La XIe réunion régionale africaine s'ouvre sur un appel à la mobilisation pour le travail décent sur tout le continent africain: 10 000 hommes et femmes s'ajoutent chaque jour au nombre de travailleurs extrêmement pauvres en Afrique

En notant qu'«une croissance qui génère peu, ou pas, de bons emplois n'est pas politiquement viable», le Directeur général du BIT, Juan Somavia, a appelé aujourd'hui à une nouvelle approche du développement en Afrique, qui «mette les populations au cœur du développement et évalue la réussite d'une politique économique et sociale à l'aune de ce qu'il advient des individus au travail».

Communiqué de presse | 24 avril 2007

ADDIS-ABBEBA, Ethiopie (Nouvelles du BIT) – En notant qu'«une croissance qui génère peu, ou pas, de bons emplois n'est pas politiquement viable», le Directeur général du BIT, Juan Somavia, a appelé aujourd'hui à une nouvelle approche du développement en Afrique, qui «mette les populations au cœur du développement et évalue la réussite d'une politique économique et sociale à l'aune de ce qu'il advient des individus au travail».

«Si la demande de travail décent n'est pas satisfaite, c'est la démocratie qui en pâtira», a déclaré M. Somavia aux quelque 500 délégués et invités à la cérémonie d'ouverture de la XIe Réunion régionale africaine qui se tient à Addis-Abbeba, à laquelle assistaient trois chefs d'Etat et la Présidente du Parlement panafricain. Lors de cette réunion qui dure quatre jours, les délégués vont passer en revue un nouveau portefeuille de mesures destinées à réduire le nombre de chômeurs et de travailleurs pauvres sur le continent africain.

Soulignant la nécessité d'agir, M. Somavia s'est référé aux dernières projections du BIT qui indiquent que le nombre de travailleurs vivant dans l'extrême pauvreté va croître de 20 pour cent d'ici 2015. «Ce qui signifie que, chaque jour, ce seront 10 000 hommes et femmes de plus qui viendront grossir les rangs de ceux qui vivent avec leur famille sous le seuil de pauvreté de 1 dollar par jour et par personne.»

Parallèlement, M. Somavia a souligné le potentiel considérable des travailleurs et des employeurs pour concrétiser le changement. «Des partenaires sociaux et des institutions du dialogue social indépendants et autonomes sont les piliers de la gouvernance démocratique», a-t-il déclaré en saluant le rôle que joue le tripartisme en Afrique dans le mouvement pour adopter des concepts fondamentaux que sont le travail décent et la mondialisation juste. Il a également insisté sur le rôle de plus en plus important des femmes en Afrique, déclarant: «depuis les plus hautes sphères du pouvoir jusqu'au plus petit village en Afrique, je suis absolument convaincu de cette vérité: Quand nous donnons du pouvoir aux femmes – nous donnons du pouvoir à l'Afrique».

Le Directeur général a également lancé un appel pour le respect de la liberté syndicale à travers toute l'Afrique. «Ils sont nombreux parmi nous aujourd'hui pour qui la liberté syndicale n'est pas un droit acquis. Cette liberté syndicale est la force vive de notre organisation et de toute authentique et profonde indépendance politique.» a-t-il déclaré.

M. Somavia a indiqué que le BIT avait développé un outil de travail avec d'autres agences pour les aider à «auto-évaluer l'impact de leurs politiques au regard de l'emploi et du travail décent», et que cet outil de travail avait été approuvé par le conseil des chefs de secrétariat présidé par le Secrétaire général Ban Ki Moon.

Le réunion africaine est le plus important rassemblement de représentants des travailleurs, employeurs et gouvernements de 53 Etats d'Afrique du Nord et subsaharienne. Les questions liées au monde du travail y sont discutées: croissance économique, création d'emplois, normes du travail, protection sociale ainsi que la bonne gouvernance et le dialogue social entre gouvernements, employeurs et travailleurs, sont au programme des débats.

En réponse à l'appel du Sommet de Ouagadougou en faveur de la création d'emplois décents et productifs en Afrique, le BIT a 19 programmes par pays de promotion du travail décent en phase opérationnelle sur le continent africain et 25 autres en discussion.

