Présentation du droit du travail de la République d'Argentine
par Arturo Bronstein
Constitution
La Constitution de la République d'Argentine a été adoptée en 1853 et amendée plusieurs fois depuis. La dernière révision remonte à 1994. Aux termes de sa Constitution, l'Argentine est organisée en un État fédéral, des pouvoirs distincts étant accordés aux états fédéraux et aux provinces.
Le pouvoir exécutif est confié à un Président élu au suffrage universel dans le cadre d'une votation à deux tours (ballottage). Son mandat est de quatre ans et il/elle ne peut être réélu(e) que pour deux mandats consécutifs.
Le Congrès qui est composé de deux chambres, la Chambre des députés et le Sénat, détient le pouvoir législatif. Les membres de la Chambre des députés (actuellement 257 députés) représentent le peuple des provinces et de la ville de Buenos Aires. Chaque province (il y en a 23) et la ville de Buenos Aires constituent des arrondissements distincts et élisent leurs députés sur des listes établies par les parties politiques au scrutin proportionnel. Les députés sont élus pour quatre ans et peuvent être réélus et la Chambre est renouvelée par moitié tous les deux ans.
Selon l'Amendement à la Constitution de 1994, le Sénat (72 sièges) est constitué de trois sénateurs pour chaque province et de trois pour la ville de Buenos Aires, élus conjointement et directement, ce qui correspond à deux sièges pour le parti politique qui obtient la majorité des voix, l’autre siège étant attribué au parti politique qui arrive en deuxième position. Les sénateurs sont élus pour six ans et peuvent être réélus mais le Sénat est renouvelé par tiers tous les deux ans.
Pour qu'une loi soit adoptée, il faut qu'elle soit approuvée par les deux Chambres du législatif, et promulguée par le Président qui peut la rejeter partiellement ou en totalité. Toutefois, le veto présidentiel peut être désavoué par une majorité qualifiée des deux tiers des votes dans chaque Chambre.
Le pouvoir judiciaire est confié à une Cour suprême (neuf juges nommés par le Président, avec l'approbation du Sénat) et à des juridictions inférieures. Selon la nature du différend ou les caractéristiques des parties à une procédure judiciaire, les affaires peuvent être jugées soit par des juridictions fédérales soit provinciales.
La capitale fédérale est la ville de Buenos Aires, et depuis l'amendement de 1994 à la Constitution, elle élit son propre gouvernement, dirigé par un Maire (Intendente).
Le Congrès est habilité à approuver ou à rejeter les traités conclus avec d'autres pays et organisations internationales ainsi que les concordats passés avec le Saint-Siège. Une fois ratifiés, les traités et concordats ont plus de poids que les lois.
Les traités internationaux suivants ont également une hiérarchie constitutionnelle : Déclaration américaine des droits et des devoirs du citoyen; Déclaration universelle des droits de l'homme; Convention américaine sur les droits de l'homme ; Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels; Pacte international sur les droits civils et politiques et son Protocole d'application; Convention sur la prévention et la répression du génocide; Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination raciale; Convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination raciale à l'égard des femmes; Convention contre la torture et autres traitements ou sanctions cruels, inhumaines ou dégradants; Convention sur les droits de l'enfant. Ces textes ne peuvent être dénoncés par le pouvoir exécutif qu'avec l'approbation des deux tiers de tous les membres de chaque Chambre.
Droits du travail prévus dans la Constitution
La Section 14 bis de la Constitution prévoit un certain nombre de droits du travailleur, notamment des conditions de travail dignes et équitables; des horaires de travail limités; des congés et vacances payés; une rémunération équitable; un salaire minimum vital et révisable; l’égalité de rémunération pour un travail égal; la participation aux bénéfices des entreprises, avec contrôle de la production et coopération avec les cadres dirigeants; la protection contre les licenciements abusifs; la stabilité des fonctionnaires; l’organisation libre et démocratique de syndicats. Elle garantit également le droit des syndicats à participer à des négociations collectives, à recourir à la conciliation et à l'arbitrage ainsi que le droit de grève et la protection des représentants syndicaux. Tous ces droits ont besoin d’être précisés dans des textes législatifs étant donné que le libellé des dispositions constitutionnelles ne prévoit pas d'application directe. Certains des droits susmentionnés ont été en fait garantis par des lois ou des règlements, alors qu'il n'en va pas de même pour d'autres droits (par exemple, la participation aux bénéfices et la concertation).
