Développement durable et avenir du travail dans le contexte du Jubilé de la Miséricorde: Déclaration d’engagement et action

Déclaration conjointe des représentants d’organisations Catholiques, mouvements syndicaux et coopératives, et associations d’employeurs lors du séminaire mondial sur «le Développement Durable et l'Avenir du Travail dans le contexte du Jubilé de la Miséricorde» qui a eu lieu à Rome du 2 au 5 mai 2016.

Déclaration | 5 mai 2016
Nous, rejprésentants d’organisations Catholiques, mouvements syndicaux et coopératives, associations d’employeurs, et autres organisations impliquées dans la promotion du travail décent, au niveau local, national ou international, réunis à Rome entre le 2 et le 5 mai 2016, pour un séminaire mondial sur «le Développement Durable et l'Avenir du Travail dans le contexte du Jubilé de la Miséricorde», nous sommes:

Reconnaissants du rôle facilitateur joué par le Conseil Pontifical Justice et Paix, Caritas Internationalis, le groupe de travail des Organisations d’Inspiration Catholique Engagées dans la Promotion du Travail Décent, ainsi que la Commission allemande Justice et Paix, en convoquant cette importante discussion pour identifier certains points les plus critiques du monde du travail, et échanger sur des solutions innovantes.

Convaincus que les personnes, y compris les travailleurs, leurs familles, et communautés d’appartenance, doivent être mis au centre des politiques de développement durable et doivent être la première préoccupation des réflexions et débats sur l’avenir du travail;

Nous prévoyons que nos discussions et nos réflexions approfondies, tenues au cours de ce Séminaire Mondial, nous ont placés sur une bonne voie; celle-ci sera sûrement prochainement jalonnée de progrès dans l’obtention d’engagements supplémentaires et permettra de mettre en place des politiques publiques ainsi que des pratiques équitables et justes, tout ceci ainsi de contribuer à accroître efficacement l'accès des jeunes à l'emploi et à une éducation de qualité, de développer des programmes pour protéger la stabilité de l'emploi et pour éradiquer la détérioration ou la marginalisation des normes internationales du travail.

Engagés à promouvoir la dignité, le dialogue et les droits de l'homme ainsi que les normes internationales du travail au cœur de toutes les politiques de développement durable;

Revêtent une importance critique des questions telles que: le manque de respect et de garanties légales à la liberté d'association et au droit de négociation collective de juste salaire; l'éradication du travail des enfants; le travail forcé, le trafic et les formes modernes d'esclavage, ainsi que toute forme de discrimination; les difficultés d'accès à l'emploi pour beaucoup de jeunes adultes; l’aggravation des situations de travail, y compris des conditions indécentes, indignes et dangereuses, en particulier en ce qui concerne la croissance de la précarité et du travail informel dans la chaîne d'approvisionnement mondiale; le manque de reconnaissance de la valeur du travail; le non-respect de paiement de salaires justes et de fourniture de protections sociales pour les travailleurs et leurs familles; la transformation du monde du travail, notamment par le numérique et autres formes technologiques; le manque d'accès à des conditions de travail décentes pour les migrants et les réfugiés; le manque d'accès à une protection sociale adéquate pour les enfants, les malades, les handicapés, les chômeurs et les personnes âgées.

Tout à fait conscients et profondément préoccupés que les femmes, malgré leur égale dignité avec les hommes, en tant que personnes humaines créées à l'image et la ressemblance de Dieu, soient régulièrement confrontées à des politiques et à des pratiques injustes, discriminatoires et stigmatisantes dans le monde du travail et dans les autres sphères socio-économiques;

À cet égard, nous avons reçu un espoir et un encouragement supplémentaire par le choix du Pape François pour l'Intention de Prière du mois de mai 2016, sur le «Respect des Femmes»: «La contribution des femmes dans tous les domaines de l’activité humaine est indéniable, à commencer par la famille… Nous avons fait très peu pour que les femmes qui sont dans des situations très difficiles – méprisées, marginalisées et même réduites en esclavage. C’est une prière pour que dans tous les pays du monde les femmes soient honorées et respectées, et que soit valorisée leur contribution sociale irremplaçable.»

Inspirés par la Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique et par les valeurs et les enseignements des autres traditions religieuses, y compris le respect et le renforcement de la dignité humaine, la solidarité, la subsidiarité et la durabilité, qui sont également conformes aux principes et aux normes internationales fondatrices des processus et activités tripartites de l'Organisation internationale du Travail (OIT);

Nous rappelons en particulier la Déclaration de l’OIT à Philadelphie (1944): «Tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spiritual dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égale; la réalisation des conditions permettant d’aboutir à ce résultat doit constituer le but central de toute politique nationale et internationale»; D’autres éléments clefs de l’OIT auxquels faire référence sont la Déclaration sur les Principes et Droits Fondamentaux au Travail (1998) et la Déclaration sur la Justice sociale pour une mondialisation équitable (2008).

