L'OIT est une institution spécialisée des Nations-Unies
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GB.271/LILS/1
271e session
Genève, mars1998


Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail

LILS


 PREMIÈRE QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

Amendement à l'article II, paragraphe 5,
du Statut du Tribunal administratif
de l'Organisation internationale du Travail

Amendement éventuel concernant la nature
des organisations internationales habilitées
à reconnaître la compétence du Tribunal

1. En raison de l'immunité juridictionnelle de l'OIT, considérée comme une garantie essentielle du statut international et de l'indépendance de l'Organisation, les fonctionnaires du Bureau n'ont pas la possibilité de soumettre les conflits du travail aux juridictions nationales. En revanche, ils ont la possibilité d'en saisir un tribunal administratif indépendant1. Non sans quelque hésitation, l'OIT a accepté d'autoriser d'autres organisations intergouvernementales à adhérer au Tribunal, étant finalement reconnu qu'il était conforme à la mission de l'Organisation de mettre une procédure indépendante et fiable à la disposition d'une catégorie particulière de travailleurs -- les fonctionnaires internationaux -- qui ne bénéficient pas d'une protection juridique au niveau national2. L'article II, paragraphe 5, du Statut du Tribunal permet ainsi aux «autres organisations internationales de caractère interétatique» agréées par le Conseil d'administration d'accepter la compétence du Tribunal. Trente-quatre organisations l'ont fait jusqu'ici, dont les trois dernières tout récemment, en novembre 19973. On trouvera en annexe la liste complète des organisations ayant accepté la compétence du Tribunal, par ordre chronologique. Outre les frais de justice relatifs aux affaires qui la concernent, chacune de ces organisations supporte une part des frais généraux du Tribunal calculée au prorata de l'effectif de personnel en activité de celle-ci.

2. Deux conditions doivent donc être remplies pour qu'une organisation soit à même d'accepter la compétence du Tribunal: elle doit être agréée à cet effet par le Conseil d'administration du BIT et être «de caractère interétatique». Malgré l'absence de définition précise, les termes «de caractère interétatique» tendent à impliquer que l'organisation a) a été créée par traité en tant que sujet de droit international, b) est financée par les gouvernements, et c) possède un organe de décision composé de représentants gouvernementaux. Sur ce dernier point, l'expression «de caractère interétatique» figurant à l'article II, paragraphe 5, de la version française à la place du terme habituel «intergouvernemental» a sans doute été retenue pour rendre compte de la composition tripartite de l'OIT.

3. Ces dernières années, un certain nombre de demandes ont été reçues d'organisations dont on pouvait se demander si elles étaient véritablement «interétatiques». Il en est ainsi du Service international pour la recherche agricole nationale (ISNAR), organisme créé par un mémorandum d'accord conclu entre une organisation intergouvernementale (la Banque mondiale) et un organe subsidiaire de l'Organisation des Nations Unies (le Programme des Nations Unies pour le développement -- PNUD). L'ISNAR fait partie intégrante du Groupe consultatif de la recherche agricole internationale (CGIAR), qui compte 34 Etats, 4 fondations et 11 organisations internationales et régionales et qui est géré par un conseil d'administration (Board of Trustees), dont les membres n'agissent pas en tant que représentants officiels des gouvernements ou des organisations. Il a toutefois conclu un accord de siège avec le gouvernement du pays hôte. Bien que la structure de l'ISNAR ne soit pas celle d'une organisation intergouvernementale classique, le Bureau a recensé un certain nombre d'éléments intergouvernementaux, et en particulier certaines garanties de solidité et de fiabilité résultant de l'accord conclu avec le gouvernement hôte, qui ont paru de nature à permettre l'agrément par le Conseil d'administration de sa demande de reconnaissance de la compétence du Tribunal4. Par ailleurs, il a été tenu dûment compte de l'affirmation catégorique du pays hôte selon laquelle l'organisation en question est bien de nature intergouvernementale.

