Faire avancer la justice sociale,promouvoir le travail décent
L'OIT est une institution specialisée des Nations Unies
14e Festival international
Prix OIT filmer le travail 2023
Comme l’an dernier le prix du partenariat France OIT a été attribué par un jury composé des membres français du Conseil d’Administration du BIT, de l’AFOIT et d’experts reconnus du monde du travail.
Le choix du film primé a été cette année particulièrement difficile en raison de la grande qualité des œuvres en compétition. Après plusieurs tours de table et de nombreuses discussions, c’est finalement le documentaire de Jeanne Dosse : « TODAS POR UMA » (Toutes pour une) qui a été choisi par les membres du jury.
Il a cette originalité de montrer le travail à l’œuvre, œuvre collective qui prend progressivement vie sous nos yeux, ce travail de création artistique qui permet de faire œuvre de son travail. Mais c’est aussi de l’art du management, de la démocratie au travail par l’échange, l’écoute et le dialogue dont il est aussi question.
Dans ce film, conçu comme une mise en abîme, le travail à l’œuvre est d’abord celui de la mise en scène théâtrale. En choisissant de suivre les séances au cours desquelles Ariane Mnouchkine organise et guide le jeu des acteurs, les accompagne, les conseille, le film expose en pleine lumière ce qui est invisible pour le spectateur d’une pièce de théâtre : le travail du metteur en scène. On peut y voir là une métaphore du management, de la fonction d’animation de collectifs de travail : faire autorité et convaincre par la confiance, la bienveillance, sans céder à la facilité puisque le niveau d’exigence amène ici les acteurs à donner le meilleur d’eux-mêmes tout en apprenant sur soi auprès des autres.
A l’heure où foisonnent les différentes doctrines de management axées sur une « libération du travail » et une « autonomisation des équipes », ambitionnant de sortir de l’organisation taylorienne du travail tout en recherchant de nouveaux ressorts de « performance » des organisations, on ne peut s’empêcher en regardant ce film de dresser un parallèle entre le travail de création artistique et le travail tout court. Il montre aussi le rôle capital de l’entraide, de l’apprentissage auprès des pairs, de la ressource que constitue le collectif où se puise la performance. Il nous fait partager aussi la force de l’émotion et la sensibilité qui se loge dans toute action de création collective.
La pièce qui constitue la toile de fond de ce film, écrite en 1965 et marquée par le combat féministe, est aussi l’occasion de dénoncer les discriminations et la violence dont sont victimes les femmes. La lutte pour l’égalité entre femmes et hommes dans le monde du travail reste d’actualité, plus que jamais, elle est au cœur du mandat de l’OIT.
Il faut également rappeler que les inégalités de genre sont en outre encore très marquées dans le secteur de la culture : sous-représentation des femmes dans des professions spécifiques, écarts de revenus et contrats discriminants. Par exemple, les femmes réalisatrices/productrices ou jouant un rôle principal demeurent sous-représentées. Les stéréotypes de genre sont encore monnaie courante dans toute l’industrie, dans la manière dont les femmes sont dépeintes lors des représentations. Elles sont plus touchées par la violence et le harcèlement, plus atteinte aussi par une limite d’âge arbitraire qui s’ajoutent souvent à d’autres motifs de discrimination dont l’origine.
Ce film permet ainsi d’illustrer deux conventions fondamentales de l’OIT, relatives à la discrimination dans l’emploi et l’égalité de rémunération, ainsi que la convention n° 190 (et la recommandation n° 206) concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, adoptée en 2019, qui met particulièrement l’accent sur la violence et le harcèlement fondés sur le genre mais aussi sur la violence domestique.
Il faut citer également la Convention de Rome sur la protection des artistes de 1961 dont l’OIT assure l’administration avec l’UNESCO et l’OMPI.
Le secteur des arts et du divertissement a une portée économique mais aussi une portée culturelle. Il ne crée pas seulement des biens, il offre des expériences qui peuvent s’avérer utiles à notre analyse et notre compréhension du monde du travail de façon plus générale.
Par ailleurs, la pandémie de COVID-19 a suscité une réflexion autour de l’idée selon laquelle la culture au sens large, au-delà de sa seule valeur marchande, constitue un « bien public mondial » en promouvant la cohésion sociale, en développant la résilience des personnes et en établissant des liens entre les communautés et les diverses formes d’expression.