Convention du travail maritime

La convention du travail maritime: embarquement pour un avenir décent

Quand l'OIT a adopté la convention du travail maritime (MLC) en février 2006, le Directeur général du BIT Juan Somavia a parlé d’écrire «une nouvelle page de l'histoire du travail» pour plus de 1,2 million de gens de mer dans le monde. Deux ans après, la MLC a été ratifiée par trois Etats du pavillon représentant près de 20 pour cent du tonnage brut mondial; de nombreuses autres ratifications et des accords professionnels sont déjà en cours. Un plan d’action quinquennal de l’OIT, élaboré pour obtenir une entrée en vigueur d’ici 2011, va connaître une avancée ce mois, grâce à deux importantes réunions tripartites d’experts qui vont élaborer des directives concernant les inspections des Etats du pavillon et des directives pour les agents chargés du contrôle par l’Etat du port. Reportage du BIT depuis le «City of London», où la MLC est déjà mise à l’épreuve.

Article | 10 septembre 2008

GREENWICH, Royaume-Uni (BIT en ligne) – Une odeur entêtante de sel marin et d’huile de moteur imprègne la salle des machines du «City of London» – un navire britannique amarré ici et qui représente un étendard pour une nouvelle ère en matière de normes du travail maritime.

C’est vrai, la vaste pièce éclairée artificiellement présente des risques pour un œil inexpérimenté.

Chaque fois que le machiniste John Grout franchit une porte étanche, il pointe son casque du doigt, semblant dire «attention à votre tête». Aucune parole n’est échangée en salle des machines – chacun doit y porter des oreillettes.

Pendant six mois de l’année, cet environnement humide, sombre et bruyant est son lieu de travail. Les cabines et le pont qu’il partage avec ses 11 autres membres d’équipage font office de foyer. Dans un travail comme le sien, des conditions de vie et de travail décentes sont une planche de salut.

«Les directives relatives aux conditions de travail et de vie sont très claires et strictes», dit-il. «Sauf quand une panne de machine nécessite de faire des heures supplémentaires, nous respectons toujours les directives.»

Tous les marins n’ont pas cette chance. Contrairement à celui de ce bâtiment de 100 mètres de long, les équipages de nombreux navires dans le monde – qui emploient aujourd’hui plus d’un million de marins et assurent 90 pour cent du commerce mondial – travaillent dans des conditions bien plus difficiles, dangereuses et insalubres qui mettent en danger leur sécurité et parfois leur vie.

L’OIT a adopté quelque 70 instruments (conventions et recommandations) depuis 1920 dans une tentative de garantir des conditions de vie et de travail décentes aux gens de mer, qu’ils soient en mer ou à quai. Etant donné le volume et le degré de détail de ces instruments, les gouvernements ont parfois éprouvé des difficultés pour les ratifier et les appliquer tous. En outre, un grand nombre de ces instruments contiennent des exigences qui doivent être mises à jour pour rendre compte des changements technologiques et opérationnels du secteur.

En 2006, après cinq ans de préparation par les gouvernements et les organisations internationales de gens de mer et d’armateurs, la Conférence internationale du Travail de l’OIT a adopté une nouvelle convention majeure qui a consolidé et mis à jour les instruments actuellement applicables au travail maritime.

Pour utiliser une métaphore marine, c’était comme tresser de nombreux petits brins en un cordage unique et solide.

La convention du travail maritime, 2006, souvent décrite comme une «Charte des droits» des gens de mer contribue aussi à créer des «conditions égales» pour tous les armateurs de qualité. Son but principal est d’offrir une protection mondiale aux marins et de leur donner la possibilité de voir leurs revendications traitées lorsque leur situation n’est pas à la hauteur des exigences de la convention.

En plus de consolider et de moderniser les dispositions en vigueur, la convention introduit également d’importantes évolutions liées au respect et à la mise en vigueur de ces dispositions. Elles sont censées garantir que les normes du travail sont appliquées aussi efficacement que les conventions de l’OMI sur la sûreté des navires, la sécurité et la protection environnementale (SOLAS/MARPOL) par les Etats du pavillon et du port.

«Aux termes de la MLC, les Etats doivent inspecter tous les navires arborant leur pavillon et doter ces navires d’un certificat de travail maritime et d’une déclaration de respect du travail maritime aux navires d’une jauge brute égale ou supérieure à 500 qui effectuent des voyages internationaux. Si l’inspection conduite par l’Etat du pavillon n’est pas satisfaisante, l’inspecteur ne délivrera pas le certificat, refusera de l’endosser ou, dans les cas particulièrement mauvais, pourra le retirer. Ce sont des pouvoirs plus importants que ceux dont les inspecteurs disposent dans le régime actuel», constate Neil Atkinson, inspecteur pour l’Agence britannique maritime and Coastguard Agency.

