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88e session
Genève,  30 mai - 15 juin 2000


Rapport de la Commission de l'application des normes

Rapport
 
Observations et informations concernant certains pays

Présentation, discussion et adoption
 

Original espagnol: Le Président — Nous allons maintenant passer à l'examen du rapport de la Commission de l'application des normes, qui figure dans le Compte rendu provisoire no 23.

Le rapporteur de la Commission de l'application des normes était Mme Misner, déléguée gouvernementale, Etats-Unis. MmeMisner ayant dû regagner son pays ce matin, c'est le président de la commission, M. Van Der Heijden, délégué gouvernemental, Pays-Bas, qui va présenter le rapport.

Original anglais: M VAN DER HEIJDEN (délégué gouvernemental, Pays-Bas; président de la Commission de l'application des normes) — Mesdames et Messieurs, comme notre excellent rapporteur, Mme Salie Mianen, représentante gouvernementale des Etats-Unis, a dû repartir dans son pays ce matin, c'est au président de la commission qu'il incombe de présenter son rapport. Ce fut un honneur et un plaisir tout particulier que de faire office de rapporteur à la Commission de l'application des normes de la Conférence. Ayant participé en tant que représentant gouvernemental aux travaux de la commission pendant plus de quinzeans, j'ai estimé que je pouvais apprendre beaucoup de choses en assistant aux débats de la commission et acquérir une perspective différente. Comme toujours, j'ai estimé que le niveau du débat qui était constructif, ouvert et extrêmement professionnel était tout à fait sans précédent.

Je ne vous imposerai pas un résumé détaillé de nos discussions. Je ne mettrai que brièvement en exergue un certain nombre de sujets que vous souhaiterez peut-être approfondir en regardant le rapport.

La Commission de la Conférence sur l'application des normes est un acteur essentiel dans le système de surveillance régulier mis sur pied par l'Organisation pour veiller à ce que les normes adoptées par la Conférence soient pleinement appliquées. Elle constitue également une source importante d'informations et d'expériences qui enrichit le débat sur l'élaboration et la révision de normes, exercice auquel s'est attelé le Conseil d'administration.

Je recommanderais à tous les délégués de lire soigneusement le rapport. La commission a été établie conformément à l'article 7 du Règlement de la Conférence en vue d'examiner le point 3 de l'ordre du jour, à savoir Informations et rapports sur l'application des conventions et recommandations.

Vous constaterez que notre rapport est composé de deux parties. La première partie est consacrée au rapport général de la commission et la deuxième partie contient un compte rendu des débats portant sur tous les cas qu'elle a examinés.

Nos travaux se sont fondés sur le rapport de la commission d'experts de l'OIT, institution dont l'indépendance, l'objectivité et l'impartialité ont été une fois de plus saluées.

Pour perpétuer une tradition récente, la commission a eu l'honneur de recevoir SirWilliam Douglas, président de la commission d'experts, lors des premières journées pendant lesquelles elle a siégé. Sa participation témoignait du respect mutuel, de la coopération et de la responsabilité qui existent entre les deux commissions qui remplissent des rôles complémentaires.

Notre commission a entamé ses discussions en étudiant les questions générales liées aux normes internationales du travail. Il s'agissait des questions qui préoccupaient les gouvernements, les employeurs et les travailleurs, en ce qui concerne tant les procédures de surveillance de l'OIT que la politique générale de l'Organisation en matière de normes, et notamment l'élaboration et la révision des instruments.

La commission a également formulé des observations de caractère général sur l'application de conventions particulières relatives au travail forcé, au travail des enfants, et à la politique de l'emploi.

Il a été noté qu'une question s'est fait jour en ce qui concerne la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, celle du travail des prisonniers dans le cadre de prisons dont la gestion est privée. C'est une question qui sera examinée en détail par la commission d'experts l'année prochaine.

Dans une deuxième étape, la commission a examiné l'étude d'ensemble de la commission d'experts portant sur l'application de la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, et de la recommandation (nº152) sur les consultations tripartites relatives aux activités de l'Organisation internationale du Travail, 1976.

Comme c'est l'usage, cette étude d'ensemble fait la synthèse des rapports reçus des gouvernements qui ont ratifié la convention et de ceux qui ne l'ont pas encore ratifiée, et reprend un certain nombre d'observations formulées par des organisations d'employeurs et de travailleurs.

L'étude fait l'historique de ce principe fondamental qu'est le tripartisme, explique les prescriptions de la convention nº 144 et les différentes méthodes permettant son application et analyse les difficultés rencontrées par certains gouvernements pour ratifier la convention.

Nous nous réjouissons du nombre toujours croissant des ratifications de la convention nº144 et sommes convaincus que l'étude d'ensemble, tout comme notre discussion contribueront à promouvoir de nouvelles ratifications ainsi que l'application de cette convention prioritaire.

La plus grande partie des travaux de la commission et, de fait, notre tâche essentielle, a consisté en des examens au cas par cas. La commission constitue une importante enceinte de dialogue et d'échange de vues dont l'objet est d'encourager les gouvernements à s'acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de la Constitution de l'OIT, et à appliquer pleinement, dans la législation comme dans la pratique, les conventions qu'ils ont librement ratifiées.

Nous avons entamé nos travaux par des discussions qui ont duré une demi-journée et qui ont porté sur des cas dits «automatiques». Il s'agit des cas où les gouvernements ont rencontré des difficultés pour respecter les obligations fondamentales quant à la présentation de rapports en vertu de la Constitution de l'OIT, y compris les cas où les conventions et recommandations nouvellement adoptées n'ont pas été présentées aux autorités compétentes dans les délais prescrits, les cas où les rapports et renseignements concernant l'application des conventions ratifiées n'ont pas été présentés et les cas ou les rapports concernant les conventions et recommandations non ratifiées n'ont pas été présentés.

