CHAPITRE IX
Les Methodes de redaction

Les objectifs de la loi proposée et du projet législatif

Les objectifs

Les textes de loi adoptés par une assemblée législative répondent à un ou plusieurs objets. Le processus de rédaction d'une loi doit commencer par une définition claire de ses objets. Il est ainsi plus facile de trouver une unité entre le destinataire initial de la législation proposée ‑ le législateur ‑ et le destinataire final, à savoir les travailleurs et employeurs à qui ces lois s'adressent et les organes judiciaires et administratifs chargés de l'interprétation et de l'application de la législation adoptée. En exposant clairement les objets de la législation, tels qu'ils ont été exprimés par le législateur, le rédacteur d'un texte de loi peut faciliter la tâche de ces personnes ou de ces organes.

Lorsqu'ils sont confrontés à un problème d'interprétation, les gens chargés d'interpréter et de faire respecter la législation doivent se reporter à l'objet qui découle de la lettre ou du contexte de la législation, qu'ils chercheront à déterminer au bout du compte par rapport à l'esprit "collectif' de l'assemblée législative. La tradition peut exiger que les interprètes se réfèrent également aux documents préparatoires et aux débats de l'assemblée législative. Il s'agit, par cet examen, de définir les objets collectifs du corps législatif, indépendamment des points de vue individuels exprimés. A cet égard, il importe de distinguer les objectifs ou buts, motivations, politiques et principes qui président à la loi proposée :

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Le projet législatif

Dans certains pays, la tradition veut que l'objet de la législation soit défini dans une proposition de loi ou un programme législatif préparé dès le début du processus officiel. Cette proposition ou ce programme explique la logique suivie et contient un résumé des dispositions de fond envisagées. Ce document préliminaire est généralement soumis à l'approbation de l'exécutif. Une fois approuvé, il est transmis aux responsables de la rédaction d'une première ébauche de législation.

L'élaboration d'un plan puis la rédaction d'un texte de loi dans le domaine du droit du travail peuvent s'avérer plus complexes, compte tenu de la diversité des acteurs en jeu et de l'intérêt du public pour cette loi. La prochaine section de ce chapitre porte sur les moyens employés par divers appareils juridiques pour faire participer les partenaires sociaux au processus de rédaction. Cette section traite ensuite de l'esprit de participation affiché par l'OIT dans le cadre des services consultatifs qu'elle fournit pour réformer le droit du travail.

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La participation du BIT au processus de rédaction : le projet et /ou le mandat du BIT

Tout processus comportant une collaboration de l'OIT doit commencer par une définition claire des buts et objets de la loi. Ce travail implique généralement des négociations avec le gouvernement qui sollicite l'aide de l'OIT, et nécessite la prise en compte des objectifs poursuivis par le gouvernement, qui doivent être compatibles avec les normes et principes fondamentaux de l'OIT. Doivent également être pris en compte les principes qui président à la participation de l'OIT à la réforme du droit du travail, notamment les principes et droits fondamentaux au travail et les normes internationales du travail (dans la mesure où ils se rapportent à la question traitée). Enfin, ce travail doit témoigner de l'attachement de l'OIT au tripartisme et à la recherche d'un dialogue social, ainsi que de certaines valeurs ou normes implicites dans lesquelles les participants locaux voient le fondement de leur tradition juridique.

En cas d'assistance technique extérieure, un document d'étude de l'OIT offre habituellement la possibilité de définir très tôt les buts et les objets, et d'établir les principes de l'OIT. Ce document permet aussi aux parties ‑ du moins aux agents du Ministère et, souvent, lorsqu'un groupe de travail a déjà été constitué, à l'ensemble des partenaires sociaux ‑ de discuter des principes et objets de la réforme et de s'entendre sur le processus avant qu'il ne soit enclenché. Dans le même but, on a besoin d'un cadre de référence clairement dessiné pour une coopération technique financée par l'OIT. Le processus ne peut évidemment être entièrement décidé à l'avance ; tout au long de la réforme, à mesure que des consultations ont lieu avec les intéressés ou si des changements politiques ou économiques importants se produisent, il pourra s'avérer nécessaire de revoir une partie des conditions initiales.

