«Opportunités pour tous»: promouvoir l’emploi des chômeurs handicapés et des personnes vivant avec le VIH/sida

Selon le nouveau rapport global du Bureau International du Travail (BIT) sur les discriminations dans le monde, le défi de l’amélioration de l’employabilité des personnes handicapées et des personnes porteuses du VIH/sida est considérable. Promouvoir les droits des groupes vulnérables, tels que les travailleurs ayant le VIH/sida ou un handicap, figure parmi les domaines d’action privilégiés de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Un excellent exemple nous est fourni par l’Initiative «Opportunités pour tous» qui aide sept entreprises du Nord du Viet Nam à intégrer des personnes vivant avec le VIH/sida ou avec un handicap dans le monde du travail. Reportage de BIT en ligne depuis Hanoi, au Viet Nam.

Article | 16 mai 2011

HANOI, Viet Nam (BIT en ligne) – Quand il s’agit de communication, la langue des signes utilisée par les travailleurs vietnamiens à Chula Fashion trouve un écho d’Hanoi à Santorin, de Canberra à Mexico.

Pourtant, il ne s’agit pas de la langue qu’utilisent les travailleurs de Chula pour communiquer mais plutôt de la qualité et de l’originalité du produit, selon son directeur artistique et propriétaire, Diego Cortizas.

«Nous avons lancé notre entreprise il y a cinq ans. Notre premier employé était sourd, raconte-t-il. Aujourd’hui, nous avons 55 employés dont 80 pour cent ont un handicap; la majorité est atteinte de surdité.»

En espagnol, «chula» signifie belle ou mignonne. Une visite des locaux de l’entreprise permet de découvrir non seulement de belles créations mais également les gestes expressifs et élégants de la langue des signes.

«Pour moi, ce qui est important, c’est la formation», dit Diego en donnant des instructions par signes aux ouvriers qui peignent la dernière collection de mode sur les murs de la réception, à la sortie d’une petite boutique. «Quand une personne est handicapée et qu’elle reçoit une formation professionnelle de qualité pour un travail déterminé, les résultats ont tendance à être bons. Nous avons remporté de grands succès, pas parce que nos vêtements sont fabriqués par des femmes handicapées mais parce que nous faisons des produits de qualité».

Plus de 200 robes de divers styles de création sont fabriquées chaque mois avec des tissus de fabrication locale, essentiellement de la soie vietnamienne, et sont rehaussées de motifs culturels locaux et internationaux. Chaque style est exclusif pour Chula Fashion. Un stock limité est vendu à des magasins d’Hanoi et à des clients d’autres pays d’Asie de l’Est ou du Sud-Est et dans quelques villes européennes et latino-américaines.

«Nous n’avons que des choses positives à dire sur notre expérience, par-dessus tout, en termes d’ambiance de travail: il y a une volonté de progresser et de se concentrer sur les domaines dans lesquels nous pouvons nous entraider. Dans notre cas, les personnes handicapées ne sont pas une minorité, elles forment au contraire la majorité. Et cela change complètement l’ambiance», résume Diego.

Il encourage les employeurs qui ont des postes vacants dans leur entreprise à envisager l’embauche de personnes handicapées: «Je crois que dans 90 pour cent des cas s’ils embauchent une personne handicapée ils seront satisfaits du résultat».

En février, Chula Fashion s’est vu attribuer le «Prix du ruban bleu» qui récompense les employeurs, les organisations et les travailleurs handicapés qui ont apporté une contribution exceptionnelle à la promotion de l’emploi pour les personnes porteuses de handicap. Depuis sa création en 2008, c’est la deuxième fois que ce prix est décerné par le Conseil des employeurs du ruban bleu.

Rares sont les personnes handicapées à occuper un emploi stable

Pourtant, toutes les personnes handicapées du Viet Nam n’ont pas l’occasion d’accéder à un travail décent et de vivre mieux. Sur les quelque sept millions de personnes handicapées que compte le pays, très peu de celles qui sont en âge de travailler disposent d’un emploi stable et d’un revenu régulier. Beaucoup d’entre elles restent à l’écart des systèmes formels d’emploi en raison des discriminations, des comportements hostiles et des préjugés sur leurs aptitudes. Dans cette catégorie de main-d’œuvre, le taux de chômage est élevé – parfois estimé à pas moins de 30 pour cent1.