Lien web sur la Constitution :
En anglais: http://www.senado.gov.ar/web/constitucion/english.html
En espagnol : http://www.senado.gov.ar/
Législation du travail
Bien que l'Argentine soit d’après sa Constitution un État fédéral, c'est le pouvoir législatif (c'est-à-dire la Chambre des députés et le Sénat) qui a compétence pour adopter la législation nationale sur le travail.
La première législation de ce type en Argentine a été adoptée au début du XXème siècle. Comme de nombreux autres États d'Amérique latine, les premiers domaines à être visés, même avant 1910, étaient les congés hebdomadaires et le travail des femmes et des mineurs. En 1915, une loi a été adoptée sur les accidents et les maladies professionnelles. D'autres textes juridiques concernent des questions telles que les horaires de travail (1929) et la résiliation d'un contrat de travail (1934). Les congés payés et les organisations syndicales ont été réglementés dans les années 40 par le Secrétaire au travail d’alors, le Colonel Perón, et les conventions collectives ont fait l’objet de textes officiels dans les années 50.
Lois sur le contrat de travail
À mesure que la législation du travail devenait plus sophistiquée et qu'elle s'enrichissait d'accords collectifs et de décisions judiciaires, il était devenu indispensable d'avoir un texte consolidé. Cela fut fait en 1974 et le texte pris la forme d'une loi sur le contrat de travail (Ley de Contrato de Trabajo, LCT), qui a été largement révisée en 1976.
La loi sur le contrat de travail a été amendée à nouveau à plusieurs reprises. Les amendements les plus importants ont été ceux de 1991, qui donnaient un cadre juridique à de nombreux contrats de travail atypiques, et ceux de 1995, 1998 et 2000.
La loi sur le contrat de travail est un texte très détaillé (environ 300 sections) qui traite des sujets suivants : contrat de travail, droits et obligations de l'employeur et de l'employé, contrats d'emploi spéciaux (par exemple, contrats à temps partiel, contrats à durée déterminée, emplois saisonniers), rémunérations et protection des salaires, horaires de travail, fêtes légales et congés payés, protection de la maternité, âge minimum et protection des jeunes travailleurs, suspension et résiliation du contrat de travail, délocalisation des entreprises.
Des lois spéciales ont été promulguées pour régir les relations d'emploi dans un certain nombre de domaines, par exemple, les travailleurs du bâtiment, les représentants de commerce, les gardiens d'immeuble, les journalistes, les travailleurs à domicile et le personnel de maison.
Lois sur les relations de travail collectives
Des réglementations distinctes traitent respectivement des syndicats, des conventions collectives, de la résolution des conflits sociaux collectifs et des grèves.
Si des syndicats ont été créés en Argentine dès le début du XIXème siècle, aucune disposition spécifique n'avait été adoptée dans ce domaine avant 1945, lorsque le décret 23582 a été publié. Ce décret définissait l'organisation des syndicats dans le cadre d’une structure fondée sur la branche d’activité et le syndicat unique. Par ailleurs, le Secrétaire au travail (élevé ultérieurement au rang de Ministre) était doté de pouvoirs étendus en matière de procédures de reconnaissance des syndicats. Au niveau plus élevé, seule une confédération de travailleurs, à savoir la Confédération générale des travailleurs (CGT) a été reconnue. Le décret 23852 a été modifié plusieurs fois. Pourtant, la structure fondée sur la branche d’activité et le syndicat unique reste toujours prédominante dans le pays. Le Ministère du travail est toujours une partie prenante importante dans les procédures de reconnaissance des syndicats. La réglementation actuelle fait l'objet de la loi No 23551 de 1988.
Les conventions collectives ont été réglementées dans un premier temps par la loi 14250 de 1954 qui a été revue plusieurs fois. Un texte consolidé a été adopté en 1988, et un nouvel amendement promulgué en 2000.
Les conflits sociaux collectifs font l'objet de divers textes, le plus remarquable étant la loi 14786 sur la conciliation et l'arbitrage dans les conflits sociaux, adoptée en 1958 (Ley 14786 de conciliacion obligatoria.doc.)