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La participation des organisations de travailleurs et d'employeurs, et des autres acteurs intéressés

Dans la plupart des systèmes juridiques, il incombe à l'exécutif de formuler et de proposer des lois, et à l'assemblée législative de les adopter. Cependant, dans le domaine des lois sociales en général, et du droit du travail en particulier, les intéressés (groupes particulièrement concernés par le contenu des lois proposées, en l'occurrence les associations de travailleurs et d'employeurs) peuvent prendre une part importante au processus de réforme du droit du travail. Cette participation se fait tantôt au travers d'organes tripartites permanents, tantôt au travers d'organes créés spécialement pour l'occasion, et tantôt dans le cadre de dispositifs plus informels.

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Les institutions formelles

  *      En Colombie, le Conseil central du travail est habilité à conseiller le gouvernement pour la rédaction de lois du travail, et à surveiller les changements apportés à la législation existante.2
  *     En Hongrie, le Code du travail de 1992 a officialisé l'existence du Conseil pour la conciliation nationale. Le Conseil représente les partenaires sociaux et le ministère du Travail. Il est chargé d'organiser des consultations sur les questions d'emploi et de relations du travail qui revêtent une importance nationale, notamment la réforme du droit du travail. La loi reconnaît également aux partenaires sociaux le droit à l'information. Par ailleurs, les décisions du Conseil peuvent constituer la base de recommandations adressées au ministère du Travail sur les taux de rémunération, qui peuvent être classées au rang des lois subordonnées (réglementations).3
  *     Au Portugal, le droit des associations de travailleurs de participer à la rédaction de la législation du travail est reconnu dans la Constitution,4 outre qu'il est régit par différentes lois.5
  *     En Afrique du Sud, le Conseil national du développement économique et du travail (NEDLAC) a été créé en 1995. Il témoigne de l'engagement pris par le gouvernement après la période d'apartheid de rechercher un consensus représentatif à propos des grandes politiques économiques, sociales et de développement. Compte tenu des besoins particuliers de l'Afrique du Sud, il se compose des partenaires sociaux traditionnels, plus d'organisations qui défendent les intérêts de la collectivité. Il a pour rôle d'étudier tous les projets de loi relatifs à la politique du marché du travail avant qu'ils soient présentés au Parlement. Il est parvenu à s'entendre sur un large éventail de lois (Loi de 1995 sur les relations de travail et révisions ultérieures, Loi de 1996 sur la santé et la sécurité des travailleurs des mines, révisions de la Loi sur l'insolvabilité pour la protection des travailleurs, Loi de 1997 sur les conditions fondamentales d'emploi, Loi de 1998 sur l'équité au travail). Il a également adopté plusieurs codes de pratique concernant, par exemple, les licenciements pour cause de problèmes d'exploitation et le harcèlement sexuel. Le NEDLAC a aussi recommandé au gouvernement de ratifier plusieurs conventions internationales du travail.6

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Les institutions ad hoc

Certains pays constituent des groupes de travail spéciaux ou des assemblées tripartites plus informelles pour permettre aux travailleurs et employeurs de participer aux travaux d'examen de lois sur le travail qui sont menés avec l'aide de l'OIT. La question de l'aide de l'OIT sera traitée ci‑après d'une manière plus détaillée, mais voici un exemple récent qui illustre bien tout l'intérêt des groupes de travail :

  *     En Indonésie, un groupe de travail dénommé "Tripartite‑Plus" a été créé en réaction aux retombées sociales de la crise financière asiatique et à l'effondrement d'un régime autoritaire en faveur d'une démocratisation du jeu politique.7 De larges consultations ont été engagées sous la forme d'ateliers organisés par le ministère de la Main‑d'œuvre, au cours desquels des conseillers de l'OIT ont souligné la nécessité, pour le pays, de gérer et contrôler les fruits de la réforme. Les participants du groupe tripartite ont revu les lois sur le travail pour s'assurer qu'elles soient adaptées à un marché du travail démocratique et moderne.8

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Les institutions régionales

Dans certains cas, la participation tripartite est favorisée par des dispositifs régionaux, qui peuvent être autant d'occasions d'envisager une réforme du droit du travail.
  
