98e Conférence internationale du Travail

Le chômage partiel: une stratégie pour préserver les emplois en période de crise

Le chômage partiel pourrait fournir une réponse pertinente à la crise mondiale de l’emploi, selon une nouvelle note d’orientation du BIT qui sera discutée lors de la Conférence internationale du Travail, à Genève, du 3 au 19 juin 2009. Les politiques et les programmes de chômage partiel peuvent déboucher sur des solutions bénéfiques à tous, pour les travailleurs, les employeurs comme pour les gouvernements. BIT en ligne s’est entretenu avec un spécialiste du temps de travail du BIT, Jon C. Messenger.

Article | 5 juin 2009

BIT en ligne: Qu’est-ce que le chômage partiel?

Jon Messenger:Le chômage partiel est une réduction de la durée du travail qui a pour but de répartir un volume de travail limité entre un nombre identique ou similaire de travailleurs afin d’éviter les licenciements ou, à l’inverse, c’est une mesure destinée à créer de nouveaux emplois. Le concept de chômage partiel remonte à la Grande Dépression et s’illustre dans l’esprit de la convention (n° 47) de l’OIT sur la semaine de quarante heures, 1935, adoptée en pleine Dépression. Dans le contexte actuel de récession économique mondiale – et de la crise mondiale de l’emploi qu’elle a suscitée – l’intérêt pour le chômage partiel s’est accru parce qu’il peut être un outil stratégique sur le marché de l’emploi pour préserver les emplois existants. (Note 1)

BIT en ligne: Est-ce la même chose que le partage de l’emploi?

Jon Messenger: Le chômage partiel ne doit pas être confondu avec le partage de l’emploi qui fait référence à un accord volontaire par lequel deux personnes prennent la responsabilité conjointe d’un travail à temps plein; par exemple, l’une des formes communes de partage de l’emploi est de partager un poste à temps plein en deux emplois à temps partiel.

Contrairement au chômage partiel, le partage de l’emploi n’est généralement pas conçu comme une stratégie pour éviter des licenciements ou créer des emplois; l’aménagement du temps de travail dans le cadre du chômage partiel ne réduit habituellement pas les horaires jusqu’à des temps partiels.

BIT en ligne: En quoi le chômage partiel est-il une réponse appropriée à la crise mondiale de l’emploi?

Jon Messenger:Le chômage partiel est une mesure adéquate pour répondre à la crise mondiale de l’emploi parce qu’elle vise à répartir les retombées d’une situation économique difficile – non seulement parmi les travailleurs, mais également entre travailleurs, employeurs et gouvernements. Si les politiques de chômage partiel sont correctement conçues et mises en œuvre, elles débouchent sur une solution «gagnant-gagnant»: permettant aux travailleurs de conserver leur emploi et même de préparer l’avenir; aidant les entreprises non seulement à survivre à la crise, mais à être bien positionnées pour prospérer dès le retour de la croissance; et minimisant les coûts des aides sociales et, en fin de compte, l’exclusion sociale pour les gouvernements et pour la société dans son ensemble.

BIT en ligne: Quels sont les éléments fondamentaux des politiques et des programmes de chômage partiel?

Jon Messenger: Pour l’essentiel, cinq éléments doivent figurer dans les politiques et les programmes de chômage partiel: la réduction de la durée du travail pour tous les employés d’une entreprise, ou pour ceux d’un service spécifique de l’entreprise, en lieu et place de licenciements; la réduction du temps de travail est accompagnée d’une réduction salariale au prorata; le versement de compléments de salaire aux travailleurs concernés afin «d’atténuer» les effets de la réduction temporaire des salaires; la fixation de limites spécifiques pour la période de chômage partiel (ces limites sont essentielles pour garantir que le programme de chômage partiel est vraiment une mesure temporaire en réponse à la crise économique); et la création de liens entre programmes de chômage partiel et activités de formation ou de reconversion.

BIT en ligne: Le chômage partiel a-t-il déjà été testé dans certains pays?

Jon Messenger: La grande majorité des pays qui possèdent des programmes actifs de chômage partiel appartiennent au monde industrialisé: Allemagne, Autriche, Belgique, France, Japon, République de Corée, Pays-Bas, Suisse et quelques Etats fédérés des Etats-Unis. A l’inverse, ces programmes sont relativement rares dans les pays en développement et les économies de transition. Néanmoins, dans le contexte des crises mondiales de l’économie et de l’emploi, un petit nombre de pays en développement ou en transition ont commencé à discuter et à expérimenter quelques formules basiques de chômage partiel, notamment le Chili, le Costa Rica et l’Uruguay en Amérique latine, et la République tchèque, la Hongrie, la Slovaquie et la Slovénie en Europe orientale.

BIT en ligne: Les programmes de chômage partiel préservent-ils les emplois?

Jon Messenger: Une étude menée par l’Institut allemand pour la recherche sur l’emploi sur le système de Kurzarbeit (travail à temps réduit) – actuellement le plus vaste programme de chômage partiel au monde – montre que, en 2002-2003, deux tiers (67,1 pour cent) des entreprises participant au système avaient maintenu le même niveau d’emploi dans leur établissement et 7 pour cent avaient véritablement augmenté leurs effectifs en recrutant de nouveaux employés. En outre, les programmes de chômage partiel vont complètement à contre-courant, prenant leur essor en période de ralentissement économique, puis déclinant quand l’économie repart.

BIT en ligne: Quels sont les facteurs essentiels pour réaliser un programme de chômage partiel efficace?

Jon Messenger: Ce sont avant tout le dialogue social, la négociation collective et les autres formes de négociation qui jouent un rôle crucial pour déterminer les conditions de mise en œuvre des programmes de chômage partiel. Les questions clés comprennent la détermination des travailleurs couverts par l’accord de chômage partiel; l’étendue de la réduction du temps de travail; l’ampleur des réductions de salaire correspondantes; la répartition de la diminution des heures supplémentaires; la durée de l’accord; et les effets sur l’emploi – en particulier, des garanties précisant que les effectifs seront maintenus tout au long de la période de mise en œuvre du chômage partiel.

La question du chômage partiel sera débattue le samedi 6 juin, au cours du dialogue thématique de la session 7 “Moyens d’action: salaires et conditions de travail” de la Conférence internationale du Travail.


Note 1 - Work sharing: A strategy to preserve jobs during the global jobs crisis (Le chômage partiel: une stratégie pour préserver les emplois en période de crise mondiale de l’emploi), par Jon C. Messenger, Programme des conditions de travail et d’emploi, note d’orientation n° 1, Bureau international du Travail, juin 2009.