance technique. Beaucoup de petites et moyennes exploitations ignorent les techniques modernes ou n'y ont pas accès. Elles utilisent des machines et outils vétustes et mal entretenus, aussi bien pour l'application des pesticides que pour le travail de la terre, d'où le risque de maladies et d'accidents graves. L'accès aux services de santé est limité du fait de l'éparpillement géographique de la population et du faible nombre de centres médicaux en milieu rural. Les impératifs économiques et le manque de formation entraînent une grande dépense d'énergie physique, un stress psychique et des déséquilibres dans le rythme de travail – autant de facteurs qui aggravent le risque d'accidents et de maladies. Les petits exploitants sont particulièrement défavorisés. Ils utilisent des matières premières et des matériels de qualité médiocre et n'ont guère accès au crédit. D'ordinaire, ils ne sont pas organisés et doivent donc régler individuellement leurs problèmes. En outre, la plupart des petites exploitations occupent des terres accidentées et non irriguées, donc soumises aux caprices du climat (par exemple, plateau de Deccan en Inde, Asie du Sud-Est, certaines régions de l'Amérique latine et de l'Afrique subsaharienne). Les activités agricoles, à forte intensité de travail, y sont moins productives que dans les grandes exploitations et plantations commerciales. Le travail manuel entraîne une grande dépense d'énergie et des contraintes posturales; il est souvent source de stress. La préparation de la terre est le travail qui demande le plus de temps et d'énergie. Le désherbage est une tâche particulièrement pénible et le calendrier doit être strictement respecté sous peine de désorganiser les activités quotidiennes et saisonnières(2).

Ergonomie et transfert de technologie

Dans les pays industrialisés, les machines (tracteurs, moissonneuses-batteuses, etc.) sont de plus en plus dotées de dispositifs électroniques qui peuvent provoquer des accidents si leur utilisation n'est pas parfaitement maîtrisée. En l'absence de protections appropriées, la proximité de lignes à haute tension ou de matériel de communication ainsi que des phénomènes naturels peuvent en outre perturber leur fonctionnement et compromettre la sécurité(3).

Les recherches ergonomiques et leurs applications dans le monde en développement se limitent principalement au secteur industriel. On ne s'est guère intéressé au secteur agricole et encore moins au cas des petits agriculteurs. On possède peu d'informations sur la mesure dans laquelle l'ergonomie pourrait faciliter le travail manuel dans le secteur agricole.

Dans la plupart des pays en développement, le transfert de technologie s'accompagne de problèmes ergonomiques. Les technologies nouvelles, qui proviennent principalement des pays industrialisés, sont rarement adaptées au climat des pays en développement, à la morphologie de leurs habitants, à leurs méthodes de travail et à leurs traditions culturelles. Cette inadaptation des machines et des outils rend le travail encore plus pénible et aussi plus risqué. Dans les pays en développement, les caractéristiques morphologiques varient beaucoup selon les ethnies. Par exemple, les Chinois ont des mains plus courtes et plus étroites, mais les doigts plus longs, que les Européens ou les Indiens. Ces différences peuvent, dans certains cas, être à l'origine de gra-ves problèmes ergonomiques (par exemple, postures incommodes entraînant des troubles musculo-squelettiques).

Les machines et outils sont souvent conçus en fonction des caractéristiques morphologiques des habitants des pays qui les fabriquent. Certains outils, bien adaptés aux besoins des travailleurs, servent souvent à un autre usage que celui qui était prévu. Par exemple, un travailleur sera conduit à adopter une posture inadéquate s'il creuse un trou avec un outil de désherbage ou s'il récolte des pommes de terre avec une pelle conçue pour creuser des rigoles d'irrigation. L'inadaptation des machines et des outils entraîne un accroissement de la charge de travail, physique et mentale, d'où un surcroît de fatigue.

Les machines importées des pays industrialisés, neuves ou de seconde main, sont souvent dépourvues de systèmes de sécurité, ou en tout cas de systèmes en bon état, et leur entretien laisse à désirer. Les outils agricoles ne servent pas toujours à l'usage prévu et certains sont très endommagés.

Plusieurs facteurs (manque de fonds et de connaissances techniques, impératifs commerciaux, etc.) expliquent que les importateurs ne veillent pas toujours à ce que les machines et outils soient adaptés aux conditions locales. Il faudrait que les technologies importées correspondent aux moyens et besoins de la main-d'œuvre locale. Des recherches ergonomiques devraient être consacrées au travail manuel et aux outils manuels compte tenu de l'intensité de main-d'œuvre des activités agricoles dans le monde en développement.

Toutefois, des progrès ont déjà été faits dans ce domaine. Ainsi, au Nigéria, entre 1990 et 1992, l'Institut de recherche agronomique Samara, qui relève du ministère fédéral de la Science et de la Technologie, a coopéré avec le Programme de recherche sur la mécanisation agricole de l'Université Ahmadu Bello à la mise au point de techniques agricoles adaptées aux besoins des femmes rurales qui pratiquent l'agriculture de subsistance. Le projet portait sur différentes techniques: préparation des terres, billonnage, désherbage, battage, traitement du lait, extraction de l'huile, matériel de cuisson, transport de l'eau. Des prototypes ont été mis au point. Les observations des agricultrices ont permis de les améliorer. Le projet a montré qu'il est possible d'aider les femmes à s'acquitter de leur travail agricole et de leurs tâches familiales grâce à des améliorations techniques peu coûteuses et faciles à mettre en œuvre. Il a aussi contribué à la génération de revenus supplémentaires pour les agricultrices et les communautés.

Accidents du travail

L'agriculture est, dans beaucoup de pays, l'un des secteurs les plus dangereux. Chaque année, des millions de travailleurs agricoles (sur un total de 1,3 milliard) sont victimes de graves lésions ou de maladies professionnelles et on dénombre 170000 morts(4). Durant les années quatre-vingt-dix, le taux de mortalité professionnelle a continué à augmenter dans le secteur agricole alors qu'il a diminué dans d'autres secteurs dangereux comme les mines ou la construction. Ce phénomène s'observe tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Ces dernières années, l'utilisation croissante de pesticides ainsi que la mécanisation ont accru le risque de lésions et de maladies professionnelles. Les travailleurs des pays en développement sont particulièrement exposés faute de bons systèmes d'éducation, de formation et de sécurité. Les accidents sont principalement dus à des causes physiques, mécaniques, ergonomiques, chimiques ou biologiques.

En 1994, selon l'Office statistique des Communautés européennes (EUROSTAT), on a dénombré 348300 accidents agricoles ayant provoqué un arrêt de travail de plus de trois jours et 900 décès, ce qui fait de l'agriculture le secteur le plus dangereux en Europe, après la construction(5). EUROSTAT réunit des statistiques sur 131,9 millions de travailleurs, soit environ 90 pour cent de toutes les personnes occupant un emploi dans l'Union européenne.

Tableau 4.1. Accidents du travail en Europe, y compris accidents mortels
 


Secteur

Accidents avec arrêt > 3 jours

Accidents mortels

Nombre

Fréquence
(nombre/105)

Nombre

Fréquence
(nombre/105)


Construction

858 129

9014

1457

14,7

Agriculture

348 309

6496

770

14,0

Transport/communication

421 133

6139

917

13,7

Ind. manufacturières

1 515 556

5071

1330

4,6

Commerce

487 656

2552

519

2,8

Hôtels/restaurants/services

405 317

5759

380

4,1

Autres

881 966

4539

5373

6,1

Total

4 918 066

6423

Source: Eurostat, 1994.


Aux Etats-Unis, les accidents du travail dans le secteur agricole ont fait 710 morts en 1996 et ont été à l'origine de 150000 cas d'invalidité permanente. Le taux de mortalité (pour 100000 travailleurs) est tombé de 24 en 1992 à 21 en 1996 après avoir culminé à 27 en 1993. Ces chiffres n'incluent pas les exploitations de moins de 11travailleurs ni les travailleurs de moins de 16 ans(6). Aux Etats-Unis, selon une étude des accidents de travail dans l'agriculture, les enfants et adolescents paient un tribut particulièrement lourd (plus de 23000 lésions et 300 décès par an)(7). Une étude analogue effectuée en 1997 en Caroline du Nord montre que plus du tiers des adolescents travaillant dans l'agriculture sont exposés aux pesticides et aux accidents provoqués par les machines servant à récolter le tabac. Parmi les autres lésions couramment signalées, on peut citer les piqûres d'insectes, les coupures, les brûlures, les chutes ou encore les accidents provoqués par le bétail(8).

En France, le nombre des travailleurs temporaires et des remplaçants dans le secteur de l'agriculture et de l'élevage a augmenté de 0,3 pour cent de 1995 à 1996. Le taux de fréquence des accidents parmi ces travailleurs est tombé à 81,4 en 1996, soit 6,2 pour cent de moins qu'en 1995. En 1996, on dénombrait, parmi les victimes d'accidents ayant entraîné un arrêt de travail, 14 pour cent de femmes, 5 pour cent de jeunes de moins de 20 ans et 37,3 pour cent de nouveaux embauchés (déclarés depuis moins d'un an). Entre 1994 et 1996, ce sont aussi les nouveaux embauchés qui ont été les plus touchés par les accidents mortels (34,7 pour cent), les pourcentages étant de 5 pour cent pour les femmes et de 4 pour cent pour les jeunes(9).

La situation est bien pire dans le monde en développement. A Maurice, selon les données de la Caisse nationale de pension pour la période 1986-1988, le nombre d'accidents du travail dans les plantations de canne à sucre a été supérieur à 2 pour 10travailleurs (10000 accidents pour 44000 travailleurs)(10). A Porto Rico, un tiers des accidents sont liés à l'agriculture(11). L'étude de Porto Rico montre que bon nombre des lésions sont dues aux instruments de coupe manuels (couteaux, sabres d'abattis, faucilles, etc.).

Tableau 4.2. Répartition des accidents du travail (en pourcentage) au Costa Rica, au Brésil et aux Etats-Unis
 


Causes des accidents

Costa Rica
1994 (%)

Brésil
1994 (%)

Etats-Unis
1995 (%)


Outils et machines

50

52

32

Chutes et glissades

25

7

19

Effort excessif, mouvements répétitifs

7

7

22

Corps étrangers dans les yeux

2

Pesticides et autres produits chimiques

1

2

5

Accidents de transport

2

5

Autres

18

8

17

Sources: Instituto Nacional de Seguros pour le Costa Rica; Fundacentro pour le Brésil; National Safety Council pour les Etats-Unis.


En 1983, la Caisse de prévoyance sociale de Côte d'Ivoire a reçu environ 1950notifications d'accidents du travail dans l'agriculture. Les causes les plus fréquentes sont les suivantes: parties mobiles des machines (13 cas), absence d'équipements de protection individuelle (21 cas), manque d'informations sur le risque encouru (14 cas), absence ou insuffisance de la formation (12 cas). L'Inspection du travail a enregistré en moyenne 175 accidents par an entre 1989 et 1994 dans une entreprise de production de canne à sucre employant 2000 travailleurs. Cela représente presque un accident pour 10 travailleurs – dont à peu près les deux tiers sont des travailleurs temporaires. Les causes des accidents étaient notamment les suivantes: sabres d'abattis, machines, morsures de serpents, blessures occasionnées par la canne elle-même, accidents de trajet.

Les animaux, qu'ils soient domestiques ou sauvages, peuvent aussi être à l'origine de graves lésions (fractures, par exemple). Le Brésil, la Côte d'Ivoire, le Cameroun et d'autres pays à climat chaud et humide et à végétation abondante signalent que les morsures de serpents sont un accident fréquent dans l'agriculture mais rares sont les statistiques qui incluent ces accidents du travail.

Accidents provoqués par les tracteurs et d'autres machines agricoles

En France, où il existe une très bonne couverture sociale dans le secteur agricole, les accidents sont en diminution. On note que 25 pour cent de ces accidents sont dus à la mécanisation (30 pour cent pour les tracteurs et les pièces mobiles et presque 13 pour cent pour les outils à main) tandis que 10 pour cent sont causés par le travail avec les animaux et 8 pour cent par les conditions du sol. Un accident sur trois entraîne une invalidité permanente, ce qui correspond à 30 pour cent des indemnisations(12).

En Espagne et dans d'autres pays européens d'un niveau de développement comparable, environ 40 pour cent des accidents sont dus aux machines et quelque 20 pour cent aux seuls tracteurs(13). En Australie aussi, les tracteurs ont été une cause majeure d'accidents entre 1989 et 1992, soit qu'ils se soient renversés, soit que le conducteur, tombé à terre, ait été écrasé par le tracteur ou sa remorque(14).

Dans plusieurs pays africains, le nombre des accidents du travail a nettement augmenté après l'apparition des tracteurs et des camions dans les plantations de canne à sucre(15). En Argentine, entre avril et juin 1997, les machines agricoles ont été la cause de 29,9 pour cent des accidents non mortels et de 4,2 pour cent des accidents mortels. La Colombie signale que les tracteurs ont été à l'origine de la moitié des accidents enregistrés dans le secteur agricole en 1996; la plupart des accidents occasionnés par les tracteurs ont été dus à leur renversement, soit que le terrain ait été trop escarpé ou trop accidenté, soit que la charge ait été mal répartie; en 1993, l'emploi de tracteurs dépourvus de systèmes de protection contre le renversement ou de ceintures de sécurité a provoqué ainsi presque 300 décès; les adaptations qu'il faudrait apporter aux vieux modèles sont jugées trop coûteuses, peu conformes aux exigences du travail ou techniquement impossibles à réaliser.

Les données disponibles indiquent que, dans les pays en développement, le taux des accidents est en augmentation et que ces accidents frappent principalement les migrants et les journaliers ainsi que les femmes et les enfants, de plus en plus nombreux dans l'agriculture. Dans la plupart des pays, les machines agricoles sont utilisées, non seulement par des personnes ayant reçu la formation voulue, mais aussi par des femmes, des enfants ou des adolescents. En 1989, aux Etats-Unis, 62 pour cent des accidents agricoles ayant entraîné la mort d'enfants ou d'adolescents étaient dus aux tracteurs. Une étude effectuée en 1997 en Caroline du Nord a montré que les adolescents travaillant dans les fermes étaient exposés à des accidents avec les tracteurs, les véhicules tout terrain, les camions et les moissonneuses-batteuses. Le taux d'accidents mortels augmente avec l'âge. Pour les adolescents de 15 à 19 ans, il est deux fois plus élevé que pour les enfants plus jeunes et 26 fois plus élevé que pour les filles(16).

En Suède, depuis 1983, tous les tracteurs, y compris les tracteurs d'un ancien modèle, doivent être équipés d'un système de protection contre le renversement, et la loi de 1959 est également pleinement applicable aux agriculteurs des fermes familiales. Cette loi a ramené le nombre d'accidents mortels causés par les renversements d'environ 40 cas par an à pratiquement zéro(17).