Nous avons examiné ces cas de façon automatique parce que sans les informations et les rapports nécessaires, le mécanisme de surveillance de l'OIT ne peut tout simplement pas fonctionner. Compte tenu du délai très bref qui était imparti cette année à la commission, celle-ci a décidé de n'inviter, cette année, que 24 gouvernements à discuter de la législation et de la pratique nationales relatives à telle ou telle convention ratifiée, en vue de trouver une solution aux problèmes relevés par la Commission d'experts. Vingt-deux de ces gouvernements se sont présentés devant la commission, les deux autres n'ayant pas été représentés à la Conférence cette année.

Il a été frappant de constater à quel point les discussions aboutissaient à des appels à l'OIT, à l'initiative des gouvernements, ou acceptés par ceux-ci, pour obtenir une assistance technique. La pauvreté et d'autres facteurs sociaux et économiques, voire des facteurs politiques, peuvent causer des difficultés ou les exacerber, mais ils ne peuvent justifier la non-application des conventions ratifiées, surtout celles qui sont considérées comme fondamentales.

Il importe de noter que la plupart des gouvernements qui ont noué un dialogue avec la commission ont promis de poursuivre leurs efforts pour harmoniser leurs législations et leurs pratiques avec les conventions ratifiées.

Comme je l'ai fait observer, les détails de ce dialogue figurent dans la deuxième partie de notre rapport. J'aimerais cependant appeler votre attention sur trois cas que la commission a décidé de mettre en lumière dans des paragraphes spéciaux de notre rapport général. S'agissant de l'application par le Soudan de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, le paragraphe 167 fait état de la profonde préoccupation de la commission du fait de rapports continus relatant des enlèvements et des cas d'esclavage dans ce pays. La commission a pris note des mesures positives prises par le gouvernement à cet égard et l'a exhorté à redoubler d'efforts dans cette voie. Elle a également invité instamment le gouvernement à accepter l'envoi d'une mission de contact direct du BIT. Le paragraphe 168 traite de l'application par le Cameroun de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. La commission a déploré qu'aucun progrès n'ait été enregistré, cependant, elle s'est félicitée de l'invitation lancée par le gouvernement qui recevra une mission de l'OIT. Le paragraphe 169 du rapport fait part de la préoccupation continue de la commission en ce qui concerne l'application dans la législation et la pratique de la convention nº 87.

Ces paragraphes font état de la préoccupation très sérieuse de la commission, ainsi que de ses attentes. Elle souhaite en effet qu'un dialogue ouvert soit poursuivi entre la commission et les pays concernés.

Mon expérience au sein de la Commission de l'application des normes de la Conférence remonte au milieu des années 80, à une époque où le système de contrôle de l'OIT faisait l'objet d'attaques très marquées.

Aujourd'hui, les défis sont différents, mais tout aussi difficiles. Je rends hommage aux délégués et au secrétariat de l'OIT, qui ont veillé ensemble à ce que la commission demeure la conscience de l'Organisation internationale du Travail.

J'aimerais également rendre hommage à Ed Hickey, mon ami et mon mentor, dont le dévouement infatigable en tant que représentant des travailleurs des Etats-Unis à la commission nous a tous inspirés, et dont le décès nous a fortement attristés.

Je laisserai à d'autres le soin de remercier les nombreuses personnes qui ont fait de notre travail quelque chose de productif, d'intéressant et d'agréable. Je laisse également le soin aux délégués de la Conférence d'adopter et d'utiliser pleinement ce rapport de la Commission de l'application des normes.

(M. Agyei prend place au fauteuil présidentiel.)

Original allemand: M. WISSKIRCHEN (conseiller technique et délégué suppléant des employeurs, Allemagne; vice-président employeur de la Commission de l'application des normes) — Dans sa 74e année d'existence, la Commission de l'application des normes présente son rapport au Président. Le président de la commission, M. van der Heiden, vient d'indiquer les éléments essentiels de ce rapport. Nous demandons au Président de l'adopter, et nous nous réjouissons tout particulièrement de l'intérêt qu'il manifestera pour le contenu de ce rapport.

Le rapport ne doit pas, ainsi qu'on le dit souvent, être adopté par la Conférence, puisqu'il a déjà été adopté par la commission sans objection. D'après le Règlement de la Conférence, il ne doit plus être présenté qu'à la plénière.

Je souhaiterais aborder un certain nombre de points contenus dans ce rapport volumineux. Lors de la discussion générale de notre commission, nous avons abordé, comme toujours, des questions fondamentales relatives au système normatif de l'OIT, c'est-à-dire qui touchent la fixation des normes, leur ratification, leur interprétation et leur application pratique, ainsi que divers éléments relatifs au système de contrôle des normes. Tels sont les thèmes qui sont également traités dans le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations. Ce rapport constitue régulièrement une base de discussion importante pour notre commission.

Cette année, je vous présente le rapport des experts, qui se présente de façon différente, tant par sa forme extérieure que par sa structure. Ces modifications en rendent la lecture plus pratique.

J'aimerais maintenant évoquer quelques questions de fond, plus importantes. Bien que le paragraphe 13 du rapport de la commission d'experts, sous le titre en caractères gras «La politique fondamentale des normes», ne contienne que quatre phrases à ce sujet, cet ensemble de thèmes a été d'une importance capitale et était au cœur de la discussion en commission.

A notre avis, l'avenir de cette Organisation dépend de l'adoption de décisions judicieuses dans ce domaine. Pour anticiper le résultat, nous estimons qu'il est positif de constater que personne, parmi les intervenants à ce débat animé, ne souhaiterait poursuivre la politique normative des dernières décennies sans rien changer. Les employeurs ne s'en tiennent pas à cette orientation générale et non contraignante, bien au contraire. Nous avons toute une série de propositions concrètes à présenter.

