Les 90 ans de l’OIT: Œuvrer pour la justice sociale
Alors que nous célébrons le 90e anniversaire de l’OIT, les valeurs et le mandat de l’Organisation perdurent.
L’OIT a défini des normes qui sont devenues des points de référence pour nombre de dimensions du travail. Elle a joué un rôle primordial dans l’élaboration des politiques économiques et sociales. Nous avons mis en œuvre ces normes à travers nos programmes de coopération technique et avons développé un savoir relatif au monde du travail.
Nous devons rester en phase avec notre époque, répondre aux nouveaux défis et saisir les nouvelles occasions tout en restant fidèles à nos valeurs.
C’est ce qui fut notre force motrice quand nous avons façonné ensemble et mis en pratique l’Agenda pour le travail décent qui est l’expression du mandat de l’OIT dans la réalité du XXIe siècle.
Les défis semblent énormes. Nous traversons une époque troublée. Nous ne connaissons ni la durée ni la gravité de la crise financière et économique actuelle. Mais nous savons que son impact sur la vie des gens, leurs emplois et leurs conditions de vie sera fort, mondial et systémique.
Avant cette crise prévalait déjà une crise de pauvreté mondiale massive, d’informalité croissante et de travail précaire.
Alors que la mondialisation économique a produit et rapporté des profits et des possibilités considérables, l’OIT a souligné la nécessité de prêter attention à la dimension sociale de la mondialisation de façon à traiter les déséquilibres existants et les inégalités grandissantes, pour aider à briser le cercle vicieux de la pauvreté et s’attaquer aux angoisses et aux inquiétudes des classes moyennes.
Nous avons déterminé le rôle du travail en renforçant la dimension sociale de la mondialisation et le rôle des secteurs productifs en plaçant l’économie mondiale sur des fondations solides. Nous avons mis en évidence la situation du monde du travail et du lieu de travail à l’intersection de l’économie, de la société et de l’environnement et, par conséquent, le rôle central qu’il doit jouer dans le développement durable.
Les crises qui ont surgi alors que nous approchions de notre 90e anniversaire ont clairement démontré la validité de la position de l’OIT.
Si l’on se tourne vers l’avenir, nos défis sont les suivants:
- Soutenir les entreprises durables parce que c’est là que sont générés les emplois, et en particulier dans les petites et moyennes entreprises. Notre concept de l’entreprise durable réunit les dimensions économique, sociale et environnementale du monde du travail. La recherche de nouvelles façons de produire et de consommer qui soient plus respectueuses de l’environnement procure un énorme potentiel de création d’emplois décents et d’économies plus dynamiques.
- Chercher des réponses viables aux pressions croissantes pour parvenir à une plus grande diversité, adaptabilité et flexibilité dans les horaires et les méthodes de travail, tout en répondant aux demandes légitimes de sécurité de la part des individus et des sociétés, en termes d’accès à l’emploi, de conditions de travail, de retraites et d’autres formes de protection sociale.
- Garder le rythme de l’innovation, ce qui va demander de constantes améliorations dans les systèmes d’éducation, de formation, de productivité et de partage des connaissances.
- Renforcer le tripartisme et soutenir le modèle de dialogue social qui a été le fondement de notre Organisation, et s’appuyer sur lui pour faciliter l’adaptation dans différents domaines à l’évolution du monde du travail et des marchés, tout en garantissant que les droits fondamentaux au travail sont respectés. Appliquer ce modèle dans de nouveaux domaines – y compris sectoriels.
- Coopérer avec le système multilatéral pour s’assurer que nos efforts collectifs, aux côtés de l’action nationale, servent à établir un plancher socio-économique de possibilité et de protection qui comble les besoins fondamentaux des gens, en termes sociaux et d’emploi au niveau du pays.
- Elaborer une meilleure gouvernance globale de la mondialisation fondée sur la convergence des domaines stratégiques suivants: finance, commerce, investissements et création d’emplois, main-d’œuvre et social, environnement et développement. Les organisations internationales concernées dans chaque domaine doivent travailler ensemble au service d’une mondialisation équitable.
Alors que nous essayons de relever ces défis et bien d’autres, nous pouvons puiser notre inspiration dans la Déclaration de l’OIT sur la justice sociale pour une mondialisation équitable, une déclaration de principes essentielle, une stratégie qui tire son origine de la Déclaration de Philadelphie de 1944 et de la Déclaration sur les principes et les droits fondamentaux au travail en 1998.
Cette Déclaration réaffirme l’universalité des objectifs de l’OIT; tous les Membres de l’Organisation doivent mener des politiques fondées sur les objectifs stratégiques de l’Agenda pour le travail décent – création d’emplois et développement des entreprises, protection sociale, dialogue social, et droits au travail.
Dans le même temps, elle met en exergue une approche holistique et intégrée en reconnaissant que ces objectifs sont «indissociables, interdépendants et se renforcent mutuellement» et définit le rôle des normes internationales du travail comme moyen effectif de les atteindre tous.
Cette Déclaration comprend une approche équilibrée qui résonne bien au-delà de l’Organisation et résume la contribution que nous pouvons faire pour satisfaire la demande croissante en faveur d’une architecture d’équité globale fondée sur le travail décent.
«Œuvrer pour la justice sociale», c’est bien plus que le thème de notre 90e anniversaire; c’est notre bilan du passé et notre mission pour l’avenir.
Par Juan Somavia, Directeur général du Bureau international du Travail.