Accidents dans les silos et entrepôts

Les silos utilisés pour le stockage des grains sont une cause importante d'accidents mortels. Des oxydes d'azote extrêmement toxiques commencent à s'accumuler dans ces silos dans les heures qui suivent le remplissage et peuvent y persister pendant une semaine ou plus. On a ainsi enregistré des niveaux de dioxyde d'azote des centaines de fois plus élevés que ne l'autorisent les normes industrielles. Des précautions doivent être prises sans délai pour éviter les accidents mortels. Quand on ouvre un silo hermétiquement fermé, on court un risque d'asphyxie car les graines et le fourrage ont dégagé du dioxyde de carbone qui réduit la teneur en oxygène de l'air(18). Des chutes suivies d'asphyxie par inhalation de grains sont aussi signalées. Il existe dans beaucoup de pays des recommandations détaillées permettant de parer à ces risques mais, d'ordinaire, ces recommandations ne sont pas correctement appliquées.

Maladies professionnelles et maladies liées au travail

Les maladies liées au travail agricole varient beaucoup selon les régions sous l'effet de différents facteurs: climat, faune, densité démographique, conditions de vie, habitudes alimentaires, niveau sanitaire, niveau d'instruction, formation professionnelle, conditions de travail, développement technologique, qualité des services et accès à ces services, etc.

On peut distinguer trois grandes catégories:

a) les maladies reconnues comme des maladies professionnelles, c'est-à-dire les maladies qui sont dues au travail ou qui ont un lien direct avec le travail et qui n'ont en général qu'une seule cause;

b) les maladies liées au travail, qui ont en général des causes multiples et dont l'évolution peut être influencée par le milieu de travail;

c) les maladies générales qui ne sont pas causées par le travail mais qui peuvent être aggravées par celui-ci.

La classification des maladies entrant dans chacune de ces catégories change avec le temps en fonction de l'évolution:

La plupart des pays dressent la liste des maladies professionnelles qui peuvent donner droit à une indemnisation dans certaines circonstances et dans des délais définis. Les différences entre pays, qu'il s'agisse de la périodicité de la révision des listes ou des systèmes de classification, compliquent l'évaluation de l'incidence et de la prévalence de certaines maladies professionnelles dans le monde.

La reconnaissance des maladies liées au travail et des maladies générales affectant les travailleurs dépend de la législation. L'important est qu'il existe des possibilités de recours dans les cas douteux (comités d'experts, tribunaux). La reconnaissance de ces maladies et la révision des listes permettent la mise en place de programmes de prévention ciblés et plus efficaces.

Tableau 4.3. Etats-Unis: nombre de maladies professionnelles et taux d'incidence par type de maladie dans l'agriculture (1995)
 


Maladies

Nombre de maladies (103)
(non compris exploitations
< 11 employés)

Incidence (pour
100 000 travailleurs
plein temps


Troubles associés à des traumatismes répétés

1,0

8,2

Dermatoses

2,5

20,3

Affections respiratoires dues à des agents toxiques

0,2

1,4

Affections dues à des agents physiques

0,3

2

Intoxications

0,3

2,5

Maladies pulmonaires dues aux poussières

moins de 50 cas

0,1

Autres maladies professionnelles

1,1

8,8

Total

5,4

43,5

Source: Bureau of Labor Statistics, United States Department of Labor, 1995.


Tableau 4.4. Maladies professionnelles agricoles en France (avec ou sans arrêt de travail), 1996
 


Maladies professionnelles

Nombre de cas

Taux d'incidence
pour 100000 travailleurs)


Affections péri-articulaires

837

81,3

Eczémas allergiques

59

5,7

Allergies respiratoires

61

5,9

Affections liées aux vibrations et chocs

22

2,1

Leptospiroses

15

1,5

Brucellose

22

2,1

Bruit

22

2,1

Pesticides

22

2,1

Autres maladies professionnelles

58

5,6

Total

1118

Source: Mutualité sociale agricole: Données chiffrées. Le risque d'accident des salariés agricoles, 1976-1996 (Paris, 1997).


Les principales maladies liées au travail agricole sont les affections infecto-contagieuses, parmi lesquelles on trouve celles transmises par contact avec les animaux domestiques ou sauvages (zoonoses), les affections respiratoires, les dermatoses, les allergies, le cancer, les maladies dues au travail à l'air libre, les intoxications ainsi que les troubles liés aux positions nocives et répétées, au port de lourdes charges, au travail prolongé, au bruit et aux vibrations. Elles sont responsables d'une grande dépense énergétique aboutissant à un vieillissement prématuré, d'un absentéisme important, d'une productivité réduite et d'un coût social et de santé très élevé au niveau national.

Il faut tenir compte des interactions entre les divers facteurs de risque auxquels les travailleurs agricoles sont exposés. Une étude menée en 1994 en Ukraine a montré que la mortalité due aux maladies cardiovasculaires a beaucoup augmenté en milieu rural. En 1990, le taux de mortalité des personnes de 35 à 49 ans était de 425 décès pour 100000 en milieu rural, contre 348 en milieu urbain. L'analyse des données montre que la prévalence de l'ischémie cardiaque est plus élevée chez les conducteurs de tracteurs (8,4 pour cent) et que l'hypertension artérielle touche surtout les travailleurs qui n'utilisent pas de machines (même si presque 30 pour cent d'entre eux ont été précédemment conducteurs de tracteurs). Les facteurs qui favorisent les ischémies cardiaques chez les tractoristes sont les vibrations, le bruit, les micro-climats défavorables et les charges de travail. Il ressort de l'étude que l'exposition aux pesticides pendant dix ans double la prévalence de l'ischémie cardiaque et quadruple celle de l'hypertension artérielle(19). Selon une enquête récente de l'Organisation mondiale de la santé, le cancer, les allergies et la tuberculose sont les plus graves problèmes de santé des ruraux en Europe centrale et orientale ainsi que dans la Communauté d'Etats indépendants(20).

Utilisation des produits chimiques dans l'agriculture

Les agriculteurs utilisent près de trois quarts de millions de produits chimiques et de composés chimiques – et des milliers de nouveaux produits font leur apparition chaque année. Beaucoup ont des effets nocifs. Leur introduction est si rapide que l'on n'a guère le temps d'évaluer les risques qu'ils peuvent présenter. En 1991, seulement 20 pour cent des pesticides utilisés dans l'agriculture étaient appliqués dans les pays en développement mais c'est dans ces pays que l'on enregistrait 99 pour cent des intoxications causées par ces produits.

Les pesticides sont en général des produits chimiques de synthèse. Leur composition est complexe. A un ou plusieurs principes actifs sont associés des solvants, émulsifiants, produits tensio-actifs, conservateurs, colorants, vomitifs, etc. dont les effets nocifs s'additionnent ou se potentialisent chez l'homme, les animaux et l'environnement. Ils sont habituellement classés selon leur cible: insecticides (les plus utilisés), herbicides, fongicides, nématicides, raticides, corvicides, taupicides, etc.

Les voies de pénétration des pesticides dans le corps humain sont essentiellement la voie respiratoire et la voie cutanéo-muqueuse. L'appareil respiratoire est impliqué dans l'aspiration des gouttelettes des produits en suspension dans l'air vers les poumons. La peau permet leur passage par solubilisation des pesticides dans ses propres composants lipidiques et pénétration de la surface externe du corps vers le réseau sanguin sous-jacent. Toute situation augmentant le rythme respiratoire ou la perméabilité des tissus cutanés et muqueux favorise la pénétration des pesticides. C'est le cas de la chaleur, de l'effort, des lésions inflammatoires étendues (eczémas, réactions allergiques, irritations, etc.). L'absence de décontamination de la peau par le lavage après le travail augmente le temps de contact et la pénétration des pesticides – plus le temps est long, plus la dose absorbée augmente.

Tableau 4.5. Taux de croissance de l'utilisation des pesticides par région entre 1983 et 1993 (pourcentages)
 


Région

1983-88
(%)

1988-93
(%)


Afrique

60

200

Amérique latine

45

40

Méditerranée orientale

25

22

Extrême-Orient

28

25

Autres pays en développement

15

12

Total pays en développement

37,5

55

Total mondial

23

20

Source: Organisation mondiale de la santé/Programme des Nations Unies pour l'environnement: The public health impact of pesticides used in agriculture (Genève, 1990).


Les intoxications par voie digestive sont plus rares mais elles existent en raison de l'absence d'hygiène lors des repas pris dans les champs (contamination des aliments par les mains et les habits sales) et de la pratique qui consiste à souffler dans les gicleurs des équipements d'aspersion pour les nettoyer. Inconscients du danger, les ruraux se servent souvent des conteneurs des pesticides comme récipients pour l'eau ou la nourriture, d'où un risque supplémentaire d'intoxication.

La grande majorité des intoxications dues aux pesticides sont des intoxications aiguës résultant par exemple de l'application des pesticides dans des silos ou dans des serres, milieux confinés dans lesquels les produits peuvent atteindre des concentrations très élevées dans l'air. Toutefois, des expositions répétées à des concentrations modérées de pesticides entraînent elles aussi des intoxications, rarement diagnostiquées. Elles se manifestent par des symptômes chroniques dont, souvent, la cause n'est pas élucidée. Elles peuvent déboucher sur des cancers, des maladies respiratoires, des troubles neurologiques, neuromusculaires ou psychiatriques, des allergies à divers produits chimiques. L'exposition des femmes enceintes à des produits chimiques peut avoir des effets tératogènes.

Les risques dépendent beaucoup des procédés d'application. Quand les équipements d'aspersion sont portés sur le dos, les changements de direction du vent lors de l'application (voies respiratoires) et les fuites dans les joints et les conduits (contact direct avec la peau) soumettent les travailleurs à des quantités importantes de pesticides. L'épandage dans des milieux peu ou pas ventilés (par exemple, serres) expose les applicateurs à de fortes concentrations de produits. Les tracteurs soulèvent un nuage qui met en danger la vie du conducteur si la cabine n'est pas étanche. Les aspersions aériennes représentent un risque pour les pilotes s'ils ne sont pas protégés; elles s'étendent à de vastes superficies, d'où un risque de contamination des travailleurs, de la population en général, des aliments, de l'environnement. Dans certains pays d'Asie et d'Amérique latine, des enfants sont chargés, au sol, de guider les avions, ce qui les expose à un gros risque d'intoxication(21). En Egypte, 1,26 million de travailleurs par an sont potentiellement exposés aux pesticides pendant leur épandage aérien, soit parce qu'ils travaillent dans les champs au moment du traitement, soit parce qu'ils sont eux-mêmes les applicateurs.

En 1990, l'OMS signalait qu'au moins trois millions de personnes étaient intoxiquées par les pesticides chaque année et que 20000 d'entre elles en mouraient (les intoxications chroniques ne sont pas prises en compte)(22). En 1994, on estimait qu'il y avait de 2 à 5 millions de cas d'intoxication par an, dont 40000 mortels(23). Au niveau national, l'exposition aux pesticides reste l'un des principaux risques professionnels. Dans certains pays, elle est à l'origine de 14 pour cent des lésions professionnelles dans le secteur agricole et de 10 pour cent des lésions mortelles(24). En France, plus de 100000 tonnes de pesticides sont utilisées, dont 40 pour cent pour la vigne, et la population potentiellement exposée serait proche du million(25). Aux Etats-Unis, l'Agence de protection de l'environnement estime à 20000-30000 le nombre annuel de cas d'intoxication aiguë en milieu agricole(26). Pour la période 1980-86, l'Institut national de la sécurité sociale du Costa Rica signale un taux annuel d'intoxication par les pesticides de 5,3 pour mille salariés. La quasi-totalité de ces intoxications (97pour cent) concerne des jeunes âgés de 20 à 29 ans (23 pour 1000). Les victimes sont, dans environ 60 pour cent des cas, des ouvriers agricoles. L'incidence est plus forte pour les femmes que pour les hommes dans toutes les classes d'âge (25 pour 1000)(27).

Nombreuses sont les études sur l'exposition aux pesticides. Elles montrent que, généralement, les précautions prises sont insuffisantes et qu'il faudrait réglementer la vente des produits chimiques – notamment par les petites entreprises – et fournir des informations appropriées aux travailleurs et à tous ceux qui sont en contact avec les pesticides. Dans la petite agriculture, les travailleurs sont rarement conscients des risques auxquels ils s'exposent et ne pensent donc pas à se protéger. La situation n'est guère meilleure dans les grandes exploitations.

Dans une publication de 1996, l'Inspection des fabriques de la République-Unie de Tanzanie estimait que 19000 travailleurs avaient été exposés à la poussière de coton, 14200 à la poussière de sisal et jusqu'à 10 millions aux pesticides(28). En 1991, le ministère de la Santé du Zimbabwe signalait que le dixième environ de la main-d'œuvre participait régulièrement à des pulvérisations de produits chimiques et que des vêtements de protection n'étaient fournis que dans la moitié environ des exploitations étudiées(29). De 30 à 50 pour cent des travailleurs des grandes exploitations utilisaient directement des pesticides. En Afrique du Sud, l'étude de 30 entreprises de production de fruits a révélé que 9 pour cent des travailleurs permanents étaient directement en contact avec des pesticides (mélange, pulvérisations, conditionnement) et qu'environ 14 pour cent des saisonniers étaient exposés indirectement aux pesticides lorsqu'ils taillaient les pieds de vigne.

Au Zimbabwe, on a constaté que des travailleurs répandaient des pesticides sans vêtements de protection. Les enquêtes menées dans les exploitations agricoles de ce pays en 1985-86, puis en 1988-89, ont montré que les travailleurs en contact avec les pesticides (principalement mélange et/ou pulvérisations) étaient très exposés. Les moyens utilisés pour réduire cette exposition étaient insuffisants compte tenu de la grande toxicité des produits utilisés, et les travailleurs manquaient d'informations sur les pesticides. Lors d'une enquête, un tiers seulement des travailleurs chargés des pulvérisations ont déclaré avoir reçu des instructions; la plupart des travailleurs ne comprenaient qu'en partie les étiquettes et ne connaissaient pas les symptômes de l'intoxication par les pesticides.

L'inspection de 39 fermes et petites exploitations de la province du Cap-ouest, en Afrique du Sud, et les entretiens qui ont lieu à cette occasion ont montré que 56 pour cent des hangars dans lesquels étaient stockés les pesticides n'étaient pas fermés à clé et que 49 pour cent contenaient du matériel sans rapport avec les pesticides (par exemple, des outils), ce qui faisait courir inutilement des risques à d'autres travailleurs. La plupart des exploitations disposaient d'équipements de protection mais seules deux d'entre elles obligeaient le personnel à le porter. En Ethiopie, une étude portant sur 430travailleurs chargés de la lutte contre les ravageurs dans trois grandes exploitations a montré que ces travailleurs connaissaient mal les risques auxquels ils s'exposaient; 88 pour cent d'entre eux ignoraient les risques inhérents à l'utilisation de pesticides. Les équipements de protection étaient rares et les travailleurs ne savaient pas les utiliser correctement. En Afrique australe, les quelques règles de sécurité qui sont appliquées concernent généralement la main-d'œuvre permanente et non pas les saisonniers parmi lesquels on trouve une majorité de femmes. Souvent, les travailleurs occasionnels ou temporaires ne reçoivent pas d'équipement de protection ni de formation à la sécurité et courent donc plus de risques que les travailleurs permanents. Ils appliquent les pesticides directement à la main; seuls les travailleurs permanents peuvent utiliser des pulvérisateurs.

