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88e session
Genève,  30 mai - 15 juin 2000


Rapport de la Commission de la sécurité et santé dans l'agriculture

Rapport
Conclusions

Présentation, discussion et adoption
 

Original espagnol: Le PRÉSIDENT — Le deuxième point de notre ordre du jour est l'examen et l'adoption du rapport de la Commission de la sécurité et santé dans l'agriculture, que vous trouvez au Compte rendu provisoire no 24.

Je donne maintenant la parole à M. A. B. Che'Man, délégué gouvernemental, Malaisie, rapporteur de la commission, qui va nous présenter le rapport.

Original anglais: M. A. B. CHE'MAN (délégué gouvernemental, Malaisie; rapporteur de la Commission de la sécurité et santé dans l'agriculture) Avant de présenter les résultats des travaux de notre commission, je voudrais féliciter M. Flamarique pour son élection à la présidence de cette importante session de la Conférence.

C'est un véritable plaisir que de présenter le rapport de la Commission de la sécurité et santé dans l'agriculture à la Conférence internationale du Travail. Toute innovation est passionnante. Notre commission a fait la première lecture d'un projet de nouvel instrument qui regroupe de nouvelles idées. Lorsque la convention (nº 110) sur les plantations, 1958 [et Protocole, 1982] a été élaborée à la fin des années cinquante, les travaux sur les plantations s'inscrivaient aisément dans le modèle industriel traditionnel. L'agriculture dans son ensemble englobe ledit secteur informel et toute nouvelle norme devra tenir compte des petites exploitations agricoles et des travailleurs indépendants qui jouent un rôle important dans ce secteur.

Notre rapport, que vous trouverez dans le Compte rendu provisoire n° 24, montre bien le défi auquel seront confrontés les mécanismes tripartites de l'OIT, pour protéger les personnes qui travaillent dans l'agriculture. Le premier des rapports dont nous avons été saisis, rapport VI(1), indique que sur les 335 000 accidents mortels liés au travail enregistrés dans le monde en 1997, 170 000 concernent des travailleurs agricoles qui courent le risque de mourir d'un accident de travail.

La qualité de vie diminue également. Selon une enquête récente menée dans 26 pays, 70pour cent des enfants qui travaillent exercent des activités agricoles dès l'age de 5 ans. Ils sont exposés aux mêmes machines et outils dangereux, aux mêmes poisons et aux mêmes poussières que les adultes. Ils risquent même de ne pas atteindre l'âge de 5 ans En effet, comme nous le voyons dans certaines études, il y a des liens entre les maladies professionnelles dans l'agriculture et les troubles auxquels sont exposés les femmes enceintes et les nouveaux-nés vivant dans les zones rurales.

La protection de la maternité, le travail des enfants, le secteur informel sont autant d'activités très importantes pour l'OIT, et à juste titre. Mais si nous ne voulons pas que l'agriculture demeure un des secteurs les plus dangereux de l'activité humaine, il faut traiter quelques éléments supplémentaires, du contrôle des substances chimiques à l'inspection du travail, et la liste est longue. Mais il faut également réglementer l'environnement de l'agriculture. Les instruments concernant la sécurité et la santé au travail en général doivent tenir compte du partage des responsabilités entre les Etats Membres, et dans le cas de l'agriculture, il faut ajouter les ministères du Travail, de la Santé de l'Agriculture et de l'Environnement.

C'est donc l'une des tâches accomplies par notre commission, car nos conclusions tiennent compte de tous ces facteurs. Les conclusions proposées en vue d'une convention, qui figuraient dans le rapport VI(2) – point de départ de nos travaux –, ont constitué une base solide. L'élaboration d'une convention est restée l'un de nos objectifs.

Les membres gouvernementaux de cette commission ont été pratiquement unanimes sur ce point. Les membres employeurs n'étaient pas favorables à l'élaboration d'une convention, et je dois les saluer pour l'esprit de coopération dont ils ont fait preuve sur cette partie de nos conclusions.

On a fortement remis en cause la poursuite de l'élaboration de normes sectorielles non seulement au sein de notre commission, mais ailleurs au BIT et à l'extérieur de notre Organisation. Notre commission a pensé qu'il n'était pas normal que deux des trois secteurs les plus dangereux, les mines et la construction, bénéficient de normes internationales spécifiques, alors que tel n'est pas le cas pour le troisième secteur, l'agriculture.

Il convient de noter que le terme «secteur» ne couvre pas, comme on pourrait le penser, une mince partie de l'activité humaine. En fait, l'agriculture occupe 1,3 milliard de personnes dans le monde, soit un pourcentage trop élevé de l'humanité pour être ignoré. Les conclusions proposées en vue d'une convention et d'une recommandation ont été examinées avec attention et ont subi un certain nombre de modifications notables. Nous pensons que, comme on pourrait s'y attendre lors d'une première discussion, nos travaux ont progressé et que l'échange d'idées, que nous avons eu au cours des deux dernières semaines, va nous permettre, l'année prochaine, de mettre au point des instruments efficaces qui fixeront des normes pour tous les travailleurs de l'agriculture, aussi élevées que pour ceux qui travaillent dans d'autres secteurs couverts par des conventions et des recommandations déjà en vigueur.

Partageant l'ordre du jour de cette session de la Conférence avec la Commission de la protection de la maternité, notre commission est fière d'assurer la protection des femmes travaillant dans l'agriculture, point qui est traité en particulier dans les conclusions proposées en vue d'une couverture. Un autre point a suscité une large attention, la sécurité d'utilisation des machines et l'ergonomie. Dans ce cas, nous avons essayé de trouver un juste équilibre entre les principes généraux et les éléments plus spécifiques dans les deux instruments que nous avons étudiés.

Le terme «équilibre» me fait penser à vous indiquer que nous avons cherché le bon libellé sur plusieurs points afin de protéger les intérêts des travailleurs indépendants sans violer le principe du tripartisme qui est au centre de tous les travaux de l'OIT et de tout ce que l'Organisation représente.

Nous sommes impatients de connaître l'accueil qui sera réservé à nos innovations.