Examinons tout d'abord la modification fondamentale à laquelle nous voyons de nombreux motifs incontournables, dont je vous citerai un certain nombre.

Plusieurs conventions ne sont jamais entrées en vigueur. Elles sont au nombre de 11.

Un nombre important de conventions ont été très peu ratifiées. Cela touche essentiellement les conventions des 20 à 25 dernières années. Le fait que le nombre total des ratifications ne cesse de croître n'est pas d'une importance significative, car cette augmentation s'explique avant tout par l'augmentation du nombre des Etats Membres de l'OIT. Elle s'explique aussi par le morcellement de pays anciennement unifiés et maintenant éclatés en plusieurs Etats. Il faut également rappeler les campagnes massives de ratification des conventions fondamentales, conventions qui, bien entendu, ne sont remises en question par personne.

Le nombre croissant des dénonciations indique également qu'il faut changer la politique normative, bien que l'on sache qu'une telle réforme n'est possible qu'au bout d'un certain laps de temps. Les dénonciations internes ou tacites sont encore plus fréquentes. Cela signifie que les Etats Membres ne se soucient plus de respecter les normes de l'OIT. On le voit aux remarques critiques dans des centaines de cas individuels recensés dans les rapports annuels des experts.

Le mécontentement qu'inspire le contenu des normes est également perceptible dans le refus croissant de s'acquitter des obligations de rapport chez certains.

Enfin, cela s'explique aussi par la décision adoptée dans le rapport intermédiaire du groupe de travail, tel qu'approuvé par le Conseil d'administration, de réviser les normes, car jusqu'à présent, sur le total des 182 conventions, 76 seulement ne sont plus considérées comme d'actualité et 68 sont considérées comme étant encore appropriées. Cela indique que, dès maintenant, on considère qu'il y a un plus grand nombre de conventions obsolètes que d'applications importantes.

S'il fallait réexaminer toutes les conventions, 50 pour cent d'entre elles risqueraient de tomber dans cette catégorie des conventions obsolètes ou devant être révisées. Etant donné ces circonstances, il n'est absolument pas exagéré, bien au contraire, il est tout à fait modéré de dire que l'édifice normatif de l'OIT ne répond plus aux exigences de notre époque. Toutefois, il n'y a pas encore de possibilité d'éliminer des normes, même si elles sont devenues tout à fait obsolètes. La procédure prévue par la Constitution n'est toujours pas entrée en vigueur, ce qui signifie que les normes de l'Organisation continuent, comme par le passé, d'être faites pour l'éternité, comme c'était le cas au début du siècle, lors de la fondation de l'OIT. Cela était compréhensible à l'époque, mais 80 ans plus tard, au XXIe siècle, cela relève tout simplement de l'anachronisme.

Il est donc d'autant plus important que nous visions l'avenir, et que nous pensions à des réglementations et à des mesures dans ce sens. Cela présuppose des analyses approfondies, ce qui est absolument nécessaire aujourd'hui ou dans un avenir proche.

Outre l'étude précise de la situation et la volonté des Etats Membres, il faut prendre note des grandes tendances existantes. Bien sûr, il y a là la mondialisation. Dans ce contexte, lors de la discussion en commission, on a très souvent mis au premier plan les risques, et non les chances des événements positifs de ce phénomène.

Indépendamment de ces évaluations globales des événements, il faut également tenir compte des tendances, qui vont parfois dans le sens voulu, parfois dans le sens opposé. Il y a là des signes notables d'une individualisation croissante, alliée à un scepticisme ou un rejet d'une collectivisation trop globale.

Quant à l'élaboration de nouvelles normes internationales, il faudra examiner de façon beaucoup plus approfondie que jusqu'à présent, ce qui doit être véritablement élaboré.

Nous sommes profondément convaincus du fait qu'il ne peut s'agir là que de questions d'une importance fondamentale. Quant aux problèmes de détails qui sont soumis à des modifications permanentes, ils ne relèvent plus des normes. Au lieu de cela, il ne peut s'agir que de besoins fondamentaux, importants tant pour les entreprises que pour les travailleurs. Les réglementations doivent avant tout avoir des incidences positives pour les deux parties, notamment pour l'emploi.

On ne peut répondre à une telle attente que s'il existe un large consensus sur le fond et sur les manières d'y parvenir. Si l'on a des objectifs communs de ce genre, alors il faut se mettre d'accord sur la manière et sur les étapes concrètes. Et pour cela. Il faut examiner les nombreux autres sujets possibles de convention.

Il s'agit généralement d'élaborer les instruments les meilleurs et les mieux adaptés à l'époque. Ce qui est également très important, et c'est ce que nous réclamons depuis des années, c'est une évaluation approfondie des conséquences sur le plan du droit. Un contrôle précis des résultats est également indispensable.

A cet égard, on pourrait réfléchir à la possibilité d'avoir des normes à l'essai, limitées dans le temps. Elles seraient en quelque sorte soumises obligatoirement à un test pratique. Il nous paraît normal que pour procéder à une révision et à une modernisation fondamentale de l'OIT, l'on doive également revoir les méthodes de réclamations et des plaintes présentées au Comité de la liberté syndicale. Car pour toutes les procédures citées, on assiste à une augmentation importante. Rappelons par comparaison que, par exemple, parmi les procédures de plaintes en vertu de l'article 26 de la Constitution, il n'a absolument pas été fait usage de cet article au cours des 40 premières années de l'existence de l'OIT et qu'il n'y a guère eu qu'une vingtaine de cas depuis le milieu des années 1990.