Les efforts de promotion de la santé et de la sécurité dans l'agriculture doivent être axés sur le milieu de travail mais il faut aussi tenir compte du fait qu'il n'y a pas de ligne de démarcation bien nette entre les conditions de vie et les conditions de travail dans ce secteur. Des cas d'intoxication par les pesticides en dehors du milieu de travail ont été signalés. Leurs causes sont multiples: contamination des produits alimentaires en cours de transport ou de stockage; résidus de pesticides dans les aliments; présence de pesticides dans l'eau ou la nourriture à cause du mauvais usage des conteneurs; contamination de la nappe phréatique par les produits chimiques. Des études ayant porté sur de grandes exploitations d'Afrique du Sud ont montré que les conteneurs de pesticides servent parfois de récipients pour l'eau ou la nourriture, ce qui expose les familles des travailleurs à des risques. Les mêmes constatations ont été faites au Zimbabwe, en Inde, à Sri Lanka et au Pakistan.

L'exposition accidentelle peut aussi être d'origine professionnelle. Des travailleurs ne participant pas directement à l'épandage des pesticides dans des fermes commerciales du Zimbabwe ont été exposés aux pesticides organophosphorés. Il y avait beaucoup de femmes et d'enfants parmi les personnes ayant dû être hospitalisées à la suite d'une intoxication. Sur un total de 274 cas, 50 pour cent concernaient des hommes adultes, 30 pour cent des femmes adultes et 20 pour cent des enfants de moins de 15 ans. Les travailleurs qui vivent à proximité de champs traités aux pesticides sont particulièrement exposés. Une étude réalisée dans la province du Cap-ouest en Afrique du Sud a montré que le quart des ouvriers agricoles vivaient dans des logements situés à moins de 10 mètres de vergers ou de champs récemment traités.

L'exposition aux pesticides organochlorés en milieu rural est un grave problème de santé publique en Europe centrale et orientale. Plusieurs études ont été consacrées à la contamination du lait maternel. Une étude effectuée en Roumanie entre 1994 et 1996 a décelé la présence de résidus de pesticides dans les organismes de toutes les personnes étudiées, à savoir 42 mères allaitantes, 150 jeunes et 50 personnes âgées. Une autre étude réalisée en Ukraine de 1994 à 1997 a montré que l'exposition aux pesticides organochlorés était inévitable, quelles que soient la région, la classe d'âge et la profession. L'exposition des nouveau-nés aux pesticides organochlorés à cause de l'ingestion quotidienne de lait maternel dépassait souvent les limites fixées par la FAO et l'OMS.

Un certain nombre d'études ont révélé les risques inhérents à l'utilisation de pesticides courants:

Tableau 4.6. Incidence de l'intoxication par les pesticides dans certains pays africains
 


Pays

Population
(millions)

Population active dans l'agriculture
(% de la population active totale)

Incidence annuelle
d'intoxication
par les pesticides


Soudan

24

80

384000

Tanzanie

23

85

368000

Kenya

22

80

350000

Ouganda

17

80

272000

Mozambique

15

70

240000

Cameroun

11

80

175000

Zimbabwe

10

80

160000

Côte d'Ivoire

10

80

160000

Malawi

8

85

128000

Sénégal

7

80

112000

Maurice

2

75

3200

Source: A.W. Choudhry: "Health hazards of pesticide use in Africa", Proceedings of the East African Regional Symposium on Chemical Accidents and Occupational Health (Helsinki, Institut de la santé au travail, 1989).


Zoonoses

Les zoonoses représentent un grave problème de santé publique, notamment dans les pays en développement. Elles incluent plusieurs des maladies les plus répandues et les plus graves du monde et débouchent parfois sur des incapacités de travail totales ou partielles. L'expérience semble indiquer qu'elles auront à l'avenir une importance croissante dans le profil de morbidité. L'infestation animale passe souvent inaperçue, soit parce que l'animal ne développe pas la maladie, soit parce que le délai d'apparition des symptômes est très long. La contamination peut se produire par contact direct avec l'animal ou ses dérivés (poils, viande, carcasse, os, déjections, produits des avortements ou des mises bas, etc.) ou avec l'environnement contaminé. Chez l'homme, ces maladies peuvent être extrêmement graves et leur prise en charge est très onéreuse. Leur traitement est souvent complexe et exige une hospitalisation prolongée; c'est le cas par exemple pour la tuberculose bovine, le tétanos et la tularémie(35). Certaines maladies nécessitent un traitement chirurgical – par exemple, l'hydatidose(36) et une assistance postopératoire intensive du fait de l'atteinte d'organes nobles, tels que les poumons, le foie ou le système nerveux central. D'autres maladies sont très contagieuses et peuvent provoquer des épidémies: paludisme, brucellose (fièvre ondulante), salmonelloses(37), maladie de Newcastle(38). Même si leur traitement est relativement simple, le coût collectif est souvent élevé. Les listérioses(39) sont responsables d'avortements précoces chez les femmes ou, si elles sont contractées à une phase plus avancée de la grossesse, de graves malformations du nouveau-né. Enfin, il existe des maladies mortelles présentant un tableau clinique très pénible, comme la rage. En France, les trois quarts des maladies professionnelles du régime agricole sont des maladies infectieuses ou parasitaires.

Parasitoses et autres infections

Les parasitoses contractées sur le lieu de travail ont des causes variées. L'une d'entre elles est l'ingestion d'œufs et de kystes (par exemple, hydatidose et amibiase(40)) par suite de la contamination des aliments ou des mains par des outils souillés ou par les animaux et leurs dérivés. Certaines larves présentes dans le sol des zones humides et chaudes (température supérieure à 20°C) peuvent pénétrer à travers la peau (par exemple, leptospirose(41), filariose, bilharziose(42)) lors du travail dans les rizières, les champignonnières et autres terrains infestés par ces parasites. Le risque de contamination, lié à des températures ambiantes élevées, augmente du fait de la difficulté de porter des habits couvrants et des bottes qui, en outre, sont susceptibles de gêner les mouvements, de faire augmenter la température corporelle et de provoquer une hypersudation. Plusieurs parasites peuvent être inoculés par des vecteurs biologiques, comme dans le cas des insectes transmetteurs du paludisme, de la leishmaniose et de la maladie du sommeil.

Les maladies infectieuses générales peuvent être contractées dans l'environnement du travail agricole. Elles ont un pronostic grave. C'est le cas notamment du tétanos, de la rage, et des rickettsioses.

Trois aspects épidémiologiques importants des maladies infecto-contagieuses et parasitaires sont à signaler:

Dermatoses

Les dermatoses liées au travail peuvent résulter de la pénétration d'agents pathogènes, soit à la faveur d'une lésion (morsure, éraflure, piqûre), comme c'est le cas des leishmanioses, des accidents septiques ou de l'érysipéloïde, soit par la traversée de la peau saine par les bactéries du charbon ou de la tularémie. Les mycoses se contractent auprès des animaux atteints (teignes) ou se développent dans les zones de macération cutanée provoquées par l'humidité et la chaleur ambiante, le sucre des fruits et l'hypersudation due au port de vêtements imperméables comme les bottes et les gants en caoutchouc (candidoses); elles créent des lésions souvent difficiles à traiter, longues à guérir et très contagieuses.

D'autres étiologies déterminent des dermatoses aiguës, subaiguës ou chroniques. Les agents responsables ne sont pas toujours faciles à identifier et, dans beaucoup de cas, les interactions et synergies créent des tableaux cliniques de diagnostic difficile. Les surinfections bactériennes ne facilitent pas la reconnaissance des causes initiales. A la longue, la peau des régions atteintes tend à devenir épaisse, rugueuse, ouverte par de nombreuses fissures qui se surinfectent et sont très douloureuses, gênant ou même empêchant le travail manuel. La dermite de contact avec un irritant est la dermatose professionnelle la plus fréquente; elle résulte de l'action de solvants ou d'autres produits entrant dans la constitution des pesticides et de certains végétaux. Les eczémas, ou dermites de contact allergiques, peuvent être dus à de nombreuses fleurs cultivées en floriculture ornementale (primevère, tulipe, freesia, mimosa, géranium, marguerite), au chrome contenu dans les bottes et gants en caoutchouc, aux antibiotiques vétérinaires, aux pesticides (fongicides du groupe des dithiocarbamates) et aux désinfectants et savons qui entraînent des lésions par contact local et parfois par infection aérogène. L'acné professionnelle est provoquée par la manipulation des huiles et graisses des moteurs et des parties métalliques mobiles des machines agricoles. Il faut signaler que, en plus de leur effet spécifique, certaines substances sont photosensibilisantes et sont responsables de lésions cutanées inflammatoires aiguës lors de l'exposition au soleil (par exemple, huiles et graisses minérales et antibiotiques).

Affections respiratoires

Les affections respiratoires présentent une large gamme de tableaux cliniques allant des affections bénignes aux insuffisances respiratoires graves. Les atteintes par des germes banals sont favorisées par le froid et l'humidité et engendrent des rhinites, trachéites ou bronchites infectieuses, susceptibles d'être récidivantes et de se transformer en maladies chroniques avec gêne respiratoire importante et lésions séquellaires (bronchite chronique, pneumonies, emphysème, dilatation des bronches, insuffisance cardiaque). Les asthmes dus aux fibres végétales (henné, chrysanthème, tournesol) ainsi qu'aux acariens et autres insectes ont des conséquences semblables et peuvent aboutir à un asthme professionnel. Les divers allergènes organiques peuvent en outre servir de support à des bactéries, des moisissures, des toxines et des pesticides et les véhiculer à l'intérieur de l'arbre respiratoire, compromettant encore plus le pronostic pulmonaire. Le travail en milieu confiné (par exemple, serres et silos) expose les travailleurs à de hautes concentrations de poussières allergisantes.

L'inhalation de poussières végétales a surtout lieu durant les récoltes. Cependant, des tableaux cliniques antérieurement limités aux travailleurs des entreprises de transformation se font de plus en plus fréquents du fait que le traitement initial des produits de la récolte se fait de plus en plus dans les exploitations agricoles. Les poussières de café, thé, coton, cannelle, cajou et céréales sont les plus impliquées. Des cas d'asthme professionnel ont été diagnostiqués parmi les travailleurs du secteur du thé à Sri Lanka et au Canada. Des cas d'asthme liés au traitement des céréales et de la cannelle ont aussi été signalés à Sri Lanka.

Les poussières contenant des champignons ou des micro-organismes dermophiles ou certaines poussières végétales (par exemple, bagasse, paille moisie, poussière de paprika ou de café) sont responsables de cas d'alvéolite allergique extrinsèque pouvant évoluer vers la fibrose des tissus pulmonaires et l'insuffisance cardiaque. Les gaz utilisés comme pesticides ou produits lors de leur utilisation (sulfure d'hydrogène, phosgène, chlore, etc.) agissent par irritation directe sur les parois de l'arbre respiratoire, pouvant causer des réactions de type asthmatiforme chez les sujets présentant une hyperréactivité bronchique.

Conditions climatiques

Le travail à l'air libre expose les agriculteurs aux intempéries, à la chaleur, au froid, au soleil. Il en résulte une série de problèmes de santé qui, même s'ils ne sont pas identifiés comme des maladies professionnelles, sont cause d'absentéisme, font baisser la productivité et réduisent la résistance de l'organisme aux maladies. La pluie et le froid favorisent les infections respiratoires ainsi que les engelures, dont les lésions cutanées sont susceptibles de se surinfecter. L'exposition au soleil cause des brûlures cutanées, des lucites chroniques (rougeur diffuse de la peau exposée, associée à une atrophie cutanée pouvant aboutir au bout de quelques années à des épaississements localisés) et des insolations plus ou moins graves. La chaleur provoque une dilatation des vaisseaux sanguins superficiels pouvant entraîner une déshydratation par hypersudation (parfois aggravée par une tenue de protection trop couvrante et imperméable), des œdèmes des jambes, des crampes, des syncopes, et elle facilite les intoxications par absorption cutanée et diffusion des pesticides dans l'organisme. Le vent véhicule des bactéries, des parasites, des poussières minérales et végétales et des spores mycosiques.

Dans les pays en développement, les effets négatifs de longues heures de travail peuvent être aggravés par des conditions climatiques extrêmes. La malnutrition, la chaleur et l'humidité ainsi que les maladies endémiques affaiblissent les agriculteurs et réduisent leur productivité. Des études des effets de l'exposition à la chaleur sur la santé des travailleurs montrent que des températures qui s'écartent – même de très peu – de la zone dite de confort entraînent en général une augmentation du risque d'accident.

Dans les grandes agro-industries, les horaires de travail sont calqués sur ceux qui ont cours en climat tempéré, sans qu'il soit tenu compte des effets de la chaleur. Dans la petite agriculture de subsistance, les travailleurs réservent traditionnellement la matinée aux travaux les plus pénibles, quand la chaleur est encore supportable. Il est rare qu'ils consacrent plus d'une demi-journée à des travaux de force.

Cancers professionnels

Les cancers professionnels dans l'agriculture peuvent constituer une complication tardive de certaines maladies d'origine professionnelle ou survenir lors de l'exposition directe à divers facteurs de risque. Une étude réalisée entre 1957 et 1992 dans le nord de l'Italie, dans une région où prédomine la riziculture (de 80 à 85 pour cent de l'activité agricole) et qui utilise des herbicides depuis 1950, a révélé une relation entre l'apparition de lymphomes non hodgkiniens et la manipulation d'herbicides phénoxyacétiques(44).

Les lucites chroniques provoquées par les rayons ultraviolets de courte longueur d'onde sont susceptibles de dégénérer en cancer cutané. Le mélanome malin reste le plus dangereux des cancers dermiques mais il est plus rare que les autres formes. Il peut être consécutif aux expositions aux rayons ultraviolets mais aussi aux expositions prolongées aux pesticides (dibromo-chloro-propane).

De nombreux agents biologiques ont aussi été impliqués dans le développement de cancer chez l'homme, et certains d'entre eux ont une étroite relation avec les conditions de travail dans l'agriculture. La bilharziose urinaire, contractée dans les zones inondées de l'Afrique du Nord, de l'Afrique subsaharienne et de la Péninsule arabique, est responsable du cancer de la vessie tandis que la forme intestinale, qui se développe en Indonésie, en Chine et aux Philippines, est responsable de tumeurs hépatiques, œsophagiennes, gastriques et colorectales. La faciolose est responsable du cancer des canaux biliaires chez les travailleurs des zones d'élevage du nord-est de la Thaïlande et du Laos, où les eaux de surface (lacs, cours d'eau, marais) sont contaminées par les selles des bovins, caprins et ovins affectés(45).

Des pesticides et des fertilisants ont été associés à l'apparition des cancers gastriques, de cancers bronchiques (fongicides arsenicaux) ainsi que de lymphomes non hodgkiniens (herbicides phénoxyacétiques).