Nous célébrons la contribution la plus récente à la Doctrine Sociale Catholique apportée par le Pape François dans son éclairante encyclique, Laudato Sì, par laquelle il souligne la nécessité urgente pour tous les membres de la famille humaine de renforcer leurs relations avec Dieu, avec la création et les uns avec les autres, du point de vue de l'écologie intégrale, et traite expressément de la vocation du travail humain, y compris les points suivants qui sont d'une grande importance vis-à-vis de nos préoccupations et de nos efforts:
  • Si nous essayons de considérer quelles sont les relations adéquates de l’être humain avec le monde qui l’entoure, la nécessité d’une conception correcte du travail émerge,… N’importe quelle forme de travail suppose une conception d’une relation que l’être humain peut ou doit établir avec son semblable. (#125)
  • Le travail est une nécessité, il fait partie du sens de la vie sur cette terre, chemin de maturation, de développement humain et de réalisation personnelle. (#128)
  • Pour qu’il continue d’être possible de donner du travail, il est impérieux de promouvoir une économie qui favorise la diversité productive et la créativité entrepreneuriale. L’activité d’entreprise, qui est une vocation noble orientée à produire de la richesse et à améliorer le monde pour tous, peut être une manière très féconde de promouvoir la région où elle installe ses projets; surtout si on comprend que la création de postes de travail est une partie incontournable de son service du bien commun. (#129)
  • Il est fondamental de chercher des solutions intégrales qui prennent en compte les interactions des systèmes naturels entre eux et avec les systèmes sociaux. Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale. Les possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature. (#139)”
Nous appelons le Conseil Pontifical Justice et Paix, l'Organisation internationale du Travail, Caritas Internationalis, et le groupe de travail des Organisations d’Inspiration Catholique Engagées dans la Promotion du Travail Décent, à saisir l'occasion, de l’actuelle mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable, et de l’Initiative du Centenaire de l'OIT sur l'Avenir du Travail, pour continuer à promouvoir échange et dialogue entre les organisations impliquées dans le monde du travail, notamment grâce au fait que le dialogue est l’une des valeurs fortes soutenue de façon commune tant par la Doctrine Sociale de l'Eglise que l'OIT. L'engagement avec d'autres structures religieuses et communautés est également primordial.

De même, la promotion des échanges entre et parmi les pays du Sud et du Nord, est urgemment nécessaire, en particulier, pour identifier et renforcer les bonnes pratiques, et pour rechercher des modèles alternatifs d'intégration socio-économique basés sur les principes qui sous-tendent la Doctrine Sociale de l'Eglise Catholique et les normes fixées par les Conventions et Recommandations de l'OIT. Nous espérons sincèrement que de tels dialogues et plaidoyers se traduiront par la formulation, le renforcement, la mise en vigueur et le contrôle des politiques publiques des États, afin de garantir un travail décent, une rémunération équitable et la protection sociale pour tous les travailleurs et leurs familles.

De plus, nous croyons que l'Eglise Catholique, les autres organisations religieuses et la société civile dans son ensemble, ont l’importante responsabilité de promouvoir des politiques et des pratiques justes, tant au sein de leurs institutions respectives que dans tous les secteurs de la société et de signaler toutes formes d'exploitation et d’atteintes à la dignité humaine, notamment dans le cadre de la célébration par l'Eglise Catholique de cette année Jubilaire extraordinaire de la Miséricorde. Tous les employeurs, individuels et institutionnels, ont la responsabilité de transformer le monde du travail afin qu'il reflète la dignité et les droits de tous les travailleurs. En particulier, les structures liées à l'Eglise ont le devoir de fonder toutes leurs politiques et actions relatives à l'emploi sur les valeurs de l'Évangile, afin qu'elles puissent témoigner de façon crédible de la puissance de la miséricorde et de la justice de Dieu.

A cette fin, nous, participants de ce Séminaire Mondial, proposons de:

  • établir, sur une base large, un réseau de contacts pour toucher les trois parties constituantes de l'OIT, notamment les gouvernements, et avec d'autres parties prenantes et la société civile amplifier nos efforts de plaidoyer pour mieux sensibiliser et promouvoir une action efficace sur l'importance du travail décent, en particulier dans le contexte des discussions sur l'avenir du travail et de la mise en œuvre des objectifs de Développement Durable;
  • organiser une série de consultations régionales ayant pour objectif de renforcer les échanges préparant la célébration, en 2019, du centenaire de l’OIT; Les résultats de ces échanges devront être rendus disponibles dans un format accessible, de façon à encourager et développer encore plus le dialogue et l’échange d’expériences entre les organisations de niveau national et local, ainsi qu’avec les gouvernements et les organisations multilatérales, y compris les Agences Spécialisées des Nations Unies. En tant qu’organisations membres, incluant les Conférences Episcopales respectives, les structures œcuméniques et interreligieuses, et les associations de travailleurs et employeurs, nous continuerons à promouvoir un tel dialogue.
  • promouvoir des échanges réguliers entre les participants de ces consultations, tout spécialement à l’occasion du 50ème anniversaire de la fondation du Conseil Pontifical Justice et Paix, de l’Initiative du Centenaire de l’OIT sur l'Avenir du Travail, et de la Conférence internationale du Travail, sous forme d’invitations croisées et de partage d’informations. De plus, la Conférence Mondiale de 2017 sur le Travail des Enfants, organisée en Argentine au titre de l’Objectif de Développement Durable 8.7, pourrait servir de jalon-clef dans la préparation vers 2019.
En conclusion, nous rappelons le défi que nous a lancé le Pape François, au cours de son allocution dominicale et sa bénédiction aux Catholiques et toutes personnes de bonne volonté réunis sur la place Saint Pierre ce dimanche 1er mai 2016: «Demain, à Rome, débute la conférence internationale sur le développement durable et les formes les plus vulnérables du travail. J’espère que cet événement pourra créer une prise de conscience des autorités, des institutions politiques et économiques ainsi que la société civile, de façon à ce que soient promu un modèle de développement qui prenne en compte la dignité humaine dans le plein respect des normes du travail et de l’environnement.»