Notre commission a tenu 16 séances et examiné plus de 198amendements. Il n'y a eu que 4 votes, ce qui montre bien que nous nous sommes efforcés de privilégier le consensus. Nous avons été beaucoup aidés à cet égard par notre président, M. George, qui a fait preuve d'une patience admirable au cours de ces débats parfois longs et complexes.

L'approche coopérative adoptée par M. Makeka et M. Trotman, vice-présidents des employeurs et des travailleurs respectivement, nous a permis d'arriver à bon port, bien que le temps nous ait été compté. Le vice-président des travailleurs a évoqué très justement l'esprit de la discussion en disant que nous avions su rester courtois malgré les divergences de points de vue.

Il nous faut féliciter les délégués, qui ont renoncé à leurs soirées et à leurs week-ends pour élaborer des normes fermes mais faciles à ratifier. Le comité de rédaction, qui a su surmonter les difficultés linguistiques et juridiques propres à ce secteur, de sorte à élaborer des conclusions proposées, mérite lui aussi toute notre gratitude.

Je voudrais, pour finir, remercier M. Takala, représentant du Secrétaire général, ainsi que son équipe d'experts, de secrétaires, de greffiers et autres qui nous ont assuré un soutien sans faille et sans qui nous ne serions pas parvenus à faire aboutir nos efforts.

C'est le fruit de ces efforts que vous trouvez dans le rapport, les conclusions proposées et le projet de résolution concernant l'inscription à l'ordre du jour de la prochaine session ordinaire de la Conférence de la question intitulée «Sécurité et santé dans l'agriculture». J'ai maintenant l'honneur de vous soumettre ces textes et de vous les recommander pour adoption.

Original anglais: M. MAKEKA (délégué des employeurs, Lesotho; vice-président  employeur de la Commission de la sécurité et santé dans l'agriculture) — Puisque c'est la première fois que je prends la parole devant vous et devant cette assemblée, je voudrais féliciter le Président et les membres du bureau pour leur élection à l'unanimité tout à fait méritée.

La position du groupe des employeurs sur la question dont nous sommes saisis a été clairement présentée à la Commission sur la sécurité et santé dans l'agriculture. Nous aimerions néanmoins réitérer et souligner notre position, à savoir que nous ne considérons pas qu'il soit souhaitable d'élaborer une convention sur ce sujet.

Tout d'abord, nous avons déjà la convention (nº 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, qui couvre tous les secteurs de l'économie, y compris l'agriculture.

Nous avons également la convention (nº 129) sur l'inspection du travail (agriculture), 1969; et la convention (nº 170) sur les produits chimiques, 1990.

Ces conventions s'appliquent également à l'agriculture. Dans ces conditions, à quoi bon adopter encore une autre convention? Nous savons que la ratification des conventions existantes laisse malheureusement beaucoup à désirer.

La convention no 155 n'avait attiré que 131 ratifications au 31décembre 1999. La convention no 129 a attiré 38 ratifications, alors que la convention no 170 n'en a recueillies que 9.

Ce que nous devrions faire, nous, en tant qu'Organisation internationale du Travail, c'est chercher à savoir pourquoi ces conventions ont un taux de ratification aussi bas. Est-ce parce que leurs dispositions sont trop ambitieuses et qu'elles font obstacle à la ratification par les gouvernements ou est-ce parce qu'elles n'ont pas reçu une promotion suffisante et suffisamment efficace?

Le groupe des employeurs a, à maintes reprises, déconseillé à l'OIT d'élaborer des conventions spécifiques à certains secteurs car elles créent plus généralement des distorsions dans les économies des différents pays, les travailleurs faisant l'objet de normes différentes et discriminatoires.

En second lieu, ce qui est encore plus important, notre Organisation, par le biais de son Conseil d'administration, s'occupe déjà du mécanisme et des procédures d'élaboration des normes. Nous aurions donc dû attendre de connaître les résultats des travaux du Conseil avant de nous lancer dans l'élaboration d'une proposition de convention et de recommandation sur la sécurité et la santé dans l'agriculture.

Si l'on veut que les conventions soient largement ratifiées, il faut les adopter par consensus et non par un vote majoritaire, comme l'a montré, par exemple, la convention (nº182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, qui a  recueilli le soutien de tous les partenaires tripartites de cette maison.

Par contre, s'agissant de la santé et de la sécurité dans l'agriculture, c'est par un vote majoritaire, et non par consensus, que la commission a décidé d'avoir une convention et une recommandation sur cette question.

Nous pensons que cette absence de consensus, avant même que soit connue la teneur de cette convention, risque fort d'entraver la ratification. Ceci nous amène à lancer un appel aux gouvernements, et en particulier aux gouvernements des pays en développement, pour qu'ils réexaminent leur position sur la question d'ici la prochaine session de la Conférence.

L'agriculture est le plus gros employeur au monde. En tant qu'employeurs, nous attachons une très grande importance à la sécurité et à la santé des travailleurs dans l'agriculture. Néanmoins, nous sommes profondément convaincus qu'il serait préférable d'aborder cette question dans le cadre d'une discussion générale, peut-être en vue de l'adoption soit d'un protocole à la convention (nº 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, soit d'un recueil de directives pratiques, soit encore, à l'extrême rigueur, d'une recommandation.

En ce qui concerne le contenu des instruments que la commission a examinés, les employeurs sont préoccupés par le modèle qui a été adopté, là encore par un vote à la majorité, par notre commission et qui ne tient pas compte des réalités économiques de ce secteur.

Certaines des conclusions proposées semblent oublier que l'agriculture est déjà à maints égards un secteur en survie dans notre économie. Les marges bénéficiaires sont déjà très faibles et la survie même de nombreux pays dépend de l'agriculture. Nous ne voyons pas, dans ces conditions, comment un petit agriculteur dans un pays en développement pourra s'acquitter de certaines des obligations qui figurent dans ce projet de convention et de recommandation. L'OIT s'enorgueillit d'être la seule institution spécialisée à avoir une structure tripartite qui regroupe les gouvernements, les employeurs et les travailleurs. Dans le monde du travail, il n'existe que ces trois catégories. Par conséquent, toute partie concernée ou intéressée entre forcément dans l'une de ces catégories. Si nous nous réjouissons que les paysans pratiquant une agriculture de subsistance aient été exclus de ces instruments, nous constatons toutefois qu'une quatrième catégorie a été introduite: «les agriculteurs indépendants». Or nous sommes opposés à l'inclusion de cette catégorie dans les instruments, car il s'agit d'un groupe qui n'est pas représenté à cette Conférence et qui, de ce fait, ne peut pas exprimer de vues.