Le droit de grève est garanti par la Constitution et il est habituellement accordé dans tous les secteurs d’activités, à condition bien entendu qu'un service minimum soit assuré lorsqu'une grève affecte un service indispensable. En 2000, une loi qui permettait à l'autorité publique de soumettre un conflit social à l'arbitrage a été abrogée (en fait, cette loi avait été très rarement utilisée).
Autres sources de réglementation du travail
Aux termes de la Constitution, le Gouvernement est habilité à publier des directives et des règles nécessaires à l'application des lois du pays, sans altérer l'esprit des textes par des exceptions réglementaires. Seul dans des cas exceptionnels, le Président peut publier des décrets pour des raisons d'urgence, sous réserve qu'un tel décret soit décidé par la majorité des ministres qui le parapheront avec le chef du Cabinet ministériel.
Il faut toutefois observer que, comme l'ordre constitutionnel en Argentine a été interrompu pas moins de six fois entre 1930 et 1983, il était devenu habituel que, faute de législatif, le Président assumait des pouvoirs normatifs et réglait les questions importantes par des décrets-lois. Selon une interprétation juridique, les décrets-lois ont le même pouvoir que les lois et n'ont pas besoin d'être approuvés par le législatif une fois que l'ordre constitutionnel est rétabli. En fait, certains des textes de lois les plus importants sur le travail ont été introduits par décrets-lois entre 1943 et 1945 par le Secrétaire au travail d'alors, le Colonel Perón.
Les conventions collectives peuvent également jouer un rôle important en matière de réglementation du travail, notamment parce qu'elles sont juridiquement exécutoires et qu'elles couvrent habituellement une grande variété de secteurs ou de branches d’activité. En fait, la plupart des travailleurs sont couverts par une convention collective. Toutefois, leur impact véritable varie largement d'un secteur à l'autre et dans la plupart des cas, sauf en matière de fixation de la rémunération, elles ne constituent pas une source significative de réglementation du travail.
La jurisprudence joue un rôle certain mais limité en ce qui concerne la véritable réglementation du travail, dans la mesure où des décisions judiciaires importantes peuvent aider à mieux comprendre la signification véritable de dispositions du droit du travail. Selon le système judiciaire du pays, l'interprétation juridique qui ressort des décisions des tribunaux supérieurs, est imposée aux instances inférieures lorsqu’il s’agit d’affaires similaires. En outre, il faut noter que la Cour suprême est habilitée à rejeter l'application de toute règle juridique qu'elle estime incompatible avec la Constitution1. Alors que la décision qu'elle peut prendre dans un cas pareil ne peut juridiquement abroger la règle en question, elle peut être applicable dans tout autre litige individuel où il serait question de l'application de la même règle. Autrement dit, l'État devrait être obligé de modifier ladite règle, de sorte qu'elle soit conforme à la Constitution. Habituellement, les conflits du travail ne remontent pas jusqu'à la Cour suprême mais lorsque cela est le cas, les décisions de cette Cour contribuent au droit du travail argentin2.
Principales sources du droit du travail
Le site web du Ministère du travail publie les lois les plus importantes : http://www.trabajo.gov.ar/documentacion/legislacion/index.html
Contrat de travail
En général, le contrat de travail est conclu pour une période illimitée. Toutefois, des contrats de travail à durée déterminée sont autorisés sous réserve qu'ils soient présentés par écrit et ne puissent pas être conclus pour plus de cinq ans. Il est également possible de conclure un contrat de travail intermittent pour faire face à des besoins exceptionnels et temporaires, mais la durée ne peut pas en être prévue au moment de la conclusion du contrat. Il est également possible de conclure des contrats de travail à temps partiel ou des contrats d’apprentissage.
Période d'essai
Les trois premiers mois d'un contrat de travail sont considérés comme une période d'essai, pendant laquelle le contrat peut être résilié à n'importe quel moment par l'une ou l'autre des parties, sous réserve que le contrat ait été dûment enregistré auprès de l'autorité compétente en charge des questions relatives au travail. Toutefois, les conventions collectives peuvent prévoir de prolonger la période d'essai jusqu'à six mois. Dans de petites entreprises (c'est-à-dire celles qui emploient moins de 40 travailleurs et dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas un plafond prévu), la période d'essai est de six mois et elle peut être prolongée par accord collectif jusqu'à douze mois dans le cas de travailleurs qualifiés.