*     Dans les Caraïbes, le Marché commun des Caraïbes, ou CARICOM9est une institution qui permet aux ministres du Travail de la région de se réunir. Des représentants des travailleurs et employeurs assistent à ces réunions. Avec l'aide technique de l'OIT, une initiative originale a été lancée en vue de la rédaction de lois types sur divers aspects du travail qui intéressent les différents pays membres. A ce jour, des lois types ont été élaborées sur les sujets suivants : cessation d'emploi, immatriculation, statut et reconnaissance des syndicats et des organisations patronales, sécurité et santé au travail et conditions de travail, égalité des chances et de traitement en matière d'emploi et de profession. Un cinquième projet de loi, qui porte sur la protection des employés pendant un conflit de travail, est en cours de révision.

*      Au sein de la Communauté pour le développement de l'Afrique australe (SADC), les quatorze pays membres10 ont créé un Secteur tripartite pour l'emploi et le travail (ELS) qui a pour objectifs, entre autres, d'encourager la formulation et l'harmonisation de politiques et programmes juridiques, économiques et sociaux, de coordonner et uniformiser les conditions offertes aux travailleurs migrants, et d'harmoniser la loi et la pratique concernant l'inspection des usines. L'ELS permet d'inscrire dans un cadre institutionnel les consultations menées sur divers problèmes d'harmonisation dans le domaine du travail, y compris pour l'élaboration d'un Code sur la non‑discrimination à l'égard des personnes malades du VIH/sida au travail, d'un projet de Charte sur les droits fondamentaux des travailleurs et d'un projet de Code sur la sécurité d'emploi des produits chimiques.

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Le rôle du BIT dans le processus de réforme du droit du travail

L'aide technique apportée par l'OIT dans le domaine du droit du travail vise à stimuler la participation des partenaires sociaux d'un bout à l'autre du processus de réforme. Cette volonté témoigne de la place centrale que prennent, pour l'OIT, les principes de dialogue social et de tripartisme.11 Elle respecte également l'esprit de la Convention de 1976 sur les consultations tripartites (n° 144).

L'expert en droit international du travail est essentiel à un véritable tripartisme. Cette personne est reconnue non seulement pour ses solides connaissances sur diverses législations du travail, mais aussi pour sa grande aptitude à promouvoir la participation et la cohésion du groupe. Il importe que l'expert en droit international du travail demeure totalement indépendant des trois acteurs du processus de réforme.

L'expert en droit international du travail est habituellement un consultant de l'OIT, généralement issu du milieu universitaire, qui répond en dernier ressort devant l'OIT des recommandations qu'il formule. Ce peut aussi être un fonctionnaire en poste au siège de l'OIT dans le service chargé d'aider les Membres à revoir leur législation du travail, ou un représentant de cette unité technique en mission. Le statut de consultant ou de fonctionnaire de l'OIT donne à l'expert une certaine latitude envers les participants au processus de réforme, qui peuvent trouver un certain avantage à lui demander son avis sur des choix politiques concurrents. Cet expert, compétent pour comparer les différentes législations du travail et raisonnablement informé sur le pays ou la région en cause, est suffisamment détaché du contexte national pour fournir des conseils impartiaux et aider à trouver une solution qui soit acceptable pour tous ou presque.

Le mieux est que l'expert en droit international du travail rencontre les intéressés d'une manière isolée puis tous ensemble, au tout début du processus, pour avoir une bonne idée de ce qui les préoccupe et pour instaurer un climat de confiance. Cette prise de contact peut être facilitée par la création d'un groupe de travail tripartite (ou plus large) pour engager la réforme du droit du travail s'il n'existe pas encore d'organisme approprié à cette fin, qui pourra se composer des personnes indiquées plus bas (voir l'encadré 1). Le processus se déroulera d'autant mieux que des réunions seront organisées régulièrement pour maintenir l'impulsion donnée et entretenir la cohésion du groupe, et pour que les intéressés soient consultés du début à la fin.