4. D'autres cas limites sont celui de l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol)5, au sujet de laquelle le Bureau a finalement fondé sa recommandation sur l'avis du Conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies quant au caractère intergouvernemental de l'Organisation, et celui de l'Union interparlementaire (UIP)6, qui se compose de groupes nationaux représentant leurs parlements.

5. Par ailleurs, l'évolution du droit international a donné naissance à des entités qui s'écartent manifestement de la définition mais se trouvent en fait dans une situation très proche de celle des institutions spécialisées du système des Nations Unies. C'est le cas en particulier de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC), qui a demandé au Conseil d'administration d'approuver, le cas échéant, sa déclaration d'acceptation de la compétence du Tribunal. La fédération ne possède aucune des caractéristiques, mentionnées au paragraphe 2 ci-dessus, d'une organisation intergouvernementale au sens classique du terme. Elle a été créée en tant qu'association de droit suisse, et ses membres sont les sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, et non des gouvernements. Le Bureau a donc confirmé que, compte tenu des dispositions actuelles du Statut du Tribunal, l'IFRC ne pouvait être admise à accepter sa compétence. La fédération est pourtant comparable aux organisations intergouvernementales par sa structure et son mandat: sa personnalité juridique internationale a été récemment reconnue par la Suisse aux fins d'un accord avec le pays hôte conclu en 1996; une seule société nationale de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, approuvée par le gouvernement intéressé, peut être reconnue pour chaque pays, et l'IFRC coordonne l'action de ses sociétés nationales qui coopèrent avec diverses institutions gouvernementales en cas de catastrophe nationale ou autre situation d'urgence.

6. La question se pose donc de savoir si le critère fixé par l'article II, paragraphe 5, à savoir le caractère «interétatique» de l'organisation, est approprié, eu égard en particulier aux nouvelles formes d'organisations internationales que l'on trouve aujourd'hui. Dans cette optique, il ne semble y avoir aucune raison d'exclure a priori une organisation universelle comme l'IFRC, alors qu'au contraire une institution provisoire créée en vertu d'un traité bilatéral pourrait fort bien satisfaire au critère du caractère interétatique. En revanche, les organisations intergouvernementales possèdent certaines caractéristiques qui semblent essentielles pour pouvoir être admises à bénéficier des services d'un tribunal international, à savoir: composition et mandat internationaux, immunité juridictionnelle par rapport aux tribunaux nationaux, existence de certaines garanties institutionnelles quant au respect des jugements du Tribunal, y compris, dans la mesure du possible, en cas de dissolution de l'organisation. La conclusion d'un accord approprié avec le pays hôte de même que l'approbation par ce dernier de la demande d'acceptation de la compétence du Tribunal peuvent être considérées comme répondant à cette exigence de garantie. Il importe aussi de faire en sorte que le statut et la crédibilité du Tribunal administratif de l'OIT ne soient pas compromis par l'association à ses activités d'entités éphémères ou sans véritable présence internationale.

7. Une solution possible pour que les organisations qui jouissent de l'immunité vis-à-vis des juridictions nationales mais ne sont pas «interétatiques» puissent disposer d'une procédure internationale de règlement des conflits consisterait à habiliter le Tribunal à agir en tant qu'arbitre dans de tels cas. A l'époque de la Société des Nations, d'ailleurs, le Tribunal administratif a bien joué le rôle de commission d'arbitrage pour les différends concernant le personnel de certaines organisations. Cependant, cette solution exigerait la mise en place d'un cadre juridique approprié et l'adoption de dispositions spéciales relatives à des questions comme les critères régissant l'accès à cet arbitrage, la procédure à suivre, le caractère contraignant des décisions arbitrales et les contributions aux dépenses du Tribunal -- à moins, bien sûr, que les dispositions en vigueur ne soient rendues également applicables à l'arbitrage. Mais, si ce devait être le cas, il semble qu'il n'y ait pas de bonne raison pour que ces organisations ne soient pas simplement autorisées à adhérer au Tribunal sur un pied d'égalité avec les autres organisations.