La discussion reste ouverte en ce qui concerne les cancers post-traumatiques. De nombreuses statistiques montrent que ce type d'affection est plutôt précoce, apparaissant au niveau de la peau dès les tout premiers mois qui suivent le traumatisme. Quelques observations ont été faites pour le cancer post-traumatique du sein et du testicule et les sarcomes osseux. Ils seraient liés à des microtraumatismes mécaniques professionnels, au point d'appui d'un outil ou de frottement d'un élément dans la main.

Transport de lourdes charges et troubles musculo-squelettiques

Le transport de lourdes charges peut provoquer de graves troubles musculo-squelettiques (maux de dos chroniques, douleurs thoraciques, avortements spontanés). L'ergonomie permet d'éviter ces problèmes par des solutions simples rendant plus efficace l'effort physique. Dans certains pays, la législation ne précise pas le poids maximal des charges pouvant être portées par les travailleurs. Il faut donc apprendre à ces derniers la façon correcte de soulever et porter une charge afin d'éviter les risques d'accidents et de lésions(46).

Les mauvaises postures au travail et le port de charges trop lourdes sont à l'origine de troubles musculo-squelettiques fréquents en agriculture mais très peu notifiés. Les outils et les méthodes traditionnels entraînent une grande dépense d'énergie. Les lombalgies et autres douleurs de dos sont principalement associées à un travail physique éprouvant et à des mouvements répétés de soulèvement et de torsion, fréquents dans le travail agricole. Des lésions des genoux apparaissent lors du travail exécuté en position agenouillée ou de la marche sur des terrains accidentés.

Dans l'agriculture, un certain nombre d'opérations qui devraient être exécutées en position assise sont en fait exécutées debout. Les sièges sont d'ordinaire inconfortables, soit parce qu'ils sont mal conçus, soit parce qu'ils sont usés. La hauteur des établis devrait être fonction du travail manuel exécuté et de la hauteur du coude du travailleur, faute de quoi le travailleur subit des contraintes qui entraînent une fatigue pouvant accroître le risque d'accident(47).

Dans les pays en développement, les femmes consacrent beaucoup de leur temps (parfois plus de 20 heures par semaine) à transporter des charges (corvée d'eau et de bois, lessive, commercialisation des produits, etc.). Il leur arrive de porter sur leur tête ou sur leur dos des charges de plus de 35 kilos sur des distances considérables. Il faudrait s'efforcer d'améliorer leurs conditions de travail et de vie d'autant que, généralement, elles doivent concilier travail et responsabilités familiales.

Des troubles neurologiques résultent de l'appui répété du talon de la main sur les outils. Des compressions du nerf sciatique interviennent en cas de position accroupie prolongée et de port de lourdes charges. Par ailleurs, l'évolution des méthodes de production et l'intensification du travail font apparaître de nouvelles pathologies professionnelles telles que la ténosynovite des coupeurs de canne et des élagueurs de thé. A force de s'accumuler, les troubles musculo-squelettiques chroniques peuvent déboucher sur une invalidité permanente.

Bruit et vibrations

Les vibrations, de basse fréquence et de grande amplitude, du siège et du plancher de la cabine des tracteurs et autres machines agricoles, s'ajoutant aux mauvaises postures imposées par l'inadaptation ergonomique, provoquent, chez les conducteurs d'engins, des troubles de la colonne vertébrale et du tractus urinaire ainsi que des problèmes gastro-intestinaux. Les mouvements relatifs de la tête et de l'environnement créés par les vibrations entraînent une baisse de l'acuité visuelle susceptible de provoquer des erreurs d'évaluation dans la conduite.

Le bruit en agriculture est le résultat des vibrations de haute fréquence produites par les machines. A plein régime, un moteur dépasse largement les 85 dB(A) fixés comme limite d'intensité pour la prévention des surdités. Habituellement, le niveau est de 95 et même de 100 dB(A) pendant des périodes prolongées, aussi bien dans les tracteurs sans cabine que dans ceux qui en sont équipés, auquel cas se produisent en outre des phénomènes de résonance. Le bruit a des effets auditifs et extra-auditifs. Les effets auditifs sont la diminution de la perception des autres bruits (par exemple, des cris d'avertissement), la fatigue auditive, qui fait qu'un travailleur présente temporairement un seuil d'audition élevé, et la surdité professionnelle. Les effets extra-auditifs, qui apparaissent après quelques heures d'exposition, sont l'irritabilité et le stress psychique. A cela s'ajoute la diminution de la vitesse de réaction dans l'exécution de tâches psychomotrices, surtout lors de la surveillance de plusieurs actions simultanées: contrôle de la conduite et des irrégularités du sol, contrôle des opérations spécifiques de la machine, surveillance de la remorque ou d'autres travailleurs intervenant dans l'opération.

Relation entre maladies générales et maladies liées au travail

L'interaction entre les mauvaises conditions de travail et les mauvaises conditions de vie entraîne un profil de morbi-mortalité complexe parmi les travailleurs agricoles. Ce profil associe la malnutrition, les maladies générales présentes dans la population rurale (par exemple, paludisme, tuberculose, bilharziose, troubles gastro-intestinaux, intoxication par le fluor, goitre endémique, carences anémiques, drépanocytose, etc.), les maladies professionnelles et les complications de maladies non diagnostiquées ou non traitées.

Malnutrition et problèmes de santé réduisent beaucoup la capacité de travail des agriculteurs. Même dans les pays en développement qui ont atteint un assez haut niveau économique, ces problèmes persistent souvent, créant un cercle vicieux: faible productivité, bas salaires, malnutrition, maladie, faible capacité de travail (voir figure 4.1). Le secteur agricole est particulièrement touché parce que, dans ce secteur, le travail reste en grande partie manuel ou semi-mécanisé, de sorte que la productivité est étroitement liée à la capacité physique. Les maladies générales nuisent à celle-ci. D'autres facteurs tels que la chaleur jouent aussi un rôle. La capacité de travail (capacité aérobie), qui est fonction du poids corporel, diminue sous l'effet des maladies et de la malnutrition(48). Les travailleurs agricoles dépensent beaucoup d'énergie et ne peuvent pas récupérer, ce qui fait que leur espérance de vie est plus courte que celle d'autres travailleurs.

Au Cameroun, la tuberculose pulmonaire a fait sa réapparition parmi les travailleurs agricoles au début des années quatre-vingt-dix. Quatre unités de santé, toutes situées dans des régions agricoles, ont signalé 81 pour cent des cas de tuberculose déclarés entre 1991 et 1994, avec un taux d'incidence de 1240 cas pour 100000 travailleurs. Une analyse a montré que la vétusté des logements, les mauvaises conditions de travail, la multirésistance des bacilles tuberculeux aux médicaments, l'absence de vaccination au BCG et l'augmentation de l'incidence des infections par le HIV étaient les principaux facteurs à l'origine de cette recrudescence(49)

Les mauvaises conditions de vie dans les grandes exploitations ont entraîné une recrudescence du paludisme. Au Swaziland, l'incidence de cette maladie a beaucoup diminué durant les années cinquante. Par la suite, les plantations de canne à sucre et d'agrumes se sont beaucoup développées, ce qui a nécessité le creusement de canaux d'irrigation, mais on n'a guère porté d'attention aux conditions de vie des travailleurs. Faute de pouvoir trouver sur place suffisamment de main-d'œuvre, les propriétaires de ces plantations, ignorant les avertissements des autorités sanitaires, ont fait venir des travailleurs du Mozambique où le paludisme restait une menace. La présence de ces milliers d'immigrés a contribué à faire augmenter le nombre de cas de paludisme, dont la propagation a été favorisée par les mauvaises conditions de vie et de travail.

Il arrive que les facteurs de risque se cumulent. En Ukraine, beaucoup d'agriculteurs vivent dans des zones contaminées par la catastrophe de Tchernobyl. Depuis 1986, beaucoup d'études ont été consacrées aux effets synergiques de l'exposition aux radiations et aux produits chimiques utilisés dans l'agriculture et aux effets génétiques associés à des doses, faibles ou élevées, de pesticides et de rayonnements ionisants. On a observé que les conducteurs de machines agricoles travaillant dans les zones contaminées ont un système immunitaire qui les défend moins bien contre les organismes pathogènes. Alors que les travailleurs étudiés n'appartenaient pas à des groupes traditionnellement exposés à des risques, leur réponse immunologique était moins bonne que celle des enfants. Ce résultat est attribué à l'exposition à des pesticides organochlorés et aux métaux lourds (plomb, cadmium, manganèse, etc.) présents dans les sols contaminés.

Services de soins de santé en milieu rural

La gestion de la santé et de la sécurité au travail est en général plus complexe dans l'agriculture que dans l'industrie. Elle fait intervenir les ministères du Travail, de la Santé, de l'Education, de l'Agriculture et de l'Environnement. Ces institutions se chargent des relations de travail (relations individuelles et collectives), de l'emploi et de la formation professionnelle, de la santé, de la sécurité et du bien-être des travailleurs, des conditions de travail (travail des femmes, des enfants, temps de travail, salaires et systèmes de rémunération) et des aspects techniques de la production agricole.

Un nombre important de spécialistes interviennent dans le secteur: inspecteurs du travail, inspecteurs de l'hygiène et de la sécurité, médecins du travail, professionnels de la sécurité sociale et des assurances, professionnels de la santé en milieu rural, ingénieurs et techniciens de sécurité, professionnels de la santé publique, formateurs, agronomes, vulgarisateurs. Ces spécialistes travaillent souvent de façon indépendante et leurs activités se juxtaposent et se chevauchent faute d'un programme cohérent, d'une coopération entre les institutions et d'une harmonisation de leurs interventions, d'un suivi et d'une évaluation globale des activités et des résultats.

L'éloignement, la dispersion géographique, la pauvreté, les différences culturelles et les difficultés d'accès aux différents services aggravent les choses. Les logements, souvent insalubres, sont éloignés des centres médicaux et les soins de santé sont insuffisants et mal adaptés aux besoins des travailleurs agricoles.

Les compétences légales des différents organismes se chevauchent et leur intérêt pour le travail agricole est subordonné aux priorités nationales. Par ailleurs, l'approche adoptée se fonde sur un modèle urbain et industriel d'intervention en santé et sécurité du travail. Le contrôle quantitatif a pris le pas sur le qualitatif pour répondre aux exigences légales. Il repose sur l'approche utilisée pour l'industrie, qui vise des processus déterminés en milieu fermé, et emploie des valeurs limites souvent établies à l'aide d'appareils de mesure et d'analyses statistiques dépassés. Dans l'agriculture, peu nombreuses sont les activités qui permettent une telle approche; c'est pourquoi ce secteur est souvent considéré comme un "secteur difficile".

Bien souvent, les fonctionnaires connaissent mal le milieu rural et ne disposent pas des moyens nécessaires pour s'acquitter de leur tâche. Les inspecteurs, les professionnels de la santé et les responsables des programmes vivent en milieu urbain. Il existe dans certains pays des comités ou conseils nationaux ou des organes tripartites (Etat, travailleurs et patronat) qui sont chargés de la coordination interinstitutionnelle des activités relatives à la santé et à la sécurité au travail, mais rares sont les cas où il existe un comité chargé du secteur agricole. Souvent, les fonctionnaires et les dirigeants locaux ne sont pas conscients du problème.

Dans les pays en développement, l'augmentation du nombre des travailleurs temporaires et migrants durant les récoltes, l'évolution des méthodes de diagnostic ou l'apparition de nouvelles maladies peuvent faire beaucoup varier le nombre des cas signalés. En conséquence, les résultats des mesures de prévention des maladies professionnelles et accidents du travail dans le secteur agricole ne peuvent être évalués qu'en fonction de la législation et de la pratique nationales. La surveillance continue des pratiques de travail permet une prévention primaire des maladies et accidents. Les anomalies et accidents qui révèlent des défauts du système de gestion des risques au niveau de la prévention primaire sont pris en compte dans les programmes de prévention secondaire (correction à la suite d'un accident, mesures propres à éviter des récidives, traitement des personnes) et de prévention tertiaire (prévention des compli-
cations).

Dans plusieurs pays industrialisés, les salariés et les producteurs agricoles ont formé des associations qui assurent une couverture et des services optimaux. La France, où l'agriculture occupe 7,5 pour cent de la population active et qui est l'un des principaux producteurs agricoles de l'Union européenne, a implanté un système financé et géré de manière tripartite par l'Etat, les agriculteurs/employeurs et les travailleurs agricoles (la Mutualité sociale agricole). Cette représentativité des groupes intéressés dans une même institution permet une meilleure couverture (98 pour cent des agriculteurs et des travailleurs agricoles), une bonne connaissance du milieu professionnel et la réalisation de recherches visant à améliorer la prévention. En 1993, près de 270 médecins du travail et 340 autres professionnels assuraient la surveillance des affiliés à la Mutualité sociale agricole dans le cadre de programmes de toxicovigilance et de prévention du stress, des lombalgies, de la surdité, des troubles musculo-squelettiques, des accidents du travail, des handicaps, des affections respiratoires – en plus des prestations courantes. Des comités régionaux associant des médecins et des techniciens-conseils en prévention rapprochent ces services des travailleurs et agriculteurs, contribuant aussi à la sensibilisation, à l'information et à la formation. A partir d'études techniques, la Mutualité participe à la conception de matériels et équipements et à l'élaboration de nouvelles normes de sécurité pour les machines(50). L'Inspection médicale du travail reste sous la responsabilité du ministère de l'Agriculture. Cependant, malgré toute cette organisation, en cas d'augmentation de la demande de main-d'œuvre et du fait du poids des charges sociales, les agriculteurs emploient des travailleurs temporaires, notamment des travailleurs immigrés, sans les déclarer.

C'est en Suède et en Finlande que l'on trouve les meilleurs systèmes de soins de santé pour les agriculteurs. En Suède, l'agriculture se compose principalement de petites exploitations familiales. Les services de santé au travail couvrent 85 pour cent des salariés. Les 15 pour cent restants travaillent dans de petites entreprises. Ils peuvent s'affilier volontairement à ce système – ce que font la plupart des agriculteurs. Les centres locaux de santé au travail sont au cœur du dispositif. Ils sont implantés dans les zones agricoles et desservent chacun de 1000 à 2000 agriculteurs. Le système a toujours été extrêmement centralisé, même si le pays est divisé en six régions. Dans chaque région, un fonctionnaire est responsable des services aux agriculteurs. La gestion de ce système très complet a commencé à être décentralisée en 1995. Depuis cette date, on s'attache surtout à changer les conditions de travail et l'attitude des travailleurs en matière de santé et de sécurité. On juge en effet que les efforts ne doivent pas se limiter à surveiller la santé des agriculteurs et à leur offrir des soins spécialisés ni à entreprendre des enquêtes scientifiques pour identifier les problèmes de santé et les risques.

