Viet Nam: Au service des marchés et des travailleurs

Le textile est la deuxième industrie exportatrice du Viet Nam et emploie environ deux millions de travailleurs locaux. Le secteur a généralement été associé à une productivité et une compétitivité élevées, mais aussi à des conditions de travail médiocres. Peut-on réconcilier les deux?

Article | 20 juillet 2012
Hô-Chi-Minh-Ville (OIT Info) – Dans une usine située à la périphérie nord de Hô-Chi-Minh-Ville, des centaines de femmes sont occupées à assembler les vêtements de la dernière commande d’un acheteur international.

Par-dessus le vacarme des machines à coudre, deux employés – toutes deux des femmes – s’arrêtent pour discuter de leur travail avec quelques visiteurs. «Nous sommes toutes des travailleuses immigrées ici, donc nous nous considérons comme des sœurs», dit en souriant Dao Thi Sen. «J’ai beaucoup d’amies ici».

Originaire de la province de Thanh Hoa, qui produit du bambou à proximité d’Hanoï, la capitale vietnamienne, Sen a effectué un périple de 1 000 kilomètres, cap au sud vers Hô-Chi-Minh-Ville, il y a sept ans.

Le salaire que lui verse cette usine textile, qui participe au Programme OIT/SFI «Travailler mieux Viet Nam» (Better Work in Vietnam), l’aide à subvenir aux besoins de sa famille, y compris son fils âgé de 18 ans dont elle espère qu’il ira à l’université.

«J’étais couturière à mon compte auparavant, explique Sen. Mais le travail n’était pas très régulier. Ici, c’est mieux». Une collègue hoche la tête en signe d’assentiment. «Travailler en usine permet d’avoir un emploi stable et l’environnement de travail est convenable», déclare Mme Le Thi Hanh, qui a elle aussi sept ans d’ancienneté dans l’usine.

Les deux femmes figurent parmi les 2 000 personnes qui travaillent dans cette usine et fabriquent des vêtements de mode pour des marques internationales renommées.

Chacune d’entre elles gagne, en moyenne, l’équivalent de 120 dollars par mois, plus des bons d’essence pour leurs motocyclettes et une prime d’assiduité. Les soins médicaux sont fournis et l’usine dispose d’un médecin, d’une infirmière et d’un pharmacien sur site.

Le textile est le deuxième produit d’exportation pour le Viet Nam, avec des revenus estimés à 13 milliards de dollars pour 2011.

Promouvoir le travail décent pour deux millions de Vietnamiens 

Si les Etats-Unis et l’Union européenne sont les deux plus grands marchés, les vêtements fabriqués au Viet Nam se fraient aussi un chemin vers l’Australie et le Canada. Au pays, cette industrie permet de faire vivre deux millions de familles vietnamiennes.

Les préoccupations liées à des pratiques professionnelles inéquitables dans les usines textiles du monde entier ont cependant conduit les importateurs et leurs clients dans les pays de destination à exiger de plus en plus que les vêtements soient produits dans des conditions bannissant tout abus ou exploitation des travailleurs. Ce qui s’est traduit pour la plupart des grandes marques par une exigence de surveillance renforcée tout au long des chaînes d’approvisionnement.
Faits et chiffres sur le programme «Better Work» au Viet Nam
  • Plus de 165 usines participent actuellement à TVM, représentant environ 20 pour cent des usines exportatrices du pays. En 2014, la participation devrait s’élever à 375 usines.
  • Près de 250 000 travailleurs sont maintenant couverts par Travailler mieux Viet Nam», dont 80 pour cent sont des femmes.
  • En 2011, 117 usines ont été évaluées et 123 ont reçu des services de conseil.
  • 85 pour cent des usines participantes ont élaboré des plans d’amélioration.
  • Plus de 45 acheteurs internationaux et distributeurs participent actuellement à «Travailler mieux Viet Nam». Ils fournissent des vêtements à quelques-unes des marques les plus connues au monde, notamment Columbia, Gap, H&M, L.L. Bean, Nike et Wal-Mart.


Nobland Vietnam, l’usine qui emploie Sen et Le, fait partie des 165 usines qui participent actuellement au programme TMV, dans le cadre du vaste partenariat mondial «Travailler mieux» qui associe l’OIT et la Société financière internationale (SFI).

S’inspirant du concept Better factories Cambodia (Amélioration des conditions de travail dans les usines du Cambodge) de l’OIT, «Travailler mieux Viet Nam» a été lancé en 2009. Il rassemble des décideurs politiques, des employeurs, des travailleurs et des acheteurs internationaux autour d’un objectif commun, celui d’améliorer les conditions de travail dans les usines vietnamiennes tout en renforçant leur productivité et leur compétitivité.

Dans une salle de réunion située au-dessus de l’usine, M. Jong Gon Lee, Directeur général des opérations de Nobland Vietnam, explique les raisons de sa participation à TMV.

«Nous recevons des commandes de nos acheteurs internationaux qui ont leurs propres sociétés mondiales à fournir. Ils sont censés garantir que les usines remplissent divers critères, y compris les normes du travail», déclare M. Lee. «Il faut alors que chaque acheteur vienne faire un audit de la situation ou les différents acheteurs peuvent s’appuyer sur le programme TMV pour venir le faire à leur place. Ce qui veut dire un seul audit au lieu d’une multitude d’autres. Cela nous fait gagner du temps».

Au niveau de l’usine, des comités débattent et résolvent les problèmes qui se posent. C’est par ce processus et par un dialogue permanent entre travailleurs et dirigeants que les progrès peuvent être suivis et attestés. En plus de l’évaluation des conditions et des améliorations dans les usines et de la collecte des rapports publics des entreprises participant au programme, TMV propose une formation aux ouvriers et aux cadres sur divers thèmes liés au milieu de travail, en mettant particulièrement l’accent sur ceux qui touchent à l’industrie textile.

«Travailler mieux Viet Nam» est actuellement financé par le gouvernement australien et par le Secrétariat d’Etat à l’économie suisse. Un soutien additionnel est fourni par le ministère américain du Travail.

Allan Dow travaille pour l’Unité régionale des partenariats au sein du Bureau régional de l’OIT pour l’Asie et le Pacifique.