L'activité de la petite exploitation minière s'accroît dans les pays en développement

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Un nouveau rapport du Bureau international du Travail (BIT) indique que la petite exploitation minière se développe rapidement et souvent de manière incontrôlée dans beaucoup de pays en développement, employant un grand nombre de femmes et d'enfants dans des conditions dangereuses et engendrant un taux d'accidents mortels sur le lieu de travail plus de 90 fois supérieur à celui qui est enregistré dans les exploitations minières des pays industrialisés.

Communiqué de presse | 17 mai 1999

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Un nouveau rapport * du Bureau international du Travail (BIT) indique que la petite exploitation minière se développe rapidement et souvent de manière incontrôlée dans beaucoup de pays en développement, employant un grand nombre de femmes et d'enfants dans des conditions dangereuses et engendrant un taux d'accidents mortels sur le lieu de travail plus de 90 fois supérieur à celui qui est enregistré dans les exploitations minières des pays industrialisés.

Le rapport, intitulé Les problèmes sociaux et de travail dans les petites exploitations minières , a été préparé en vue d'une réunion sectorielle sur les petites exploitations minières qui débute au siège du BIT, à Genève, le 17 mai. Il constate que l'activité de la petite exploitation minière dans 35 pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine s'est accrue en moyenne de 20% au cours des cinq dernières années et que les autorités de la plupart des pays étudiés s'attendent à ce que ces niveaux de croissance se poursuivent.

«L'une des raisons pour lesquelles ce type d'emploi est si dangereux réside dans le fait que jusqu'à 80% de la petite exploitation minière se fait en dehors de tout cadre légal ou réglementaire», affirme Norman Jennings, spécialiste des activités industrielles du BIT et auteur du rapport.

Bien que de nombreux pays cherchent à décourager ou à supprimer la petite exploitation minière en tant qu'activité dangereuse et ayant des effets néfastes, ces efforts risquent de se heurter aux exigences de la nécessité économique, note le rapport. Pour les communautés appauvries, «l'exploitation minière laisse espérer des gains immédiats en argent comptant avec, en plus, la perspective, un peu à l'instar d'un billet de loterie, qu'il pourrait y avoir un jour une importante aubaine, tant que l'on reste de la partie». Cela renforce le cercle vicieux des conditions de travail épouvantables, des dégâts environnementaux considérables et de la pauvreté au sein des communautés dont la survie dépend de la petite exploitation minière.

Norman Jennings affirme que des politiques sont nécessaires pour organiser de manière stable la petite exploitation minière afin qu'elle puisse fournir un travail décent aux millions de travailleurs et d'entrepreneurs impliqués. Il ajoute qu'il y a beaucoup de petites exploitations minières sûres, productives et prospères qui sont en activité.

Le travail dans les petites exploitations minières a tendance à être mal payé, saisonnier et hautement précaire, mais il n'en fournit pas moins un emploi direct, même s'il ne leur permet souvent que de survivre, à plus de 13 millions de personnes dont le travail génère entre 15 et 20% de la production mondiale de métaux précieux, de pierres précieuses, de matériaux de construction et (essentiellement) de minéraux non combustibles, selon l'étude du BIT.

La subsistance de 80 à 100 millions de personnes dans le monde dépend du produit souvent insuffisant tiré de la petite exploitation minière. Ce nombre est pratiquement le même que celui des personnes qui tirent leur moyen d'existence des grandes exploitations, mais les mineurs des petites exploitations gagnent très mal leur vie, certains ne vendant guère plus d'un dollar d'or à la fois. Moins de 10% de la main-d'œuvre dans les petites exploitations minières peut espérer acquérir la moindre formation officielle.

En dépit des difficultés, l'impact économique et social de la petite exploitation minière est loin d'être négligeable, en particulier en ce qui concerne les ressources de grande valeur telles que l'or, l'argent, les diamants et les pierres précieuses. Le rapport souligne que les petites exploitations minières assurent jusqu'à 80, voire 100% de la production d'or, de diamants et de pierres précieuses au Burkina Faso, à Cuba, en Guyane, au Mozambique,au Myanmar ainsi qu'au Niger et plus de 50% en Bolivie, au Mexique, aux Philippines et en République-Unie de Tanzanie. En fonction de la taille des gisements, le poids économique de la petite exploitation minière peut être considérable, en particulier pour les communautés qui ne disposent d'aucune autre source d'emploi ou de revenus.