Dans les procédures où ce n'est pas encore garanti, il faudrait avant tout que les organisations d'employeurs d'un pays critiqué aient la possibilité de présenter leur point de vue, de façon à ce que le tableau soit complet.

Au sein de la commission, nous parlons continuellement, ces dernières années, de la politique de l'emploi au sens de la convention n° 122 et j'aimerais dire quelques mots à ce sujet.

Il n'y a aucune politique du marché du travail isolée qui puisse connaître véritablement le succès à long terme. Toute politique sociale doit tenir compte du principe de subsidiarité et, plus encore, de l'aide à l'auto-assistance. En ce sens, il ne saurait être bon d'étendre les systèmes de sécurité sociale à toutes les parties de la population, comme le recommandent les experts.

Une telle politique sociale surcharge les meilleurs filets de sécurité sociale. Les mesures sociales doivent être ciblées. C'est à juste titre que les experts demandent que l'on encourage l'emploi indépendant, car c'est lui qui constitue la clé de la création d'emplois. Ils exigent toute une série de conditions générales touchant au système fiscal, au système juridique, à la formation, et au recyclage. Il faut créer un climat général favorable à l'entreprise. Dans la seconde partie de notre discussion générale, nous avons procédé à l'examen de l'étude d'ensemble sur la convention et la recommandation relatives aux consultations tripartites. Cette convention fait partie de celles qui connaissent le plus de succès et, comme en témoigne le nombre des ratifications (90 jusqu'à présent) et le fait que les Etats Membres ne font que rarement état de difficultés d'application. Lorsque des besoins de clarification apparaissent, cette étude répond à ces besoins. Le succès de cette convention tient notamment au fait que le tripartisme est un des piliers et des principes fondamentaux de l'OIT. Ce qui est encore plus important, dans ce contexte, c'est que la convention est présentée de façon très souple. Elle laisse les modalités d'application à chaque Etat.

La convention exige de véritables consultations, et il faut faire ici une distinction entre la simple transmission des informations et les consultations avancées. Il est essentiel que des consultations soient menées avec les organisations de travailleurs et d'employeurs qui jouissent de la liberté syndicale.

Donc, le cercle des participants aux consultations est défini de façon très précise. Il s'agit de consultations entre trois parties qui jouent un rôle décisif à l'OIT.

Bien entendu, les gouvernements sont libres d'écouter et de consulter d'autres groupes. Par exemple, ils peuvent souhaiter consulter certaines des multiples ONG.

Mais ces ONG ne jouissent pas de la liberté syndicale et, de ce fait, n'ont pas les responsabilités qui en découlent. Les ONG représentent des intérêts fort variés, et parfois même, les intérêts du gouvernement intéressé, qui les soutient et les finance.

Cet aspect que je viens de citer dépasse largement la convention no144. Si l'OIT a des contacts très étroits avec de nombreuses ONG, elle doit en même temps tenir soigneusement compte du fait qu'il demeure une différence importante entre les ONG et les divers éléments constitutifs du tripartisme. Cela s'applique particulièrement au cas des réclamations et des informations qui sont présentées par les ONG en cas de violation alléguée d'une convention par les Etats Membres. Ces indications ne doivent pas être traitées comme des affaires courantes sans que l'on ait donné la possibilité aux organisations de travailleurs et d'employeurs de se prononcer en la matière. Pour parler clairement, il s'agit du renforcement du tripartisme ou de son affaiblissement. L'OIT doit adopter une approche très claire, ne pas appliquer de critères opaques et ne pas se contenter de cueillir la cerise qui orne le gros gâteau des ONG.

Le système tant vanté du contrôle des normes de l'OIT commence avec le respect des obligations relatives aux rapports par les Etats Membres. S'ils ne respectent pas ces obligations, l'examen de l'application des normes est impossible. Malheureusement, le nombre des violations en la matière s'accroît en permanence. Il s'agit souvent des mêmes pays. Il faudrait peut-être envisager sérieusement de traiter les violations persistantes en ce domaine, de la même manière que le non-paiement des contributions. Il y aurait ainsi une parité entre les contributions matérielles et non matérielles à notre Organisation.

La tâche principale de notre commission consiste, comme l'a déjà dit notre président, à examiner les cas individuels. Malheureusement, il n'existe pas d'étalon permettant de sélectionner de manière satisfaisante deux douzaines de cas parmi les centaines de remarques faites par les experts. Nous déplorons chaque année le fait de devoir nous borner à cette liste de 24 cas individuels.

Il n ‘est pas acceptable que certains des pays invités à la discussion ne se présentent pas devant nous, alors même qu'ils sont présents à la Conférence.

La plupart des cas individuels traitent de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Nous avons également évoqué diverses formes du travail forcé, la discrimination, les retards de salaires, l'inspection du travail, la politique de l'emploi et le traitement des peuples indigènes.

Le détail de ces discussions est exposé de manière précise dans la seconde partie du rapport de la commission dont vous êtes saisis.

Nous vous recommandons de lire avec beaucoup d'attention cette partie du rapport. Comme le président vous l'a dit, nous avons dû consacrer trois paragraphes spéciaux à trois pays dans la partie générale du rapport. Il s'agissait en l'occurrence de graves manquements à l'application des conventions ratifiées. Les pays en question sont les Comores et le Venezuela pour la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et le Soudan pour la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930.

Nous avons en outre eu des discussions intéressantes sur la meilleure façon de promouvoir la négociation collective volontaire, ainsi que sur l'application de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, dans le cadre de l'exploitation du travail des prisonniers par des sociétés privées.