Suspension du contrat de travail
Le contrat de travail peut être suspendu pour diverses raisons, telles que maladie de l'employé, maternité, affectation à un emploi public ou dans un syndicat et service militaire. Les autres motifs de suspension sont le manque de travail dû à une baisse de la demande et les motifs disciplinaires, auxquels cas la suspension ne peut être supérieure à 30 jours par période de 12 mois.
Résiliation du contrat de travail
Un contrat de travail peut être résilié, autrement qu'à l'initiative de l'employeur, dans les circonstances suivantes :
- de façon unilatérale par le travailleur;
- par accord mutuel des parties;
- à la mort du travailleur ou à celle de l'employeur, lorsque cela entraîne la fin des activités de l'employeur;
- à l'expiration des conditions convenues, pour faillite ou liquidation de l’entreprise;
- en raison du départ à la retraite du travailleur.
De même, l'employeur peut résilier unilatéralement le contrat de travail pour un motif valable lié au comportement du travailleur ou pour des raisons économiques dues à un manque ou à une pénurie de travail, ou à un cas de force majeure. En fait, l'employeur peut mettre fin au contrat de travail pour n'importe quel motif ou pour aucun motif que ce soit, à condition qu'il/elle donne un préavis et verse une indemnité de licenciement. On trouvera ci-après un résumé des règles qui s'appliquent en cas de résiliation du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.
- résiliation liée au comportement de l'employé : l'employeur peut résilier le contrat de travail sans préavis si le travailleur ne s'est pas acquitté de ses obligations aux termes du contrat dans une mesure préjudiciable à l'employeur et si la gravité de ce manquement signifie que la relation de travail ne peut continuer; dans ce cas, aucun préavis n'est nécessaire et aucune indemnité n'est versée.
- résiliation liée à des raisons économiques : lorsque le contrat de travail est résilié en raison d'un manque ou d'une insuffisance de travail, l'employeur doit donner un préavis de licenciement et verser une indemnité, dont le montant est à peu près égal à un demi-mois de salaire par année de service.
- licenciement sans un motif valable ou sans motif du tout : en pareils cas, l'employeur doit donner un préavis ou à défaut une compensation financière et verser une indemnité de licenciement, dont le montant correspond à peu près à un mois de salaire par année de service.
Remarques
Lorsque le contrat est résilié à l'initiative de l'employé, la période de préavis est de 15 jours.
Lorsque le contrat est résilié à l'initiative de l'employeur, le préavis dépend de la durée de service de l'employé : il est de15 jours lorsque l'employé a moins de trois mois de service; de un mois lorsque l'employé a occupé le poste entre trois mois et cinq ans et de deux mois lorsque la durée de son service est supérieure à cinq ans; dans les petites entreprises, la période de préavis n'est jamais supérieure à un mois.
Le préavis doit être notifié par écrit, et doit indiquer de façon claire les motifs de la résiliation du contrat. Si les motifs sont contestés par le travailleur, il appartient à l'employeur de prouver l'existence d'un motif valable de licenciement.
Licenciement implicite
Un travailleur peut mettre un terme à la relation de travail par licenciement implicite, si l'employeur ne remplit pas les obligations prévues dans le contrat. Dans ce cas, le travailleur a droit à un dédommagement financier au lieu du préavis et à une indemnité égale à ce qui est versé par l'employeur dans le cas d'un licenciement sans motif.
Selon la loi 25323 (Journal officiel du 11 octobre 2000), le montant de l'indemnité de licenciement et la compensation financière en lieu et place du préavis est le double du taux de base (soit une augmentation de 50 pour cent) si l'employeur n'a pas enregistré le contrat de travail. Cette mesure a été adoptée pour lutter contre le travail au noir qui en 1999-2000 concernait plus du tiers de tous les salariés.
Pour obtenir davantage d'informations sur la résiliation d'un contrat de travail, consulter Termination of Employment Digest.
Horaires de travail
L'horaire de travail légal est de 8 heures par jour et de 48 heures par semaine. Toutefois, la semaine de travail habituelle ne dépasse pas 44 heures pour le travail de jour , 42 heures pour un travail de nuit et 36 heures lorsqu'il s'agit d'un travail exécuté dans des conditions dangereuses ou insalubres. Le travail n'est habituellement pas autorisé le samedi après-midi et le dimanche. Néanmoins, les autorités compétentes peuvent faire exception à cette règle, ce qui est le cas dans la pratique.
