Processus de Ouagadougou et le Pacte pour l'emploi: une feuille de route panafricaine

Actualité | 10 février 2010

Le premier Colloque africain sur le travail décent «Surmonter la crise: la mise en œuvre du Pacte mondial pour l’emploi en Afrique», organisé à Ouagadougou, au Burkina Faso, les 1er et 2 décembre 2009, était centré sur la recherches de solutions en faveur d’une reprise durable. Le Pacte pour l’emploi – adopté par les mandants de l’OIT et soutenu par des instances mondiales (ECOSOC, G20) ainsi que par l’Union africaine – propose un ensemble de mesures pratiques pour réduire le chômage et favoriser le développement durable.

Les chefs d’État du Burkina Faso, de la Cote d’Ivoire, du Sénégal et du Togo, ainsi que des membres de gouvernements africains, des représentants d’employeurs et de travailleurs, des institutions régionales et bilatérales et des partenaires multilatéraux de développement ont fait l’inventaire des mesures prises jusqu’à présent et ont établi une feuille de route panafricaine afin de mettre en œuvre le Pacte mondial pour l’emploi, grâce à des mesures spécifiques par pays conçues pour les mandants tripartites africains de l’OIT.

Les syndicats et les organisations d’employeurs de l’ensemble du continent se sont également mis d’accord sur une Déclaration commune qui engage leurs fédérations membres à une mobilisation concertée en faveur du Pacte mondial pour l’emploi de l’OIT.

Le colloque se déroule à un moment important du processus de révision des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), car la prochaine assemblée générale 2010 des Nations Unies commence à examiner les progrès effectués sur le chemin de la réalisation des OMD, cinq ans à peine avant l’échéance de 2015. Dans ce contexte, le Pacte mondial pour l’emploi se révèle être un outil essentiel pour les décideurs politiques du monde entier en matière d’objectifs fixés à l’emploi, car il est axé sur les besoins fondamentaux des travailleurs: un emploi décent et une protection sociale pour tous.

Défis africains: croissance durable et consommation

Les défis auxquels le continent africain est confronté demeurent entiers, amplifiés par la crise. “Une croissance et une consommation plus durables en Afrique constituent un défi pour l’Afrique”, a déclaré Juan Somavia, directeur général du BIT. Le Pacte pour l’emploi aide les pays à les relever mieux et d’une manière plus durable.

Bien que l’impact direct de la crise financière en Afrique ait été plus sérieux pour les pays dont l’intégration financière est plus poussée, la récession économique s’est rapidement étendue, sous la forme d’un déclin des exportations, des envois de fonds des travailleurs migrants, du tourisme, de l’investissement étranger direct et de l’aide officielle au développement.

Le Pacte de l’OIT appelle les gouvernements à s’assurer que les droits fondamentaux au travail et la mise en œuvre des normes internationales du travail ne soient pas remis en question par les effets de la crise. Relever la qualité du travail, la productivité des emplois et la condition sociale des travailleurs dans les contextes informels doivent par conséquent devenir une priorité, en particulier en Afrique, où l’économie informelle demeure prédominante.

Créer des emplois est la voie à suivre

Un retard ne peut que mettre en danger la réalisation des OMD en 2015. La perspective d’une reprise sans création d’emplois est inquiétante, en particulier dans les pays sans socle de protection sociale suffisante. Juan Somavia, directeur général du BIT, a averti les participants des dangers d’excès de confiance à mesure que des signes de reprise se manifestent. “Nous voilà de retour pour donner au Pacte mondial pour l’emploi une dimension africaine... À l’OIT notre message est clair: tant qu’il n’y aura pas de reprise durable de l’emploi, ici en Afrique et dans le monde, nous ne serons pas sortis de cette crise,” a-t-il ajouté. En Afrique, les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) sont les moteurs de la création d’emplois, mais elles sont nombreuses à se heurter aux obstacles à la croissance que sont l’accès au crédit à long et court termes et aux marchés publics, et les structures financières et managériales défaillantes. Les MPME dirigées par des femmes s’avèrent plus solides et plus durables, aux niveaux économique, environnemental et social. Soutenir les MPME, les promouvoir et y investir, notamment dans les secteurs de l’agriculture et des TI, ouvre un éventail d’opportunités que l’Afrique ne peut se permettre de manquer. Mais une véritable reprise en Afrique ne sera possible que lorsque le continent aura surmonté les problèmes nombreux et endémiques qui existaient avant la crise économique.