A ce propos, je voudrais attirer votre attention sur trois aspects. Tout d'abord, les prisonniers peuvent être soumis à l'obligation de travailler sous le contrôle et la supervision des autorités. Deuxièmement, la convention interdit de «concéder» ou mettre des détenus à la disposition de sociétés privées, mais cette disposition ne s'applique pas aux détenus des établissements pénitentiaires privés, comme il en existe aujourd'hui, car ces établissements n'existaient pas lorsque la convention a été élaborée en 1930. Enfin, l'accès des détenus à l'emploi se justifie, voire s'impose, à tous points de vue. Cependant, les emplois en question devraient impérativement être mis en place en étroite collaboration avec des entreprises privées.

En conclusion, nous vous recommandons le rapport de la commission dans son ensemble. Cette année, comme par le passé déjà, nous avons entretenu d'excellentes relations de coopération avec le groupe des travailleurs et avec son nouveau vice-président, M.Cortebeeck. Nous remercions M. Zenger et toute son équipe pour l'excellent travail qu'ils ont fourni. Nous avons eu en la personne de M. Van Der Heijden un président remarquable, qui a mené les débats de la commission avec beaucoup d'habileté malgré l'ampleur de la tâche. J'aimerais également remercier notre rapporteur qui n'est pas parmi nous aujourd'hui. Ma gratitude va aussi au groupe des employeurs qui m'a accordé sa confiance, comme c'est le cas depuis 18 ans déjà. Pour finir, je remercie M. Potter, Mme Roiland, M.Lamprecht et M.Yuren pour le soutien tout particulier qu'ils m'ont apporté.

M. CORTEBEECK (délégué des travailleurs, Belgique; vice-président travailleur de la Commission de l'application des normes) — J'ai l'honneur de vous présenter le rapport de notre commission, comme porte-parole du groupe des travailleurs. Ce rapport démontre que nous avons eu de bonnes discussions, aussi bien sur l'évolution des normes internationales en général que sur l'application effective de ces normes en droit et en pratique.

Comme vous le savez, et comme rappelé dans le rapport de la commission d'experts, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations fonctionne selon des méthodes de travail quelque peu différentes des commissions dites «techniques» de la Conférence.

Le rôle essentiel de notre commission est le contrôle de l'application effective, tant en droit qu'en pratique, des conventions internationales du travail par les pays qui ont ratifié ces conventions. Nous avons constaté une nouvelle fois que ce contrôle est non seulement nécessaire, mais indispensable pour garantir à la fois un encadrement social de l'économie mondiale et la crédibilité de l'OIT. La globalisation sociale, dont l'OIT est le précurseur, est pour nous le corollaire obligé de la globalisation économique. Notre commission est le garant que cette globalisation sociale est mise en œuvre avec les instruments appropriés: le tripartisme, d'une part, et l'universalisme de l'OIT et de ses instruments, d'autre part.

Les points forts de l'OIT et de son mécanisme de contrôle sont incontestablement les discussions ouvertes, franches et démocratiques entre les groupes des travailleurs, des employeurs et des gouvernements.

Le dialogue entre les partenaires sociaux et avec les gouvernements, basé sur les principes de la liberté syndicale, du droit à la négociation collective et du tripartisme, devrait permettre un encadrement social de l'économie à tous les niveaux: aussi bien au niveau national qu'aux niveaux régional et mondial. Les fruits de ce dialogue devraient bénéficier à tous et dans le monde entier, quel que soit le statut des personnes — travailleuses et travailleurs, chômeurs, invalides et retraités — et quel que soit le secteur dans lequel ils sont actifs, y compris le secteur informel.

Si nous avons pu avoir ce dialogue, cela est en grande partie dû au rapport général et aux observations fournies à notre commission par la commission d'experts qui, une fois de plus, a fourni un travail excellent, avec un rapport qui a su renouveler sa forme sans perdre ni sa profondeur ni sa rigueur.

Nous soulignons l'importance de la complémentarité entre la commission tripartite de l'application des normes, d'une part, et la commission d'experts, d'autre part. L'analyse juridique et objective des experts indépendants est la base du système de contrôle de l'OIT. Les commentaires des experts sont la base des discussions de notre commission qui, quant à elle, met en avant les analyses, les positions et les témoignages des gens proches du terrain.

Nous avons exprimé notre appréciation à la commission d'experts qui a pris l'initiative d'inviter les porte-parole des travailleurs et des employeurs lors de sa réunion du mois de novembre, ainsi qu'à son président, William Douglas, qui a assisté à notre commission tripartite. Nous estimons ces opportunités de dialogue très importantes, parce qu'elles permettent de nous rencontrer et d'échanger nos préoccupations réciproques.

La première partie de nos travaux concernait, comme c'est le cas chaque année, la discussion du rapport général de la commission d'experts. Dans le cadre de cette discussion, nous avons parlé de l'avenir de la politique normative de l'OIT. Le discours des employeurs, selon lequel la complexité du monde ne permet plus d'avoir de nouvelles normes universelles et il faudrait en plus se limiter à des conventions-cadres, nous a déçus et nous nous y sommes fermement opposés.

Et cela pour deux raisons fondamentales. D'une part, parce que l'OIT a su retrouver, notamment en juin 1998, un consensus universel sur le développement social à partir de l'adoption de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail. L'universalité du consensus montre combien, dans tous les pays du monde, une réglementation sociale est de mise. D'autre part, parce que ce consensus social est un consensus tripartite, ce qui veut dire que, de part et d'autre, nous ne partageons pas seulement les bénéfices, mais aussi les contraintes.

Nous pouvons peut-être rêver d'un monde sans régulation sociale, d'une économie globalisée qui fonctionne par la main invisible d'Adam Smith. Mais de deux choses l'une: soit nous affirmons en toute bonne foi les bienfaits de la globalisation, soit nous plaidons pour la suppression des normes universelles, mais pas les deux à la fois. Les organisations de travailleurs ne s'opposent pas à la globalisation, mais elles s'opposent à une globalisation sauvage, basée uniquement sur des critères économiques. La globalisation économique va de pair avec la globalisation sociale: la globalisation sociale, pour nous, c'est le patrimoine précieux qui s'est développé à partir des principes, des conventions, des recommandations et du système de contrôle de l'OIT, dont nous sommes, à la Commission de l'application des normes, les gardiens.