«Au niveau national, l'exportation de métaux et de ressources minérales de grande valeur provenant des petites exploitations minières peut grandement contribuer aux recettes en devises. On estime que l'Afrique subsaharienne produit pour un milliard de dollars d'or et de pierres précieuses tous les ans. En Chine, l'or extrait des petites mines représente actuellement quelque 200 millions de dollars par an; en Bolivie et au Brésil, environ 180 millions (beaucoup moins qu'à l'âge d'or des garimpeiros (chercheurs d'or) à la fin des années quatre-vingt); 140 millions de dollars en Indonésie et environ 250 millions au Pérou».

Bien que les économies d'échelle limitent généralement la production de minéraux industriels (tels que le cuivre, le minerai de fer, le manganèse, le plomb et le charbon) aux seules grandes exploitations minières fortement mécanisées, le rapport indique que dans les pays où existe une demande domestique et locale, ces produits sont souvent exploités à petite échelle.

Risques pour la santé et la sécurité

Bien qu'il soit impossible de dire combien de décès et d'accidents interviennent dans les petites exploitations minières, du fait qu'ils ne sont pas toujours signalés et en raison de la nature le plus souvent clandestine du travail, les risques d'accidents mortels et invalidants sont élevés, en particulier dans les mines de charbon souterraines.

«Les trois pays comptant le plus grand nombre de petites mines de charbon souterraines (la Chine, l' Inde, le Pakistan) enregistrent, dans ces exploitations, bien plus d'accidents mortels, même si l'on rapporte ce chiffre aux effectifs, que dans les autres mines», affirme le rapport.

«On estime que plus de 6 000 accidents mortels ont lieu chaque année en Chine dans les petites exploitations minières. Dans la province de Hunan, où 5 220 petites exploitations occupent 200 000 personnes et produisent 25 millions de tonnes de charbon par an, on a recensé, en 1997, 232 décès dont 70 pour cent à la suite de coups de grisou ou de coups de poussier.» Le taux de mortalité, qui est de 9,1 décès pour 1 million de tonnes de charbon, est 90 fois supérieur à la moyenne d'un pays industrialisé qui est de 0,1. Dans certaines régions, le nombre de morts est proportionnellement encore plus élevé, comme cela est par exemple le cas dans la province du Balouchistan, au Pakistan, où en 1998, 64 mineurs ont perdu la vie dans des mines produisant 1,6 million de tonnes de charbon, ce qui représente un taux de mortalité de 40 travailleurs par million de tonnes.

Dans ces pays, comme dans bien d'autres, les catastrophes prélèvent un lourd tribut sur les vies des mineurs. En 1998, en Colombie, un glissement boueux à la suite de pluies a coûté la vie à une centaine de mineurs qui cherchaient des pierres précieuses; les inondations en République-Unie de Tanzanie ont tué plus de 100 mineurs en 1997 et environ 70 autres en 1998. En Chine, en 1996, plus de 400 personnes travaillant dans des mines de charbon ont trouvé la mort lors de trois explosions de gaz distinctes; 86 sont morts dans une explosion en 1997 et plus de trente ont perdu la vie dans des explosions en 1998.

En Bolivie, 4 000 mineurs d'une fédération de coopératives exploitent une ancienne mine d'étain où l'on recense chaque mois jusqu'à trois accidents mortels et quinze blessures graves, soit presque 1 pour cent des accidents de travail qui surviennent chaque année. Une situation similaire prévaut au Zimbabwe, pays dont les petites exploitations minières ont la réputation d'enregistrer un nombre anormalement élevé d'accidents mortels, «entraînés le plus souvent par des mineurs qui pénètrent sans autorisation dans des mines fermées pour retirer du minerai aurifère près des étais et par des orpailleurs qui prospectent des berges de rivière non consolidées.»

Trop souvent, les facteurs humains et financiers contribuent aux décès et aux blessures: «Un équipement médiocre, inapproprié et peu sûr pose de véritables problèmes dans un grand nombre de petites exploitations minières.» Les éboulements dans des tunnels qui ne sont soutenus par aucune structure, les chutes de pierres, l'humidité constante, la mauvaise ventilation, l'équipement défectueux, l'épuisement et l'exposition constante à la chaleur, au bruit et à la poussière coûtent cher à la santé et à la sécurité des mineurs. En raison de l'anarchie qui accompagne fréquemment la ruée vers l'or sur de nombreux sites de petites exploitations minières, les considérations de santé et de sécurité sont souvent ignorées.