Dans les pays en développement, il faut distinguer, en ce qui concerne l'organisation des soins de santé dans l'agriculture, deux grands secteurs: les grandes exploitations – plantations, grandes coopératives et fermes d'Etat – et la petite agriculture. Il n'est pas rare que les grandes entreprises agricoles (notamment les multinationales) offrent des prestations de santé au travail associées à des prestations de santé curative. Dans certains cas, elles disposent d'unités de médecine générale et de médecine materno-infantile, de pharmacies et de laboratoires d'analyses courantes et parfois de quelques lits d'hospitalisation et d'unités de soins dentaires. Les familles des travailleurs sont prises en charge par ce système. Les activités de la médecine du travail se limitent à des visites périodiques, souvent trop espacées, parfois associées à une vaccination. Les maladies professionnelles sont prises en charge au même titre que les maladies ordinaires. Les accidents, même s'ils sont enregistrés, font rarement l'objet d'études qui pourraient aboutir à des programmes de prévention. Une telle pratique s'observe par exemple au Costa Rica, au Panama, en Argentine, au Chili, au Mexique et en Côte d'Ivoire. Les petits paysans, qui constituent la grande majorité de la main-d'œuvre agricole dans beaucoup de pays en développement d'Asie et d'Afrique, ne bénéficient d'aucun système de prestation de services de santé et de sécurité au travail, ni même souvent des services ruraux de santé publique.

Différents exemples montrent la faisabilité de programmes de prévention des risques professionnels auxquels sont exposés les agriculteurs indépendants. Au Botswana, le service de la santé au travail du ministère de la Santé a mis en place un système pour répondre aux besoins des régions rurales éloignées. Des "aides sanitaires", recrutés parmi les travailleurs agricoles et spécialement formés, sont chargés de déceler et de prévenir les problèmes de santé et de dispenser des soins d'urgence. Ils ont aussi pour tâche de faire connaître les principes de base de la sécurité et de la santé au travail, d'expliquer la relation entre le travail agricole et la santé, et de former d'autres travailleurs.

Formation et information en matière de sécurité et de santé

Dans la plupart des pays industrialisés, ce sont les services de vulgarisation, les associations d'agriculteurs et d'autres institutions qui se chargent de la formation en matière de santé au travail dans l'agriculture. Beaucoup de pays en développement n'accordent pas encore l'importance voulue à la formation à la sécurité et à la santé au travail, notamment dans le secteur agricole, parce qu'ils ne sont pas pleinement conscients qu'un effort dans ce domaine présente toutes sortes d'avantages: amélioration de la santé des travailleurs, réduction du coût social et sanitaire des maladies et accidents, amélioration de la productivité, contribution à la stabilité sociale du pays, protection de l'environnement. Ils pensent surtout au coût que représentent l'organisation du secteur, la redistribution des ressources humaines et matérielles et l'assistance aux petites et moyennes entreprises.

Le niveau d'instruction, notamment primaire, est déterminant, tant pour les individus que pour la société. L'investissement dans l'éducation et le capital humain se traduit par l'acquisition de qualifications qui augmentent l'efficience, généralisent l'emploi des techniques existantes et favorisent l'innovation technologique. La formation en matière de santé et de sécurité dans l'agriculture exige une approche pragmatique; elle doit reposer sur une bonne compréhension du secteur et montrer que les accidents ne sont pas inévitables. Des connaissances et des informations sont indispensables pour analyser les risques et les prévenir(51).

La formation doit porter sur les points suivants:

Les conseils et l'assistance dont bénéficient les petits agriculteurs sont limités. Cependant, on peut citer l'exemple de plusieurs projets entrepris avec des associations d'agriculteurs qui ont donné d'excellents résultats. Le projet exécuté par le BIT en Amérique centrale de 1993 à 1998 pour promouvoir la santé et la sécurité au travail dans l'agriculture s'est attaché, en coopération avec des associations d'agriculteurs et des coopératives, à introduire de nouvelles techniques de lutte contre les ravageurs et d'agriculture organique afin de réduire le besoin de pesticides et d'engrais chimiques. Ces activités, menées en collaboration avec les services de vulgarisation et avec des organisations non gouvernementales nationales, avaient pour objectif de protéger à la fois la santé des travailleurs et de leurs familles et l'environnement. Les collectivités visées étaient éloignées des centres urbains et d'accès difficile. Leurs habitants étaient extrêmement pauvres, souffraient de carences alimentaires, ne possédaient aucune formation et travaillaient des terres médiocres et très érodées. Le projet leur a permis d'acquérir une formation théorique, assortie d'activités pratiques concernant l'organisation du travail et les méthodes de production. Outre cette formation en matière de santé et de protection de l'environnement, les agriculteurs ont appris à construire des terrasses et des systèmes de drainage, à produire et utiliser des engrais organiques et à cultiver des légumes afin d'équilibrer leur régime alimentaire. Ils ont aussi reçu une formation dans d'autres domaines: production de semences, lutte intégrée contre les ravageurs, production de pesticides biologiques, pisciculture, élevage de volaille et de porcs. L'évaluation de ce projet en 1996 a montré que, au Panama, 1100 personnes avaient participé à ces activités, lesquelles avaient ainsi bénéficié à un total de 4500personnes.

Plusieurs expériences ont montré que l'agriculture biologique, en réduisant ou en éliminant l'utilisation des pesticides, peut faire baisser les coûts de production. Dans les prairies canadiennes, la neige représente environ le quart des précipitations. En hiver, le vent balaie cette neige qui s'accumule dans des dépressions, ce qui laisse les champs à nu. Depuis les années quatre-vingt, le chaume de la récolte précédente et les déchets de légumineuses servent dans certaines régions à protéger le sol de la sécheresse. Ces produits, déposés en plusieurs couches, piègent la neige, ce qui humidifie le sol au printemps. Avec ce système, les revenus nets sont plus que doublés, sans augmentation des quantités d'engrais. Autre exemple: l'utilisation d'engrais verts tels que les légumineuses qui fixent l'azote, enrichissent le sol en matières organiques et évitent l'érosion qui se produit quand on laisse la terre en jachère. La rotation légumineuses/céréales réduit l'incidence des maladies qui frappent les céréales et améliore le rendement de celles-ci.

Effets de certains modes de production agricole sur l'environnement

La contamination de l'environnement provoquée par une utilisation inadéquate des produits agrochimiques ou par leur utilisation en trop grosses quantités a pour effet de modifier l'équilibre biologique naturel par la destruction de certaines espèces. Cette contamination peut être le résultat des modes de production utilisés par certaines grandes exploitations qui se montrent plus soucieuses de satisfaire aux critères imposés par les marchés d'exportation que de contribuer à un développement agricole durable.

Elles pratiquent une monoculture intensive/extensive qui réduit la diversité végétale et animale. Cet appauvrissement rompt le cycle d'autocontrôle naturel et oblige à recourir à des méthodes de lutte chimique. Les pesticides qui sont commercialisés éliminent les agents qui leur sont sensibles et favorisent le développement de types résistants en réduisant la compétition entre les deux. La surenchère devient permanente et on se trouve obligé d'utiliser des pesticides de plus en plus nocifs ayant de nouveaux effets secondaires.

L'agriculture intensive épuise les sols, d'où la nécessité d'utiliser des quantités de plus en plus importantes de fertilisants chimiques. Les coûts de production augmentent en conséquence et la santé des agriculteurs se trouve de plus en plus menacée.

L'agriculture extensive modifie le relief et le lit des rivières. Elle détruit des espèces végétales dont les racines profondes et ramifiées retiennent le sol. Dès lors, celui-ci n'est plus protégé contre l'érosion éolienne et la chaleur le dessèche. Le lessivage du sol par les eaux de pluie aggrave son appauvrissement et cause des inondations par charriage de la terre et destruction des berges des cours d'eau.

La contamination des cours d'eau par les aspersions aériennes ou par le lavage des réservoirs de fumigation et des appareils dorsaux peut provoquer une mortalité en masse des poissons, crevettes et crustacés. Plusieurs cas de ce genre ont été signalés dans le monde. Le même problème se pose pour la faune domestique (abeilles, bétail, animaux aquatiques des bassins d'élevage). Les pertes économiques entraînées par cette contamination peuvent être extrêmement lourdes. On citera par exemple le cas de la destruction de 300 ruches à Filadelfia, au Costa Rica, en 1986(52). Les petits et moyens agriculteurs sont sensibles à la propagande commerciale et aux modèles de production susceptibles d'être financés par les banques rurales. Ils ne risquent pas de provoquer des catastrophes écologiques mais contaminent néanmoins souvent l'environnement parce qu'ils utilisent des méthodes inappropriées, qu'il s'agisse de l'emploi des produits chimiques ou de la gestion des déchets.

Il convient de rappeler que les pesticides organochlorés (DTT, aldrine, etc.) sont des composés extrêmement stables. Leur permanence dans le sol peut atteindre trente ans et plus. Ils sont absorbés graduellement par les végétaux et s'y accumulent pour contaminer ensuite toute la chaîne alimentaire qui aboutit à l'homme. Beaucoup de pays les ont désormais interdits.

Dans les années quatre-vingt, une étude des effets des pesticides organochlorés sur l'écosystème, le système agricole et la chaîne alimentaire a été effectuée dans plusieurs pays (Algérie, Egypte, Ghana, Nigéria, Ouganda, République-Unie de Tanzanie, Zambie, Zimbabwe). Cette étude a montré la présence d'une quantité importante de résidus de ces pesticides dans les poissons. Elle a aussi montré qu'il y avait peu de poissons dans les eaux situées à proximité des zones d'application de ces pesticides. Par ailleurs, des changements dégénératifs du foie, des reins et du tissu nerveux ont été observés chez les oiseaux en Egypte et en République-Unie de Tanzanie(53). La présence de résidus de pesticides organochlorés (par exemple DDT) utilisés pour les cultures et pour la lutte antiglossinaire a également été décelée dans les eaux intérieures du Zimbabwe.

Des études conduites en 1996 dans les régions de Lublin et Zamosc en Pologne sur la contamination de l'eau potable et du sol par les produits agrochimiques ont révélé la présence des composés suivants dans l'eau: lindane, DDT méthoxychlore, fénitrothion, atrazine, sinarzine, alphaméthrine et deltaméthrine.

L'utilisation d'engrais chimiques contenant des nitrates contamine le sol et la nappe phréatique. Les déjections animales, les eaux usées, les végétaux et bactéries qui fixent l'azote, etc., sont d'autres sources de contamination; celle-ci est néanmoins due avant tout aux engrais chimiques. La présence de nitrates dans l'eau et dans la nourriture peut avoir de graves effets sur la santé: maladie bleue (qui peut provoquer la mort des nourrissons), cancer du sang (lymphomes non hodgkiniens), cancer de l'estomac et, dans certains cas, malformations congénitales.

Notes

1. M.S. Kaminaka et E.A. Egli: "Lever controls on specialized farm equipment: Some control/response stereotypes", Applied Ergonomics (Oxford), vol. 16, no 3, 1985.

2. V. Forastieri: Ergonomic problems in agriculture in developing countries (www.ilo.org/public/english/90travail/sechyg).

3. M.S. Kaminaka: "Research needs in the American agricultural equipment industry", Applied Ergonomics (Oxford), vol. 16, no 3, 1985.

4. BIT. Annuaire des statistiques du travail 1996, op. cit.

5. J.C. Bastide: "Près de 5 millions d'accidents du travail", Travail et sécurité (Paris), no 574-575, 1998.

6. National Safety Council: Accidents facts (Itasca, Illinois, 1997).

7. D.H. Cordes et D. Foster Rea: "Preventive measures in agricultural settings", Occupational Medicine: State of the art reviews (Philadelphie, Hanley and Belfus Inc.), vol. 6, no 3, 1991.

8. M.D. Schulman, C.T. Evensen et C.W. Runyan: "Farm is dangerous for teens: Agricultural hazards and injuries among North Carolina teens", Journal of Rural Health (Kansas City), vol. 13, no 4, 1997.

9. Voir Mutualité sociale agricole: Données chiffrées. Le risque d'accident des salariés agricoles 1976-1996 (Paris, 1997).

10. H. Phoolchund: "Health and safety in agriculture: The sugar cane industry", African newsletter on occupational safety and health (Helsinki), vol. 1, no 3, 1991.

11. E.A. Schuman et R.A. Muñoz: "Accident occurrence and control among sugar cane workers", Journal of Occupational Medicine, no 9, 1986.

12. Mutualité sociale agricole: Prévention des risques professionnels des salariés agricoles. Des conseillers au service des entreprises (Paris, 1994).

13. L. Marquez Delgado: "Seguridad en la maquinaria agrícola", Salud y Trabajo (Madrid), no 56, 1986.

14. T. Driscoll: "Tractors and fatalities", Worksafe News (Australie), 1998.

15. Phoolchund, op. cit.

16. Schulman et coll., op. cit.

17. Höglund, "Agriculture", The workplace, op. cit.

18. F. Piccot: "Silos" dans l'ouvrage publié sous la direction de L. Parmeggiani: Encyclopaedia of Occupational Health and Safety (Genève, BIT, 1983), vol. 2, troisième édition (révisée).

19. Y.I. Kundiev: "Occupational and environmental health policy. Actual medical and ergonomic problems in agriculture in the Ukraine", International Journal of Occupational Medicine and Environmental Health (Lod, Pologne), vol. 7, no 1, 1994.

20. A. Kuchak: Priority issues in environment health and safety in agriculture in the WHO European region at the beginning of the XXI century. Perception of member States, document présenté à une conférence internationale organisée par l'OMS à Kiev en septembre 1998.

21. Forastieri, Children at work, op. cit.

22. OMS/PNUE: The public health impact of pesticides used in agriculture (Genève, 1990).

23. BIT: "Les produits chimiques dans le milieu de travail", Le travail dans le monde 1994 (Genève, 1994).

24. BIT, Les ouvriers agricoles, op. cit.

25. F. Testud: Pathologie toxique en milieu de travail (Lyon, éditions Alexandre Lacassagne, 1993).

26. BIT, Les ouvriers agricoles, op. cit.

27. Forastieri, Information note on occupational health and safety in agriculture, op. cit.

28. L. Kitunga: "Prevalence of occupational disease in Tanzania", African Newsletter on Occupational Health and Safety (Helsinki), 1996.

29. C. McIvor: Zimbabwe, the struggle for health: A community approach for farm workers (Londres, Institut catholique des relations internationales, 1995).

30. J. Clavel et coll.: "Farming, pesticide use and hairy-cell leukaemia", Scandinavian Journal of Work and Environmental Health (Helsinki), no 22, 1996.

31. J.R. Beach et coll.: "Abnormalities on neurological examination among sheep farmers exposed to organophosphorous pesticides", Occupational and Environmental Medicine (Birmingham), no 53, 1996.

32. Testud, op. cit.

33. C. Wesseling, L. Castillo et C.G. Elinder: "Pesticides poisoning in Costa Rica", Scandinavian Journal of Work, Environment and health (Helsinki), vol. 19, no 4, 1993.

34. C. Wesseling et coll.: "Unintentional fatal paraquat poisonings among agricultural workers in Costa Rica: Report of 15 cases", American Journal of Industrial Medicine (New York), no 32, 1997.

35. Maladie bactérienne transmise par les lièvres.

36. Maladie déterminée par le ténia échinocoque à l'état larvaire ou vésiculaire, se présentant sous forme de kystes; cette maladie est transmise par des chiens contaminés par des viscères de moutons ou de chameaux.