Un autre sujet de débat lors de la discussion générale dans notre commission concernait l'importance des normes de l'OIT pour les autres organisations internationales, comme l'OMC, le FMI et la Banque mondiale. Le groupe des travailleurs estime en effet que les normes fondamentales du travail devraient intégralement faire partie du fonctionnement et des programmes de ces organisations.

Dans le cadre de la discussion générale, nous avons également eu un débat intéressant sur l'application de plusieurs conventions spécifiques. Depuis plusieurs années, dans la discussion des cas individuels, la commission a traité de l'application dans les prisons de la convention nº 29 sur le travail forcé. Nous avons noté avec intérêt que la commission d'experts examinera la question des prisonniers «concédés ou mis à disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées» et que nous trouverons les résultats de cet examen dans son prochain rapport, ce qui nous permettra d'y revenir.

Nous avons également mis l'accent sur l'importance des conventions relatives au travail des enfants. Nous nous sommes réjouis du fait qu'aujourd'hui 28 Etats Membres ont déjà ratifié la convention no 182, ce qui constitue un pas important dans l'abolition totale du travail des enfants. Des outils importants de cette lutte sont le Programme d'information statistique et de suivi sur le travail des enfants, (SIMPOC) et la convention no 81 sur l'inspection du travail.

La dernière convention sur laquelle nous avons eu une discussion générale était la convention nº 122 sur la politique de l'emploi. Nous avons rappelé le caractère prioritaire de cette convention, la politique de l'emploi constituant l'une des pierres angulaires d'une politique sociale et économique solide.

La deuxième partie des travaux de notre commission était consacrée aux discussions sur l'étude d'ensemble. La commission d'experts avait réalisé une excellente étude d'ensemble sur l'application de la convention nº 144 sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail. L'étude avait trait à tous les aspects de la convention no 144 ainsi que de la recommandation nº 152, ce qui nous donne une image globale de la façon dont les principes du tripartisme sont appliqués, aussi bien dans les pays qui ont ratifié la convention que dans ceux qui ne l'ont pas, ou par encore, fait.

Le débat sur cette étude d'ensemble a été riche, ce qui n'étonnera personne, le tripartisme étant la pierre angulaire de notre système social, tant ici, à l'OIT, qu'au niveau national.

Pour nous, un aspect fondamental du débat était le caractère indissociable des conventions fondamentales, d'une part, et les conventions prioritaires et techniques, d'autre part.

En effet, en plus de traduire des valeurs universelles comme le font les conventions reprises dans la Déclaration, ces conventions dites prioritaires nous donnent une méthode de travail. Elles sont les outils qui permettent de construire un ensemble de normes cohérentes et nous indiquent comment les appliquer au mieux. Ces mêmes conventions nous permettent également de mettre en place un système de contrôle efficace. C'est le cas de la convention n° 81 sur l'inspection du travail qui, comme l'ont fait remarquer les experts à maintes reprises, joue un rôle fondamental pour vérifier sur le terrain les problèmes concrets qui pourraient se poser.

Les conventions prioritaires et les conventions fondamentales sont de fait indissociables. Ratifier une convention sans dialogue social est une contradiction.

Un des points essentiels du débat sur l'étude d'ensemble concernait la référence au droit à la liberté syndicale. La convention n° 144 prévoit en effet que les organisations qui prennent part aux consultations tripartites doivent jouir du droit à la liberté syndicale. Les discussions sur l'application effective au niveau national dans le cadre de l'examen des cas dits «individuels» ont démontré que cette liberté syndicale n'est certainement pas encore accordée à tous les travailleurs et que de graves violations de ce droit ont encore lieu tous les jours. Il est évident que le groupe des travailleurs déplore cette situation et insiste pour que ce droit soit enfin reconnu dans la pratique comme il est reconnu depuis des années dans les déclarations verbales.

La représentativité est une autre condition pour pouvoir participer aux consultations tripartites. Certes, il est nécessaire d'avoir des garanties que les représentants des travailleurs représentent effectivement les travailleurs, et de préférence, un nombre important de ceux-ci. Le groupe des travailleurs a insisté pour que des critères clairs et précis soient établis au niveau national. Ces critères sont essentiels non seulement pour l'application de la convention n° 144, mais aussi pour déterminer les organisations qui participent au dialogue social à tous les niveaux et sur toutes les matières concernant l'emploi et le travail au sens large.

La troisième partie de nos travaux était consacrée à l'examen des cas individuels. Cette année, nos discussions ont porté sur les neuf conventions suivantes: la convention n° 29 sur le travail forcé, pour l'Inde, le Royaume-Uni, et le Soudan; la convention n° 81 sur l'inspection du travail, en Mauritanie; la convention n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, au Cameroun, en Colombie, à Djibouti, en Ethiopie, au Guatemala, au Koweït, au Swaziland et au Venezuela; la convention n° 95 sur la protection du salaire, en Ukraine; la convention n° 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, en Australie, au Panama, à Sainte-Lucie et en Turquie; la convention n° 105 sur l'abolition du travail forcé, au Pakistan et en Tanzanie; la convention n° 111 concernant la discrimination (emploi et profession), en Afghanistan, au Brésil et en Iran; la convention n° 122 sur la politique de l'emploi, en Hongrie; et la convention n° 169 relative aux peuples indigènes et tribaux, au Mexique.