Les heures supplémentaires sont majorées de 50 pour cent entre le lundi et le samedi jusqu'à 13 heures et de 100 pour cent pour un travail effectué en dehors de ces horaires et pendant les fêtes légales.
Congés payés
Un congé payé est accordé aux travailleurs qui ont au moins six mois de service avec le même employeur pendant une période de douze mois. La durée du congé dépend de l'ancienneté du travailleur. Elle est de 14 jours lorsque le travailleur a moins de cinq ans de service; de 21 jours entre cinq et dix ans; de 28 jours entre 10 et 20 ans et de 35 jours lorsque la durée de service est supérieure à 20 ans.
Congés de maternité et protection maternelle
Il est interdit d'employer des femmes pendant les 45 jours précédant et suivant la naissance d'un enfant. À la demande de l'employée, les congés prénataux peuvent être réduits à 30 jours, auquel cas le congé postnatal sera prolongé de 60 jours. Pendant un congé de maternité, l'employée a droit à des indemnités en espèces versées par la caisse de sécurité sociale.
En outre, un employeur n'a pas le droit de résilier le contrat de travail d'une femme pendant sa grossesse ou son absence pour congé de maternité, sauf pour un motif non lié à la grossesse ou à la naissance de l’enfant. La charge de prouver que les motifs du licenciement sont sans lien avec la grossesse ou la naissance de l'enfant incombe à l’employeur. En conséquence, tout licenciement qui a lieu pendant une période de 7 ½ mois précédant ou suivant la naissance d'un enfant est supposé être lié à une grossesse ou à la maternité, à condition que l'employée ait soumis à temps un certificat prouvant qu'elle était enceinte. Si l'employeur ne peut pas prouver que la raison du renvoi n'est pas liée à la grossesse ou à la maternité, il/elle sera obligé(e) de verser une allocation correspondant à une année de salaire, outre l'indemnité de licenciement et le préavis qui sont dus en cas de résiliation habituelle du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.
Une femme qui travaille a droit à deux pauses journalières de 30 minutes chacune pour allaiter son enfant. Ce droit est accordé pendant un an suivant la naissance de l'enfant mais il peut être prolongé sur présentation d'un certificat médical.
Autres droits aux congés
Un travailleur a droit à un congé de maladie rémunéré totalement de trois mois maximum par an, s’il/elle a occupé l'emploi pendant 5 ans ou moins, et de six mois maximum s’il/elle a occupé l'emploi pendant plus de 5 ans. Si le travailleur a charge de famille, ses droits sont étendus respectivement à six et 12 mois. Le travailleur a également droit à un congé de maladie sans solde pendant une période additionnelle de douze mois, durant laquelle l'employeur est obligé de maintenir la relation de travail. Ces droits sont accordés pour chaque maladie qui empêche le travailleur de se présenter à son travail.
Un congé spécial sans solde peut être accordé dans certaines circonstances, telles que la naissance d'un enfant (deux jours), le mariage (10 jours), la mort d'un parent (trois jours) ou pour passer un examen de l'enseignement secondaire ou universitaire (deux jours par examen, plafonnés à 10 jours par an).
Âge minimum et protection des jeunes travailleurs
Il est interdit d'employer des mineurs de 14 ans à toute sorte d'activités. L'autorité publique peut toutefois autoriser ces mineurs à travailler dans des entreprises dans laquelle seuls des membres de la même famille sont employés, sous réserve que l'entreprise ne soit pas engagée dans une activité difficile, insalubre ou dangereuse. Il n'est pas non plus autorisé d'employer des mineurs de moins de 14 ans qui n'ont pas terminé la scolarité obligatoire, sauf lorsque l'autorité publique autorise expressément ce mineur parce que son travail est indispensable pour faire vivre sa famille et qu'il/elle a terminé la scolarité minimum.
L'horaire de travail des jeunes travailleurs entre 14 et 18 ans ne doit pas dépasser 6 heures par jour et 36 heures par semaine. Toutefois, les jeunes de plus de 16 ans peuvent être autorisés à faire les horaires de travail normaux (c'est-à-dire 8 heures par jour et 48 heures par semaine).
Les jeunes travailleurs ne peuvent pas faire de travail de nuit (entre 20 heures et 6 heures du matin).
Il est interdit d'employer des jeunes de moins de 18 ans à des tâches difficiles, insalubres ou dangereuses.