Plus important encore, il s ‘agit là, à notre avis, d'un précédent qui augure mal de l'avenir du tripartisme dans l'Organisation. Nous pensons qu'il n'est pas trop tard pour résoudre cette question,

et qu'il est encore temps de biffer «les agriculteurs indépendants» de ce texte. Le Bureau semble considérer que ces agriculteurs sont plus des employeurs que des travailleurs.

Nous pensons quant à nous qu'un agriculteur indépendant ne devrait pas employer une autre personne, même temporairement, car il ne peut pas être employeur et travailleur en même temps. Nous insistons donc pour que le Bureau revoie cette définition afin que nous puissions examiner la question de façon constructive à la prochaine séance.

Nous sommes préoccupés par les dispositions sur l'évaluation du risque car elles sont formulées en des termes qui imposent une énorme responsabilité à l'exploitant agricole, ce qui n'est pas le cas dans les autres secteurs de l'économie. Nous ne sommes pas non plus d'accord avec l'opinion du Bureau selon laquelle l'expression «dans la mesure où cela est raisonnablement praticable» ne devrait pas figurer dans le texte de ces instruments. Nous estimons que le Bureau outrepasse son mandat et empiète sur le droit des délégués d'apporter des amendements. D'ailleurs, cette expression figure déjà dans de nombreux instruments de l'OIT.

Nous souhaitons avoir un avis juridique sur la question, par écrit, et nous nous réservons le droit de l'étudier et de prendre les mesures appropriées.

Nous sommes également préoccupés par les dispositions qui ne sont pas spécifiques à l'agriculture et qui créent une discrimination entre les employeurs de ce secteur et les employeurs d'autres secteurs. C'est le cas notamment de la disposition qui prévoit la suspension d'activités agricoles par les autorités compétentes sans garanties prévues par la loi. Nos tentatives pour limiter ces mesures radicales aux cas où un danger imminent menace les travailleurs n'ont pas été couronnées de succès. En outre, les agriculteurs doivent maintenant prendre en compte les besoins des femmes, en particulier en ce qui concerne la grossesse, l'allaitement et la santé génésique. Lorsque nous avons fait observer que ces questions relevaient des instruments concernant la maternité, que la Conférence examine actuellement, et que les employeurs des autres secteurs n'ont pas toutes ces obligations, nous nous sommes heurtés à l'opposition de la majorité des représentants des gouvernements et des travailleurs. En outre, nous pensons que nous ne savons pas quels sont les besoins dans ce domaine et que nous ouvrons ainsi la voie à des demandes qui ne sont pas nécessaires et à des conflits sur le lieu du travail. Ce sont des dispositions comme celles-ci qui risquent de freiner l'embauche de femmes. Nous prions donc instamment les gouvernements de réexaminer cette question avant la prochaine session.

Aujourd'hui, dans le monde entier, on déréglemente afin de promouvoir la flexibilité et l'emploi et remédier ainsi au chômage massif qui frappe la plupart des pays en développement. Or les instruments proposés vont justement en sens inverse. Par exemple, on veut obliger les gouvernements à adopter des lois et des réglementations sur ce que l'on appelle «les installations agricoles» qui sont définies de façon très large dans le document de l'OIT puisqu'elles incluent les structures temporaires.

Nous pensons que cela ne peut qu'entraver la croissance économique des exploitations agricoles. Nous demandons donc instamment aux gouvernements de revoir leur position sur ce point, car il est évident que si les gouvernements peuvent adopter les réglementations et les législations qu'ils souhaitent, il est plus difficile de les obliger à le faire. Il en va de même pour les régimes d'assurance obligatoire contre les maladies et les accidents du travail. Dans le cas de mon pays, le Lesotho, j'aimerais bien savoir comment notre gouvernement envisage de traiter ce problème puisqu'il a voté pour l'élaboration d'une convention sur ce sujet.

C'est une chose de parler de régimes d'assurance obligatoire mais cela en est une autre de savoir si nous avons les moyens de les mettre en œuvre. Nous avions suggéré qu'il soit tenu compte de la législation et de la pratique nationales en la matière, mais notre proposition n'a pas été retenue par la commission.

Nous lançons un appel aux gouvernements afin qu'ils soient réalistes et qu'ils se rendent compte de la charge qu'ils imposent aux employeurs agricoles. Nous ne devrions pas pousser les gens à la banqueroute par les mesures que nous adoptons ici et auxquelles ils ne peuvent pas faire face.

Nous ne pouvons pas croire que les gouvernements, en particulier ceux des pays en développement, ont voté en faveur d'une clause exigeant que les fermiers mettent à la disposition des travailleurs des installations sanitaires différentes pour les hommes et les femmes.

En conclusion, nous demandons à tous les membres de la commission, en particulier aux gouvernements, de réfléchir sérieusement à toutes ces questions et à celles que, faute de temps, nous ne pouvons pas aborder, afin qu'au cours d'un deuxième débat nous puissions arriver à des conclusions auxquelles nous pourrons tous souscrire à l'unanimité. Comme le président du groupe des employeurs l'a dit, nous avons semé les graines cette année, nous allons récolter l'année prochaine. Ce qui nous préoccupe c'est qu'il semble que dès maintenant il y ait beaucoup de mauvaises herbes qui risquent de gâcher la récolte.

Je voudrais conclure en félicitant M. Georges, le président de la commission, M.Trotman, le vice-président du groupe des travailleurs, et M. A. B. Che'Man, le rapporteur, d'avoir dirigé les travaux de notre commission de manière aussi compétente. Je voudrais remercier également le secrétariat à la tête duquel se trouvait M. Takala, pour toute l'aide apportée à notre commission. Nous remercions également les interprètes qui ont facilité la communication entre nous.