Les motifs d’immobilisation d’un navire vont aussi changer une fois que la MLC entrera en vigueur. «Pour le moment, l’immobilisation est limitée aux questions relatives à la sécurité. La nouvelle convention va au-delà et couvre aussi le bien-être social des gens de mer. Cela signifie qu’un inspecteur pourra retenir un bateau ou l’empêcher de prendre la mer si les droits du travail et les droits sociaux sont violés, par exemple si les salaires ne sont pas payés ou si les contrats de travail ne sont pas en ordre», ajoute M. Atkinson.

Les représentants des gouvernements et des organisations de gens de mer et d’armateurs se rencontrent ce mois-ci à Genève pour discuter l’adoption de directives pour les inspections de l’Etat du pavillon et les contrôles de l’Etat du port aux termes de la MLC – une étape importante du plan d’action qui vise à mettre en vigueur la convention (Note 1).

Pour le Capitaine Stewart Ferrier, Directeur général de United Marine Dredging, la compagnie propriétaire du City of London, les conditions de vie et de travail à bord ne sont pas seulement une question de droit, elles sont aussi bonnes pour les affaires. Un navire qui respecte la MLC sera plus efficace parce qu’il pourra traverser sans difficulté les inspections.

«Le respect des normes de travail est important afin de prouver aux autorités de l’Etat du pavillon que vous agissez dans le cadre des directives requises et que les marins et le capitaine sachent qu’ils pilotent leur navire de manière appropriée», explique-t-il.

«La MLC a été expressément conçue pour être un instrument juridique applicable à l’échelle mondiale, facilement compréhensible, prêt à être mis à jour et appliqué uniformément qui, une fois qu’il serait entré en vigueur, serait l’un des piliers du régime réglementaire international pour une activité maritime placée sous le signe de la qualité», complète Cleopatra Doumbia-Henry, Directrice du Département des normes internationales du travail au BIT.

La MLC entrera en vigueur 12 mois après la ratification par au moins 30 Etats Membres de l’OIT détenant au moins 33 pour cent du tonnage brut mondial. Le haut niveau de ratification reflète l’importance que les représentants des gouvernements, des propriétaires de navires et des marins accordent à la nécessité de réaliser des changements «sur le terrain», «réels», pour ce secteur – un objectif très réaliste pour cette convention, compte tenu du fait qu’elle avait été adoptée par 314 votes et sans objections.

Jusqu’à présent, les Bahamas, le Libéria et les Iles Marshall l’ont ratifiée. Ensemble, ils représentent près de 20 pour cent du tonnage brut mondial. Un grand nombre d’autres pays de toutes les régions ont déjà avancé dans le processus de ratification. Le 15 juin 2007, le Conseil de l’UE a adopté une décision importante qui, dans l’intérêt de la Communauté européenne, autorise tous les Etats membres de l’UE à ratifier la MLC 2006 avant le 31 décembre 2010. Les partenaires sociaux de l’UE ont récemment signé un accord pour transposer les dispositions de la MLC dans le droit européen à travers une directive de l’UE.

En septembre 2006, le Bureau international du Travail a adopté pour cinq ans un Plan d’action pour une ratification rapide et étendue et une mise en œuvre effective de la convention du travail maritime, 2006. Ce plan a adopté des objectifs spécifiques et une stratégie pour parvenir à une entrée en vigueur en 2011. Jusqu’à présent, tous les objectifs ont été atteints afin d’obtenir suffisamment de ratifications pour entrer en vigueur en 2011 et de nombreuses autres initiatives appliquant la MLC 2006 dans les pratiques professionnelles sont en cours de réalisation. La MLC 2006 ne hisse pas seulement la voile, il semble qu’elle soit déjà en route pour parvenir au «travail décent» pour tous les marins.


Note 1 – Voir le Projet de Directives pour les inspections des Etats du pavillon en vertu de la convention du travail maritime, 2006, et le Projet de Directives pour les agents chargés du contrôle par l’Etat du port effectuant des inspections en application de la convention du travail maritime, 2006 discutés par les deux réunions tripartites d’experts: la Réunion tripartite d’experts pour l'élaboration de directives pour les inspections des Etats du pavillon en vertu de la convention du travail maritime, 2006, Genève, 15-19 septembre 2008, et la Réunion tripartite d’experts pour l’élaboration de directives pour les agents chargés du contrôle par l’Etat du port effectuant des inspections en application de la convention du travail maritime, 2006, Genève, 22-26 septembre 2008.