Égalité
La discrimination pour des raisons de sexe, de race, de nationalité, de religion, d'opinion politique, d'activités syndicales ou d'âge est interdite.
Rémunérations
Tout travailleur de plus de 18 ans a le droit de recevoir une rémunération qui ne soit pas inférieure au salaire minimum fixé par l'autorité compétente. Toutefois, le salaire minimum de la plupart des travailleurs est déterminé de fait par les conventions collectives, qui sont négociées au niveau du secteur industriel ou de la branche d’activité et sont légalement applicables à tous les travailleurs et employeurs appartenant au secteur ou à la branche d'activité correspondants. Ce salaire minimum peut être revu à la hausse à la suite d’un accord au sein de l'entreprise ou dans le cadre d'un contrat de travail individuel.
Outre la rémunération habituelle, tout travailleur a droit à une prime égale à un mois de rémunération et appelée aguinaldo. Elle est calculée sur la base du salaire annuel moyen et est versée en deux fois, en juin et en décembre respectivement.
Une réglementation très détaillée protège les salaires, de sorte que les employeurs ne peuvent restreindre en aucune manière la liberté du travailleur de disposer de son salaire. En cas d'insolvabilité de l'employeur, le dû du travailleur est protégé par un privilège, de sorte qu'il a priorité sur les autres créanciers, y compris l'État et la sécurité sociale, mais pas sur les créanciers nantis en rapport avec des actifs qui sont liés à une hypothèque ou à un prêt. Une loi de 1986 prévoyait la création d'un mécanisme de garantie des traitements mais elle n'a jamais été appliquée.
Réglementation concernant les syndicats
Les syndicats sont régis par la loi 23351 adoptée en 1988. Aux termes de cette loi, tous les travailleurs ont le droit de créer l’association syndicale de leur choix sans autorisation préalable ou d'en faire partie. Cela inclut également le droit de ne pas faire partie d'un syndicat ou de s'en retirer.
Les travailleurs sont libres de créer des syndicats au niveau du secteur industriel ou de la branche d’activité, des syndicats artisanaux ou des syndicats d’entreprise. Deux syndicats ou plus peuvent constituer une fédération et au moins deux fédérations constituent une confédération.
Les responsables syndicaux sont élus au scrutin direct, à bulletin secret pour une durée de quatre ans et ils peuvent être réélus. Le prélèvement des cotisations sur le salaire est obligatoire aux termes de la loi sur les syndicats, qu’il s’agisse de cotisations ordinaires et extraordinaires qui sont dues par tous les membres du syndicat ainsi que des cotisations spéciales qui peuvent être demandées à tous les travailleurs, y compris aux non syndiqués, lorsqu'une nouvelle convention collective entre en vigueur et qu'une clause d'embauche préférentielle a été prévue.
Statut juridique des syndicats
Tous les syndicats ont le droit de représenter leurs membres individuellement. Toutefois, pour qu'un syndicat ait le droit de représentation collective, il est indispensable qu'il soit enregistré en tant que syndicat doté d'une capacité juridique (personería gremial), et pour ce doit satisfait aux conditions suivantes : a) le syndicat est enregistré officiellement et existe depuis au moins six mois; b) les membres représentent au moins 20 pour cent des travailleurs; c) le syndicat est le plus représentatif du secteur industriel ou de la branche d’activité, dans les limites d'une zone territoriale donnée (habituellement une ville ou une province mais également le territoire national).
À de très peu nombreuses exceptions près, la personnalité juridique n'est accordée qu'à un seul syndicat par branche ou secteur industriel, et à l'intérieur d'une zone géographique donnée. Autrement dit, dans la pratique, la structure est fondée sur le syndicat unique, étant donné qu'un syndicat qui est simplement inscrit ne jouit pas des droits de représentation collective. De plus, les syndicats d'entreprise ne peuvent pas bénéficier de ce statut lorsqu'un syndicat au niveau du secteur ou de la branche bénéficiant de la personnalité juridique couvre la zone géographique respective du secteur ou de la branche d’activité correspondant à cette entreprise. En fait, les syndicats d'entreprise sont pratiquement inexistants.
Le Ministre du travail est l'autorité compétente chargée d’inscrire les syndicats et de leur accorder la personnalité juridique. Il détermine également le syndicat qui représente tel ou tel groupe de travailleurs au cas où plus de deux syndicats seraient en concurrence pour représenter la même catégorie. Ses décisions peuvent être contestées devant la Cour d'appel nationale pour les questions relatives au travail.
