Dans la foulée du G8, le débat de l'OIT sur la sécurité des gens de mer prend une nouvelle urgence

Le Sommet du G8, qui vient de prendre fin à Evian, France, a souligné la nécessité d'œuvrer urgemment, au sein de l'OIT, à l'élaboration d'un régime de sécurité renforcé pour les gens de mer, 1,2 million de personnes qui sillonnent le monde. Depuis les attentats du 11 septembre, un besoin se fait pressant: établir des documents d'identité internationalement reconnus pour les gens de mer, qui assument la majeure partie du commerce mondial et dont la liberté de mouvement est soumise à une surveillance accrue quand elle ne leur est pas refusée. La Conférence internationale du Travail, qui s'est ouverte mardi à Genève, s'efforcera de trouver un accord sur de nouvelles mesures de sécurité pour les gens de mer, mesures qui pourraient entrer en vigueur dès juin 2004.

Article | 22 septembre 2003

GENÈVE (BIT-en-ligne) – Soldats en armes du terrorisme international ou immigrants illégaux jouant les marins marchands? Ou simples gens de mer dans leur tâche de marins marchands. En promulguant, en 2002, la loi sur la sécurité du transport maritime (Maritime Transportation Security Act) le Congrès américain a fait un premier pas pour protéger la communauté internationale des gens de mer des menaces du terrorisme. D'autres pays envisagent des mesures similaires pour endiguer, en particulier, le flot de l'immigration illégale.

Le secteur emploie plus d'un million 200 000 personnes de diverses nationalités, avec une majorité de ressortissants de pays en développement ou en transition. Ils sont le moteur du commerce mondial, puisque près de 90 pour cent du volume des échanges se font par la mer

Les gens de mer représentent aujourd'hui une catégorie unique de travailleurs de l'industrie. Le navire est tout à la fois leur domicile, leur lieu de travail et de récréation, puisqu'ils passent en moyenne neuf mois par an en mer. Dans un monde soucieux de renforcer les mesures de sécurité, la préoccupation première de l'OIT est de s'assurer qu'un équilibre est maintenu entre les impératifs de la sécurité, les intérêts des gens de mer et la fluidité du commerce maritime.

L'établissement d'un document d'identité, internationalement reconnu, est au cœur des discussions: le fait a été entériné au Sommet d'Evian, qui a insisté sur la nécessité «d'établir, par le biais de l'Organisation internationale du Travail, un document sûr et vérifiable». Un tel document contribuerait, de manière importante, à la sécurité internationale, dans la mesure où il assurerait que l'identité des gens de mer dans les ports, les aéroports et à bord des navires est établie de manière irréfutable.

La présente Conférence internationale du Travail va s'atteler à élaborer une nouvelle convention internationale pour renforcer les aspects «sécurité» de la convention sur les pièces d'identité des gens de mer qui existe depuis 1958 (convention no 108), une manière de s'assurer que les marins, en visite dans des ports, puissent descendre à terre après des périodes souvent longues en mer.

«Nous vivons aujourd'hui dans un monde où nous avons des intérêts, contradictoires mais légitimes, sur la sécurité, le flux du commerce maritime, le bien-être de ces professionnels de la mer et la fluidité de leurs mouvements. Des mesures urgentes sont de toute évidence nécessaires pour trouver un équilibre entre ces intérêts», a déclaré M. Juan Somavia, Directeur général du Bureau international du Travail (BIT). «L'OIT offre, opportunément, un forum aux gouvernements, employeurs et travailleurs pour trouver une solution adéquate prenant en compte l'ensemble de ces intérêts.»

Il n'existe à ce jour aucune spécification internationale obligatoire pour l'établissement de papiers d'identité. L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a donné des orientations sur la forme et le contenu des passeports, visas et documents de voyage. Elle met actuellement au point les données d'un passeport «intelligent» comportant des informations biométriques, avec une puce incorporée au document de voyage.

Le projet de convention, débattu à la Conférence internationale du Travail, comporte l'examen des spécifications suggérées par l'OACI. Mais le caractère inaltérable du document ne suffira pas à identifier avec certitude le porteur. Il est de ce fait important d'éviter le risque de voir ces papiers délivrés à la mauvaise personne. Le texte projeté insiste sur la nécessité pour tous les pays de disposer d'une base de données à même d'être consultée au niveau international et d'observer des procédures rigoureuses dans la délivrance des pièces d'identité.

La nouvelle convention définit les paramètres de base et remet à plus tard certains détails, comme par exemple la forme précise de la carte d'identité. Selon un sondage de l'OIT, la grande majorité des Etats membres s'est dite favorable à l'impression de données biométriques sur le document avec un ou plusieurs de ces éléments: empreinte digitale, caractéristiques du visage, de la main, de l'iris. Pourtant, certains pays et les organisations représentant les gens de mer se demandent si cette démarche ne risque pas d'être une atteinte aux «droits de la personne».

Et même si les nouvelles normes veillent à maintenir les coûts aussi bas que possible, certains membres de l'Organisation s'inquiètent de savoir si des documents d'identité si sophistiqués n'auront pas un prix bien plus élevé que les cartes actuelles. «Le succès de la nouvelle convention dépendra de la coopération technique qui pourra être apportée aux pays dans le besoin d'une assistance», a indiqué M. Somavia.

La majorité des Etats membres a estimé préférable que le document d'identité soit délivré par le pays dont le marin est ressortissant, même si l'on opte pour un format unique, peut-être semblable au passeport de l'Union européenne. Il est de même souhaité que la pièce d'identité soit lisible à l'œil et à la machine.

Le concept d'une identification universelle des gens de mer a été lancé pour la première fois dans les années cinquante par la Fédération internationale des travailleurs du transport avant de prendre forme dans la convention de l'OIT de 1958. Celle-ci a été ratifiée par 61 pays, représentant 60,7 pour cent de la flotte mondiale. Considérée comme un instrument utile, elle a besoin d'une mise à jour pour tenir compte des techniques modernes de détection des fraudes et des faux, faciliter une vérification d'identité plus rapide et plus sûre et uniformiser la présentation.