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La sécurité sociale pour une justice sociale et une mondialisation équitable: Questions-Réponses

Au cours des dernières années, l’OIT a adopté une série de mesures destinées à promouvoir la couverture de la sécurité sociale pour la grande majorité des travailleurs dans le monde qui en étaient encore privés. Néanmoins, dans un monde où les fluctuations financières et économiques se propagent à toute vitesse, la capacité des individus à faire face seuls aux risques économiques est encore plus limitée qu’autrefois. C’est dans ce contexte qu’en juin 2011 la 100e session de la CIT va débattre de l’objectif stratégique de protection sociale, en particulier de la sécurité sociale.

Article | 3 juin 2011

Le rapport soumis à la Conférence intitulé «La sécurité sociale pour une justice sociale et une mondialisation équitable» servira de base aux discussions de la CIT. Que dit-il de l’état de la sécurité sociale dans le monde?

Le rapport montre que, si des progrès ont été réalisés dans le domaine de l’extension de la couverture de sécurité sociale dans certaines régions du monde, ailleurs c’est une stagnation voire une contraction que l’on constate. Un certain degré de protection sociale existe dans presque tous les pays, mais seule une minorité fournit une protection dans toutes les branches. Dans la plupart des régions du monde, la couverture est limitée à quelques branches de la sécurité sociale, et seule une minorité de la population a accès – à la fois légalement et en pratique – aux régimes en place. De même, en de nombreux endroits, l’incidence croissante du travail informel s’est traduite par des taux de couverture qui stagnaient quand ils ne régressaient pas. De ce fait, la grande majorité de la population mondiale est toujours privée de couverture sociale.

Quelle est la priorité essentielle pour étendre la sécurité sociale?

Aujourd’hui, notre première priorité est de doter les 75 à 80 pour cent de ceux qui ne sont pas encore couverts d’une certaine forme de sécurité sociale leur permettant de vivre sans peur de se retrouver sans moyen de subsistance.

Il est clair que les hommes et les femmes, ainsi que les enfants, ont un droit à la sécurité sociale. Le besoin universel de sécurité sociale a été reconnu par la communauté mondiale comme un droit de l’homme. Mais le rapport va plus loin en rappelant que la sécurité sociale est aussi une nécessité. Sur le plan économique d’abord parce qu’elle facilite l’emploi productif et améliore la productivité tout en renforçant la résilience des économies. C’est aussi une nécessité sociale et politique parce qu’elle réduit la pauvreté et la vulnérabilité et favorise la cohésion sociale. Les fluctuations financières et économiques ont maintenant des répercussions immédiates sur les marchés du travail et la protection sociale, c’est pourquoi la capacité de l’individu à surmonter seul les aléas économiques tend à diminuer. Face aux risques et aux opportunités inhérents à la mondialisation, une sécurité sociale efficace est indispensable. De même, il faut pouvoir s’appuyer sur des régimes nationaux de sécurité sociale plus solides que jamais si l’on veut neutraliser les nouveaux risques mondiaux liés aux pandémies et aux effets prévisibles du changement climatique. La priorité consiste dès lors à donner accès, aussi vite que possible, à un ensemble de prestations de sécurité sociale de base, c’est-à-dire à un socle de protection sociale, à tous ceux qui en ont été privés jusqu’à présent.

Cependant, les conditions économiques et sociales varient d’un pays à l’autre. La sécurité sociale est-elle vraiment abordable partout?

Compte tenu du besoin criant de sécurité sociale et des immenses possibilités qu’elle offre pour éliminer la pauvreté, renforcer l’égalité et alimenter la performance économique, la conclusion la plus optimiste est sans doute que l’on peut faire quelque chose à peu près partout. Quand la volonté politique est là et quand les objectifs sont clairement définis, avec réalisme et pragmatisme, il est possible de créer des institutions et de dégager des marges budgétaires pour mettre peu à peu en place des prestations et des services de sécurité sociale prioritaires, sous forme d’un socle de protection sociale, même dans les pays les plus pauvres. Ensuite, au fur et à mesure de leur développement, ces pays pourront établir des régimes globaux de sécurité sociale. De même, ces systèmes de sécurité sociale élaborés et complets devront être régulièrement actualisés en investissant dans la bonne gouvernance s’ils veulent garder toute leur pertinence. L’une des conditions préalables à une gouvernance dynamique est d’investir dans les personnes qui conçoivent, gèrent et contrôlent le système. Cela aussi peut être fait partout.

Comment une bonne gouvernance peut-elle contribuer à l’extension de la sécurité sociale?

Le rapport indique qu’une gouvernance sociale responsable et de qualité est en fait le défi central pour tous les systèmes nationaux de sécurité sociale. Avec une bonne gouvernance, des mécanismes peuvent être mis sur pied et des ressources allouées (même modestes dans un premier temps) pour parvenir à un niveau de sécurité sociale approprié. Il convient de dégager des marges de manœuvre budgétaires et politiques grâce au volontarisme et en investissant dans des institutions efficaces. Les politiques économiques et sociales doivent viser les objectifs d’emploi productif et de travail décent et s’appuyer sur une bonne gouvernance fondée sur un dialogue social nourri.

Au final, au-delà de sa fonction sociale, considérez-vous que la sécurité sociale ait un autre rôle à jouer?

Oui, certainement. Le rapport conclut que la sécurité sociale, en plus de son rôle social primordial, représente un investissement dans le développement économique et social, qui aide les sociétés à mieux résister en période de crise économique. Sans elle, les sociétés ne pourraient pleinement exploiter leurs capacités productives ni parvenir au niveau de bien-être souhaité par l’ensemble de leurs membres. Il ne saurait y avoir d’acceptation universelle de la mondialisation si nous ne mettons pas en place une sécurité sociale plus protectrice. Pour accepter les risques associés au changement, la population a besoin d’un niveau minimal de sécurité.