Pratiques déloyales en matière de travail
La loi sur les syndicats définit un certain nombre de pratiques déloyales qui sont notamment : l'ingérence des employeurs dans les activités syndicales, l'aide économique des employeurs à un syndicat de travailleurs, la discrimination pour raison syndicale, le licenciement ou autres mesures préjudiciables aux travailleurs qui ont des activités syndicales; le refus de participer à des négociations collectives, l'obstruction du processus de négociations collectives ou le refus de fournir une liste du personnel aux fins d’élections internes de délégués du personnel. Les plaintes pour pratiques déloyales peuvent être déposées auprès du service judiciaire. Elles peuvent entraîner une amende pour l'employeur et, le cas échéant, pour l'association de l'employeur.
Accords et conventions collectifs
Les conventions collectives sont régies par la loi 14250 de 1954 qui a été largement remaniée en 2000. Les conventions collectives peuvent être conclues à différents niveaux : national, régional, local, aux niveaux du secteur industriel, de la branche d’activité ou de l’entreprise. Il est également possible de conclure une convention collective visant une catégorie particulière de travailleurs sur un point précis. Pourtant, la plupart des travailleurs sont couverts par les conventions collectives nationales et conclues à l'échelle du secteur, dont beaucoup remontent à 1975 (seule l'échelle des salaires a été mise à jour depuis). C'est pourquoi, aux termes de la dernière réforme (loi 25250 de 2000, Nueva Ley de Empleo Estable.doc), le Ministre du travail doit définir un calendrier de renégociation des accords pour les deux prochaines années. Une disposition légèrement différente s'applique aux conventions collectives plus récentes. En tout cas, il est prévu que les conventions collectives qui sont venues à échéance, peuvent être dénoncées par l'une ou l'autre des parties et qu’elles cesseront en fin de compte d'être exécutoires, après une période transitoire.
Les parties à une convention collective sont d'une part un employeur, un groupe d'employeurs ou une association d'employeurs et d'autre part un syndicat ayant personnalité juridique. Dans la pratique, la plupart des accords à l'échelle nationale sont signés entre une fédération de travailleurs ou un syndicat national d'une part et la Chambre des employeurs qui a vocation nationale, d'autre part.
Les accords d'entreprise sont signés par l’entreprise d'une part et un syndicat local d'autre part dans la mesure où il bénéficie d'une personnalité juridique (cela ne peut être un syndicat d'entreprise qui habituellement ne bénéficie pas de ce statut). Aux termes de la nouvelle loi 25250 qui a été approuvée, les délégués de travailleurs seront admis à la table de négociations, ce qui n'était pas garanti par la précédente loi.
La loi 25250 prévoit également des règles permettant d'harmoniser les niveaux inférieur et supérieur de négociations. En général, l'accord de niveau inférieur prévaut sur l'accord de niveau supérieur mais les parties sont libres de négocier un arrangement différent.
Pour qu'une convention collective ait force exécutoire, elle doit être approuvée par le Ministre du travail (homologación). Une fois approuvée, elle est juridiquement opposable à tous les employeurs et travailleurs faisant partie du secteur ou de la branche, dans les limites de son champ d’application territorial.
Les conventions collectives régissent habituellement les traitements et autres conditions de travail. Elles contiennent aussi des dispositions concernant l'interprétation et l'application des clauses qui sont habituellement du ressort d'une commission tripartite.
Des règles spécifiques ont été mises en oeuvre pour réglementer les conventions collectives dans la fonction publique et l'éducation nationale.
Représentation des travailleurs dans l'entreprise
La représentation des travailleurs au niveau de l'entreprise est assurée par les délégués des travailleurs ou par les comités internes. Les délégués des travailleurs et les membres des comités internes sont élus par tous les travailleurs de l'entreprise mais ils doivent être membres d'un syndicat et avoir travaillé dans l'entreprise au moins pendant un an avant la tenue de l'élection. Ils sont élus pour deux ans et peuvent être réélus. Ils se voient accordés un crédit d'heures rémunérées, conformément à la convention collective pertinente, et sont protégés contre le licenciement sauf en cas de faute grave. Cette protection commence dès le moment où ils présentent leur candidature et dure pendant 12 mois après la fin de leur mandat. Pendant cette période, leurs contrats de travail ne peuvent pas être suspendus; ils ne peuvent pas être mutés à un autre emploi ou poste ou subir d'autres préjudices dans leurs conditions de travail.