8. C'est pourquoi il est proposé de modifier l'article II, paragraphe 5, en vue d'assouplir les critères régissant l'accès au Tribunal et de l'adapter aux besoins contemporains tout en conservant les éléments de la notion de caractère «interétatique» qui restent valides. Ainsi, les organisations qui ne sont pas actuellement considérées comme remplissant les conditions requises pour accepter la compétence du Tribunal ou qui ne pourraient l'être qu'en étirant fortement la notion de caractère «interétatique» seraient autorisées à accepter cette compétence sous réserve de l'approbation du Conseil d'administration7. Le projet d'amendement a été rédigé de façon à ne pas porter atteinte au droit des organisations de demander l'agrément du Conseil d'administration si elles satisfont au critère actuel8.

9. Conformément à son article XI, le Statut du Tribunal peut être amendé par la Conférence internationale du Travail. En conséquence, la commission voudra sans doute recommander au Conseil d'administration de proposer à la 86e session (juin 1998) de la Conférence internationale du Travail de modifier comme suit l'article II, paragraphe 5, et l'annexe du Statut du Tribunal administratif de l'OIT9:

ANNEXE AU STATUT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE L'ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL

Pour pouvoir prétendre à reconnaître la compétence du Tribunal conformément au paragraphe 5 de l'article II du Statut, une organisation internationale doit soit être de caractère interétatique, soit

  1. être manifestement de caractère international, en ce qui concerne sa composition, sa structure et son domaine d'activité;
  2. bénéficier de l'immunité de juridiction, laquelle doit être attestée par un accord de siège conclu avec le pays hôte; et
  3. être dotée de fonctions à caractère permanent au niveau international et offrir, de l'avis du Conseil d'administration, des garanties suffisantes quant à sa capacité institutionnelle de s'acquitter de ces fonctions, ainsi que des garanties quant à l'exécution des jugements du Tribunal.

    Le Statut du Tribunal administratif de l'Organisation internationale du Travail s'applique intégralement [aux] à ces organisations internationales [de caractère interétatique qui, conformément à leur Constitution ou à leurs règles administratives internes, reconnaissent la compétence du Tribunal et déclarent formellement adopter ses règles de procédure conformément au paragraphe 5 de l'article II du Statut], sous réserve des dispositions suivantes, qui, dans les causes intéressant l'une desdites organisations, sont applicables dans les termes qui suivent:

    [...]

Genève, le 9 février 1998.

Point appelant une décision: paragraphe 9.


1  Ce tribunal, créé en 1927 en tant que Tribunal administratif de la Société des Nations, est devenu après la seconde guerre mondiale le Tribunal administratif de l'OIT.

2  A sa 32e session (1949), la Conférence a adopté des amendements au Statut du Tribunal tendant à en ouvrir l'accès à d'autres organisations internationales intergouvernementales; voir le Compte rendu provisoire de 1949, pp. 404-405.

3  Les trois dernières organisations à avoir reconnu la compétence du Tribunal administratif de l'OIT sont l'Organisation internationale pour les migrations, le Centre international pour le génie génétique et la biotechnologie et l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques; voir document GB.270/PFA/16.

4  Document GB.267/PFA/15/1.

5  Document GB.240/PFA/7/6.

6  Document GB.195/PFA/21/4.

7  On notera que la possibilité d'élargir le critère d'admissibilité a été également examinée à propos du mandat du Tribunal administratif des Nations Unies (TANU). Dans le cadre des discussions qui ont eu lieu sur l'harmonisation et le développement progressifs des Statuts et Règlements du Tribunal administratif de l'OIT et du Tribunal administratif des Nations Unies, un projet d'amendement à l'article 14 du Statut du TANU qui visait à étendre la compétence du Tribunal, au-delà des institutions spécialisées de l'ONU, à «toute organisation qui a accepté le Statut de la Commission de la fonction publique internationale ou à toute autre organisation internationale désignée par l'Assemblée générale, dans des conditions à fixer par un accord que le Secrétaire général conclura avec elle à cet effet» a été proposé; voir document GB.231/PFA/17/5. Voir aussi document GB.234/PFA/11/17, paragr. 24 et 25.