Enfin, je voudrais remercier mes assistantes, Barbara Pickings et MlleJodie Stearns, la déléguée des employeurs des Etats-Unis qui a représenté notre groupe au comité de rédaction et, bien entendu, tous les employeurs de notre groupe pour le soutien qu'ils m'ont apporté au cours de ces deux semaines.

Original anglais: M. TROTMAN (délégué des travailleurs, Barbade; vice-président, travailleurs de la Commission de la sécurité et santé dans l'agriculture) — J'ai l'honneur de m'adresser à cette Conférence au nom des membres travailleurs de la Commission de la sécurité et santé dans l'agriculture.

Nous sommes très heureux d'avoir eu la possibilité de travailler sur un instrument qui concerne à peu près la moitié de la main-d'œuvre dans le monde ainsi que chaque pays de la famille de l'OIT.

En toute franchise, je ne pense pas que nous soyons ici pour faire de longs discours. C'est la raison pour laquelle je me bornerai à faire miens les sentiments exprimés par le rapporteur et à dire que ses sentiments reflètent bien ce qui est ressorti. J'aimerais également faire quelques commentaires pour que les choses soient parfaitement claires.

Je regrette de ne pas pouvoir être encore plus bref que cela, mais M. Makeka, comme d'habitude, a fait surgir dans mon esprit quelques commentaires, et je crois que justice doit être faite dès maintenant.

Je n'ai pas l'intention de parler de la question des décisions prises par consensus plutôt qu'à la majorité. Je crois que c'est une question qui continuera d'être discutée au Conseil d'administration et qui sera donc réglée plus tard.

Toutefois, je ne suis pas d'accord, et je crois que tout mon groupe n'est pas d'accord avec la suggestion selon laquelle les demandes adressées aux employeurs sont trop nombreuses, dans ce que nous avons mis dans le projet de rapport et dans notre première lecture de la convention. Nous pensons qu'il s'agit là de demandes justes, raisonnables et fondamentales, et que par conséquent, les gouvernements, de même que les employeurs, ne devraient pas éprouver de difficultés à traiter ces demandes.

Si de temps à autre nous avons traité de certains domaines spécifiques, ce n'est pas très différent de ce que nous avons également fait dans d'autres conventions que nous utilisions comme références.

Je pense que nous ne sommes pas en train d'ouvrir la voie à des demandes confuses en demandant, par exemple, que des installations sanitaires soient prévues pour nos travailleurs de l'agriculture, installations que d'ailleurs nous avons eu beaucoup de peine à obtenir pour nos membres.

Notre groupe ne partage pas l'avis de ceux qui semblent être contre la création de nouvelles normes ou qui semblent les prévenir.

Nous pensons que ces nouvelles normes sont indispensables et que nous devons aboutir à des conclusions en nous fondant sur les conditions qui prévalent dans la société moderne d'aujourd'hui. Mais sur ce point, notre position n'est pas la même que celle de beaucoup d'autres. D'autres voudraient que nous soumettions nos marchés à ceux qui agissent le plus vite et qui sont les plus forts et parfois aussi ceux qui sont les moins fastidieux. Ils voudraient que nous leur inféodions nos terres avec les plus beaux paysages et les meilleures potentialités écologiques, surtout aujourd'hui.

Mais ainsi, ils opposeraient un déni aux justes attentes de nos peuples et feraient valoir que les espoirs de l'humanité dans la jungle mondialisée doivent être transformés en paradigme, qui pérenniserait à jamais le système de classes, les privilèges et la pauvreté.

Au cours du récent débat, nous avons traité de la sécurité et de la santé dans l'agriculture pour essayer de contester ce paradigme et faire en sorte que les travailleurs agricoles jouissent de conditions de travail et d'un environnement de travail qui ne soient pas moins humains ni moins respectables que ce que les autres travailleurs obtiennent systématiquement dans les faits.

Nous sommes adultes, nous sommes réalistes, nous comprenons fort bien que c'est le propre du travail qu'il y ait des divergences sur des points de détail, mais nous insistons sur une chose: le principe de similarité doit être observé.

Nous avons éprouvé quelques difficultés, aussi bien de la part des gouvernements que de la part des employeurs quant à la façon dont ont été traités certaines installations et certains équipements élémentaires pour préserver la dignité humaine. Nous pensons que ce sont là des questions qui mériteront d'être examinées à nouveau. Je ne voudrais pas gêner qui que ce soit ici.

De même, il faut que nous nous penchions à nouveau sur la question de savoir comment les travailleurs et les employeurs peuvent travailler ensemble de manière efficace afin de préserver et de renforcer la sécurité et la santé dans les régions dans lesquelles les exploitations agricoles sont peut-être très petites et où les ressources ne permettent peut-être pas de mettre sur pied des comités paritaires de santé et de sécurité. Nous reviendrons donc sur la question des inspecteurs itinérants.

D'autre part, nous avons souligné que les conditions spécifiques des travailleurs payés à la pièce devaient être examinées lors d'une discussion beaucoup plus approfondie. En effet, nous considérons qu'il s'agit là d'une activité particulièrement dangereuse dans le secteur agricole, comme c'est également le cas dans d'autres secteurs.

D'autre part, nous devons aussi réfléchir à la façon de protéger les travailleurs agricoles contre les pesticides et les produits chimiques dangereux. Nous devons le faire avec beaucoup plus d'efficacité que nous ne l'avons fait en première lecture.

Les employeurs, et certains gouvernements également, ont peut-être certaines raisons d'être préoccupés, mais nous sommes associés aux employeurs pour demander au Bureau de revenir sur certaines des questions qui ont été évoquées en première lecture.

Nous pensons que quels que soient les avis concernant l'avenir de futures conventions, les employeurs et les gouvernements devraient être à même, maintenant et d'ici à 2001, de considérer que cette convention et cette recommandation pourront être adoptées aussi facilement que l'a été la convention sur le travail des enfants.