Le président Blaise Compaoré du Burkina Faso a rappelé que la crise constituait une chance de dynamiser l’emploi et la croissance économique en renforçant le dialogue social et l’intégration régionale, et en augmentant la capacité de production, notamment le traitement des matières premières. Il a ajouté que l’application du Pacte mondial pour l’emploi, en s’appuyant sur l’Agenda pour le travail décent, était urgente pour combattre la pauvreté et promouvoir les entreprises durables et les emplois en Afrique. Le Burkina a connu un net recul de la croissance de son PNB à 3% en 2009 par rapport à 5% en 2008 et une aggravation de son déficit public. En s’appuyant sur le Pacte, le pays a réorganisé son marché du travail en donnant la priorité à un socle de sécurité sociale qui comprend des plans en faveur de l’introduction d’un régime d’assurance santé.

Favoriser le dialogue social en réponse à la crise

Des expériences passées - Argentine 2001/2002, Asie 1997/1999 - démontrent que les gouvernements doivent s’attaquer aux causes et conséquences des principales crises internationales par des mesures multilatérales comme nationales. Les pays familiarisés au partenariat social et qui possèdent des institutions de dialogue social bien établies sont plus susceptibles de formuler des réponses tripartites rapides et effectives aux difficultés dues à la récession.

Ce fut le cas dans plusieurs pays du continent. En Afrique du Sud, NEDLAC, un groupe de travail tripartite en partenariat avec la présidence, créé dans le cadre de la “Réponse sud-africaine à la crise économique internationale”, à mettre en œuvre et à orienter grâce à des plans d’action et à cinq équipes de projet. Dans la province du Katanga, en République démocratique du Congo, le gouvernement local a joué un rôle de médiateur entre les compagnies minières et les syndicats, afin d’éviter des licenciements collectifs grâce à un accord de modération salariale. Le gouvernement kényan a réuni un groupe de travail tripartite pour répondre à la crise de l’emploi. Le Nigéria a adopté la “Déclaration d’Abuja pour relever les défis de l’emploi nés de la crise économique et financière mondiale” et a créé le Conseil consultatif national du travail (NLAC en anglais) en août 2009.

Des participants ont souligné l’énorme potentiel des mécanismes de dialogue social pour aider les États membres à faire face aux défis sociaux et économiques complexes, tels les déséquilibres sur le marché du travail et les réformes de la sécurité sociale qui vont de pair. Le panel de haut niveau réuni à Ouagadougou a appelé à un renforcement du dialogue social débouchant sur des résultats qui profitent à tous les segments de la main d’œuvre et de la société au sens large.

Les pays africains peuvent-ils adopter une protection sociale de base pour tous?

La construction d’un socle de protection sociale pour tous est en cours dans plusieurs pays africains; les évolutions sont prometteuses au Burkina Faso et au Mozambique. La protection sociale est un concept politique mondial et cohérent, qui assure la promotion des stratégies nationales en faveur d’un niveau d’accès minimal aux services essentiels et à un revenu de base pour les personnes âgées, les soutiens de famille, les handicapés et les chômeurs, ainsi qu’une couverture médicale de base. L’identification de ressources en vue d’une protection sociale stable exige une volonté politique affirmée pour utiliser ou étendre les marges fiscales existantes.

Faisant suite à une proposition précédente avancée par la 11e Réunion africaine (Addis Abeba, 2007), des délégués au colloque de Ouagadougou ont soutenu la création d’un forum permanent sur l’emploi, destiné à partager et à étendre les exemples de bonnes pratiques aux défis lancés à l’Afrique et à veiller à ce que l’ensemble des mesures de l’Agenda du travail décent soient respectées malgré les effets de la crise.

Les recommandations finales du colloque soulignent le besoin d’une information fiable sur le marché du travail (pertes d’emploi, chômage, sous-emploi, économie informelle, travailleurs migrants, fuite des cerveaux, productivité du travail, salaires, compétences, formation). La capacité de l’OIT à fournir et à diffuser ces informations demeure cruciale sur le marché du travail. Des participants au colloque ont exprimé la nécessité de faciliter l’accès à une information précise sur les questions relatives au travail et appelé à une amélioration des services publics de l’emploi, qui sont très précaires dans la majorité des pays africains et inexistants dans d’autres.

Prochaines étapes

Le Rapport du colloque 2009 de Ouagadougou sur le travail décent sera publié et fera l’objet d’un suivi lors du prochain conseil d’administration du BIT (mars 2010). Le résultat fera office de rapport de base sur l’OMD Emploi lors de l’Assemblée générale 2010 des Nations Unes qui examinera les OMD et donnera l’occasion à l’Afrique de prendre connaissance des contraintes politiques mondiales qui ont rendu difficile la réalisation les Objectifs du millénaire pour le développement.

Pour des informations complètes sur le premier Colloque africain sur le travail décent et la mise en œuvre du Pacte mondial pour l’emploi en Afrique, consultez:

Déclaration des partenaires sociaux Ouagadougou 2009 (Français)

Pour plus d’informations sur le Pacte mondial pour l’emploi de l’OIT, écrivez à jobspact@ilo.org