37. Diarrhées infectieuses provoquant la déshydratation des enfants et des personnes âgées.

38. Encéphalite virale transmise par les oiseaux.

39. Maladies bactériennes transmises par les ovins et les caprins.

40. Maladie parasitaire attaquant le foie, transmise par l'eau ou la nourriture contaminée.

41. Maladie causée par l'eau contaminée par l'urine des rats dans les zones d'élevage.

42. La filariose et la bilharziose (ou schistosomiase) sont des maladies parasitaires causées par des nématodes vivant dans le sol ou dans les eaux de surface.

43. Health and Safety Executive: Occupational health risks from cattle (1996).

44. G.F. Gambini et coll.: "Cancer mortality among rice growers in Novara Province, Northern Italy", American Journal of Industrial Medicine (New York), no 31, 1997.

45. Centre international de recherche sur le cancer (OMS): "Schistosomes, liver flukes and helicobacter pylori", IARC Monographs on the evaluation of carcinogenic risks to human (Lyon), vol. 61, 1996.

46. Forastieri, Ergonomic problems in agriculture in developing countries, op. cit.

47. Forastieri, Ergonomic problems in agriculture in developing countries, op. cit.

48. Ibid.

49. J.N. Djubgang: "Possible re-emergence of tuberculosis among agricultural workers in Cameroon", African Newsletter on Occupational Health and Safety (Helsinki), no 2, 1994.

50. Mutualité sociale agricole, op. cit.

51. FMI. Perspectives de l'économie mondiale, op. cit.

52. L.E. Castillo Martinez et H.C. Wesseling: Diagnóstico de la problemática de los plaguicidas..., op. cit.

53. B. Dinham: "Organochlorines in African ecosystems", Pesticides News (The Pesticides Trust), no36, 1997.

 


CHAPITRE V

ACTIVITÉS DE L'OIT CONCERNANT LA SÉCURITÉ
ET LA SANTÉ DANS L'AGRICULTURE


Instruments, guides et recueils des directives pratiques

Plusieurs conventions et recommandations de l'OIT traitaient directement ou indirectement de la sécurité et de la santé dans l'agriculture (voir liste et nombre des ratifications dans les annexes I et II).

Le Bureau international du Travail a publié des recueils de directives pratiques et des guides techniques qui ont un rapport direct avec la sécurité et la santé des travailleurs agricoles, notamment:

Certaines de ces publications, qui remontent aux années soixante ou soixante-dix, auraient besoin d'être révisées.

Réunions

En 1962, à sa 4e session, le comité mixte OIT/OMS de la médecine du travail a traité des problèmes de santé des travailleurs dans l'agriculture(1). Dans son rapport, il précise qu'il faut entendre par agriculture "toutes les formes d'activité liées à la culture, à la récolte et au traitement initial des végétaux de toute catégorie, à l'élevage des animaux et aux soins qu'ils nécessitent, ainsi qu'à l'entretien des jardins et pépinières" et, par travailleur agricole, "toute personne, quel que soit son statut juridique, exerçant à titre permanent ou temporaire des activités relevant de l'agriculture au sens défini ci-dessus". Le comité a, pour la première fois, proposé l'élaboration d'une convention de l'OIT concernant la sécurité et la santé dans l'agriculture.

Une réunion sectorielle tripartite sur l'amélioration des conditions d'emploi et de travail des ouvriers agricoles a été organisée par le Bureau international du Travail à Genève en 1996. Elle a adopté des résolutions qui insistent sur la nécessité de poursuivre les études, les recherches et l'assistance technique(2). Toutefois, les ouvriers agricoles ne représentent qu'une partie de la main-d'œuvre occupée dans l'agriculture. Ils sont surtout nombreux en Amérique latine. En Asie, en Afrique et en Europe, la plupart des travailleurs agricoles sont des travailleurs indépendants.

Coopération technique

Sur la base des principes énoncés dans la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, le Bureau international du Travail a mis au point une stratégie type pour améliorer la sécurité et la santé des travailleurs agricoles. Cette stratégie a été testée à l'occasion d'un projet de coopération technique exécuté en Amérique centrale entre septembre 1993 et juillet 1998. L'objectif du projet était de favoriser la mise en œuvre d'une politique nationale propre à améliorer la sécurité et la santé des travailleurs agricoles en prévenant les accidents et maladies professionnels et en protégeant la santé des travailleurs ainsi que l'environnement. Les bénéficiaires du projet étaient des travailleurs ruraux et leurs familles. Les activités ont été menées en collaboration avec les employeurs et les ouvriers agricoles (y compris les travailleurs temporaires) des grandes et moyennes exploitations et aussi avec les petits agriculteurs organisés en coopératives ou syndicats. Le projet, qui visait à favoriser l'amélioration des capacités nationales de gestion intégrée de la sécurité et de la santé dans le secteur agricole, comprenait cinq grands volets:

  1. Mise à jour et renforcement de la législation relative à la sécurité et à la santé en vue d'assurer une meilleure protection aux travailleurs agricoles.
  2. Promotion de la coordination interinstitutions, établissement de plans nationaux et création de comités consultatifs nationaux pour l'agriculture, en vue du suivi et de la coordination des activités de toutes les parties intéressées(3).
  3. Organisation d'activités de sensibilisation, d'information et de formation en matière de sécurité et de santé au travail à l'intention des employeurs et des travailleurs, des services d'inspection, du personnel de santé et des techniciens agricoles. Un réseau composé de formateurs issus de chacun des organismes et groupes intéressés a été créé pour suivre et coordonner les activités de formation. Le ministère de l'Education et d'autres organismes ont étroitement participé à la mise au point et à l'utilisation du matériel et des méthodes pédagogiques. Ces méthodes ont été adaptées aux besoins spécifiques des grandes entreprises et des petites exploitations et le niveau d'instruction des utilisateurs a été dûment pris en compte. Des centres d'information/bases de données sur la sécurité et la santé dans l'agriculture ont été mis en place au niveau local à l'intention des groupes intéressés. Dans chacun de ces centres, une personne a été formée à l'utilisation de la base de données. Le projet s'est attaché à favoriser la participation des femmes. Des contacts ont été pris avec leurs organisations ainsi qu'avec d'autres projets du Bureau international du Travail et un certain nombre de femmes ont reçu une formation pour devenir formatrices.
  4. Lancement au niveau local de programmes de prévention reposant sur la surveillance du milieu de travail et de la santé des travailleurs. Le projet s'est attaché à promouvoir les comités de sécurité et de santé, l'inspection conjointe des lieux de travail – grandes entreprises ou coopératives – et les associations d'agriculteurs. Des avis ont été fournis pour faciliter le choix des produits agrochimiques ainsi que des outils et machines agricoles, compte tenu des impératifs de la sécurité et de l'ergonomie.
  5. Activités visant à promouvoir une utilisation et une gestion sans danger des produits agrochimiques qui, en Amérique centrale, représentent une forte proportion des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs agricoles. Le projet s'est notamment attaché à promouvoir des systèmes de classification et l'élaboration de feuilles de sécurité pour les produits chimiques les plus utilisés dans la région. Des avis ont été fournis pour l'évaluation de l'impact environnemental et la gestion des résidus agrochimiques. Les activités de formation ont notamment porté sur les points suivants: sécurité dans l'utilisation des pesticides, méthodes de lutte intégrée contre les ravageurs, agriculture biologique et autres méthodes agro-écologiques.

L'expérience acquise grâce à ce projet montre qu'il faut adopter une approche intégrée englobant santé publique, santé professionnelle et protection de l'environnement, conformément à l'évolution de l'agriculture au niveau national et au niveau international. Le modèle utilisé est solide et il serait souhaitable de l'employer dans d'autres pays et régions; toutefois, des recherches appliquées restent nécessaires si l'on veut acquérir une meilleure vue d'ensemble internationale. Au cours du présent exercice, une attention spéciale sera accordée à l'agriculture en tant que secteur particulièrement dangereux et une assistance technique sera apportée aux Etats Membres dans le cadre du programme mondial sur la sécurité et la santé au travail et l'environnement(4.)

Coopération avec d'autres organisations internationales

A sa 11e session, en avril 1992, le Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail a recommandé un programme conjoint pour l'amélioration de la santé des travailleurs agricoles(5). Dans ce domaine, le BIT et l'OMS entreprennent des activités communes de coopération technique. En particulier, le BIT a collaboré en Amérique centrale avec le programme de l'Organisation panaméricaine de la santé sur l'environnement et la santé dans l'isthme centraméricain. Plusieurs activités conjointes ont été menées avec succès dans le domaine de l'environnement et de la santé.

Vers l'adoption de nouvelles normes

On s'accorde à reconnaître que l'agriculture est, avec les industries extractives et le secteur de la construction, un secteur particulièrement dangereux, tant dans les pays en développement que dans les pays industrialisés. Il existe déjà des normes internationales et des recueils de directives pratiques à jour pour les industries extractives et le secteur de la construction. Les ouvriers agricoles sont protégés par la convention (n o 110) sur les plantations, 1958, et les agriculteurs en général par la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, qui s'applique à toutes les branches d'activité économique. Toutefois, il n'existe pas de convention traitant de tous les problèmes de sécurité et de santé des travailleurs agricoles. Il faudrait adopter une approche plus globale des normes de sécurité et de santé au travail. La sécurité et la santé des travailleurs agricoles doivent être envisagées dans le cadre d'une stratégie bien définie et être intégrées dans une politique de développement rural qui vise aussi bien les exploitations commerciales (plantations) que les petites exploitations.

Comme on l'a vu aux chapitres II et III, il faudrait étendre la législation protectrice aux travailleurs agricoles afin d'améliorer leurs conditions de travail et leur bien-être. Une convention énonçant des principes de base en matière de sécurité et de santé des travailleurs agricoles, complétée par une recommandation, offrirait des bases solides pour l'amélioration des législations nationales. Ensuite, ces normes pourraient être utilement complétées par un recueil de directives pratiques.

Notes

1. BIT, Problèmes de médecine du travail en agriculture, op. cit.

2. BIT, Note sur les travaux, réunion tripartite sur l'amélioration des conditions d'emploi et de travail des ouvriers agricoles dans le contexte de la restructuration économique, op. cit.

3. Ministère du Travail, de l'Agriculture, de la Santé et de l'Environnement, organismes de sécurité sociale, syndicats, organisations d'employeurs, organisations non gouvernementales actives en milieu rural, etc.

4. BIT, Programme et budget pour 1998-99 (Genève, 1997), paragr. 90.2.

5. Voir point 11 de la Déclaration consensuelle annexée au rapport de la 11e session du Comité mixte OIT/OMS de la santé au travail, organisée à Genève du 27 au 29 avril 1992 (voir doc. GB.254/10/3/1).

 


QUESTIONNAIRE

A sa 271e session, en mars 1998, le Conseil d'administration a demandé au Bureau d'inscrire une question concernant la sécurité et la santé dans l'agriculture à l'ordre du jour de la 88e session de la Conférence internationale du Travail (2000).

Il a été décidé qu'il y avait d'impérieuses raisons d'élaborer des normes dans ce domaine pour relever le défi consistant à améliorer la sécurité et la santé des travailleurs agricoles. En effet, il est reconnu que l'agriculture est, avec l'exploitation minière et la construction – pour lesquelles il existe déjà des normes sectorielles –, l'un des secteurs d'activité les plus dangereux. L'agriculture est en outre pratiquée partout dans le monde et elle revêt une importance particulière pour les pays en développement.

L'objet de ce questionnaire est de permettre aux Etats Membres de donner leur avis sur la portée et la teneur du ou des instruments proposés, après avoir consulté les organisations les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs. Compte tenu de l'étendue du secteur agricole, il serait souhaitable que les gouvernements, pour préparer leurs réponses, consultent d'autres ministères et institutions intéressés, tels que les ministères de l'Agriculture, de la Santé et de l'Environnement.

Ce questionnaire a été élaboré en tenant compte des suggestions faites par le Directeur général dans l'annexe à son rapport L'action normative de l'OIT à l'heure de la mondialisation, qu'il a soumis à la Conférence à sa 85e session en 1997. Il est assez ouvert, de façon que les Etats Membres puissent soumettre des directives plus précises que par le passé. Cette présentation répond mieux, nous l'espérons, aux besoins des mandants.

Forme de l'instrument ou des instruments internationaux

1. Considérez-vous que la Conférence internationale du Travail devrait adopter un instrument ou des instruments concernant la sécurité et la santé dans l'agriculture?

2. Dans l'affirmative, l'intention générale devrait-elle être de garantir que tous les travailleurs de l'agriculture bénéficient en matière de sécurité et de santé d'une protection autant que possible équivalente à celle dont bénéficient les travailleurs d'autres secteurs de l'économie?

3. L'instrument ou les instruments devraient-ils revêtir la forme:

a) d'une convention?

b) d'une recommandation?

c) d'une convention complétée par une recommandation?

Si vous cochez la case c), veuillez indiquer dans vos réponses aux questions ci-après quels éléments de la question relèvent, à votre avis, d'une convention, et quels éléments d'une recommandation.

Préambule

4. L'instrument ou les instruments devraient-ils comprendre un préambule se référant:

a) aux conventions et recommandations qui contiennent des dispositions intéressant directement la sécurité et la santé?(1)

b) à d'autres conventions et recommandations intéressant l'agriculture?(2)

c) à la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale, adoptée par le Conseil d'administration du Bureau international du Travail?

I. Définitions et champ d'application

5. Aux fins de l'instrument ou des instruments, le terme "agriculture" (ou "agricole")(3) devrait-il s'appliquer:

a) à toutes les activités (qu'elles soient effectuées en plein air ou à l'intérieur de locaux) relatives à la culture, à la récolte et à la transformation primaire des produits agricoles?

b) à l'élevage du bétail et à la production de produits animaux?

c) à la pisciculture?

d) à tout procédé, opération ou transport effectué sur un lieu de travail agricole?

e) aux services liés à la production agricole?

6. L'instrument ou les instruments proposés devraient-ils s'appliquer:

a) à toutes les exploitations agricoles, quelle que soit leur taille?

b) à toutes les entreprises collectives, telles que les coopératives et les associations d'agriculteurs?

c) aux machines, équipements, appareils, outils et installations utilisés pour les activités agricoles?

7. La définition de l'"agriculture" devrait-elle exclure:

a) les procédés industriels qui utilisent des produits agricoles comme matière première?

b) l'industrie forestière ou toute activité, exécutée en forêt, d'aménagement, de conservation ou d'exploitation des forêts?

c) le transport de produits agricoles hors du lieu de travail?

8. L'instrument ou les instruments proposés devraient-ils s'appliquer à tous les travailleurs de l'agriculture, y compris les travailleurs indépendants?

9. L'instrument ou les instruments proposés devraient-ils prévoir que l'autorité compétente de l'Etat Membre, après consultation des organisations les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs intéressés:

a) pourrait exclure du champ d'application de l'instrument ou des instruments tout autre procédé ou catégorie de travailleurs; dans l'affirmative, par référence à quels critères?

b) devrait, en cas d'exclusion de certains procédés agricoles ou de certaines catégories de travailleurs, envisager des mesures en vue d'inclure progressivement dans le champ d'application de l'instrument ou des instruments tous les procédés et catégories de travailleurs de l'agriculture?