La liste des cas à discuter contenait donc 24 cas. Cependant, nous n'avons pas pu discuter des cas de l'Afghanistan pour la convention n° 111 et de Sainte-Lucie pour la convention n° 98 parce qu'aucun représentant de ces gouvernements ne s'est présenté devant notre commission, ce qui est fort regrettable.

Par manque de temps, notre commission n'a pas pu traiter de tous les cas qui méritaient d'être examinés. Le choix des cas prioritaires en vue d'une discussion tripartite est toujours un exercice très difficile vu le grand nombre de problèmes d'application dans toutes les régions du monde, d'une part, et les contraintes de temps auxquelles la commission est tenue pour l'examen des cas individuels, d'autre part. Dans le paragraphe 7 du rapport, vous trouverez les explications sur les critères utilisés pour faire ce choix difficile.

Le groupe des travailleurs a apprécié l'initiative de discuter des cas dits «automatiques» le lundi de la deuxième semaine. Ceci nous a permis de gagner du temps. Nous réfléchirons sur d'autres possibilités pour améliorer encore et accélérer les travaux de notre commission au début de la deuxième semaine, c'est-à-dire au début des discussions des cas individuels. Nous avons demandé d'examiner la possibilité d'inviter les gouvernements concernés par les cas faisant l'objet de «notes de bas de page» à s'inscrire en priorité, ainsi que la possibilité d'approuver plus tôt la liste de tous les cas, c'est-à-dire le mardi ou le mercredi de la première semaine. Cela permettrait de faciliter l'inscription des cas par les représentants des gouvernements qui hésitent à dialoguer de leur cas au début de la semaine, bien que les textes soient disponibles longtemps avant la Conférence.

Je voudrais également attirer votre attention sur le paragraphe 8 du rapport qui contient l'énumération de huit cas dont notre commission n'a pas pu discuter pour des raisons diverses et parce qu'un choix doit être fait, mais sur lesquels le groupe des travailleurs reviendra l'an prochain s'il n'y a pas de progrès réels.
Il s'agit d'abord de l'Indonésie pour la convention n° 98. En effet, nous estimons particulièrement inquiétants les actes de discrimination antisyndicale, les interventions des militaires dans des conflits sociaux et la législation antisubversion. Nous notons avec intérêt que le gouvernement prépare une législation ayant comme objectif de se conformer aux conventions nos 87 et 98 et nous espérons que cette nouvelle réglementation aura réellement l'effet désiré.

Le deuxième cas sur lequel nous voudrions revenir a trait à l'application de la convention n° 35 concernant l'assurance vieillesse au Chili. Le Chili est passé vers un système d'assurance vieillesse privé tandis que le montant de la dette en matière de sécurité sociale demeure très élevé. Nous reviendrons certainement sur ce cas si les commentaires de la commission d'experts démontrent que la situation ne s'améliore pas. L'assurance vieillesse est en effet un des filets de sécurité sociale indispensables pour assurer une vie digne à celles et ceux qui n'ont pas ou plus la possibilité de travailler.

L'application de la convention n° 87 par le Pakistan est un autre cas pour lequel le groupe des travailleurs aurait voulu avoir un dialogue avec le gouvernement. Au Pakistan, certaines catégories de travailleurs sont exclues du droit à la liberté syndicale sur la base de leur lieu de travail ou de leur fonction, ce qui est clairement en contradiction avec la convention n° 87 qui garantit pleinement le droit syndical à tous les travailleurs sans distinction d'aucune sorte.

Un quatrième cas concerne le Pérou pour la convention n° 98. Les critères que le gouvernement du Pérou utilise pour décider si un syndicat peut conclure des conventions collectives sont beaucoup trop stricts. Un autre problème de non-respect de la convention n° 98 consiste dans la législation qui prévoit qu'un employeur peut modifier unilatéralement le contenu des conventions collectives. La commission d'experts a demandé au gouvernement d'envoyer un rapport détaillé en 2000 et nous examinerons avec beaucoup d'intérêt les commentaires des experts.

Le groupe des travailleurs veut se référer également au cas du Costa Rica concernant la discrimination antisyndicale ainsi que le refus des négociations collectives aux fonctionnaires, situation en contradiction avec la convention n° 98.

En ce qui concerne l'application de la convention n° 100 sur l'égalité de rémunération au Japon, nous avons appris qu'une nouvelle législation concernant les matières d'égalité a été promulguée il y a seulement quelques mois. Nous sommes prêts à attendre pour voir comment la situation réelle évolue et espérons que la commission d'experts pourra le constater dans son prochain rapport.

Le septième cas concerne le Kenya pour la convention no 98. Le groupe des travailleurs suit de près le droit des conventions collectives des salariés du service public ainsi que le refus du gouvernement d'enregistrer plusieurs organisations syndicales.

Mon prochain point concerne les cas dont nous avons discuté et qui se sont avérés tellement graves que la commission a décidé de les reprendre dans un paragraphe spécial. Il s'agit du Soudan pour la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, du Venezuela pour la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et du Cameroun pour la convention nº 87 également.

Les violations de la convention no 29 par le Soudan examinées par la commission d'experts concernent des pratiques d'enlèvement et de trafics de femmes et d'enfants, de mises en esclavage et d'enrôlements forcés d'enfants dans les forces armées rebelles.

Etant donné que la commission a dû constater que, malgré de timides initiatives, de réels progrès n'ont toujours pas été accomplis par le gouvernement du Soudan pour supprimer l'emploi du travail forcé et l'esclavage, la conclusion de ce cas a été reprise dans un paragraphe spécial que vous retrouvez au paragraphe 167 du rapport.