Composition du Groupe de travail (à titre permanent ou ponctuel)

Le Groupe de travail doit comprendre, au minimum :

  • des représentants du ministère du Travail, dont :
    • un haut fonctionnaire
    • des spécialistes du droit du travail
    • ponctuellement des spécialistes de questions particulières
  • des représentants de grandes associations de travailleurs et d'employeurs, à parts égales

Le Groupe de travail peut aussi comprendre, si besoin est :

  • des représentants du ministère de la Justice
  • un représentant d'un organe judiciaire indépendant (Commission de réforme du droit, Médiateur, etc.)
  • des représentants d'autres ministères concernés - Finances, Economie, Condition féminine, etc.
  • des représentants d'organisations de la société civile qui jouent un rôle important en matière de travail (compte tenu des souhaits manifestés par les partenaires sociaux traditionnels en vue d'une telle participation) :
    • associations ou organisations religieuses représentant des travailleurs marginalisés (enfants, gens de maison, travailleurs à domicile, groupes féministes)
    • groupes de consommateurs
    • chambres du commerce, associations d'exportateurs
    • membres respectés d'un ordre de magistrats spécialisés dans le droit du travail
  • des universitaires spécialisés dans le droit du travail ou dans des domaines complémentaires (comme le droit des entreprises), particulièrement utiles lorsque leurs compétences sont complémentaires de celles de l'expert national.

Il peut cependant arriver que l'on convienne d'un dispositif différent avec le gouvernement : une première ébauche, par exemple, pourra être préparée par l'expert puis discutée avec le gouvernement, avant de faire l'objet d'une large consultation avec les partenaires sociaux (et, éventuellement, d'autres acteurs clés du processus) et d'être révisée à la lumière de leurs observations. Il est capital de prendre en compte le contexte national pour arrêter les modalités des consultations, mais il devra s'agir de consultations tripartites à part entière.

La participation des représentants des travailleurs et employeurs et de toutes les autres parties intéressées doit aider à faire en sorte que la législation proposée intègre totalement les réalités du contexte national et soit suffisamment adaptée aux besoins et à la situation du pays.

L'intervention des services techniques au siège de l'OIT sera recherchée pendant tout le processus à des degrés qui varieront en fonction de la région. L'OIT émettra notamment des commentaires sur le projet de législation, dans le but de s'assurer simultanément:

Il importe que ces commentaires contribuent à l'effort de tripartisme, en permettant à l'expert de l'OIT et au groupe de travail de se rencontrer et d'examiner la première ébauche de texte à la lumière des observations du siège.

Par ailleurs, l'OIT pourra éventuellement intervenir dans le processus après que le projet de législation aura été préparé et commenté :

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Le lien avec la législation existante

Toute nouvelle loi doit être rédigée dans le respect du cadre juridique existant. L'intégrer au cadre juridique existant signifie que les dispositions qu'elle contient doivent être compatibles avec les dispositions pertinentes de la législation en place et ne pas modifier l'esprit de cette dernière. Pour que la loi proposée soit compatible avec le cadre effectif dans lequel elle est appelée à fonctionner, il importe de vérifier si elle sera acceptable par les divers acteurs qu'elle intéresse et si elle pourra être appliquée dans la pratique.

L'idéal serait que le droit du travail consiste en un ensemble harmonieux de règles (énoncées dans la législation et élaborées par le pouvoir judiciaire) qui repose sur un certain nombre d'idées et de principes fondamentaux, dont ceux qui suivent :

Pour aboutir à ce résultat :

*     La loi proposée doit être compatible avec les idées et principes fondamentaux sur lesquels repose le droit du travail du pays, sauf s'ils font l'objet d'une remise en question et d'une modification.
      
*     Si, dans certains pays, ces idées et principes fondamentaux sont clairement énoncés dans la législation, ailleurs il n'est possible de les établir qu'indirectement après une analyse de l'objet de la législation du travail existante, selon laquelle un texte législatif "se conçoit comme un plan directeur, et il s'agit d'expliquer principalement non pas tant le sens du texte que les motifs de sa promulgation et les orientations qu'il donne"12. Par conséquent, une telle analyse pourra également exiger un examen approfondi des pratiques juridiques. A cet égard, la documentation produite sur le sujet peut aussi être d'une aide importante.