Nous nous joignons à tous ceux qui ont remercié le Bureau du travail préparatoire qui a été accompli, et je n'insisterai pas sur les détails puisque nous l'avons déjà fait lorsque nous étions en commission.

C'est pourquoi je tiens une fois de plus à remercier tous ceux qui dans les rangs gouvernementaux, les rangs des employeurs, les rangs des travailleurs ont appuyé notre effort et nous espérons pouvoir compter sur ce soutien à l'avenir, non seulement de leur part, mais aussi de toute la famille tripartite pour rehausser la dignité des travailleurs agricoles, un geste que non seulement ils méritent, mais qu'ils attendent aussi.

Original anglais: M. GEORGE (délégué gouvernemental, Nigéria; président de la Commission de la sécurité et santé dans l'agriculture) — C'est pour moi un insigne honneur que de présenter cette allocution devant la Conférence.

La plupart des Etats Membres de l'Organisation internationale du Travail reconnaissent que l'agriculture est un secteur éminemment dangereux, et je tiens à rappeler que deux pays seulement ont une législation en matière de sécurité et de santé qui vise spécifiquement l'agriculture. Dans d'autres pays, il existe des règles de sécurité et de santé, mais qui ne sont pas directement conçues pour l'agriculture.

Voilà les raisons pour lesquelles le Conseil d'administration, à sa 271e session, en mars 1998, a décidé d'inscrire un point concernant la sécurité et la santé dans l'agriculture à l'ordre du jour de cette 88esession de la Conférence internationale du Travail de l'an 2000.

La tâche de la commission consistait à examiner en première lecture les propositions de conclusions concernant la sécurité et la santé dans l'agriculture et à proposer un instrument concernant la sécurité et la santé des travailleurs de l'agriculture.

Ces dix derniers jours, au cours de 16 séances, nous avons examiné de manière très détaillée les propositions de conclusion afin de nous mettre d'accord sur une norme relative à la sécurité et à la santé dans l'agriculture. Nous avons tout d'abord examiné les propositions de conclusion en vue de l'adoption d'une convention et d'une recommandation. Je suis satisfait de constater qu'après une discussion approfondie, les membres de la commission se sont mis d'accord pour que soit élaborée une convention accompagnée d'une recommandation. Nous avons ensuite procédé à l'examen, point par point, des propositions de conclusion établies par le Bureau. Nous avons eu des échanges très stimulants et les délégations ont amendé certains articles et certaines phrases desdites conclusions. Les propositions sur lesquelles nous nous sommes mis d'accord sont non seulement scientifiquement correctes, mais sont également suffisamment souples pour être adoptables par de nombreux pays.

Tous les groupes de la commission tripartite ont reconnu qu'il fallait inclure tous les procédés utilisés en agriculture, depuis les labours jusqu'à la récolte, depuis l'élevage du bétail jusqu'à l'exploitation forestière. La définition de l'agriculture contient tous ces points. Nous avons estimé qu'il fallait exclure de cette définition les travaux forestiers relevant de l'exploitation industrielle des forêts, car ces procédés qui sont déjà visés dans le recueil des directives pratiques sur la sécurité et la santé dans les travaux forestiers.

Les responsabilités incombant aux autorités compétentes, ainsi qu'aux employeurs, et les droits et devoirs des travailleurs sont bien connus de tous, de sorte que la commission est parvenue à s'entendre sur les points importants des dispositions générales du texte proposé.

Des arguments similaires ont été utilisés pour déterminer les responsabilités, les droits et les devoirs de chaque groupe partie à l'accord tripartite, lorsque les mesures de prévention et de protection ont été abordées.

Les membres de la commission ont examiné d'un œil critique les aspects liés à l'ergonomie et au transfert de technologie dans l'agriculture. Ils ont abouti à la conclusion qu'il fallait ajouter des articles au document afin de tenir compte de tous les travailleurs employés dans ce secteur. Les membres de la commission ont reconnu que la sécurité des machines agricoles devait être normalisée de façon à ce que l'instrument proposé puisse être appliqué de manière générale.

Les produits chimiques, tels que les engrais et les pesticides, sont largement utilisés dans le secteur agricole. Ces substances ont donc tout particulièrement retenu notre attention, et feront également l'objet d'un projet de norme afin de protéger la sécurité et la santé des travailleurs. La diffusion de l'information concernant les produits chimiques agricoles doit être faite dans les langues officielles du pays utilisateur.

L'expression «jeunes travailleurs» a été définie avec beaucoup de précision dans le projet de convention. Ce groupe de travailleurs doit être parfaitement protégé dans le cadre des activités dangereuses. Les travailleuses ont également été l'objet d'une attention particulière dans le projet de convention.

D'autre part, la commission et ses membres ont examiné les différents points figurant dans le projet de recommandation, et des mesures supplémentaires ont été adoptées en vue de l'application des dispositions correspondantes du projet de convention.

Pour conclure mon intervention, je tiens à souligner que la commission a estimé que le libellé de la convention (no155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, a été particulièrement utile en ce sens qu'il a facilité le consensus sur un grand nombre de points du projet de convention. Les membres de la commission tiennent à remercier le Bureau, ainsi que le secrétariat, pour avoir fourni des propositions de conclusion très complètes, qui ont pu être été utilisées comme documents de travail.

Nous demandons instamment aux participants de la plénière d'appuyer la position de la commission et d'adopter les conclusions proposées en vue de l'adoption d'une convention ainsi que d'une recommandation la complétant.

Original espagnol: Le PRÉSIDENT — J'ouvre maintenant le débat général sur le rapport de la Commission de la sécurité et santé dans l'agriculture.

Original anglais: M. AGARWAL (conseiller technique des employeurs, Inde) — C'est la première fois que je participe à la Conférence annuelle de l'OIT. J'ai le privilège de représenter les employeurs de l'Inde à la Commission de la sécurité et santé dans l'agriculture.

L'Inde est un pays vaste, tant du point de vue de sa population que de son territoire. C'est également l'un des producteurs principaux de produits agricoles divers dans le monde.

