La crise des réfugiés

Syrie: Les donateurs doivent aider les pays d'accueil à faire face à la crise des réfugiés

Les questions liées au travail et à l'emploi jouent un rôle clé dans la réponse de la communauté internationale à la crise des réfugiés syriens. En amont d'une réunion de soutien à la Syrie organisée à Londres, le Directeur général de l'OIT, Guy Ryder, s'est rendu en Jordanie pour constater de lui-même les effets de l'afflux massif de réfugiés sur le marché du travail et évoquer les différentes options qui existent en matière d'emploi à la fois pour les réfugiés et pour les populations qui les accueillent.

Actualité | 29 janvier 2016
Le Directeur général de l’OIT Guy Ryder rend visite à des familles réfugiées dans le camp de Zaatari
© Awad Tawel / OIT
AMMAN, Jordanie (OIT Info) – «La responsabilité première de la communauté internationale est d’aider les pays voisins de la Syrie qui reçoivent des réfugiés à relever les défis économiques et sociaux que posent cette crise», a déclaré le Directeur général de l’OIT en amont de la conférence des donateurs de la Syrie à Londres.

S’exprimant lors d’une conférence de presse dans la capitale jordanienne, Amman, au côté du ministre jordanien du Travail, Nidal Katamine, M. Ryder a affirmé que l’emploi, pour les réfugiés comme pour les communautés d’accueil mises à l’épreuve, était devenu un enjeu central dans les efforts internationaux d’aide à la Syrie qui ont été réorientés pour intégrer une approche axée sur le développement au sein d’opérations essentiellement humanitaires.

«L’enjeu est d’abord pour la communauté internationale d’apporter l’assistance, le soutien, les ressources, ainsi que le conseil en matière depolitiques qui permettront au gouvernement jordanien et aux autres pays de mieux affronter la question des réfugiés et qui offriront en même temps aux réfugiés syriens des solutions pour gagner leur vie», a déclaré M. Ryder à la conférence du 28 janvier.

«Il faut concilier l’obligation d’apporter de l’aide, un soutien à l’emploi et au développement pour les réfugiés, avec la nécessité de gérer efficacement le marché du travail des pays d’accueil», a ajouté le Directeur général.

«Les réfugiés syriens ont le sentiment que leur vie est suspendue. D’une certaine manière, leur vie est gelée dans les circonstances actuelles et ils ont intérêt – et j’estime que c’est humain, que c’est compréhensible – à trouver leur place sur le marché du travail», a confié M. Ryder aux journalistes présents à la conférence de presse qui a suivi sa visite du camp de réfugiés de Zaatari, dans le Nord de la Jordanie.

«Mais ils savent, comme je le sais, et je suis sûr que vous le savez aussi, que cette situation ne doit pas compromettre les perspectives des travailleurs jordaniens sur le marché du travail.»

M. Ryder effectuait sa première visite officielle en Jordanie, en vue de voir, en personne, les effets de la crise des réfugiés syriens sur le marché du travail et de s’entretenir avec les hauts responsables du gouvernement et les représentants des employeurs et des travailleurs des possibilités d’emploi, à la fois pour les réfugiés et pour les communautés locales qui les accueillent.

M. Ryder rencontre le Roi Abdallah de Jordanie
© Royal Hashemite Court
Au cours de cette journée de visite, M. Ryder a rencontré le Roi Abdallah de Jordanie, le Premier ministre Abdullah Ensour, des parlementaires et des représentants syndicaux et patronaux, ainsi que diverses agences de l’ONU qui aident la Jordanie à faire face à cette crise. Il a aussi rendu visite à des familles réfugiées dans le camp de Zaatari et aux membres des communautés locales à Mafraq, l’un des districts du Nord jordanien les plus lourdement affectés par l’afflux de réfugiés syriens.

Le ministre Nidal Katamine a dit combien ces discussions étaient vitales pour son pays à la veille de la conférence des donateurs qui se tiendra à Londres le 4 février afin de lever des fonds, non seulement pour financer l’aide humanitaire à l’intérieur de la Syrie mais aussi pour soutenir davantage les pays voisins de la Syrie par le biais d’investissements aboutissant à la création d’emplois de qualité pour les réfugiés comme pour les populations hôtes.

«La visite de M. Ryder est extrêmement importante compte tenu de la forte pression que l’afflux de réfugiés exerce sur les infrastructures de toutes les régions, et parce qu’il est nécessaire d’adresser un message à la conférence (de Londres) pour qu’elle offre son appui à l’économie jordanienne et favorise de réels investissements sur le terrain, afin de créer des emplois pour les Jordaniens d’abord et de résoudre aussi les problèmes relatifs aux réfugiés syriens», a déclaré M. Katamine.

Le nombre de réfugiés syriens enregistrés en Jordanie dépasse désormais les 633 000 et la plupart d’entre eux vit en dehors des camps de réfugiés. Si l’on ajoute les réfugiés non enregistrés, le nombre total de Syriens présents en Jordanie dépasse le million. Leur présence dans les communautés d’accueil a accru le poids de l’économie informelle, réduit les salaires, gêné l’accès aux services publics et aggravé le travail des enfants.

L'intégration des réfugiés syriens sur le marché du travail


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En Jordanie, l’OIT étudie les principaux secteurs économiques afin de trouver des moyens concrets d’intégrer les réfugiés syriens sur le marché du travail, de manière à combler les pénuries de main-d’œuvre, à profiter aux communautés locales accueillant les réfugiés et à contribuer à l’économie jordanienne dans son ensemble.

L’OIT se coordonne avec le gouvernement jordanien et ses partenaires sociaux et propose des solutions pour que les Syriens obtiennent un permis de travail plus facilement et à moindre coût, surtout pour les emplois qui sont généralement moins attrayants pour les Jordaniens et qui pourraient contribuer concrètement à la croissance économique du pays.

L’OIT propose aussi d’établir des coopératives gérées par des réfugiés qui superviseraient l’embauche des réfugiés et négocieraient leurs permis de travail, surtout pour l’emploi temporaire dans quelques secteurs choisis.

L’OIT préconise aux réfugiés et aux communautés d’accueil de créer des entreprises conjointes: les chefs d’entreprise jordaniens pourraient ainsi étendre leurs débouchés au sein des camps de réfugiés et les réfugiés trouveraient des marchés en dehors des camps.

Elle recommande également d’étendre les programmes à haute intensité de main-d’œuvre afin de créer immédiatement de nouveaux emplois pour les réfugiés et pour les Jordaniens. L’objectif serait d’améliorer les infrastructures rurales, comme les routes et les sources d’eau.

Ces activités fourniraient aux employeurs jordaniens les compétences dont ils ont besoin à des prix compétitifs, réduiraient la concurrence pour l’emploi et les tensions entre les réfugiés et la population hôte, concourant ainsi à la stabilité sociale, et offriraient aux réfugiés des solutions d’emploi viables.

Ces propositions viennent compléter la réponse de l’OIT à la crise des réfugiés de Syrie déjà mise en œuvre en Jordanie, qui plaide pour le droit des réfugiés syriens à travailler; elle s’emploie aussi à renforcer la résilience des communautés d’accueil afin de faciliter l’accès à l’emploi et aux moyens de subsistance, à renforcer les capacités institutionnelles et les mécanismes de coordination aux niveaux local, régional et national pour combattre les formes de travail inacceptables et en particulier le travail des enfants, et à encourager l’élaboration de politiques qui garantissent une réponse nationale riche en emplois, ancrée dans les principes du travail décent.