S'il n'est pas prévu de modifier le droit du travail, la loi proposée doit être compatible, dans la lettre, avec la législation en place. Globalement parlant, cette compatibilité doit être double et porter à la fois sur le fond et la forme. Une compatibilité de fond signifie que la loi proposée doit être élaborée de telle manière que ces dispositions ne se substituent pas involontairement à des dispositions applicables de la législation du travail existante. Une compatibilité de forme présuppose que la loi proposée soit structurée et rédigée en harmonie avec les normes en vigueur dans le pays concerné, à moins qu'il soit prévu, là encore, de modifier lesdites normes. Par conséquent :

*     Dans la mesure où il n'est pas prévu de réviser les dispositions applicables de la législation du travail existante, il doit y avoir compatibilité de fond entre la loi proposée et lesdites dispositions.

*     Dans la mesure où il n'est pas prévu de modifier la législation existante, il doit y avoir compatibilité de forme entre la loi proposée et ladite législation.

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L’application de la loi

Tout travail de rédaction d'une loi repose sur l'hypothèse selon laquelle le texte en préparation sera appliqué dans les faits et, autrement dit, l'esprit de la loi se traduira par des actes. C'est pourquoi il est important d'évaluer l'applicabilité du texte proposé, du point de vue réglementaire, ce qui exige une analyse des coûts et avantages, et du point de vue de la faisabilité administrative.

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L’efficacité de la réglementation : une analyse des coûts et des avantages

Une loi trop souple ou trop rigide peut avoir des effets pernicieux dans la pratique, notamment lorsque le problème à régler comporte à la fois une dimension sociale et une dimension économique. La rédaction d'une loi sur le travail pose toujours, ou presque, un dilemme entre la protection sociale et l'efficacité économique. Si un manque de réglementation peut se traduire par une protection sociale insuffisante, un excès de réglementation peut, à l'inverse, nuire à l'efficacité économique. Il convient donc de trouver un juste équilibre entre ces deux objectifs.

Pour cela, il est important d'évaluer les coûts et les avantages à attendre de la mise en œuvre de la nouvelle loi. Ces coûts et avantages doivent être reconnus et appréciés avec soin. Leur analyse doit prendre en compte les répercussions des nouvelles mesures de protection non seulement sur les travailleurs et les entreprises concernés, mais aussi sur l'économie et la société en général, à court terme aussi bien qu'à long terme. Il pourra être relativement facile, par exemple, de calculer le coût des nouvelles mesures de protection à court terme, mais moins facile d'en déterminer, à long terme, les avantages éventuels (amélioration des relations de travail et de la productivité) ainsi que le coût que la société aurait à supporter si les mesures édictées n'étaient pas prises. De même, il importe de considérer le coût à long terme pour la compétitivité des entreprises. L'analyse des coûts et avantages d'une loi est un travail qui n'entre pas, à proprement parler, dans les attributions du rédacteur, mais il convient que celui-ci collabore avec les autorités compétentes pour réaliser ce travail, même s'il ne peut être effectué que d'une manière très imprécise.

*     Si la loi proposée laisse prévoir, sur le plan social ou économique, des coûts ou des avantages importants, ces derniers devront faire l'objet d'une analyse de probabilité.

*     L'analyse des coûts et des avantages devra prendre en compte les répercussions attendues de la loi à court et à long terme, ainsi que ses retombées sur les travailleurs et les entreprises et sur l'économie et la société en général.

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La mise en œuvre effective : le cadre institutionnel approprié

Lorsqu'on analyse le sens de la loi proposée, il importe aussi de voir si elle pourra être convenablement administrée. Une vérification de sa faisabilité administrative doit aboutir à la conclusion que les conditions suivantes sont respectées :

Tous ces éléments sont importants et constituent des conditions préalables essentielles à une bonne application de la loi proposée. Si l'un d'entre eux fait défaut ou présente des lacunes, il y aura lieu d'envisager des mesures appropriées pour qu'un cadre administratif suffisant soit en place, ou d'adapter l'esprit de la loi proposée aux circonstances. Par conséquent :

*     Si la faisabilité administrative de la loi proposée est sujette à caution, il convient d'en discuter avec les auteurs du projet de loi et de mettre sur pied une stratégie pour remédier au problème.

