Journée mondiale contre le travail des enfants 2017

"Travaillons ensemble à mettre un terme au travail des enfants, attaquons-nous à ses causes, venons en aide à ses victimes, notamment aux enfants pris au piège des conflits armés"

Déclaration | 12 juin 2017



Déclaration

(par M. Abbas Ahmad Assi*)

M. Guy Ryder, mesdames et messieurs,

C’est pour moi, Abbas Assi, un honneur d’être devant vous aujourd’hui en tant que représentant des enfants qui travaillent et militant pour leur cause.

J’ai une longue histoire derrière moi, et je ne pensais pas avoir l’opportunité ou le courage de la raconter un jour. Et pourtant, après m’être exprimé via le “Podium pour les enfants qui travaillent” organisé au Liban, je suis ici aujourd’hui.

Jusqu’à mes dix ans, je suis allé à l’école, j’ai joué avec mes amis et je me suis amusé. Et puis mon enfance s’est transformée en un marteau et un burin, qui ont porté un sale coup à mes rêves, et en un patron irrité qui nous faisait travailler 24h sur 24.

Tout a commencé avec la guerre de 2006 au Liban, qui m’a pris mon oncle, mon grand-père et ma grand-mère. Ces malheurs ont affecté la santé de mon père, qui ne pouvait plus travailler autant qu’avant pour subvenir aux besoins des siens.

J’ai donc commencé à l’aider en réparant des installations électriques et en tirant des câbles après l’école, pendant le week-end et les vacances. Mais sa santé s’est dégradée et j’ai bientôt eu la charge de nourrir ma famille. J’ai commencé à travailler dans un atelier avec un homme dont je ne connaissais rien.

Comme je ne pouvais plus aller à l’école sur une base régulière, j’avais du mal à suivre. Un jour, mon patron m’a ordonné de laisser tomber l’école et de travailler pour lui à temps plein. J’entendais beaucoup de voix en moi, mais la voix de l’espoir, qui a failli s’éteindre a fini par s’élever au plus haut, et ce notamment grâce à ma mère, une personne formidable, qui a toujours cru en mon éducation.

A cette période difficile, M. Ryder, la structure que vous êtes allé voir à Beqaa, affiliée à l’association BEYOND et soutenue par l’OIT et le ministère du Travail, m’a tendu la main. J’avais 15 ans: ils m’ont beaucoup aidé à m’affirmer dans mes choix et dans ma capacité à prendre des décisions, si bien que j’ai réussi à convaincre mon patron de me laisser retourner à l’école. C’est comme ça que je suis retourné à l’école, et à mes rêves.

Quel bonheur ! Le bruit du marteau et du burin s’est éloigné de moi, j’ai arrêté de me mettre en danger en faisant des travaux d’électricité et, à la place, j’ai commencé à donner des cours particuliers à des enfants.

Aujourd’hui, mesdames et messieurs,

J’étudie à l’université la gestion informatique, le droit et les droits de l’homme. J’ai choisi ces filières dans l’espoir de pouvoir défendre les droits de ne serait-ce qu’un seul enfant.

Mais j’ai récemment pris conscience d’autre chose. Avec toutes les guerres qui nous entourent, le problème n’est plus seulement celui du travail des enfants mais celui de leur survie.

M. Ryder, mesdames et messieurs,

J’aide aujourd’hui les réfugiés victimes du travail des enfants qui arrivent au Liban. Je n’ai pas eu une enfance facile mais les enfants qui vivent dans des situations d’urgence et de crise connaissent bien pire.

Quelle ironie: alors que nous entendons de plus en plus parler de paix et de droits des enfants, les guerres et les conflits se multiplient, forçant les enfants à travailler pour survivre parfois dans des formes de travail très dangereuses. Quand certains sont forcés à prendre les armes, d’autres sont victimes de patrons «gangsters» qui les font travailler dans des conditions proches de l’esclavage.

Les terrains de jeu ne voient plus aucun enfant venir y jouer ou s’amuser. Ils sont devenus des champs de bataille dans un monde où les enfants sont les esclaves de la peur et du danger et s’abîment le corps, le coeur et l’esprit.

Et je ne parle pas des millions de personnes qui ont fui leur maison, y compris les enfants comme moi, laissant derrière eux leurs rêves, leurs espoirs, leur dignité, leur vie somme toute !

Travaillons ensemble à mettre un terme au travail des enfants, attaquons-nous à ses causes, venons en aide à ses victimes, notamment aux enfants pris au piège des conflits armés, qui affectent si durement les enfants et leurs communautés. Au regard du thème de cette Journée mondiale 2017, j’espère de tout coeur voir cette forme de travail des enfants disparaître rapidement et voir les principes humanitaires, notamment ceux de votre honorable organisation, s’affirmer.

Merci enfin de m’avoir donné cette occasion unique d’exprimer au monde entier ce que j’ai sur le coeur depuis toujours.

Merci. Dieu vous garde.


* M. Abbas Ahmad Assi est un étudiant qui suit un double cursus en Droits de l’homme et management. Il est bénévole et apporte son soutien et son aide pour le retrait des enfants réfugiés et déplacés, originaires entre autres de Syrie et de Palestine, du travail des enfants. Lors de son enfance, il a été exposé à une des formes de travail des enfants les plus dangereuses: il tirait des câbles électriques et réparait des installations électriques. Il a dû faire face aux terribles conflits du Liban et a été déplacé avec sa famille. À l’âge de 15 ans, avec le soutien du ministère du Travail et d’une organisation partenaire de l’OIT, l’ONG Beyond, il est retourné à l’école et il a commencé à enseigner à de plus jeunes enfants.