Les délégués des travailleurs et les comités internes peuvent présenter des revendications à l'employeur et ils peuvent accompagner les inspecteurs du travail lorsque ces derniers effectuent une inspection dans l'entreprise. Aux termes de la loi 25250 de 2000, ils ont également le droit de participer aux négociations lorsqu'il s'agit de conclure une convention collective au niveau de l'entreprise.
Réglementation des grèves
Pour qu'une grève soit légale, il est indispensable d'observer une période de réflexion ne dépassant pas 5 jours, pendant lesquels une tentative de conciliation doit avoir été effectuée auprès de l'autorité publique. Le médiateur peut prolonger cette période de 5 jours supplémentaires et si aucun accord n'est conclu, les parties peuvent entamer des actions revendicatives.
Lorsqu'une grève est appelée, les parties sont tenues de maintenir un service minimum pour que les services essentiels ne soient pas interrompus. L'autorité compétente a le pouvoir de déterminer l'ampleur de ces services minimum dans le cas où les parties ne parviendraient pas à se mettre d'accord sur la question.
Il n'existe pas de définition juridique de l'expression service essentiel ou service minimum. La loi 25250 a abrogé une législation précédente (très peu utilisée) qui autorisait l'autorité publique à soumettre un conflit du travail collectif à un arbitrage obligatoire. La même loi crée également un service fédéral de médiation et d'arbitrage, organisme technique indépendant qui interviendra dans les conflits du travail collectifs. Toutefois, cette partie de la loi n'a pas encore été mise en oeuvre.
Règlement des conflits du travail individuels
Les conflits individuels sont réglés par les tribunaux créés dans le cadre de la juridiction des provinces. Toutefois, dans la ville de Buenos Aires, les conflits sont traités par des juges nationaux, étant donné qu'il n'y pas eu encore de transfert de compétences juridiques du gouvernement à la ville. C'est pourquoi, les juges chargés des questions concernant le travail dans la ville de Buenos Aires, sont toujours appelés juges nationaux, bien qu'ils jugent des affaires en principe qui devraient être confiées à une juridiction territoriale (province).
La plupart des provinces et l'État ont créé une juridiction spécialisée pour traiter des conflits du travail individuels. Dans tous les cas, elle est constituée de magistrats. Les tribunaux tripartites s'occupant de ce genre de litiges sont inconnus en Argentine.
Les décisions prises par des juges de première instance peuvent faire l'objet d'un appel devant une Cour d'appel. Dans la ville de Buenos Aires, il y a une Cour d'appel pour les questions relatives au travail qui, en plus de juger des cas individuels, a droit de statuer sur les recours contre des décisions de l'autorité publique concernant des questions de reconnaissance ou de représentation des syndicats. Elle est également habilitée à juger les cas de pratiques déloyales en matière de travail.
La Cour suprême n'est pas habituellement une juridiction qui s'occupe de ces affaires; elle peut toutefois entendre des cas, lorsqu'une loi ou un décret est contesté aux motifs que le texte n'est pas compatible avec la Constitution fédérale.
Les règles de procédures varient selon les différentes juridictions. Par exemple, la procédure adoptée par la juridiction nationale dans la ville de Buenos Aires est principalement écrite tandis que celle de certaines provinces est orale.
La juridiction de la ville de Buenos Aires exige une phase de conciliation, avant le dépôt d’une plainte devant un tribunal du travail.
Liens
- Ministère du travail, de l'emploi et de la formation des ressources humaines : http://www.trabajo.gov.ar/
- Liste des ratifications des conventions internationales du travail
- Documents disponible dans ILOLEX pour Argentine
- NATLEX Base de données bibliographique de lois nationales
1 Les juges d’instances inférieures peuvent également décider que telle ou telle règle n'est pas compatible avec la Constitution. Comme leurs décisions peuvent faire l'objet d'un appel devant un tribunal supérieur, c’est donc en fin de compte à la Cour suprême qu’il appartient de prendre une décision définitive sur la validité constitutionnelle d’un texte.
2 Ce fut par exemple le cas d'une décision prise par la Cour suprême concernant l'application directe des normes de l'OIT dans le droit national.