Chula Fashion incarne la vision de l’OIT d’un milieu de travail sans barrières, qui reconnaît que la déficience d’une personne n’entrave pas sa capacité à apporter sa contribution. Cet exemple peut être une source d’inspiration pour d’autres entreprises afin qu’elles recrutent des chômeurs handicapés. Chula peut aussi servir de modèle pour un nouveau projet de l’OIT au Viet Nam: l’Initiative Opportunités pour tous.

L’Initiative aide sept entreprises du Nord du pays à intégrer les personnes handicapées sur leurs sites. La nouvelle initiative a aussi pour but de promouvoir la sensibilisation et la prévention du VIH/sida.

Lancée fin février, l’initiative est menée conjointement par le projet PEPDEL2 d’Irish Aid et de l’OIT sur le handicap, par le programme OIT-Sida et par le Département de la création d’emplois et du développement de l’entreprise, en coordination avec la Chambre vietnamienne de commerce et d’industrie dans le cadre du Programme par pays en faveur du travail décent.

Les hommes et les femmes qui vivent avec le VIH/sida sont confrontés au même type de discrimination et d’exclusion dans l’accès à la formation et dans leur carrière que les personnes handicapées. Selon un rapport publié par le ministère de la Santé du Viet Nam, quelque 280 000 personnes vivront avec le VIH/sida en 2012 et plus de 40 000 seront contaminées par le virus de l’immunodéficience humaine chaque année. L’épidémie de sida pourrait devenir un problème économique considérable pour les entreprises du Viet Nam car la maladie pourrait les priver d’une force de travail et de compétences.

Les entreprises choisies pour participer à la nouvelle initiative peuvent être de taille moyenne ou grande, avec des effectifs variant de 200 à 7000 employés. Elles représentent divers secteurs de l’économie, y compris le bâtiment, le textile, l’assemblage de composants électriques, la fabrication de cosmétiques et une centrale électrique au charbon.

Parmi les principaux éléments d’«Opportunités pour tous»: l’engagement pour toute la durée du programme qui s’étend sur une période de six à huit semaines; l’accord pour faire participer les PDG et d’autres cadres dirigeants au lancement; la mise en place d’une Equipe de direction chargée du handicap et du VIH/sida sur le lieu de travail où seront représentés la direction, les travailleurs, les syndicats et le personnel médical; l’équipe continuera de se réunir et de suivre les politiques et les pratiques au-delà de la période du projet.

Le personnel du projet conjoint dispense une journée entière de formation au VIH/sida et au handicap. En outre, il effectue trois visites d’une demi-journée à chacune des sept entreprises participantes, avec un délai d’une à deux semaines entre deux visites, afin d’apporter des conseils et des orientations techniques détaillés.

«En fin de compte, le but est d’encourager les entreprises à adopter des politiques durables en matière de VIH/sida et de handicap qui se traduisent par des actions concrètes», explique M. Pham Ngoc Chinh, spécialiste du VIH/sida au Bureau des employeurs de la Chambre vietnamienne de commerce et d’industrie.

«La stigmatisation et la discrimination associées au sida et au handicap rendent la vie quotidienne quasiment impossible pour beaucoup d’hommes et de femmes qui peuvent et veulent être des membres productifs de la société. Cette initiative contribue à améliorer les comportements à l’égard des personnes handicapées et de celles qui vivent avec le VIH/sida et à faire tomber les barrières chez les dirigeants et les travailleurs des entreprises participantes», conclut Mme Rie Vejs-Kjeldgaard, directrice du Bureau de l’OIT à Hanoi.

L’Initiative «Opportunités pour tous» s’inspire du Projet Factory Improvement (Améliorer la gestion des usines) de l’OIT (FIP en anglais) qui est en place au Viet Nam depuis 2006. FIP avait pour but d’aider les usines à faire face aux pressions croissantes de la concurrence en améliorant la qualité et la productivité et en utilisant des pratiques professionnelles loyales.

1 Fiche documentaire du BIT: L’insertion des personnes handicapées au Viet Nam (en anglais), Genève, Suisse, 2009.

2 Le programme de partenariat entre l’OIT et Irish Aid soutient deux projets dédiés au handicap en Asie du Sud-Est: l’un, connu sous le nom de PEPDEL, favorise la mise en place de mesures réglementaires pour promouvoir l’employabilité et l’emploi des personnes handicapées; l’autre, intitulé INCLUDE, soutient l’intégration des personnes handicapées dans la formation qualifiante classique, les services d’emploi et dans le développement de l’entreprenariat et des entreprises.