Dialogue social et travail des enfants

L'objectif principal du dialogue social est d'encourager le renforcement du consensus et la participation démocratique des parties prenantes du monde du travail. La législation du travail, les relations professionnelles et le dialogue social se trouvent au cœur de l’organisation économique et sociale des États membres de l’OIT. Depuis sa mise en place, le dialogue social a servi de lien transversal à l’action de l’OIT et a été son mandat constitutionnel. La Déclaration en rapport avec les buts et objectifs de l’Organisation internationale du Travail (Déclaration de Philadelphie) défend «la reconnaissance effective du droit de négociation collective et la coopération des employeurs et de la main-d'oeuvre pour l'amélioration continue de l'organisation de la production, ainsi que la collaboration des travailleurs et des employeurs à l'élaboration et à l'application de la politique sociale et économique».
 
Des relations professionnelles saines et un dialogue social efficace permettent de favoriser l’obtention de meilleurs salaires et des conditions de travail plus favorables ainsi que la tranquillité et la justice sociale. En tant qu’instruments de bonne gouvernance, ces facteurs favorisent la coopération et des bons résultats économiques, ils confortent la tranquillité sociale et professionnelle en apportant des solutions négociées aux défis économiques et sociaux importants et stimulent la stabilité et le progrès économique, aidant ainsi à créer un environnement propice à la réalisation de l’objectif du travail décent. La «Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable» (2009) souligne que «le dialogue social et la pratique du tripartisme entre les gouvernements et les organisations représentatives de travailleurs et d’employeurs aux plans national et international sont, aujourd’hui, encore plus pertinents pour parvenir à des solutions et pour renforcer la cohésion sociale et l’État de droit, entre autres moyens par le biais des normes internationales du travail». De son côté, le Pacte mondial pour l’emploi adopté par la Conférence international du Travail de 2010 indique que «le dialogue social est un mécanisme précieux pour la conception de politiques adaptées aux priorités nationales. En outre, il permet d’asseoir sur des bases solides la détermination des employeurs et des travailleurs à mener avec les gouvernements l’action commune requise pour surmonter la crise dans l’optique d’une reprise durable. Mené à terme avec succès, le dialogue social est un gage de confiance dans les résultats obtenus».
 
Le dialogue social tel qu’il est défini par l’OIT comprend tout type de négociation, consultation ou échange d’informations entre les représentants des gouvernements, les employeurs et les travailleurs sur des questions en rapport avec des politiques économiques et sociales, y compris le travail des enfants, et avec les conditions de travail et d’emploi. Il peut exister en tant qu'initiative tripartite en intégrant le gouvernement comme partie officielle du dialogue, par exemple dans le cadre de l’élaboration de politiques publiques, y compris les plans d’actions nationaux sur le travail des enfants ou la liste des travaux dangereux. Il peut aussi se manifester par des relations bipartites entre les syndicats et la direction (ou des organisations syndicales et des organisations d’employeurs) ; le dialogue peut être informel ou institutionnalisé, étant d'ailleurs souvent un mélange de ces deux éléments. Il peut avoir lieu au niveau mondial, régional, national, sectoriel, de l’entreprise ou du lieu de travail.
 

Les conditions propices au dialogue social

Afin de faciliter la mise en oeuvre du dialogue social, les éléments suivants doivent être présents:
  • des organisations de travailleurs et d’employeurs fortes, indépendantes, disposant de la capacité technique et de l’accès aux informations pertinentes afin de participer au dialogue social ;
  • la volonté et l’engagement politique de toutes les parties à se prendre part au le dialogue social ;
  • le respect des droits fondamentaux de la liberté syndicale et de la négociation collective ; et
  • un soutien institutionnel approprié.

Le rôle de l’État

Pour que le dialogue social contribue à l’abolition du travail des enfants, l’État ne doit pas rester passif lors des relations bipartites entre les employeurs et les syndicats. Il est de sa responsabilité de créer un climat politique et civil stable qui permette aux organisations autonomes d’employeurs et de travailleurs d’agir librement, sans ingérence ou crainte d’éventuelles représailles. Même lorsque les rapports dominants sont formellement bipartites, le rôle de l’État est de fournir un soutien fondamental pendant toute la durée du processus par l’établissement de cadres juridiques, institutionnels et autres qui permettent aux parties de promouvoir efficacement le travail décent et l’abolition du travail des enfants.
 

Le rôle des organisations d’employeurs et de travailleurs

Les organisations d’employeurs et de travailleurs ont été les pionniers de la promotion des normes internationales du travail, y compris celles concernant l'interdiction du travail des enfants. La collaboration des employeurs est cruciale dans la lutte contre le travail des enfants car ceux-ci peuvent garantir qu’aucun enfant ne travaille dans leurs entreprises. Ils peuvent aussi intervenir auprès de ceux qui engagent des enfants, s’agissant souvent de petites entreprises appartenant à l’économie informelle. En outre, les organisations d’employeurs disposent des capacités nécessaires pour apporter leur soutien à la collecte de données sur la proportion du travail des enfants existant dans plusieurs secteurs; ils peuvent aussi influencer l'élaboration de politiques nationales appropriées à l’abolition du travail des enfants et s’allier aux syndicats et ONG dans la conception de réponses pertinentes, notamment la formation professionnelle et de compétences pour les enfants qui travaillent ; enfin, ils peuvent sensibiliser le public sur l'injustice que représente le travail des enfants et les droits des enfants. Les effets de l’action des organisations d’employeurs ne se limitent pas au niveau national. Ils agissent également au niveau international, par l’intermédiaire de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), en soutenant les efforts visant à éliminer le travail des enfants à travers différentes mesures de renforcement des capacités, y compris l'élaboration de lignes directrices pour l’action à mener.

Ce sont les organisations de travailleurs qui, dans les années 1860 furent les premières à interpeller l’opinion publique sur la nécessite de mener des campagnes de lutte contre le travail des enfants. Le travail des enfants reste un affront pour la réalisation des objectifs syndicaux universels. En tant qu'organisations représentant de nombreux membres, les syndicats unissent leurs efforts pour éliminer le travail des enfants. La négociation collective, en tant que partie intégrante du dialogue social, est une des principales stratégies des syndicats pour combattre le travail des enfants. Étant donné leur capacité à organiser des campagnes de sensibilisation, ils peuvent diffuser de nouveaux messages et mener des actions directes pour influencer les pratiques et la législation du travail. Ce sont également des organisations à structure verticale pouvant servir de lien unique entre le niveau national et international concernant les problèmes associés à la protection sociale et aux droits des enfants. Les syndicats sont bien placés pour surveiller et prendre des mesures directes pour éviter le travail des enfants, les soustraire au travail et aider à fournir des alternatives telles qu’une éducation de qualité et la préparation au monde du travail des adultes. Les organisations d’enseignants au niveau national et international ont un rôle clé à jouer dans la promotion de l’Éducation pour tous (EPT). Enfin, la Confédération syndicale internationale (CSI) et l’Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) continuent à jouer un rôle essentiel dans la promotion de l’élimination du travail des enfants dans le cadre du débat sur les droits de l’homme et le développement.