Le BIT dévoile un ouvrage appelant à une nouvelle réflexion sur les questions sociales

Le Bureau international du Travail (BIT) et l’Université globale pour les travailleurs ont dévoilé une nouvelle anthologie de la littérature mondiale sur le travail qui plaide en faveur d’un nouvel état d’esprit pour aborder les principaux sujets, qu’il s’agisse des réponses à la crise économique mondiale, de la mondialisation ou des droits des travailleurs. L’ouvrage – intitulé «Une autre voie est possible. Politiques économiques et stratégies syndicales au-delà de la pensée unique» – a été lancé lors de la Conférence internationale du Travail à Genève.

Article | 10 juin 2011

Dans quelle situation se trouvent actuellement les travailleurs?

La crise économique et financière a eu un puissant impact sur les salaires, le travail vulnérable et l’emploi en général dans de nombreuses régions du monde. Les syndicalistes ont cherché à nouer le dialogue avec les employeurs et les gouvernements avant, pendant et après la crise financière, mais avec des résultats mitigés. Cette nouvelle publication de la Global labour column montre que les espoirs de voir s’ouvrir une nouvelle ère de dialogue ont fait long feu. Beaucoup d’articles reconnaissent que le coût de la crise financière a été répercuté sur les travailleurs ordinaires et les chômeurs, et que la crise a encore affaibli la puissance et l’influence des syndicats.

Quelles sont les idées fortes qui ressortent du livre?

Le message essentiel, c’est qu’il existe une alternative aux réponses aux crises qui consistent à réduire les salaires, à déréglementer les marchés du travail, à diminuer drastiquement les impôts et à privatiser les services publics. La hausse de l’emploi précaire a rendu les marchés du travail dangereusement procycliques, soulignant l’impératif de mieux protéger les travailleurs. Une reprise tirée par les salaires est indispensable si l’on veut réduire les inégalités et les déséquilibres mondiaux, surtout après la crise économique et financière.

Quelles sont les stratégies alternatives?

Elles sont nombreuses, y compris celle qui consiste à inverser la tendance au creusement des inégalités et au déclin de la masse salariale grâce à une meilleure sécurité du revenu, fondée sur des politiques d’extension de la portée de la négociation collective et l’introduction des socles de protection sociale, ainsi que des salaires minimaux au niveau des pays. Le Directeur général du BIT, Juan Somavia, souligne dans son essai que les droits des travailleurs ne s’opposent pas à la croissance économique et que l’application universelle des normes du travail serait une contribution majeure à une économie mondiale bien régulée. L’obtention d’un haut niveau d’emploi productif devrait être un objectif au même titre qu’une inflation basse et maîtrisée ou des finances publiques saines. L’ouvrage plaide aussi pour une législation nationale du travail qui s’applique universellement, avançant l’idée que si les pays se battent pour des excédents d’exportations en encadrant la hausse des salaires ils provoquent d’énormes déséquilibres à l’échelle mondiale.

L’ouvrage est-il centré sur une région particulière?

Non, il s’intéresse aussi bien à la situation mondiale qu’à des exemples spécifiques. Une section traite des répercussions de la crise économique en Europe. Elle appelle à une politique salariale coordonnée, orientée vers moins de disparités, des échanges commerciaux plus équilibrés et une croissance économique plus soutenue, avertissant que l’Europe risque de s’effondrer si elle ne se réinvente pas. Dans les pays en développement, la création d’emplois publics, une meilleure protection sociale et la distribution «d’avantages en nature» – tels que le logement, la santé et l’éducation – figurent parmi les stratégies qui peuvent contribuer à instaurer une croissance tirée par les salaires.

Quelles ont été les actions menées par les travailleurs pendant l’année 2010?

L’ouvrage témoigne de la mobilisation des travailleurs du monde entier pour inverser le cours des choses. Dans les pays arabes, ils font l’histoire. De l’Asie à l’Europe et à l’Amérique du Nord, les travailleurs ont fait grève et se sont mobilisés pour protéger leurs droits fondamentaux, disposer de meilleurs services publics et de salaires décents. L’ouvrage s’efforce de montrer le lien entre la pertinence des idées et l’efficacité des mouvements.

L’ouvrage présente-t-il quelques réussites?

Oui, certainement. Il relève que, jusqu’à présent, le 21e siècle a été fécond pour de nombreux Brésiliens. L’emploi formel, le salaire minimum et les revenus moyens des ménages ont augmenté tandis que la pauvreté reculait. L’évolution macroéconomique favorable, une série de politiques gouvernementales progressistes et les bons résultats obtenus grâce à la négociation collective ont tous joué un rôle dans ce phénomène, selon ce que relate l’un des articles. La Suisse nous offre un autre exemple: après trois années de négociations, le gouvernement a décrété en octobre 2010 un contrat de travail standard pour les travailleurs domestiques qui fixe des obligations en termes de rémunération minimale et de conditions de travail. Cela garantit une protection aux employés de maison et leur permet de défendre plus efficacement leurs droits. Un autre article plaide en faveur de normes internationales du travail pour les travailleurs domestiques à l’échelle mondiale, une question qui fera l’objet d’une discussion lors de la Conférence internationale du Travail du 1er au 17 juin, à Genève.