En ce qui concerne l'application de la convention no 87 au Venezuela, la commission a dû constater qu'aucun progrès n'a été fait sur les matières qui ont fait l'objet d'observations de la part de la commission d'experts depuis des années. Au contraire, nous avons dû constater que le changement de gouvernement semble avoir aggravé la situation par l'adoption de nouveaux décrets allant à l'encontre de ce qui était souhaité concernant la mise en conformité des lois et pratiques relatives à la convention no 87 au Venezuela. Nous ne pouvons par ailleurs cacher notre préoccupation pour les menaces récentes contre le mouvement syndical ouvertement exprimées par les plus hauts responsables du gouvernement. Tout cela nous a amenés à mentionner le cas du Venezuela dans le paragraphe169 de notre rapport.

Pour la même convention no 87, nous avons constaté que le Cameroun refuse depuis de nombreuses années d'adapter sa législation aux termes de la convention. Ce défaut continu nous a obligés à reprendre nos conclusions dans le paragraphe 168 de notre rapport.

Nous avons également eu des discussions approfondies sur les autres cas, pour lesquels je me réfère au rapport. Nous avons su trouver un consensus pour la plupart de nos conclusions et notamment pour les paragraphes spéciaux qui ont, selon nous, pour objectif de souligner la gravité du cas et le manque de coopération et de volonté politique du gouvernement. Cependant, nous regrettons de n'avoir pas pu aboutir à un consensus sur le cas de la Colombie. Il est regrettable que ce cas extrêmement grave, qui concerne des droits fondamentaux des travailleurs, n'ait pas pu être repris dans un paragraphe spécial. Les assassinats persistants de syndicalistes méritent selon nous une attention prioritaire du BIT. Il en va de la vie et de la mort d'environ 120 travailleurs par an, dont un quart sont des dirigeants syndicaux, et cela de manière systématique depuis plus d'une décennie.

Pour conclure, je voudrais exprimer mes remerciements à un certain nombre de personnes. En premier lieu, je voudrais remercier M. van der Heijden, président de notre commission, pour la façon dont il a conduit nos travaux. Il nous a guidés dans des discussions qui n'étaient pas toujours faciles, et ceci avec respect du droit de parole pour tous les membres de la commission qui ont voulu, de manière constructive, participer aux débats. Mes remerciements vont également à notre rapporteur, Mme Misner, déléguée gouvernementale des Etats-Unis. Nous remercions le président de la Commission d'experts, Sir William Douglas, d'avoir assisté à la discussion du rapport général et de l'étude d'ensemble. Je remercie M.Zenger, directeur du département des normes, et MM. Swepston, Gernigon, du même département; Mme Monique Cloutier d'ACTRAV ainsi que l'ensemble de l'équipe du département des normes et aussi les interprètes.

Le groupe des travailleurs remercie également M. Wisskirchen, le porte-parole des employeurs qui, malgré certaines différences de vues, a su faire preuve d'esprit de coopération et de dialogue, et M. Potter, qui a présenté certains des cas.

Last but not least, je remercie les membres du groupe des travailleurs pour leur bonne collaboration et leurs interventions pertinentes, le bureau de notre groupe, à savoir M. Ahmed, Mme Jacob et M. Crivelli et ceux qui, cette année, m'ont aidé dans la présentation de certains des cas, MM. Tom Etty et Phil Fishman.
Les pensées de notre commission sont également allées vers M. Ed Hickey, qui est décédé il y a quelques mois. Ed Hickey était un membre respecté du groupe des travailleurs de notre commission, et ceci pendant de longues années. Son travail a été très apprécié.

Notre rapport a été approuvé à l'unanimité par notre commission. Je demande à la Conférence d'en faire de même.

Original espagnol: Le PRÉSIDENT — J'ouvre maintenant la discussion générale sur le rapport de la Commission de l'application des normes.

M. TSHISUAKA KABANDA (délégué gouvernemental, République démocratique du Congo) — Le gouvernement de la République démocratique du Congo vous remercie de lui avoir accordé la parole. A ce moment précis, nous présentons aussi nos remerciements à la Commission de l'application des normes pour la qualité du rapport produit et pour le rôle ô combien noble qu'elle joue dans le cadre du mécanisme de contrôle et de suivi de l'application des conventions adoptées par notre Organisation.

L'objet de notre intervention porte sur une correction que nous tenons à apporter au paragraphe 179 du rapport de la commission, version française, tel qu'il figure dans le Compte rendu provisoire no 23.

En effet, au paragraphe précité dudit rapport, la République démocratique du Congo est considérée comme n'ayant pas été représentée à la Conférence. Nous tenons à corriger cela en confirmant que le gouvernement de salut public de la République démocratique du Congo est représenté par une délégation tripartite.

Toutefois, il convient de noter que, suite aux difficultés dues principalement à la guerre d'agression dont notre pays est victime, la délégation gouvernementale de la République démocratique du Congo n'a pas été autorisée à sortir à temps du pays pour participer aux travaux de la Conférence.

C'est ce qui explique l'absence d'un délégué gouvernemental aux travaux de la Commission de l'application des normes. Nous demandons qu'il soit pris acte que le gouvernement de la République démocratique du Congo a été bel et bien représenté à la 88e session de la Conférence internationale du Travail.

De plus, notre délégation confirme l'engagement du gouvernement de salut public de la République démocratique du Congo à remplir ses obligations constitutionnelles en sa qualité de Membre de l'OIT.

Original espagnol: Le PRÉSIDENT — Puisqu'il n'y a plus d'orateurs, nous allons passer à l'adoption du rapport de la Commission de l'application des normes. La Conférence est appelée à adopter ce rapport dans son ensemble. S'il n'y a pas d'objection, je considérerai que le rapport de la Commission de l'application des normes est adopté.

(Le rapport est adopté.)

Nous félicitons la Commission de l'application des normes pour l'excellent travail qu'elle a effectué.

Mise à jour par HK. Approuvée par NdW. Dernière modification: 16 June 2000.