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La structure

Cadre de la nouvelle loi. Une fois examiné l'objet de la loi proposée se pose le problème de son agencement. A ce stade, il s'agit de faire un "tour d'horizon" du sujet de la loi proposée et des éléments normatifs à y inclure afin de la structurer d'une façon qui la rende compréhensible par le public visé et qui en garantisse la bonne application. A cette fin :

*     Les points sur lesquels la loi proposée est censée porter doivent être structurés d'une manière qui respecte le rapport logique existant entre les dispositions relatives au sujet traité et qui en facilite la compréhension par les personnes appelées à les appliquer.

*     Sur la base de cette structure devra être élaboré un plan ou un cadre préliminaire:
     
*     en accord avec l'esprit de la loi proposée ;
*     compatible avec les techniques de rédaction officiellement employées dans le pays concerné ;
*     simple et compréhensible, dans la mesure où son contenu le permettra ;
*     qui devra être discuté avec les participants au processus de rédaction ou les personnes consultées à cette occasion.
    
*  Un tel cadre, fourni à titre indicatif, devra permettre aux intéressés de voir la structure de la loi proposée, de déterminer l'ordre dans lequel le texte en sera rédigé, et de produire un canevas plus détaillé, en adaptant ce cadre aux circonstances ou aux problèmes qui pourront apparaître pendant le travail de rédaction.

Modification de la législation existante. Toute nouvelle loi est modificatrice ou non modificatrice d'une loi existante.13 Rédiger une loi non modificatrice signifie produire un texte sur un sujet qui n'a encore fait l'objet d'aucune loi, et rédiger une loi modificatrice signifie produire un texte sur un sujet déjà couvert par la législation en place. Ce deuxième cas est le plus fréquent lorsqu'il s'agit du droit du travail. Selon l'effet que l'on souhaite obtenir sur la législation en vigueur, les modifications qu'on lui apporte prennent habituellement les formes suivantes :

A chaque type de loi modificatrice correspond un agencement différent. Si l'agencement d'une loi ayant pour objet de supprimer et remplacer les dispositions d'une loi existante ou d'y insérer de nouvelles dispositions présente un caractère assez technique et ne laisse pas une grande liberté au rédacteur, en revanche l'agencement d'une loi ayant pour objet d'abroger et de remplacer une loi en vigueur laisse plus de latitude au rédacteur. L'agencement d'une loi conçue pour modifier indirectement un texte existant et pour être interprétée en parallèle avec ce texte exige évidemment la plus grande cohérence avec le contenu de la loi modifiée. Indépendamment de ces différentes possibilités, la loi modificatrice doit être élaborée au regard du texte modifié et du pays qui la produit. Par conséquent :

*     L'agencement d'une loi modificatrice doit être compatible avec l'agencement de la loi modifiée et d'autres lois pertinentes, pour que la compréhension en soit facilitée, sauf si un changement d'agencement la rendrait plus compréhensible.

   Lorsque le texte proposé oblige à modifier plusieurs lois :

*     Un texte distinct peut être rédigé pour chaque loi modifiée.

*     On pourra rédiger un texte contenant les modifications apportées à toutes les lois touchées si l'objet et la nature des changements prévus le permettent, auquel cas les nouvelles dispositions relatives aux différentes lois modifiées devront être regroupées dans des parties distinctes du texte proposé.

Si la loi modificatrice proposée apporte aussi des changements à un nombre important de dispositions de plusieurs lois, ces modifications pourront être réunies dans une annexe de la nouvelle loi.14.

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L’utilisation du droit comparé

Au moment de rédiger un texte de loi, il est important d'examiner la façon dont d'autres pays (ou d'autres institutions d'un Etat fédéral) ont légiféré dans le domaine considéré). Non seulement le travail d'analyse préalable et d'élaboration peut en être facilité, mais ce peut être aussi un moyen pour le rédacteur d'être beaucoup mieux informé sur des solutions et des pratiques de rédaction qui ont fait leurs preuves. Pour obtenir de bons résultats, on aura avantage à suivre les recommandations suivantes :

*     Effectuer une analyse comparative de diverses législations, notamment de pays ayant des traditions juridiques semblables.

*     Apporter une attention particulière aux législations qui se révèlent (dans différents textes et dans la pratique) des exemples à imiter.

*     Adapter soigneusement à l'agencement, à la langue et à la forme de la loi proposée les idées ou modèles tirés de l'analyse comparative.