Au cours des débats en groupe et des séances tripartites, j'avais présentes à l'esprit les dispositions d'un instrument international qui soit ratifiable et applicable, sans porter atteinte aux intérêts des travailleurs ni à ceux des employeurs. Si l'instrument n'avait pas la souplesse nécessaire pour tenir compte des divers points de vue et pratiques des différentes parties du monde, l'objet même d'une telle législation internationale s'en trouverait annulé et ne bénéficierait pas d'une large ratification. Je suis certain qu'un tel instrument ne servirait pas l'intérêt des travailleurs s'il ne recevait pas une large ratification.

L'Inde est un vaste pays agricole, et je pense que les dispositions doivent être telles que nous puissions être impliqués dans le processus. Or les dispositions des conventions actuelles ne peuvent être appliquées par nous, bien que toute notre économie soit fondée sur l'agriculture.

Le projet de convention, résultat de deux semaines de débats ardus, comporte des dispositions difficilement applicables, telles que l'installation de toilettes chimiques dans les exploitations agricoles et le service de repas chauds. Imposer des réglementations pour les bâtiments agricoles ne signifie rien en Inde et va augmenter les dépenses des petits exploitants. De même, je pense que la définition des agriculteurs indépendants est erronée, surtout dans le contexte de la région du sud-est. Les petits agriculteurs indépendants n'ont pas de travailleurs agricoles permanents et il serait erroné de les englober dans cet instrument. Je voudrais encore une fois rappeler qu'il faut tenir compte des conditions prévalant dans nos régions. Nous sommes dans les champs dès le matin et nous demander de construire des toilettes est complètement aberrant et va à l'encontre de nos traditions et pratiques.

Comment cela serait-il possible, dans les pays pauvres en développement, notamment si les fermes sont fragmentées? Si ceux qui préconisent de telles dispositions inapplicables dans une convention ne pensent pas à sa ratification ou veulent exclure les pays en développement, notamment les pays tels que l'Inde, il devient nécessaire de réviser la méthodologie de base de l'OIT. Ceux qui préconisent des instruments rigides et inapplicables ne peuvent prétendre qu'ils sont fidèles à leurs mandants.

Heureusement, nous en sommes à la première lecture. J'espère que les membres de la commission, et notamment les gouvernements, réfléchiront à la question et adopteront une approche réaliste lorsqu'ils viendront à la 89e session de la Conférence internationale du Travail.

Original anglais: M. POTTER (conseiller technique et délégué suppléant des employeurs, Etats-Unis) — J'interviens au nom de Jodie Stearns, fille d'agriculteur qui, avec son mari, exploite 1500acres dans l'Ohio aux Etats-Unis. Voici ce qu'elle me dit, et qui montre sa passion pour l'agriculture:

«Je gère une exploitation agricole familiale aux Etats-Unis où j'emploie environ 125travailleurs pour récolter les concombres et les poivrons qui poussent dans notre exploitation.»

Ayant passé les deux dernières semaines avec des employeurs de l'agriculture d'autres pays, je me suis rendu compte que nos préoccupations sont à peu près les mêmes. Elles ont été éloquemment présentées par M. Makeka, notre porte-parole. L'intention de cet instrument, énoncée dans le paragraphe d'ouverture, est de garantir que les travailleurs agricoles jouissent d'une protection équivalente à celle dont bénéficient les autres secteurs de l'économie pour ce qui est de la sécurité et de la santé.

Toutefois, cette intention a été trahie, étant donné que les prescriptions qui y sont contenues dépassent de loin la protection accordée aux travailleurs des autres secteurs.

Je pense que ce projet d'instrument comporte tant de graves défauts, qu'aucun gouvernement ne saurait raisonnablement en envisager la ratification. M. Makeka a déjà abordé la question des agriculteurs indépendants, et je souhaite simplement ajouter que les employeurs américains partagent son avis sur ce point.

Le second point qui nous préoccupe, l'obligation faite aux employeurs de tenir compte des besoins des travailleuses, notamment en ce qui concerne la grossesse, l'allaitement et la santé reproductive. On ne voit pas très bien ce que les employeurs pourraient faire à cet égard, notamment en ce qui concerne les installations, qui sont impossibles à installer dans les champs, non plus que les pauses fréquentes lorsqu'on travaille en équipe, notamment lorsqu'il s'agit de récoltes périssables. En outre, il n'est pas bon pour les nourrissons d'être emmenés dans les champs. La grossesse, l'allaitement et la santé reproductive n'ont manifestement pas leur place dans ce projet d'instrument, et un tel mandat ne se retrouve dans aucune des conventions ayant trait à une autre branche ou à un autre secteur.

Une autre question qui préoccupe les employeurs agricoles des Etats-Unis est l'exigence d'une assurance obligatoire pour les employeurs et les agriculteurs indépendants. Voilà un autre sujet qui n'est couvert par aucune autre convention particulière à un secteur et dont la détermination devrait être laissée aux gouvernements locaux et nationaux, en fonction des conditions des pays. Exiger une assurance obligatoire pour l'ensemble des travailleurs de l'agriculture va beaucoup trop loin et devrait faire l'objet d'une recommandation.

De nombreux gouvernements ne seront pas disposés à ratifier cet instrument, surtout en raison du fait que les agriculteurs indépendants sont inclus dans cette vision ambitieuse d'une couverture universelle et obligatoire.

Un autre principe inapplicable et malvenu de ce projet d'instrument, porte sur les considérations ergonomiques relatives aux machines agricoles et même aux outils. Cette proposition ne se fonde sur aucune recherche scientifique, puisque aucune étude ergonomique n'a jamais été faite dans le domaine de l'agriculture.

Cela pose également la question suivante: comment un agriculteur est censé appliquer une telle prescription? Faut-il qu'il fasse l'essai de plusieurs tracteurs et prenne sa décision en se fondant sur le confort plutôt que sur le coût, la puissance et la garantie? Où un agriculteur trouvera-t-il des binettes ergonomiquement correctes pour ses travailleurs? Où trouvera-t-il des seaux ergonomiquement corrects pour y mettre les légumes récoltés? Toutes ces questions peuvent paraître ridicules, mais ce sont celles qui se poseront. Appliquer de telles prescriptions imposerait une charge insupportable aux gouvernements et augmenterait considérablement le coût des machines et des outils agricoles, étant donné que les fournisseurs répercutant automatiquement les coûts dans le prix de vente. Cette disposition dépasse de loin l'objectif affirmé de cet instrument et ne saurait être ratifiée par aucun gouvernement raisonnable.

