Protection sociale

Microassurance: Après les progrès, le temps des défis

A l’échelle mondiale, environ 500 millions de personnes ont accès à la micro-assurance aujourd’hui, contre 78 millions en 2008. Craig Churchill, du Fonds pour l’innovation en micro-assurance de l'OIT, analyse la valeur croissante et la viabilité de ce mécanisme d'assurance destiné aux personnes à faible revenu.

Editorial | 21 mars 2014
Par Craig Churchill *

GENÈVE — Depuis un certain temps déjà, assureurs, régulateurs et gouvernements buttent sur une question à plusieurs milliards de dollars: la microassurance peut-elle être à la fois rentable pour une clientèle à faibles revenus et viable commercialement?

Grâce à une recherche poussée et aux connaissances accumulées au cours des cinq dernières années, nous pouvons maintenant affirmer: «Oui, c’est possible».

La microassurance arrive à maturité. Ce mécanisme d’assurance permet de protéger les personnes à faibles revenus contre des risques tels qu’un accident, une maladie, un décès au sein de la famille ou encore une catastrophe naturelle. Elle a connu un développement rapide ces dernières années.

En Asie, le nombre de personnes couvertes par la microassurance a augmenté de 40 pour cent entre 2010 et 2012, tandis qu’en Afrique l’augmentation était de plus de 200 pour cent entre 2008 et 2012. Au total, le nombre de personnes ayant souscrit une microassurance dans le monde est passé d’environ 78 millions à plus de 500 millions au cours des cinq dernières années.

Dans le même temps, un nombre croissant de gouvernements considère la microassurance comme un mécanisme utile qui, non seulement, fournit une couverture contre les risques de catastrophe mais contribue aussi à la sécurité financière, la réduction de la pauvreté, la croissance économique et un meilleur accès aux soins de santé pour les ménages à bas revenus.

Et l’on constate une croissance impressionnante en termes de variété, de disponibilité et de fourniture de produits de microassurance pour les ménages à faibles revenus. En effet, des gouvernements aux détaillants, des organisations non gouvernementales aux compagnies d’assurance, une gamme toujours plus large d’acteurs collabore en vue de développer les marchés de la microassurance.

Les innovations technologiques ont été cruciales. Au cours des six dernières années, des exemples frappants ont émergé, dont beaucoup initiés par des lauréats du Fonds pour l’innovation en microassurance de l’OIT. Elles concernent l’usage de l’imagerie satellite pour l’assurance du bétail au Kenya; l’instauration de systèmes administratifs sophistiqués dans le traitement du tiers payant pour la microassurance santé en Inde; et le recours aux opérateurs réseaux de téléphonie mobile pour vendre des produits de microassurance aux usagers de téléphone mobile à faibles revenus, toujours plus nombreux.

Les opérateurs de réseaux mobiles ont été particulièrement efficaces pour étendre la portée des services d’assurance en Afrique; nombre d’entre eux ont même offert une assurance gratuite pour mieux fidéliser leur clientèle. Avec environ 600 millions d’usagers de téléphone mobile sur le continent, les gisements de croissance sont immenses.

Le nouveau rapport


Le Fonds pour l’innovation en microassurance vient tout juste de publier son rapport annuel. Le rapport démontre que la microassurance est viable pour les courtiers en assurance et propose un service de valeur à ses clients.

Les assureurs se rendent progressivement compte que la microassurance peut être rentable, en particulier les produits d’assurance vie et individuelle accident. En fait, 33 des 50 plus grandes compagnies d’assurance dans le monde proposent de la microassurance, contre sept en 2005. Leur pérennité repose sur trois caractéristiques communes: recruter et conserver une vaste clientèle; bien gérer le coût des sinistres; et repenser entièrement les procédures d’assurance traditionnelles.

Il est par exemple possible d’élargir sa clientèle en collaborant avec un nombre toujours plus grand de partenaires, comme les gouvernements qui veulent étendre la couverture santé, ou les opérateurs de téléphonie qui cherchent des moyens de renforcer la fidélité de leurs abonnés. Le nouveau rapport recense beaucoup d’autres exemples.

La recherche montre également que la microassurance est une source de valeur puisqu’elle aide les populations à faibles revenus à faire face à leurs pertes et à améliorer leur bien-être à long terme. Au Kenya, par exemple, les agriculteurs assurés exposés à la sécheresse ont vendu moins d’actifs et disposent d’une meilleure ration alimentaire que ceux qui n’avaient pas d’assurance. Au Ghana, les fermiers assurés ont pu investir dans des activités agricoles plus risquées mais plus productives, parce qu’ils savaient qu’ils seraient couverts en cas de catastrophe. En Inde, les personnes disposant d’une assurance pour soins ambulatoires passent moins de temps à l’hôpital et consacrent moins d’argent à leurs dépenses de santé.

Pourtant, malgré ces succès, tenir toutes les promesses de la microassurance pose encore de nombreux problèmes. Dans bien des régions du monde, des milliards de personnes sont encore privées d’une couverture d’assurance de base. Beaucoup de personnes à faibles revenus n’ont jamais bénéficié d’aucune assurance. Comment pouvons-nous y remédier?

Le Fonds pour l’innovation en microassurance de l’OIT prend une nouvelle direction. Après une première phase de cinq ans consacrée à l’innovation, la recherche, la collecte de connaissances et le partage d’expériences, nous changeons désormais de braquet pour entreprendre un programme de «Qualité à grande échelle», conçu pour dispenser ce savoir à ceux qui sont les mieux armés pour le mettre en pratique. L’objectif est de faire bénéficier de la microassurance 100 millions de personnes à faibles revenus supplémentaires. Nous avons pour ambition de le faire en favorisant un développement accéléré du marché, des partenariats public-privé et de nouvelles innovations afin d’élargir l’accès à la microassurance.

Nous croyons que la microassurance a la capacité de changer la vie des gens, à protéger leur santé et leurs biens, et à leur apporter la tranquillité d’esprit sur le plan financier qui leur permet d’investir pour l’avenir. Au cours des cinq prochaines années, nous veillerons à ce que la promesse de la microassurance se réalise pour des millions de personnes dans le monde.

* L’auteur est en charge du Fonds pour l’innovation en microassurance de l’Organisation internationale du Travail, établi en 2008 grâce au financement initial de la Fondation Bill & Melinda Gates. Cet article s’appuie sur les recherches et activités mises en lumière dans le Rapport annuel du Fonds.