II. Principes généraux

10. a) L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que les Membres devraient adopter une politique nationale visant à prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles dans l'agriculture?

b) Cette politique devrait-elle exiger des responsables de son application:

c) Cette politique devrait-elle prévoir un système de surveillance de la santé des travailleurs de l'agriculture et de leur milieu de travail portant au moins sur les éléments suivants:

11. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que la législation nationale:

a) désignera l'autorité ou les autorités compétentes responsables de l'application de la législation nationale relative à la sécurité et à la santé des travailleurs de l'agriculture et de son contrôle?

b) précisera les fonctions et responsabilités respectives des autorités compétentes, lorsqu'il y en a plusieurs, en tenant compte à la fois de la complémentarité de leurs responsabilités dans le secteur et des conditions et de la pratique nationales?

c) prévoira des dispositions adaptées aux conditions et à la pratique nationales pour assurer une coordination intersectorielle adéquate entre les divers organes et autorités en vue de garantir la cohérence de la politique et des mesures prises en vue de son application?

d) spécifiera les droits et obligations des employeurs et des travailleurs en matière de sécurité et de santé dans l'agriculture?

e) prévoira des sanctions et mesures correctives appropriées, y compris la suspension ou la limitation d'activités agricoles se déroulant dans des conditions de sécurité et de santé jugées inadéquates, jusqu'au rétablissement de conditions satisfaisantes?

f) établira des procédures d'enregistrement et de notification des accidents du travail et des maladies professionnelles dans l'agriculture?

g) prescrira des mesures de prévention et de contrôle des risques du travail dans l'agriculture, compte tenu de la nécessité de protéger l'environnement?

h) prévoira l'établissement progressif de services de santé au travail adaptés aux risques propres aux entreprises agricoles et définira leurs fonctions et conditions de fonctionnement?

i) précisera les mesures à prendre en vue de l'éradication ou du contrôle des maladies endémiques là où elles existent?

12. Faudrait-il s'occuper de la situation particulière de certaines catégories de travailleurs telles que:

a) les travailleurs temporaires et saisonniers?

b) les membres de la famille de l'exploitant?

c) les travailleurs migrants?

d) les fermiers et les métayers?

e) les petits propriétaires exploitants dans l'agriculture de subsistance?

f) les travailleurs sans terre du secteur rural informel?

g) d'autres travailleurs de l'agriculture?

III. Inspection

13. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que les Membres devraient s'assurer qu'un service d'inspection suffisant et approprié des lieux de travail agricoles est en place et qu'il est doté des moyens nécessaires?

14. Comment l'inspection du travail dans l'agriculture pourrait-elle être organisée? Cocher une ou plusieurs des propositions suivantes:

a) un service d'inspection du travail unique responsable de tous les secteurs d'activité économique;

b) un service d'inspection du travail unique, doté d'une spécialisation, sous forme:

c) un service d'inspection du travail spécialisé dans l'agriculture, qui ferait rapport à un organisme central chargé de coordonner l'inspection du travail;

d) un service d'inspection du travail qui, pour certaines fonctions, serait assisté par les administrations ou institutions publiques compétentes au niveau régional ou local;

e) autre méthode établie par l'autorité compétente conformément à la législation et à la pratique nationales. Veuillez préciser.

15. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que l'autorité compétente devrait:

a) donner un rôle consultatif aux services d'inspection;

b) encourager une coopération véritable entre les services d'inspection de l'agriculture et d'autres services ou institutions compétents?

IV. Mesures de prévention et de protection

Généralités

16. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que, lorsque deux ou plusieurs employeurs se livrent à des activités agricoles sur le même lieu de travail, ils devraient être individuellement responsables de la sécurité et de la santé de leurs salariés respectifs et collaborer entre eux pour appliquer les dispositions de l'instrument ou des instruments?

17. a) L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que l'employeur ou les employeurs prendront les mesures de prévention, de protection et de contrôle qui s'imposent pour que les activités, lieux de travail, machines, équipements, outils et procédés dont ils sont responsables ne présentent aucun risque pour la santé et la sécurité des travailleurs?

b) L'instrument ou les instruments devraient-ils préciser la manière dont l'employeur ou les employeurs devraient évaluer les risques et y remédier en prenant des mesures de prévention, de protection et de contrôle?(5)

18. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir qu'à cette fin, et sur la base des principes généraux de sécurité et de santé au travail, l'employeur ou les employeurs devraient:

a) formuler une politique de sécurité et de santé dans l'agriculture au niveau de l'entreprise?

b) établir un système de gestion de la sécurité et de la santé et un programme de surveillance de la santé au travail pour appliquer cette politique?

c) examiner périodiquement l'efficacité et l'efficience des mesures prises?

d) établir et maintenir un système d'enregistrement et de notification des accidents du travail et des maladies professionnelles au niveau de l'entreprise?

e) offrir des services de santé au travail bien adaptés aux risques propres à l'agriculture?

f) prendre des mesures pour veiller à ce que les travailleurs de l'agriculture subissent un examen avant l'embauche puis des examens et tests médicaux périodiques afin d'évaluer leur exposition aux risques et de surveiller leur état de santé?

g) informer de façon compréhensible les travailleurs des dangers associés à leur travail, des risques qu'il comporte pour la santé ainsi que des mesures pertinentes de prévention et de protection?

h) prévoir les mesures de sécurité à prendre en cas d'accident ou de situation d'urgence?

i) fournir aux travailleurs victimes d'un accident ou d'une maladie sur le lieu de travail des premiers secours, des moyens de transport appropriés et un accès aux soins médicaux requis?

19. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que l'employeur ou les employeurs devraient prendre toutes les précautions nécessaires pour protéger la population et l'environnement de tous les risques découlant de l'activité agricole?

Sécurité chimique

20. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que l'autorité compétente devrait prendre, conformément à la législation et à la pratique nationales, des mesures propres à garantir:

a) que ceux qui produisent, importent, fournissent ou transportent des produits chimiques ou biologiques destinés à être utilisés dans l'agriculture appliquent les normes internationalement reconnues de sécurité et de santé et donnent à l'autorité compétente et aux utilisateurs des informations suffisantes et appropriées?

b) qu'il existe un système national approprié prévoyant des critères spécifiques en ce qui concerne l'importation, la classification, l'étiquetage et l'interdiction ou la limitation des produits chimiques utilisés dans l'agriculture?

21. L'instrument ou les instruments devraient-ils préciser que les mesures de prévention, de protection et de contrôle que l'employeur ou les employeurs doivent prendre dans le domaine de l'utilisation des produits chimiques dans l'agriculture devraient porter en particulier sur:

a) la préparation, la manutention, le stockage et le transport des produits chimiques?

b) l'élimination des récipients vides et le traitement et l'évacuation des déchets de produits chimiques?

c) la dispersion de produits chimiques résultant des activités agricoles?

d) l'entretien, la réparation et le nettoyage de l'équipement utilisé pour les produits chimiques et des récipients les contenant?

22. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir qu'au niveau de l'entreprise, l'employeur ou les employeurs:

a) établiront un système de classification et d'étiquetage des produits chimiques utilisés dans l'agriculture et veilleront à ce que tous les récipients soient adéquatement étiquetés?

b) établiront des critères et procédures de traitement et d'élimination des déchets dangereux et des récipients de produits chimiques vides, conformément à la réglementation nationale et internationale, en vue de protéger les travailleurs, la population et l'environnement?

c) s'assureront que le personnel chargé d'utiliser, de stocker et de transporter les produits chimiques sur le lieu de travail est dûment formé à ces tâches et autorisé à les effectuer?

Sécurité d'utilisation des machines et ergonomie

23. L'instrument ou les instruments devraient-ils préciser que les mesures de prévention, de protection et de contrôle que les employeurs doivent prendre dans les exploitations agricoles des pays tropicaux et subtropicaux devraient être adaptées aux conditions de ces pays, en particulier en ce qui concerne le climat, le transfert de technologie, les procédés et les pratiques de travail?

24. a) L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que la législation nationale devrait établir que les machines, équipements et outils agricoles doivent être conformes aux normes de sécurité et de santé?

b) Dans l'affirmative, l'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que l'autorité compétente devrait prendre des mesures visant à garantir que les fabricants et les fournisseurs de machines, d'équipements et d'outils utilisés dans l'agriculture respectent les normes de sécurité et de santé et donnent des informations suffisantes et appropriées?

c) L'instrument ou les instruments devraient-ils préciser les critères minimaux requis au niveau de l'entreprise dans des domaines comme le choix, la sécurité d'utilisation et l'entretien des machines et équipements?

25. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir:

a) que seules des personnes qualifiées, compétentes et autorisées devraient utiliser les machines dangereuses telles que les tracteurs et les moissonneuses?

b) qu'il devrait être interdit de transporter des personnes dans des machines agricoles non conçues à cette fin?

26. L'instrument ou les instruments devraient-ils préciser que l'employeur ou les employeurs devraient organiser le travail de manière à réduire la charge de travail et la fatigue en prévoyant des pauses régulières ou l'alternance des tâches?

27. a) L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que l'autorité compétente, après consultation des organisations les plus représentatives d'employeurs et de travailleurs intéressés, fixera des critères de santé et de sécurité en ce qui concerne le transport manuel des charges?

b) Dans l'affirmative, l'instrument ou les instruments devraient-ils:

Travaux de construction sur l'exploitation

28. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que l'employeur ou les employeurs devraient veiller au respect de la législation nationale et des normes de sécurité lorsqu'ils engagent des travaux de construction, d'entretien ou de réparation de bâtiments, d'installations, de barrières ou de clôtures?

Silos, puits, caves et citernes

29 a) L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que la législation nationale devrait fixer des critères de sécurité et de santé pour les divers espaces clos existant dans l'agriculture tels que silos, puits, caves, réservoirs et autres structures similaires?

b) Dans l'affirmative, l'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir des critères minimaux de sécurité et de santé applicables à ces espaces?

Contact avec des animaux

30.a) L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que la législation nationale devrait prescrire des critères de sécurité et de santé applicables aux activités entraînant un contact avec des animaux?

b) Dans l'affirmative, l'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir des critères minimaux de sécurité et de santé dans des domaines comme le contrôle vétérinaire, l'immunisation, les vêtements et les équipements de protection, le contact avec des animaux venimeux?

Services et logement

31. a) L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que, lorsque l'employeur ou les employeurs mettent à la disposition des travailleurs agricoles un logement et des services de bien-être, ceux-ci devraient répondre aux normes de la sécurité et de la santé?

b) Dans l'affirmative, l'instrument ou les instruments devraient-ils spécifier les critères minimaux applicables en matière de sécurité et de santé?

c) L'instrument ou les instruments devraient-ils aussi prévoir que les services de bien-être et le logement devraient être mis gratuitement à la disposition des travailleurs par l'employeur ou les employeurs?

Assurance contre les accidents du travail
et les maladies professionnelles

32. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que les travailleurs de l'agriculture devraient être couverts par un régime d'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, l'invalidité et autres risques similaires leur assurant une protection au moins équivalente à celle dont bénéficient les travailleurs de l'industrie?

33. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que, lorsque les conditions économiques, sociales et administratives le permettent, un régime d'assurance spécial devrait être établi pour les travailleurs indépendants, y compris les personnes de faibles ressources travaillant à leur compte dans l'agriculture?(6)

Information et formation

34. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que l'employeur ou les employeurs devraient s'assurer que:

a) les travailleurs de l'agriculture et leurs représentants reçoivent, gratuitement, une formation suffisante et appropriée et des instructions compréhensibles sur la sécurité et la santé et sur le travail qui leur est assigné?

b) tous les travailleurs, et en particulier les nouvelles recrues ou les travailleurs n'ayant pas l'expérience de la tâche qui leur est assignée, comprennent toutes les instructions relatives à la sécurité ainsi que toutes recommandations nécessaires?

c) tous les travailleurs intéressés et leurs représentants aient accès aux fichiers des produits chimiques dangereux utilisés dans l'agriculture et aux fiches de données de sécurité correspondantes?

V. Droits et obligations des travailleurs

35. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que les travailleurs de l'agriculture et leurs représentants ont le devoir de coopérer et de se conformer aux mesures de sécurité et de santé prescrites pour que l'employeur ou les employeurs puissent assumer leurs devoirs et responsabilités conformément à la législation nationale?

36. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que les travailleurs de l'agriculture ont le droit d'être informés et consultés sur les questions de sécurité et de santé, de refuser d'exécuter un travail dangereux, de choisir collectivement leurs représentants en matière de sécurité et de santé et de participer aux inspections sur le lieu de travail?

Travailleurs indépendants

37. L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que les travailleurs indépendants devraient être tenus de respecter les mesures de sécurité et de santé prescrites et de prendre raisonnablement soin de leur sécurité et de leur santé ainsi que de celles d'autres personnes?

38. a) L'instrument ou les instruments devraient-ils prévoir que l'autorité compétente devrait progressivement étendre les services d'inspection dans l'agriculture aux travailleurs indépendants afin de leur fournir assistance et conseils sur les mesures à prendre pour protéger leur santé et leur sécurité ainsi que celles de ceux qui travaillent avec eux?

b) Dans l'affirmative, l'instrument ou les instruments devraient-ils préciser le type d'assistance et de conseils à fournir?

VI. Problèmes spéciaux

39. Existe-t-il dans la législation nationale ou la pratique de votre pays des particularités qui sont à votre avis susceptibles de créer des difficultés dans l'application pratique de l'instrument ou des instruments proposés dans le présent questionnaire?

40. (Etats fédératifs seulement.) Estimez-vous que, dans le cas où la Conférence adopterait le ou les instruments, la question relèverait des autorités fédérales de votre pays ou, en totalité ou en partie, des autorités des Etats ou autres entités constituant la fédération?

41. Y a-t-il, à votre avis, d'autres problèmes pertinents qui ne seraient pas traités par le présent questionnaire et dont il faudrait tenir compte lors de la rédaction de l'instrument ou des instruments proposés?

Notes

1. Voir annexe I.

2. Voir annexe II.

3. Voir la définition de l'agriculture figurant au chapitre II.

4. Conformément à la législation et à la pratique nationales.

5. Voir chapitre III.

6. Voir recommandation no 121.


ANNEXE I

  1. Convention (no 110) et recommandation (no 110) sur les plantations, 19658.
  2. Convention (no 119) et recommandation (no 118) sur la protection des machines, 1963
  3. Convention (no 121) et recommandation (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964 [tableau I modifié en 1980].
  4. Convention (no 127) et recommandation (no 128) sur le poids maximum, 1967.
  5. Convention (no 129) et recommandation (no 133) sur l'inspection du travail (agriculture), 1969.
  6. Convention (no 138) et recommandation (no 146) sur l'âge minimum, 1973.
  7. Convention (no 139) et recommandation (no 147) sur le cancer professionnel, 1974.
  8. Convention (no 148) et recommandation (no 156) sur le milieu de travail (pollution de l'air, bruit et vibrations), 1977.
  9. Convention (no 155) et recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981.
  10. Convention (no 161) et recommandation (no 171) sur les services de santé au travail, 1985.
  11. Convention (no 167) et recommandation (no 175) sur la sécurité et la santé dans la construction, 1988.
  12. Convention (no 170) et recommandation (no 177) sur les produits chimiques, 1990.


