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Formation au VIH/sida en Russie: «Savoir, c’est vivre»

La 100e session de la Conférence internationale du Travail coïncide avec le premier anniversaire de l’adoption de la recommandation n° 200 de l’OIT – le premier instrument international des droits de l’homme spécifiquement consacré à la question du VIH/sida dans le monde du travail. La recommandation a pour but de renforcer la contribution du monde du travail à l’accès universel à la prévention du VIH, au traitement, aux soins et au soutien; elle contient des dispositions sur les programmes de prévention qui peuvent potentiellement sauver des vies pour tous les groupes de travailleurs, y compris les jeunes travailleurs et les personnes en formation. Cet article concerne «Votre santé» – une formation innovante pour l’enseignement professionnel en Russie.

Article | 14 juin 2011

MOSCOU (BIT en ligne) – Selon les spécialistes du BIT, l’une des principales raisons de la forte croissance de l’épidémie de VIH en Russie (l’une des hausses les plus rapides au monde) est le manque d’accès aux informations de base concernant le VIH et la prévention, en particulier parmi les groupes à haut risque comme les jeunes. Pas moins de 75 pour cent des personnes séropositives dans les pays de la CEI, notamment en Russie, ont moins de 30 ans.

Pour relever ce défi, le Projet de l’OIT «Stratégies globales de partenariat pour lutter contre le VIH et les Infections sexuellement transmissibles (IST) parmi les jeunes de la Fédération de Russie» a proposé l’idée d’élaborer un manuel de formation modulaire pour les adolescents – les élèves des écoles professionnelles qui vont bientôt arriver sur le marché du travail.

«Dès le tout début, les auteurs du manuel se sont mis d’accord sur trois grands principes: être concis, informatif et attrayant. Le dernier principe était particulièrement important: si vous assénez à un jeune public des axiomes extraits d’un manuel, comme ‘Comportez vous bien pour rester en bonne santé’, ils s’ennuieront très vite et cesseront d’écouter», avertit Elena Kudriavtseva, correspondante nationale du BIT pour le VIH/sida en Europe orientale et Asie centrale.

«Nous avons donc dû motiver les jeunes, les inciter à envisager leur santé sous un nouvel angle. C’est ainsi que nous en sommes arrivés au concept de «la santé comme ressource sociale». Nous leur disons: ‘Regarde, ta santé est ton bien le plus précieux, qui t’est offert à ta naissance. A l’avenir, elle t’aidera à subvenir à tes besoins et à ceux de ta famille. Nous allons maintenant discuter avec toi de la façon de gérer rationnellement cette ressource’. Cette approche fonctionne très bien», explique Elena.

Le manuel de formation «Votre santé», élaboré avec le soutien de l’OIT, a pour but de stimuler et retenir l’intérêt des jeunes gens pour leur santé, ainsi que de renforcer les aptitudes et les modèles de comportement qui favorisent un niveau optimum de santé. Le manuel couvre 11 sujets, étudie les principaux aspects de la santé et d’un mode de vie sain pour la jeunesse d’aujourd’hui: l’hygiène personnelle, la nutrition, la planification familiale, la prévention du VIH, des IST, l’alcoolisme, les abus de tabac et de drogue.

Il y a deux ans, le manuel a remporté le concours pour toute la Russie «VIH/sida: Savoir, c’est vivre» dans la catégorie «Meilleure publication sur la prévention du VIH pour les institutions éducatives». L’organisateur du concours, le Service fédéral de surveillance de la protection des droits des consommateurs et du bien-être humain, a imprimé un grand nombre d’exemplaires du manuel et les a envoyés dans toutes les régions de Russie. De ce fait, le territoire de l’Altaï et la région de Volgograd ont intégré le cours de formation «Votre santé» dans les programmes d’éducation professionnelle de base; le ministre de l’Education de la région de Moscou a inscrit le cours parmi les quatre programmes d’éducation régionaux recommandés pour la prévention des comportements antisociaux chez les jeunes.

L’étape suivante a consisté à former les enseignants des établissements professionnels pour qu’ils dispensent ce cours et cela s’est avéré une mission bien plus difficile.

Au cours d’une étude préliminaire organisée dans les écoles professionnelles, les étudiants ont désigné la planification familiale, les IST et le VIH/sida comme les sujets les plus intéressants du manuel «Votre santé». C’étaient exactement les sujets que les enseignants refusaient d’évoquer avec leurs étudiants parce qu’il était traditionnellement considéré comme inapproprié d’en parler en public.

«Au début, je n’arrivais tout simplement pas à me forcer à prononcer le mot «préservatif» en classe – je disais plutôt ‘cette chose’ à la place», se rappelle un enseignant de 40 ans de la ville de Biysk dans l’Altaï Krai. «Maintenant, je peux évoquer en toute liberté le VIH et les comportements sexuels sans risque et, je dois bien l’admettre, cette discussion franche m’a aidé à établir de meilleures relations et à créer un climat de confiance entre mes étudiants et moi.»

Savoir prendre des décisions éclairées

«L’autre problème était plutôt d’ordre psychologique. «Votre santé» est un cours interactif, basé sur l’échange libre d’opinions dans lequel l’enseignant intervient plutôt comme un coordinateur ou un médiateur qui aide les élèves à évaluer leurs risques sanitaires, à prendre des décisions en toute connaissance de cause et à modifier leur comportement si nécessaire», explique Vladlena Diachkova, une formatrice.

«Tout dans le contexte de la formation devrait faciliter une discussion interactive, sur un pied d’égalité; même le mobilier de la classe doit être disposé différemment: les bureaux doivent être enlevés, les chaises placées dans une disposition de «conférence». Si les étudiants s’habituent très vite à cette nouvelle configuration, les professeurs, en particulier ceux qui ont été formés à d’anciennes méthodes d’enseignement, se sentent très mal à l’aise. Ils insistent pour être assis derrière une table et pour placer la table dans une position dominante devant la classe. Nous avons dû leur expliquer qu’un environnement sans barrière était absolument indispensable pour créer une atmosphère de confiance et d’ouverture d’esprit», ajoute Vladlena.

Ces difficultés initiales sont maintenant dépassées et la formation «Votre santé» est bien intégrée dans le programme de nombreux enseignements professionnels en Russie; il est de plus en plus apprécié aussi bien par les étudiants que par l’encadrement scolaire. «Notre établissement forme des travailleurs des divers secteurs de la construction, explique le directeur d’une école professionnelle de Volgograd. Dans la formation «Votre santé», nous mettons surtout l’accent sur le VIH/sida et les IST. La raison en est que nos jeunes diplômés – essentiellement des jeunes hommes – rejoignent généralement des équipes de construction dans d’autres régions où ils doivent être avertis de ce qu’est un comportement à risque afin de faire des choix sûrs pour leur santé et leurs relations.»

Grâce à «Votre santé» et à d’autres programmes de formation similaires, de plus en plus de jeunes gèrent leur santé de manière responsable – comme une ressource sociale précieuse – parmi les diplômés des écoles professionnelles qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail russe.