Initiative OIT-ONU pour un socle de protection sociale

L'Initiative OIT-ONU pour un socle de protection sociale: le rôle de la sécurité sociale dans les réponses à la crise, la reprise et l’après-crise

La crise a renforcé le sentiment que l’extension de la sécurité sociale était nécessaire. Alors que dans de nombreux pays en développement les systèmes de sécurité sociale étaient auparavant perçus comme inabordables, ils sont dorénavant considérés comme d’utiles investissements pour soutenir une croissance économique durable. En outre, en période de crise, les régimes de sécurité sociale jouent un rôle vital de stabilisateurs économiques. Interview avec Michael Cichon, Directeur du département de la sécurité sociale au BIT, sur l’Initiative en faveur d’un socle de protection sociale, et sur la sécurité sociale en temps de crise.

Article | 16 juin 2010

Quel est l’objectif de l’Initiative pour un socle de protection sociale?

A l’heure actuelle, quatre personnes sur cinq dans le monde ne bénéficient pas d’un niveau de protection sociale qui leur permette d’exercer leur droit fondamental à la sécurité sociale. Garantir un niveau minimum de protection sociale et donc une vie décente à ses bénéficiaires – dont un grand nombre lutte pour sa survie – est une nécessité et une obligation aux termes des instruments relatifs aux droits de l’homme. Tel est l’objectif de l’Initiative conjointe en faveur d’un socle de protection sociale (SPF selon le sigle anglais).

En quoi devrait consister un «niveau minimum de protection sociale»?

Pour l’Initiative SPF, un niveau minimum de protection sociale signifie l’accès aux services essentiels et aux transferts sociaux pour les plus pauvres et les plus vulnérables. Dans le cadre de son mandat, l’OIT est en charge de la promotion de la composante «transferts sociaux» du socle social, c’est-à-dire un ensemble de garanties sociales essentielles exercées par l’intermédiaire de transferts financiers qui pourraient assurer un accès universel aux services de santé, un revenu de complément et une sécurité du revenu ou de subsistance.

Qui est à l’origine de cette initiative?

L’initiative SPF a été adoptée par le Conseil des chefs de secrétariat des Nations Unies en avril 2009 en guise de réponse à la crise. L’OIT et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sont à la tête de cette initiative. Elle est soutenue par 19 agences onusiennes et d’autres partenaires tels que les banques de développement, les organisations bilatérales et les ONG. Améliorer la coordination entre les partenaires est au cœur de ce programme. Le socle de protection sociale a par la suite été intégré comme élément clé du Pacte mondial pour l’emploi adopté par la Conférence internationale du Travail 2009. Le Pacte propose un ensemble de mesures politiques convenues au plan international afin de bâtir un cadre spécifique à l’emploi pour la croissance économique de demain.

Quel rôle jouent les régimes de sécurité sociale dans la gestion nationale de la crise?

Selon le rapport du BIT au Sommet du G20 à Pittsburgh, les effets des soi-disant «stabilisateurs automatiques», y compris l’assistance sociale et les prestations de sécurité sociale, sur l’emploi sont tout aussi importants que les effets des plans de relance. Les gouvernements qui disposaient déjà de systèmes de protection sociale ont été mieux armés pour faire face à la crise. L’impact de la crise à l’échelon des ménages a été adouci et la chute de la demande globale amortie.

La crise a-t-elle changé la perception quant à l’utilité des systèmes de sécurité sociale?

Compte tenu du rôle stabilisateur qu’ils ont joué, les systèmes de sécurité sociale ont été universellement acceptés. Les gouvernements ont pu utiliser les systèmes de transferts sociaux existants pour que la mise en place des plans de relance réponde au besoin accru de protection. La crise a agi comme un accélérateur dans le débat sur la sécurité sociale. Les systèmes de sécurité sociale ne répondent pas seulement aux besoins sociaux, ils sont aussi une nécessité économique. Nous devons porter un autre regard sur l’importance de la sécurité sociale. C’est une condition de la croissance plutôt qu’un fardeau pour la société.

A quels défis sont confrontés les régimes de sécurité sociale en place?

A côté de l’impact direct de la crise sur le financement de la sécurité sociale et de la demande accrue qui pèse sur les systèmes de sécurité sociale, ces derniers sont confrontés à de nombreux défis systémiques à long terme. Le défi général qui se pose aux régimes de sécurité sociale, en particulier dans les pays industrialisés, c’est l’évolution démographique. Les pays en développement seront eux aussi confrontés à ce problème le moment venu. Cependant, leur principal défi est aujourd’hui d’étendre la couverture de sécurité sociale en mettant en place des systèmes pérennes – en commençant par un niveau minimum de protection pour tous et en construisant progressivement sur cette base pour fournir de plus hauts niveaux de protection.

Mais les pays ont-ils accès à des régimes universels de sécurité sociale?

La fiabilité du financement est un sujet de préoccupation majeur pour instaurer des systèmes de sécurité sociale durables. Les études du BIT ont montré qu’il était possible de financer un socle de protection sociale, ou certaines de ses composantes, même dans les pays à bas revenus. Pour une approche globale, une stratégie nationale de sécurité sociale et un diagnostic des besoins prioritaires peuvent permettre de planifier la mise en œuvre graduelle des mécanismes de sécurité sociale. Quand les pays parviennent à des stades de développement économique supérieurs, leurs systèmes de sécurité sociale doivent aussi, en parallèle, étendre leur portée, leur niveau et la qualité des prestations et des services dispensés. Cela peut se faire dans le cadre des conventions de l’OIT, en particulier avec une plus large ratification de la convention de référence (n° 102) de l’OIT.

Comment l’Initiative SPF peut-elle nous aider à surmonter ces défis?

L’Initiative SPF a mis sur pied un réseau mondial de conseil pour apporter une assistance technique aux pays engagés dans la construction, l’extension ou la réorientation de leurs systèmes de protection sociale. L’Initiative procure un appui tout au long des étapes du processus, à savoir la conception de la stratégie, la sensibilisation, l’analyse des marges de manœuvre budgétaires, la législation et l’évaluation. Nous soutenons les échanges Sud-Sud sur les expériences en matière de SPF et nous offrons des cours de formation en collaboration avec le Centre international de formation de l’OIT (CIF-OIT) à Turin.

Y a-t-il des pays qui ont déjà mis en œuvre le socle de protection sociale ou certaines de ses composantes?

De nombreux pays en développement ont déjà réussi à prendre des mesures. Parmi eux, le Mexique, le Brésil et le Chili. Quant à l’Afrique du Sud, l’Argentine, la Chine, l’Inde, la Thaïlande, le Ghana et le Mozambique, ils ont introduit d’importants éléments tels que les prestations familiales, l’accès à l’éducation et aux services de santé. Le Cambodge, l’Equateur, le Burkina Faso, le Togo et le Bénin se sont récemment engagés dans l’établissement de leurs propres socles de protection sociale.