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Les personnes handicapées, une main-d’œuvre inexploitée

Nous devons modifier notre regard et investir dans les personnes handicapées, d’après Mike Hess, Directeur exécutif et fondateur du Blind Institute of Technology (BIT) aux Etats-Unis.

Editorial | 10 novembre 2020
Mike Hess, Directeur exécutif, Blind Institute of Technology
Nous sommes vraiment la plus grande ressource inexploitée de la planète. En fait, lorsque je parle des personnes handicapées, je préfère les termes de «personnes prêtes à travailler en entreprise».

Pour moi, tout commence par un changement de regard de la part des employeurs potentiels. C’est ce que j’essaie de faire avec mon organisation, le Blind Institute of Technology (l’Institut de technologie pour les aveugles), dont l’objectif est de réduire le taux de chômage élevé des professionnels de l’informatique et des technologies de l’information qui sont aveugles ou malvoyants.

Je suis officiellement aveugle depuis mon entrée à l’école. Je dois beaucoup à ma mère. Au lieu de me mettre dans une école pour aveugles, elle voulait absolument que je reste dans le système scolaire public. À l’époque, j’ai appris à utiliser les technologies disponibles pour les malvoyants, à marcher avec une canne et à lire le braille.

Le fait d’être aveugle ne m’empêchait pas d’avoir une vie bien remplie. La perte de la vision est un inconvénient pour moi, c’est tout. Immédiatement après l’université, j’ai épousé ma femme, Nathalie, adopté deux filles, et mon fils Maddox s’est ajouté à la famille. J’ai fait de la compétition en arts martiaux, je fais du ski et du ski nautique, et de l’alpinisme.

Après 20 ans de carrière dans le secteur des technologies, je suis la preuve vivante que la cécité n’est pas le handicap qu’on imagine. J’espère maintenant trouver un emploi à des centaines de personnes par an dans les entreprises du classement Fortune 500. Cela se fera grâce à la technologie. Les personnes handicapées sont des candidats parfaits pour les emplois de bureau. La technologie est maintenant tellement accessible; c’est une interface fluide.

Ces cinq dernières années, le Blind Institute of Technology a trouvé un emploi à plus de 100 personnes handicapées dans le pays. Mon travail consiste à me déplacer, frapper aux portes et montrer aux employeurs à quel point il est facile d’intégrer sans aucun problème les personnes handicapées, qui font augmenter le bénéfice net et apportent à la culture de l’entreprise.

La technologie permet de persuader les employeurs. Certains aveugles peuvent écouter leur lecteur d’écran à la vitesse de 300 mots par minute. C’est plus rapide que les données qu’une personne voyante peut lire sur son écran.

La technologie, c’est le moyen, mais la vraie raison d’embaucher, c’est la qualité des travailleurs. On n’embauche pas une personne handicapée pour se donner bonne conscience. On l’engage parce qu’elle va travailler deux fois plus dur et qu’elle ne va pas changer d’emploi du jour au lendemain. On l’embauche parce qu’elle va bien faire son boulot. C’est aussi une stratégie gagnant-gagnant pour les grandes entreprises qui ont généralement du mal à respecter les objectifs en matière de diversité.

J’appelle mon plan «l’initiative à un milliard de dollars»: une personne aveugle recevra tout au long de sa vie professionnelle environ un million de dollars d’aides publiques, qui se composent de l’allocation de la sécurité sociale pour les personnes handicapées, des bons pour l’alimentation, un logement, environ un million de dollars. Si nous sortons mille personnes handicapées de ce système, on permet à l’assistance publique d’économiser un milliard de dollars, et l’on crée près de 100 millions de revenus par an grâce à l’emploi.

Mon ambition est maintenant d’apporter cette approche aux pays en développement pour autonomiser les personnes handicapées, souvent piégées dans la pauvreté à cause du manque d’emploi et de l’absence de services sociaux, afin de leur permettre de déployer tout leur potentiel.

Par Mike Hess, Directeur exécutif, Blind Institute of Technology (BIT)