Les risques d'accidents miniers, bien que réels, sont loin d'être aussi importants que les risques sanitaires et que le nombre de cas de maladies au sein des communautés de mineurs qui vivent souvent dans des logements exigus, mal aérés et insalubres. Le traitement des minéraux bruts se fait souvent à la maison et en fait, il arrive que l'eau qui devrait être réservée à cet effet soit également utilisée pour un usage domestique. La silicose provoquée par l'exposition à la poussière et l'empoisonnement par le mercure constituent des risques de travail propres aux mineurs mais qui s'étendent à l'ensemble de la communauté, y compris aux femmes et aux enfants des mineurs. Au Ghana, on a diagnostiqué des stades avancés de silicose chez des femmes et des enfants d'à peine 14 ans qui concassaient du minerai de fer dans leurs foyers. Mais le manque presque total d'accès aux soins de santé fait qu'il est impossible de mesurer l'ampleur des maladies liées au travail, en particulier en ce qui concerne la silicose et l'empoisonnement par le mercure.

Les femmes et les enfants mineurs

Le rapport du BIT estime que sur les 13 millions de mineurs travaillant à travers le monde dans des petites exploitations minières, quatre millions sont des femmes, même si un grand nombre d'entre elles travaillent à temps partiel. En Asie, la proportion de femmes est de moins de 10% et elles sont essentiellement employées à trier, à mettre en sacs et à préparer le minerai pour le chargement.

En Amérique latine, la proportion est quelque peu supérieure puisque les femmes représentent entre 10 et 20 pour cent de la main-d'œuvre. En Afrique, la participation des femmes est encore plus élevée, atteignant 60 pour cent dans certaines zones minières.

En Afrique, les femmes participent activement aux activités de traitement - concassant, broyant, tamisant, lavant et transportant le minerai. Dans certains centres miniers, ces tâches sont même exécutées principalement par des femmes qui mènent ces activités dans les foyers, exposant des familles entières à d'importants risques de silicose et d'empoisonnement par le mercure. Si les femmes travaillent rarement sous terre, on peut en revanche les trouver en train de laver le minerai à la batée ou de racler la surface des gisements à la recherche de petites quantités de minerai brut.

En Amérique latine, les femmes entreprennent des activités similaires et on trouve des femmes et des enfants qui récupèrent dans les résidus le minerai et les pierres gemmes. En Bolivie, plus de 8 000 femmes travaillent, dans des conditions pénibles, dans des mines d'or au nord de La Paz. Ces femmes, que l'on appelle les palliris, ramassent et trient les déchets ou résidus miniers des installations de traitement, qu'elles vendent à des intermédiaires, transportent vers d'autres unités de traitement ou lavent elles-mêmes pour en extraire de petites quantités de métal. Certaines femmes travaillent dans des fosses alluvionnaires pouvant atteindre 20 mètres de profondeur, en extrayant du sable métallifère à l'aide de pioches et de pelles. Leurs salaires sont faibles et, souvent, elles travaillent sans être rémunérées, simplement pour accroître les gains de leur mari.

On estime que des centaines de milliers d'enfants travaillent dans des petites exploitations minières, souvent dans des conditions intolérables. Les risques qu'ils encourent - inondation, éboulement, tuberculose, poussière, mercure et autres substances chimiques - sont les mêmes que pour les adultes mais ces risques sont d'autant plus grands durant la croissance de l'enfant.

Dans plusieurs mines et carrières à travers le monde, on peut voir des petits enfants récupérer des minerais dans des résidus, concasser les pierres avec des marteaux, laver le minerai, le tamiser ou le transporter. Des enfants de neuf ans sont utilisés pour poser des explosifs, remplir des sacs de minerai, les transporter sur leur dos et les charger sur des chariots. Le nombre d'enfants dans les mines souterraines a tendance à augmenter lorsqu'ils atteignent environ l'âge de douze ans et commencent, pour nombre d'entre eux, à effectuer le même travail que les adultes. La plupart du temps, les enfants ne travaillent dans les mines que pour augmenter le revenu familial ou pour leur subsistance alimentaire.

Parfois, la petite taille des enfants accroît les risques qu'ils encourent. Tel est le cas, par exemple, lors d'une ruée vers l'or, où la concurrence pour trouver un filon de minerai est acharnée et où les enfants n'ont pas besoin de tunnels aussi larges que ceux requis pour le passage des adultes. Dans de telles circonstances, les risques encourus sont extrêmement élevés en raison de la nature tout à fait hasardeuse des chantiers d'exploitation et du non-respect des précautions élémentaires en matière de sécurité.

