Travail décent: Comment des programmes nationaux ouvrent la voie pour s'affranchir de la pauvreté

Les nouveaux programmes pilotes sont l'angle d'attaque de l'OIT pour mettre en œuvre son Agenda pour le travail décent au niveau national. Ces programmes pilotes pour le travail décent sont fondés sur les quatre objectifs stratégiques de l'OIT - Promotion de l'emploi, Droits au travail, Protection sociale et Dialogue social - et intègrent des objectifs économiques et sociaux. Au Ghana, un Programme pilote pour le travail décent élaboré au niveau national a montré comment on peut mettre en pratique le travail décent et lutter du même coup contre la pauvreté.

Article | 6 juillet 2006

AYUMAKO, Centre du Ghana (BIT en ligne) - Dans le commerce de l'huile de palme ici, être plus productif est une question de partage.

"Auparavant, nous avions l'habitude de garder nos connaissances pour nous, mais après la formation, nous nous sommes entraidés et avons augmenté la quantité de noix de palme traitée", a déclaré Victoria Edith Mensah, membre de l'Association des producteurs d'huile de palme à Ayumako.

En octobre 2005, dix de ses quinze membres ont participé au stage de formation de l'OIT pour l'Association des petites entreprises. Ils se sont montrés très enthousiastes quant aux nouvelles compétences qu'ils ont acquises, notamment la gestion de la charge de travail et des comptes et la constitution d'une Association de petites entreprises. Découvrir de nouvelles méthodes de production d'huile de palme et apprendre à gérer une entreprise ont notamment permis aux femmes d'augmenter leurs possibilités d'entreprendre, grâce à la certification qualité, à l'emballage et l'étiquetage de leurs produits.

Ce projet fait partie du Programme pilote de l'OIT pour le travail décent au Ghana, une initiative conjointe de l'OIT et du gouvernement du Ghana qui a pour but de réduire la pauvreté grâce à la promotion du travail décent dans l'économie informelle. Ce projet fait partie des nouveaux programmes de l'OIT institués dans un certain nombre de régions qui mettent en œuvre les principes de l'OIT pour améliorer les conditions de vie et d'emploi.

"L'expérience de l'OIT en matière de programmes nationaux pour le travail décent a été très positive en plaçant les objectifs de travail décent en tête des agendas politiques nationaux", a déclaré le Directeur général du BIT Juan Somavia. "Ces expériences vont utilement nourrir le prochain débat de haut niveau de l'ECOSOC qui porte cette année sur le travail décent et le développement durable".

Des pays comme le Ghana ont besoin de travail décent. Quatre Ghanéens sur dix, soit 8 millions d'habitants sur 20 sont pauvres. L'éradication de la pauvreté a été déclarée priorité numéro un du développement national.

"Bien que ce progrès ne soit pas terminé, lui et d'autres programmes similaires ont déjà prouvé la viabilité d'une croissance décentralisée, en faveur des pauvres, conduite par des petites entreprises soutenues par les autorités locales et nationales dans un partenariat public-privé", déclare Frans Roselears, Directeur du Département Partenariats et Coopération pour le développement de l'OIT. "Cela a engendré une meilleure gouvernance et une plus grande efficacité des dépenses publiques, un meilleur recouvrement des recettes, le développement de petites entreprises bénéficiant aux plus démunis, notamment aux femmes".

La Conférence internationale du Travail de juin 2006 a cité un exemple d'application réussie d'un programme intégré de l'OIT pour réduire la pauvreté: le Programme pour le travail décent mené au Ghana. Le système de développement économique local doit maintenant être reproduit dans d'autres régions du pays dans le cadre d'un programme en faveur de l'emploi des jeunes doté d'un budget de 100 millions de dollars. De plus, une nouvelle politique de l'emploi doit être mise en œuvre sous la supervision du ministre de la Main-d'œuvre à partir de 2006.

Le Programme par pays de l'OIT pour le travail décent (DWCP) au Ghana, pour la période 2006-2009, sera élaboré à partir du pilote et mettra l'accent sur le développement économique local et l'entrepreneuriat des femmes pour soutenir le programme en faveur de l'emploi des jeunes

Maîtriser les déficits de travail décent

Que ce soit au Ghana ou dans d'autres pays qui ont des programmes pilotes tels que les Philippines, une des leçons tirées de l'expérience est que l'action au niveau local est une dimension indispensable et complémentaire de l'agenda politique national pour le travail décent. Des cadres de développement économique et social locaux dans le contexte de politiques de décentralisation et de gouvernance locale fournissent une réelle occasion de donner une résonance pratique à l'Agenda pour le travail décent au plus près de ses bénéficiaires sur le terrain.

Selon M. Roselears, promouvoir l'Agenda pour le travail décent au niveau du pays est une reconnaissance du rôle central du travail dans la vie de chacun et exige un ensemble cohérent de politiques nationales qui offrent de meilleures perspectives de développement personnel, d'intégration sociale et de progrès économique et social.

"Le dialogue social et les consultations tripartites jouent un rôle crucial pour déterminer l'axe de l'Agenda pour le travail décent dans le pays concerné. Ce processus a permis de fixer des objectifs concrets adaptés aux priorités politiques nationales spécifiques telles que la réduction de la pauvreté au Ghana, la restructuration du secteur du textile et de l'habillement au Maroc, des réponses nationales à la mondialisation au Bangladesh, le développement local aux Philippines, la démocratisation et son calendrier des réformes au Bahreïn, une approche intégrée de la protection sociale au Kazakhstan et la réforme du marché du travail au Panama", précise-t-il.

Un autre aspect important de ces programmes nationaux est l'acceptation, la visibilité et le soutien obtenus même au plus haut niveau de l'échiquier politique. Ils donnent aux ministres du Travail une occasion et un socle pour s'engager dans un débat politique sur les objectifs économiques et sociaux de haut niveau, au-delà de leurs mandats et fonctions spécifiques.

Qui plus est, la valeur ajoutée du DWCP a été de permettre un consensus entre le gouvernement, les travailleurs et les employeurs dans les pays sur les politiques et les plans d'action nationaux. Au Panama par exemple, le dialogue politique s'est traduit par le lancement d'un programme d'infrastructures, de 200 millions de dollars, à forte intensité de main-d'œuvre et par un accord sur un panier de produits servant de référence pour fixer le salaire minimum.

Au Ghana, cela s'est concrétisé par l'inclusion de la promotion des petites et des microentreprises de l'économie informelle dans la stratégie nationale de réduction de la pauvreté. Au Maroc, les partenaires sociaux ont adopté un Plan tripartite d'action national pour accélérer la compétitivité de l'industrie textile par la promotion du travail décent. L'OIT soutient la mise en œuvre de ce plan d'action national qui bénéficie du soutien financier du gouvernement d'Espagne depuis juin 2005.

Finalement, l'interaction entre les agendas nationaux et internationaux du développement est un thème récurrent des discussions entre gouvernements, employeurs et travailleurs sur la réduction de la pauvreté au Ghana et en Indonésie, des débats politiques sur la gestion de la mondialisation au Bangladesh ou sur la restructuration des industries d'exportation au Maroc et aux Philippines.

Pour une information plus détaillée, veuillez consulter: www.ilo.org/public/english/bureau/dwpp