Dans son discours de bienvenue, le Premier ministre éthiopien Ato Meles Zenawi a déclaré: «La Décennie du travail décent en Afrique, 2007-2015 – est indubitablement opportune et appropriée au regard des défis majeurs auxquels nous sommes confrontés dans nos efforts pour réduire la pauvreté, conformément au premier objectif du Millénaire pour le développement. Quelle meilleure tribune pour débattre concrètement du travail décent en Afrique qu'une réunion dont les principaux participants sont les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs? Dans la plupart de nos pays, il n'y a pas d'autre moyen pour faire des progrès dans la lutte contre la pauvreté que de permettre à nos citoyens d'être engagés dans un travail productif, qui soit également décent, dans un contexte spécifique d'accroissement de la productivité.»

Le Président Blaise Compaoré du Burkina Faso a, quant à lui, déclaré que le travail décent doit permettre à l'Afrique de trouver des solutions aux problèmes de pauvreté et de chômage. «Le plein emploi et le travail décent doit être un objectif universel pour tous les pays si nous voulons garantir une stabilité politique et un équilibre collectif. L'Afrique a le potentiel et les capacités pour atteindre ce but si nous améliorons l'éducation, le savoir-faire et les compétences, si nous créons des emplois et des entreprises, et si nous développons une sécurité économique et sociale pour nos populations. L'Agenda du travail décent nous permettrait de trouver la solution contre la pauvreté et le chômage en Afrique.»

Le Président Jakaya Mrisho Kikwete, de la République-Unie de Tanzanie a declaré que son pays avait ratifié les huit conventions fondamentales de l'OIT et que son gouvernement a pris l'engagement de créer un million d'emplois en cinq ans. «Toutefois», a-t-il dit, «l'Afrique doit prêter plus d'attention au secteur informel, étendre la protection sociale à la vaste population qui travaille dans le secteur informel, et se préoccuper de l'emploi des jeunes.»

«Le problème du chômage des jeunes est exacerbé par la tendance démographique mondiale qui a vu le nombre de jeunes croître à un taux plus rapide que nos économies peuvent absorber», a-t-il ajouté. «C'est pourquoi il est crucial que les partenariats appréhendent les besoins spécifiques des jeunes dans cette ère de mondialisation, y compris dans le domaine du développement des compétences humaines. Exploiter l'énergie et le potentiel des jeunes représente une occasion inestimable de former les agents du développement socio-économique.»

Les trois chefs d'Etat et de gouvernement du Burkina Faso, de la République-Unie de Tanzanie et d'Ethiopie ont exprimé leur soutien à l'Agenda du travail décent en s'engageant à garantir le succès de sa mise en œuvre dans leur pays, et plus largement en Afrique, comme moyen de mettre un terme au défi de la pauvreté grandissante et du chômage des jeunes en Afrique.

Mme Gertrude Mongella, Présidente du Parlement panafricain a declaré qu'elle était impatiente de travailler avec l'OIT. Se référant au discours de M. Somavia, elle a déclaré: «S'agissant de pauvreté, les femmes africaines en supportent le plus lourd fardeau par le simple fait d'être des femmes, bien qu'elles soient les principaux agents de production économique. Elles travaillent dans des conditions plus que malheureuses, peu ou pas rémunérées. Le lourd fardeau des travaux ménagers force des femmes à travailler pendant de longues heures, elles sont souvent en mauvaise santé et peu ou mal nourries. Les opportunités d'éducation et de loisirs sont plus que limitées. La forte mortalité maternelle et infantile sont des indicateurs de cette situation. Elle a ajouté qu'elle attendait avec impatience la collaboration entre l'OIT et le Parlement Panafricain sur l'accomplissement des objectifs de l'Agenda du travail décent.

Après les discours d'ouverture, la Directrice régionale de l'OIT pour l'Afrique, Regina Amadi-Njoku, a présenté le rapport du Directeur général sur les «Activités de l'OIT en Afrique 2004-2006». Les délégués discuteront autour de ce rapport ainsi que du rapport thématique du Directeur général «L'Agenda du travail décent en Afrique» tout au long de la journée.

Avant la clôture des débats, qui doit avoir lieu vendredi, M. Kermal Dervis, administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) s'adressera aux délégués au cours d'une importante allocution demain. Développement d'entreprises viables, travail des enfants, emploi des jeunes, VIH/Sida sur le lieu de travail, protection sociale, gouvernance et dialogue social, normes internationales du travail, sécurité et santé au travail, ainsi que le suivi de la convention du travail maritime de l'OIT adoptée en 2006, tous ces thèmes seront abordés par les délégués au cours de la réunion régionale.

Pour plus d'information sur la 11e Réunion régionale africaine à Addis-Abeba (rapports, communiqués de presse, reportages, etc.), veuillez consulter: /public/french/region/afpro/addisababa/arm/index.htm.