Il existe de nombreux exemples de travail des enfants dans la petite exploitation minière. En Guinée, des garçons de 14 à 16 ans travaillent, pour des salaires généralement très faibles, dans des mines de diamants où ils creusent le gravier au fond des tranchées, déplacent l'eau avec des seaux et portent des sacs de sable pour dévier les cours d'eau. Les enquêtes menées par le BIT à Madagascar et au Burkina Faso ont fait apparaître que des centaines d'enfants travaillent dans des petites exploitations minières et dans des petites carrières. Un grand nombre d'entre eux travaillent plus de dix heures par jour aux côtés de membres de leurs familles appauvries.

Au Niger, on estime que près de 250 000 enfants travaillent, à temps plein ou partiel, dans la petite exploitation minière, à un niveau qui reste celui d'une entreprise de subsistance. La plupart de ces enfants sont des descendants d'esclaves qui travaillent dans la production de trona, un produit utilisé pour l'alimentation du bétail dans des conditions d'extrême pauvreté. Ils travaillent également dans l'exploitation du sel, du gypse, de l'or et des matériaux de construction.

Dans la région de Mollehuca, au Pérou, les enfants travaillent sous terre dans des conditions extrêmement pénibles, effectuant presque le même travail que les adultes par postes de douze heures. La plupart des enfants travaillent dans les usines de concassage du minerai. Les niveaux de contamination par le mercure sont élevés et autant les enfants que les adultes souffrent de maladies respiratoires et d'autres affections liées au travail dans la mine.

Aux Philippines, les enfants dans la région de Sibutad portent des sacs de 28 kg de minerai de la mine au site de traitement; d'autres participent au traitement du minerai, s'exposant ainsi à la contamination par le mercure; d'autres encore travaillent sous terre en apportant eau et nourriture aux mineurs.

Sur le site minier de Mererani, en République-Unie de Tanzanie, de jeunes garçons agiles âgés de 12 à 15 ans travaillent en tant que «snake boys» (garçons-serpents), faisant des allers-retours entre le fond et la surface des mines souterraines, tamisant les débris à la recherche de petites pierres précieuses, plaçant des charges de dynamite dans des passages étroits et faisant des commissions pour les mineurs adultes. Leur petite taille permet à ces enfants d'atteindre des endroits inaccessibles aux adultes et d'agir plus rapidement qu'eux, mais les chargements lourds, les positions inconfortables et les conditions de travail difficiles et insalubres pèsent lourdement sur le développement des garçons-serpents.

Un secteur qui a besoin de soutien

Le rapport souligne qu'à l'instar de la plupart des activités économiques, «la petite industrie extractive présente des avantages et des inconvénients. Elle est étroitement liée au développement économique, en particulier dans les zones rurales de nombreux pays en développement; elle aide à freiner l'exode rural, à maintenir les liens attachant les peuples à la terre; c'est une source très importante de recettes en devises étrangères; elle permet l'exploitation de ressources qui sans cela pourraient ne générer aucun revenu; et elle est parfois le préalable à l'ouverture de grandes exploitations minières».

Le rapport soutient qu'«il conviendrait d'aider la petite industrie extractive en lui offrant un environnement qui encourage l'utilisation des meilleures méthodes d'exploitation ainsi que le respect des règles d'hygiène et de sécurité sur le lieu de travail et le respect de l'environnement».

Le rapport préconise d'envisager les mesures suivantes: «Simplifier les modalités d'acquisition et de transfert des titres et des droits de propriété miniers; s'assurer que les petites exploitations minières ont accès aux crédits au même titre que les autres secteurs; faire en sorte que l'on s'attache à résoudre les problèmes sociaux et de travail et que les conditions de vie et de travail des petits exploitants et des communautés dans lesquelles ils vivent s'améliorent; veiller à ce que les effets préjudiciables de la petite industrie extractive sur l'environnement soient atténués dans toute la mesure du possible; permettre aux petits exploitants d'acquérir les compétences techniques et commerciales nécessaires pour qu'ils aient la capacité d'exploiter leurs mines en toute sécurité et d'une manière rentable».

Le rapport affirme que «le succès de ces mesures permettra aux petites exploitations minières de constituer un secteur socialement bénéfique et économiquement rentable et d'être une source de revenus pour les entrepreneurs comme pour les travailleurs ainsi que pour les régions et les pays où elles se situent».

* Les problèmes sociaux et de travail dans les petites exploitations minières. Rapport soumis aux fins de discussion à la Réunion tripartite sur les problèmes sociaux et de travail dans les petites exploitations minières. Bureau international du Travail, Genève, 1999. ISBN 92-2-211480-9. Prix: 17.50 francs suisses.