Mais le plus absurde, c'est la prescription relative aux installations sanitaires, séparées pour les hommes et les femmes qui travaillent dans les champs. Cette prescription ne peut être respectée par les petits agriculteurs et entraînerait des coûts prohibitifs pour les gros. Dans mon exploitation agricole, des toilettes portables sont installées dans les champs, à proximité des travailleurs. Par exemple, nous n'installons pas toutes les toilettes à un bout du champ, ce qui serait gênant pour les travailleurs. Pour appliquer cette prescription, il faudrait soit mettre des toilettes à chaque bout, contraindre les unes pour les hommes, les autres pour les femmes, soit les travailleurs à traverser tout le champ pour utiliser les toilettes réservées à leur sexe alors que des toilettes réservées à l'autre sexe se trouveraient à proximité.

Aucune explication satisfaisante n'a été fournie et ne saurait être fournie. Pourquoi les hommes et les femmes ne pourraient pas utiliser les mêmes toilettes et les mêmes salles d'eau dans les champs?

Là encore, aucune autre prescription de ce genre n'existe dans aucun autre document de l'OIT, et cette prescription n'est certainement pas de nature à améliorer la sécurité et la santé des travailleurs.

Il est évident que le seul effet de ces prescriptions est de surcharger les agriculteurs, et même de les harceler. J'espère sincèrement que la raison prévaudra lorsque nous reviendrons sur cette question l'an prochain. L'agriculture est un domaine très particulier, où les employeurs sont au bas de l'échelle économique. Le projet d'instrument entraîne des coûts excessifs qui ne pourraient être répercutés dans le prix du produit.

Les prescriptions du projet d'instrument vont de l'inapplicable à l'aberrant, du risible à l'absurde. Dans sa forme actuelle, ce projet est tout simplement impossible à ratifier. Il ne saurait être pris en considération sérieusement par les pays qui attachent de l'importance à l'agriculture et qui ont de respect pour les employeurs de l'agriculture.

Original anglais: M. YADAV (ministre du Travail, gouvernement d'Andhra Pradesh, Inde) — Je suis reconnaissant au Président de me donner la possibilité de faire part du soutien de mon pays à la cause de la sécurité et de la santé des travailleurs de l'agriculture.

Comme vous le savez peut-être, notre pays abrite la population de travailleurs agricoles la plus importante. Plus de 150 millions de personnes travaillent dans ce secteur, et nous sommes tenus, en tant que nation et en tant que gouvernement d'assurer leur bien-être, leur sécurité et leur santé. La convention et la recommandation qui la complète sur la sécurité et la santé dans l'agriculture sont opportunes et louables.

Les activités agricoles couvrent un large spectre depuis les fermes et les plantations les plus modernes à celles tenues par de petits ou moyens fermiers, ou même des marginaux, des métayers, des squatters ou des autochtones. L'OIT estime à environ 1 milliard 300millions les personnes qui travaillent dans la production agricole dans le monde.

Il y a environ 170 000 accidents mortels par an parmi ces travailleurs. Ce secteur est considéré comme l'un des plus dangereux avec le secteur minier et la construction. La nécessité de fournir protection et sécurité à ces travailleurs est donc évidente.

Dans les pays en développement, la plupart des fermes sont de petite ou moyenne dimension et c'est la famille tout entière qui est impliquée dans les activités agricoles. Généralement, ces travailleurs sont pauvres, peu instruits; ils souffrent de malnutrition et sont victimes de maladies chroniques. Ils n'ont pas accès aux services sociaux et de santé; beaucoup d'entre eux sont originaires de régions pauvres qu'ils ont quittées à la recherche d'un emploi dans des régions plus prospères. Certains d'entre eux ont émigré par l'intermédiaire d'un entrepreneur. Tous sont exposés à différentes sortes de problèmes tels que l'exclusion sociale ou l'exploitation par des employeurs cruels. Nous avons, en Inde, environ 150 millions de travailleurs agricoles qui appartiennent généralement aux couches les plus pauvres de la société. Leurs conditions de travail et de vie sont couvertes par différentes lois sur le travail telles que la loi sur l'indemnité, 1923, la loi sur les salaires minimaux, 1948, la loi sur le travail dans les plantations, 1951, la loi sur le Fonds de prévoyance de l'emploi et autres dispositions, 1952, la loi sur les insecticides, 1968, la loi sur les contrats de travail, 1970, la loi sur l'égalité de rémunération, 1976, la loi sur les travailleurs migrants, 1979, la loi sur la réglementation des missions dangereuses, 1983 et la loi sur l'interdiction du travail des enfants, 1983.

Beaucoup de ces lois comportent des dispositions sur la sécurité et la santé des travailleurs dans l'agriculture, mais il est clair qu'il faudra faire davantage en vue de prévoir des mesures de protection sociale et de bien-être à l'intention des travailleurs agricoles en Inde. Une loi détaillée relative à cette catégorie de travailleurs sera bientôt promulguée. Nous nous félicitons de cette initiative prise par l'OIT.

Les dispositions de l'instrument proposé par l'OIT sont suffisamment détaillées et seront, une fois appliquées, d'un grand secours pour un grand nombre de travailleurs dans le monde, comme il le sera pour la majorité des travailleurs dans les zones rurales en Inde. Nous exprimons notre satisfaction de voir que la Commission de la sécurité et de la santé dans l'agriculture a achevé sa première discussion et a abouti à des conclusions proposées sur ce sujet.

Tout en reconnaissant que certaines normes pourraient poser des difficultés à plusieurs pays en développement qui désirent ratifier une telle convention, nous continuons à appuyer fortement cette proposition, qui contribuera à assurer un lieu de travail sûr et salubre dans le secteur agricole.