Ratification des conventions de l'OIT présentant un intérêt direct pour la sécurité
et la santé dans l'agriculture

 


Convention

Pays ayant ratifié
la convention (juin 1998)

Nombre de
ratifications


C.110 – Convention sur
les plantations, 1958
[et protocole 1982]

Côte d'Ivoire, Cuba, Equateur, Guatemala, Mexique, Nicaragua, Panama, Philippines, Sri Lanka, Uruguay

10

C.119 – Convention sur
la protection des machines,
1963

Algérie, Azerbaïdjan, Bélarus, Bosnie-Herzégovine, Brésil, République centrafricaine, Chypre, Congo, Rép. dém. du Congo, Croatie, Danemark, République dominicaine, Equateur, Espagne, Ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, Ghana, Guatemala, Guinée, Iraq, Italie, Japon, Jordanie, Kirghizistan, Koweït, Lettonie, Madagascar, Malaisie, Malte, Maroc, Nicaragua, Niger, Norvège, Panama, Paraguay, Pologne, Fédération de Russie, Saint-Marin, Sierra Leone, Slovénie, Suède, Suisse, République arabe syrienne, Tadjikistan, Tunisie, Turquie, Ukraine, Uruguay, Yougoslavie

49

C.121 – Convention sur
les prestations en cas
d'accidents du travail et
de maladies professionnelles,
1964 [tableau I modifié
en 1980]

Allemagne, Belgique, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Chypre, Rép. dém. du Congo, Croatie, Equateur, Ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, Guinée, Irlande, Japon, Jamahiriya arabe libyenne, Luxembourg, Pays-Bas, Sénégal, Slovénie, Suède, Uruguay, Venezuela, Yougoslavie

22

C.127 – Convention sur
le poids maximaum, 1967

Algérie, Brésil, Bulgarie, Chili, Costa Rica, Equateur, Espagne, France, Guatemala, Hongrie, Italie, Liban, Lituanie, Madagascar, Malte, République de Moldova, Nicaragua, Panama, Pologne, Portugal, Roumanie, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Venezuel

25

 

C.129 – Convention sur
l'inspection du travail
(agriculture), 1969

Allemagne, Argentine, Belgique, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Burkina Faso, Colombie, Costa Rica, Côte d'Ivoire, Croatie, Danemark, El Salvador, Espagne, Ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, France, Guatemala, Guyane, Hongrie, Italie, Kenya, Lettonie, Madagascar, Malawi, Malte, Maroc, Rép. de Moldova, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovénie, Suède, République arabe syrienne, Uruguay, Yougoslavie, Zimbabwe

38

C.138 – Convention sur
l'âge minimum, 1973

Albanie, Algérie, Allemagne, Antigua-et-Barbuda, Argentine, Azerbaïdjan, Bélarus, Belgique, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Botswana, Bulgarie, Chypre, Costa Rica, Croatie, Cuba, Danemark, Dominique, El Salvador, Espagne, Ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Guatemala, Guinée équatoriale, Guyana, Honduras, Iraq, Irlande, Israël, Italie, Jordanie, Kenya, Kirghizistan, Jamahiriya arabe libyenne, Luxembourg, Malaisie, Malte, Maurice, Népal, Nicaragua, Niger, Norvège, Pays-Bas, Philippines, Pologne, Roumanie, Fédération de Russie, Rwanda, Saint-Marin, Slovaquie, Slovénie, Suède, Tadjikistan, Togo, Tunisie, Ukraine, Uruguay, Venezuela, Yougoslavie, Zambie

63

C.139 – Convention sur
le cancer professionnel, 1974

Afghanistan, Allemagne, Argentine, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Croatie, Danemark, Egypte, Equateur, Ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, France, Guinée, Guyana, Hongrie, Iraq, Irlande, Islande, Italie, Japon, Nicaragua, Norvège, Pérou, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, République arabe syrienne, République tchèque, Uruguay, Venezuela, Yougoslavie

33

C.148 – Convention sur
le milieu de travail (pollution
de l'air, bruit et vibrations),
1977

Allemagne, Azerbaïdjan, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Costa Rica, Croatie, Cuba, Danemark, Egypte, Equateur, Espagne, Ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, France, Ghana, Guatemala, Guinée, Hongrie, Iraq, Italie, Kazakhstan, Kirghizistan, Lettonie, Malte, Niger, Norvège, Portugal, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Saint-Marin, Slovaquie, Slovénie, Suède, Tadjikistan, République-Unie de Tanzanie, République tchèque, Uruguay, Yougoslavie, Zambie

40

C.155 – Convention sur
la sécurité et la santé
les travailleurs, 1981

Bosnie-Hezégovine, Brésil, Chypre, Croatie, Cuba, Danemark, Espagne, Ethiopie, Ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, Hongrie, Irlande, Islande, Kazakhstan, Lettonie, Mexique, Mongolie, Nigéria, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Slovaquie, Slovénie, Suède, République tchèque, Uruguay, Venezuela, Viet Nam, Yougoslavie

29

C.161 – Convention sur
les services de santé au travail,
1985

Allemagne, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Burkina Faso, Croatie, Ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, Guatemala, Hongrie, Mexique, Saint-Marin, Slovaquie, Slovénie, Suède, République tchèque, Uruguay, Yougoslavie

17

C.167 – Convention sur
la sécurité et la santé dans
la construction, 1988

Allemagne, Colombie, Danemark, République dominicaine, Finlande, Guatemala, Hongrie, Iraq, Lesotho, Mexique, Norvège, Slovaquie, Suède, République tchèque

14

C.170 – Convention sur
les produits chimiques, 1990

Brésil, Burkina Faso, Chine, Colombie, Mexique, Norvège, Suède

7


ANNEXE II

Autres conventions et recommandations de l'OIT
intéressant l'agriculture adoptées depuis 1919

  1. Convention (no 11) sur le droit d'association (agriculture), 1921.
  2. Convention (no 12) sur la réparation des accidents du travail (agriculture), 1921(1).
  3. Recommandation (no 11) sur le chômage (agriculture), 1921.
  4. Recommandation (no 16) sur le logement et le couchage (agriculture), 1921.
  5. Recommandation (no 17) sur les assurances sociales (agriculture), 1921.
  6. Convention (no 97) et recommandation (no 86) sur les travailleurs migrants (révisées), 1949.
  7. Convention (no 99) et recommandation (no 89) sur les méthodes de fixation des salaires minima (agriculture), 1951.
  8. Convention (no 101) et recommandation (no 93) sur les congés payés (agriculture), 1952.
  9. Convention (no 103) (révisée) et recommandation (no 95) sur la protection de la maternité 1952.
  10. Recommandation (no 100) sur la protection des travailleurs migrants (pays insuffisamment développés), 1955.
  11. Recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966.
  12. Recommandation (no 132) relative aux fermiers et métayers, 1968.
  13. Convention (no 130) et recommandation (no 134) concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie, 1969.
  14. Convention (no 141) et recommandation (no 149) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975.
  15. Convention (no 142) et recommandation (no 150) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975.
  16. Convention (no 160) et recommandation (no 170) sur les statistiques du travail, 1985.
  17. Convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.


Ratifications des autres conventions de l'OIT intéressant l'agriculture
adoptées depuis 1919


Convention

Pays ayant ratifié
la convention (juin 1998)

Nombre de
ratifications


C.11 – Convention sur le droit d'association (agriculture), 1921

Albanie, Algérie, Allemagne, Antigua-et-Barbuda, Argentine, Australie, Autriche, Azerbaïdjan, Bahamas, Bangladesh, Barbade, Bélarus, Belgique, Belize, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Bulgarie, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, République centrafricaine, Chili, Chine, Chypre, Colombie, Comores, Congo, Costa Rica, Côte d'Ivoire, Croatie, Cuba, Danemark, République démocratique du Congo, Djibouti, Dominique, Egypte, Equateur, Espagne, Estonie, Ethiopie, Ex-République yougoslave de Macédoine, Fidji, Finlande, France, Gabon, Ghana, Grèce, Grenade, Guatemala, Guinée, Guyana, Iles Salomon, Inde, Iraq, Irlande, Islande, Italie, Jamaïque, Kenya, Kirghizistan, Lesotho, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Madagascar, Malaisie, Malawi, Mali, Malte, Maroc, Maurice, Mauritanie, Mexico, Mozambique, Myanmar, Nicaragua, Niger, Nigéria, Norvège, Nouvelle-Zélande, Ouganda, Pakistan, Panama, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, Pays-Bas, Pérou, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Rwanda, Sainte-Lucie, Sénégal, Seychelles, Singapour, Slovaquie, Slovénie, Sri Lanka, Suède, Suisse, Suriname, Swaziland, République arabe syrienne, Tadjikistan, République-Unie de Tanzanie, Tchad, République tchèque, Togo, Tunisie, Turquie, Ukraine, Uruguay, Venezuela, Yougoslavie, Zambie

118

C.12 – Convention sur
la réparation des accidents
du travail (agriculture), 1921

Allemagne, Angola, Antigua-et-
Barbuda, Argentine, Australie, Autriche, Bahamas, Barbade, Belgique, Belize, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Bulgarie, Burundi, Chili, Colombie, Comores, République démocratique du Congo, Croatie, Cuba, Danemark, Djibouti, Dominique, El Salvador, Espagne, Estonie, Ex-République yougoslave de Macédoine, Fidji, Finlande, France, Gabon, Grenade, Guinée-Bissau, Guyana, Haïti, Hongrie, Iles Salomon, Irlande, Italie, Kenya, Lettonie, Luxembourg, Madagascar, Malaisie, Malawi, Malte, Maroc, Maurice, Mexique, Nicaragua, Norvège, Nouvelle-Zélande, Ouganda, Panama, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Pays-Bas, Pérou, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Rwanda, Sainte-Lucie, Sénégal, Singapour, Slovaquie, Slovénie, Suède, Swaziland, République-Unie de Tanzanie, République tchèque, Tunisie, Yougoslavie, Zambie

73

C.97 – Convention sur
les travailleurs migrants
(révisée), 1949

Algérie, Allemagne, Bahamas, Barbade, Belgique, Belize, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Burkina Faso, Cameroun, Chypre, Cuba, Dominique, Equateur, Espagne, Ex-République yougoslave de Macédoine, France, Grenade, Guatemala, Guyana, Israël, Italie, Jamaïque, Kenya, Malaisie, Malawi, Maurice, Nigéria, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Sainte-Lucie, Slovénie, République-Unie de Tanzanie (Zanzibar), Trinité-et-Tobago, Uruguay, Venezuela, Yougoslavie, Zambie

41

C.99 – Convention sur
les méthodes de fixation
des salaires minima
(agriculture), 1951

Algérie, Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Belize, Brésil, Cameroun, République centrafricaine, Colombie, Comores, Costa Rica, Côte d'Ivoire, Cuba, Djibouti, El Salvador, Espagne, France, Gabon, Grenade, Guatemala, Guinée, Hongrie, Irlande, Italie, Kenya, Malawi, Malte, Maroc, Maurice, Mexique, Nouvelle-Zélande, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay,Pays-Bas, Pérou, Philippines, Pologne, Sénégal, Seychelles, Sierra Leone, Slovaquie, Sri Lanka, Swaziland, République arabe syrienne, République tchèque, Tunisie, Turquie, Uruguay, Zambie, Zimbabwe

51

C.101 – Convention sur les congés payés (agriculture), 1952

Algérie, Antigua-et-Barbuda, Autriche, Barbade, Belgique, Belize, Brésil, Burundi, République centrafricaine, Colombie, Comores, Costa Rica, Cuba, Djibouti, Egypte, Equateur, Espagne, France, Gabon, Guatemala, Hongrie, Israël, Maroc, Mauritanie, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Pays-Bas, Pérou, Pologne, Sainte-Lucie, Sénégal, Sierra Leone, Suriname, Swaziland, République arabe syrienne, République-Unie de Tanzanie (Tanganyika)

36

C.103 – Convention sur
la protection de la maternité
(révisée), 1952

Autriche, Azerbaïdjan, Bélarus, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Chili, Croatie, Cuba, Equateur, Espagne, Ex-République yougoslave de Macédoine, Ghana, Grèce, Guatemala, Guinée équatoriale, Hongrie, Italie, Jamahiriya arabe libyenne, Kirghizistan, Luxembourg, République de Moldova, Mongolie, Ouzbékistan, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Fédération de Russie, Slovénie, Sri Lanka, Tadjikistan, Ukraine, Uruguay, Yougoslavie, Zambie

35

C.130 – Convention concernant
les soins médicaux et
les indemnités de maladie, 1969

Allemagne, Bolivie, Costa Rica, Danemark, Equateur, Finlande, Jamahiriya arabe libyenne, Luxembourg, Norvège, Slovaquie, Suède, République tchèque, Uruguay, Venezuela

14

C.141 – Convention sur
les organisations de travailleurs
ruraux, 1975

Afghanistan, Allemagne, Autriche, Brésil, Burkina Faso, Chypre, Costa Rica, Cuba, Danemark, El Salvador, Equateur, Espagne, Finlande, France, Grèce, Guatemala, Guyana, Hongrie, Inde, Israël, Italie, Kenya, Mali, Malte, Mexique, Nicaragua, Norvège, Pays-Bas, Philippines, Pologne, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Uruguay, Venezuela, Zambie

36

C.142 – Convention sur
la mise en valeur des
ressources humaines, 1975

Afghanistan, Algérie, Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Azerbaïdjan, Bélarus, Bosnie-
Herzégovine, Brésil, Chypre, République de Corée, Cuba, Danemark, Egypte, El Salvador, Equateur, Espagne, Ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Guinée, Guyana, Hongrie, Iraq, Irlande, Israël, Italie, Japon, Jordanie, Kenya, Kirghizistan, Lettonie, Lituanie, Mexique, Nicaragua, Niger, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Saint-Marin, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Tadjikistan, République-Unie de Tanzanie, République tchèque, Tunisie, Turquie, Ukraine, Venezuela, Yougoslavie

58

C.160 – Convention sur
les statistiques du travail, 1985

Allemagne, Australie, Autriche, Azerbaïdjan, Bélarus, Bolivie, Brésil, Canada, Chypre, Colombie, République de Corée, Danemark, El Salvador, Espagne, Etats-Unis, Finlande, Grèce, Guatemala, Inde, Irlande, Italie, Kirghizistan, Lettonie, Maroc, Maurice, Mexique, Norvège, Panama, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Saint-Marin, Slovaquie, Sri Lanka, Suède, Suisse, Swaziland, Tadjikistan, République tchèque, Ukraine

42

C.169 – Convention relative
aux peuples indigènes et
tribaux, 1989

Bolivie, Colombie, Costa Rica, Danemark, Guatemala, Honduras, Mexique, Paraguay, Pays-Bas, Pérou

10


1. La plupart des dispositions de cet instrument ont été incorporées dans la convention no 110.

Mise à jour par HK. Approuvée par RH. Dernière modification: 10 février 2000.