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Le lien avec les autres lois pertinentes

Si la loi proposée portant sur un sujet donné exige de prendre une disposition sur un point déjà convenablement traité dans une autre loi relative à un autre sujet, la question se pose de savoir comment procéder. Plusieurs formules sont possibles, en fonction de la nature du problème. On pourra, par exemple:

Ces techniques sont habituellement justifiées par des considérations pratiques, mais leur utilisation présente à la fois des avantages et des inconvénients. Les partisans de ces techniques mettent l'accent sur le fait qu'elles contribuent à renforcer l'uniformité et la cohérence de la législation, allègent le travail du législateur et limitent les répétitions inutiles, outre qu'elles permettent d'économiser du temps et des ressources. Leurs adversaires reprochent à ces techniques de compliquer à l'excès la structure d'une loi et de la rendre moins accessible et moins compréhensible pour les personnes chargées de son application.15

Dans le domaine du travail, la législation sera d'autant mieux connue et comprise qu'elle consistera en des textes qui seront le plus complets et le plus intégrés possible, sous la forme d'un code du travail unique ou d'un nombre limité de lois traitant chacune d'une branche entière du droit du travail (conditions d'emploi, relations de travail, sécurité et hygiène, etc.). De ce point de vue, les textes trop fragmentaires sont à proscrire. Des renvois peuvent être utiles, par exemple, entre une loi sur les relations de travail et une loi sur l'emploi. Si la question d'un licenciement injustifié se pose, par exemple, aux termes d'une loi sur les relations de travail, cette dernière pourra faire référence, selon des modalités appropriées, aux dispositions sur le sujet qui figurent dans la loi sur l'emploi pour apporter une solution au problème.

*     Ne faire des renvois à d'autres textes que pour permettre une meilleure compréhension de la loi par les personnes chargées de l'appliquer.

*     Indiquer avec précision à quelle loi on fait référence.

*     Vérifier attentivement que la loi citée ait un rapport avec les cas auxquels la loi proposée est censée s'appliquer.

*     S'assurer qu'il existe une correspondance de fond, de langue et de forme entre la loi proposée et celle à laquelle elle renvoie.

*     Au besoin, préciser  brièvement (entre parenthèses) la teneur du texte de loi cité en référence.

Exemple:

"conformément à l'article 117 de la Loi de 1996 sur les droits en matière d'emploi (réparation du préjudice), ou..."


1.  Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes 3d ed (Toronto: Butterworths, 1994), p. 46.

2.  Source  : Trebilcock, Social Dialogue, page 21.

3. Source : Trebilcock, Social Dialogue, page. 15 & L. Héthy, Hungary:  Social Dialogue Within and Outside of the Framework of Tripartism, unpublished paper prepared for the In Focus Programme on Social Dialogue, December 1999.

4.  Source : Observatoire européen des relations industrielles, Update 6'98, page 13.

5.  Source : EIRO, ibid, Loi 16/79 du 26 mai 1979.

6.   NEDLAC

7.  Décret  n° 07 du ministre de la Main-d'œuvre, 1999

8.  OIT, Demystifying the Core Conventions of the ILO Through Social Dialogue: The Indonesian Experience (Jakartha: 1999).

9.  Sont membres du CARICOM les Etats suivants : Antigua et Barbuda, Bahamas, Barbade, Belize, Dominique, Grenade, Guyana, Jamaïque, Montserrat, St. Kitts et Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et Grenadines, Suriname, Trinité et Tobago.

10.  Afrique du Sud, Angola, Botswana, République démocratique du Congo, Lesotho, Malawi, Maurice, Mozambique, Namibie, Seychelles, Swaziland, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe.

11.   Travail décent

12.   Dridger on the Construction of Statutes. Third Edition by Ruth Sullivan. Butterworths. Toronto and Vancouver, 1994, p. 35.

13.  Les techniques employées pour rédiger le texte d'une loi modificatrice sont traitées, selon le cas, aux chapitres. ci-après avec les techniques générales de rédaction.

14.  Concernant les annexes, voir les pages.... ci-après.

15. Pour plus de détails, voir, par exemple, G. C. Thornton, op. cit., p. 168-173.



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