Original anglais: M. HAKANSSON (conseiller technique travailleur, Suède) — Au nom du Syndicat des travailleurs agricoles de Suède et de l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture (UITA), j'aimerais saisir cette occasion pour prendre la parole à cette 88e session de la Conférence internationale du Travail.

C'est également en leur nom que je me félicite de la convention et de la recommandation proposées sur la sécurité et santé dans l'agriculture, que les deux organisations considèrent comme un début encourageant visant à améliorer les conditions de travail dans l'une des trois industries les plus dangereuses.

Le processus doit naturellement être achevé l'année prochaine lors de la Conférence internationale du Travail mais, vu l'important appui manifesté cette année, il y a tout lieu de s'attendre à avoir une deuxième discussion fructueuse et constructive l'année prochaine, et de s'attendre également à l'adoption d'une convention et d'une recommandation en juin 2001 lors de la prochaine Conférence.

Je parle au nom des millions d'agriculteurs dont les syndicats sont affiliés à l'UITA. Ce sont des travailleurs qui travaillent dans un secteur qui, tout comme le secteur minier et le secteur de la construction, compte parmi les plus dangereux puisque le taux d'accidents mortels et le taux de maladies y sont très élevés. Plus de la moitié des 300 000 accidents mortels qui ont lieu chaque année sur le lieu de travail se produisent dans le secteur de l'agriculture qui emploie environ 1 milliard 300 millions de travailleurs dans le monde. Les travailleurs agricoles constituent également une proportion importante d'un total dépassant 250 000 millions de personnes qui chaque année sont victimes d'accidents du travail, et 160millions de travailleurs victimes de maladies professionnelles et exposées à différents risques. En œuvrant à l'adoption de la convention et de la recommandation, l'OIT exprime son engagement vis-à-vis de ces travailleurs, ces fermiers et ces travailleurs indépendants, qui travaillent dans le plus grand secteur au monde, employant quelque 50pour cent de la main-d'œuvre mondiale. Ainsi, l'OIT aura établi, encore une fois, que nous avons besoin de normes minimales et de règles sociales fondamentales si nous cherchons un développement durable et équitable à l'avenir. Sans établir de telles règles, le développement ne sera jamais équitable, pas plus qu'il ne sera durable.

Ce futur instrument répondra au besoin de normes minimales internationales en ce qui concerne la sécurité et la santé des personnes qui travaillent dans l'agriculture.

J'aimerais saisir cette occasion pour faire part de ma gratitude au Bureau ainsi qu'au secrétariat et aux membres du bureau de la commission avec lesquels je travaille depuis deuxsemaines. J'aimerais remercier tout particulièrement le vice-président travailleur pour avoir conduit nos travaux à bon port à l'issue de cette première lecture.

Nous espérons que le futur instrument sera rapidement et largement ratifié après son adoption l'année prochaine et qu'il aura une incidence positive et significative sur le terrain. Je puis vous assurer du soutien de tous les travailleurs dans l'agriculture et de tous les syndicalistes du monde entier pour atteindre cet objectif.

Original anglais: Mme SIMIYU (conseillère technique des travailleurs, Kenya) — Je saisis l'occasion pour appuyer les remarques faites par M. Trotman, vice-président des travailleurs à la Commission de la sécurité et santé dans l'agriculture. J'aimerais également le remercier, au nom du groupe des travailleurs, de son excellent travail et de la façon brillante dont il a mené nos débats.

Nous avons beaucoup avancé, au cours des deux dernières semaines, et sommes parvenus à élaborer une proposition de convention assortie de sa recommandation. Ces instruments peuvent améliorer la vie de millions de travailleurs agricoles. Ils ne s'appliqueront que dans un secteur, mais celui-ci emploie près de la moitié des travailleurs dans le monde.

Les femmes sont nombreuses dans ce secteur, où elles sont le plus souvent des saisonnières, des travailleuses temporaires, des travailleuses indépendantes ou de petites exploitantes. Il faut donc se féliciter que la convention appelle à une attention toute particulière envers les besoins des femmes travaillant dans l'agriculture. L'importance de leur rôle a souvent été sous-estimé, et la discrimination fondée sur le sexe est répandue dans le secteur. Selon des études menées par l'OIT, les accidents du travail sont nombreux chez les femmes travaillant dans l'agriculture. Pendant la période des récoltes, le travail est souvent pénible. Le contact avec des pesticides a une influence directe sur le taux de fausses couches et de naissances prématurées.

S'ils sont mis en application, ces instruments permettront non seulement d'améliorer les conditions de vie et la santé des femmes d'aujourd'hui mais également celles des générations à venir.

J'espère qu'en 2001 nous continuerons à progresser comme nous l'avons fait cette année et que nous adopterons une convention solide assortie d'une recommandation.

Original espagnol: Le PRÉSIDENT — Nous allons à présent procéder à l'adoption du rapport, ainsi que des conclusions proposées et de la résolution qui l'accompagnent. Nous commencerons par le rapport lui-même, c'est-à-dire le résumé des débats à la commission qui figure aux paragraphes 1 à 273.

S'il n'y a pas d'objections, puis-je considérer que le rapport, paragraphes 1 à 273, est adopté?

(Le rapport, paragraphes 1 à 273, est adopté.)

Conclusions proposées par la Commission de la sécurité et santé dans l'agriculture: Adoption.

Original espagnol: Le PRÉSIDENT — Nous passons maintenant aux conclusions proposées par la commission. S'il n'y a pas d'objections, puis-je considérer que les conclusions proposées, paragraphes 1 à 38, sont adoptées?

(Les conclusions proposées, paragraphes 1 à 38, sont adoptées.)

Résolution concernant l'inscription à l'ordre du jour de la prochaine session ordinaire de la Conférence de la question intitulée «Sécurité et santé dans l'agriculture».

Original espagnol: Le PRÉSIDENT — Nous passons à présent à l'adoption de la résolution. S'il n'y a pas d'objections, puis-je considérer que la résolution est adoptée?

(La résolution est adoptée.)

Je voudrais remercier les membres du bureau et de la commission ainsi que le secrétariat pour l'excellent travail réalisé.

Mise à jour par HK. Approuvée par NdW. Dernière modification: 16 June 2000.