8  Le Bureau a communiqué ce projet d'amendement à toutes les organisations figurant sur la liste reproduite en annexe, en les invitant à présenter leurs commentaires à ce sujet. Parmi les réponses reçues à ce jour, celle d'Interpol déclare qu'il aurait fallu mettre l'accent sur le fait que «les conditions de travail des fonctionnaires de ces organisations devraient être régies par un ensemble de règles inspirées des principes généraux du droit de la fonction publique internationale, et non par le droit du travail national».

9  Les parties du texte qui sont entre crochets sont supprimées et celles qui sont soulignées sont ajoutées.


Annexe

Liste des organisations internationales (par ordre chronologique)
ayant accepté (au 31 décembre 1997) la compétence
du TAOIT et dates d'acceptation

  1. Organisation mondiale de la santé (OMS), 1949 (document GB.109/205).
  2. Union internationale des télécommunications (UIT), 1953 (document GB.122/F.A./D.22).
  3. Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), 1953 (document GB.122/205, paragr. 55).
  4. Organisation météorologique mondiale (OMM), 1953 (document GB.123/205, paragr. 101).
  5. Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), 1954 (document GB.124/205, paragr. 90).
  6. Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), 1955 (document GB.129/205, paragr. 78).
  7. Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), 1958 (document GB.138/14/28).
  8. Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), 1959 (document GB.141/F.A./D.18/30).
  9. Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), 1963 (document GB.157/13/36, paragr. 153-156) et 1971 (document GB.183/FA/14/2).
  10. Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (Eurocontrol), 1964 (document GB.159/F.A./D.18/5).
  11. Union postale universelle (UPU), 1965 (document GB.163/F.A./D.17/2).
  12. Organisation panaméricaine de la santé (OPS), 1971 (document GB.184/FA/14/6).
  13. Organisation européenne pour des recherches astronomiques dans l'hémisphère austral (ESO), 1972 (document GB.186/7/21, paragr. 45-49).
  14. Conseil interétatique des pays exportateurs de cuivre (CIPEC), 1972 (document GB.188/13/33, paragr. 41-45).
  15. Association européenne de libre-échange (AELE), 1975 (document GB.195/PFA/21/20).
  16. Union interparlementaire (UIP), 1975 (document GB.195/PFA/21/4).
  17. Laboratoire européen de biologie moléculaire (LEBM), 1977 (document GB.203/PFA/10/9).
  18. Organisation mondiale du tourisme (OMT), 1977 (document GB.204/PFA/16/26).
  19. Organisation européenne des brevets (OEB), 1978 (document GB.205/PFA/15/9).
  20. Centre africain de formation et de recherche administrative pour le développement (CAFRAD), 1979 (document GB.211/PFA/11/23).
  21. Organisation interétatique pour les transports internationaux ferroviaires (OTIF), 1980 (document GB.212/PFA/13/11).
  22. Centre international de l'enregistrement des publications en série (CIEPS), 1983 (document GB.224/PFA/18/20).
  23. Office international des épizooties (OIE), 1984 (document GB.226/PFA/10/5).
  24. Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), 1986 (document GB.232/PFA/11/12).
  25. Organisation internationale de police criminelle (Interpol), 1988 (document GB.240/PFA/7/6).
  26. Fonds international de développement agricole (FIDA), 1988 (document GB.241/PFA/10/12).
  27. Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), 1991 (document GB.249/PFA/13/4).
  28. Conseil de coopération douanière (CCD), 1993 (document GB.258/PFA/12/17).
  29. Cour de justice de l'Association européenne de libre-échange, 1994 (document GB.259/PFA/13/18).
  30. Autorité de surveillance de l'Association européenne de libre-échange, 1994 (document GB.259/PFA/13/20).
  31. Service international pour la recherche agricole nationale (ISNAR), 1996 (document GB.267/PFA/15/1).
  32. Organisation internationale pour les migrations (OIM), 1997 (document GB.270/PFA/16).
  33. Centre international pour le génie génétique et la biotechnologie, 1997 (document GB.270/PFA/16).
  34. Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), 1997 (document GB.270/PFA/16).

Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.