L'OIT prépare une nouvelle Convention visant à l'Abolition des Formes extrêmes de Travail des Enfants

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Forte d'un soutien international croissant pour l'abolition des formes extrêmes de travail des enfants, l'Organisation internationale du Travail (OIT) prépare une convention et une recommandation visant à la suppression immédiate des pratiques qui exposent quotidiennement des millions d'enfants au danger et à l'exploitation, au stress, aux risques d'accident, de maladie et de mort et qui les privent d'une vie normale.

Communiqué de presse | 25 mai 1998

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Forte d'un soutien international croissant pour l'abolition des formes extrêmes de travail des enfants, l'Organisation internationale du Travail (OIT) prépare une convention et une recommandation visant à la suppression immédiate des pratiques qui exposent quotidiennement des millions d'enfants au danger et à l'exploitation, au stress, aux risques d'accident, de maladie et de mort et qui les privent d'une vie normale.

D'après les résultats de récentes enquêtes nationales figurant dans un dossier de synthèse intitulé «L'abolition des formes extrêmes de travail des enfants» et diffusé dans le monde entier par le BIT, au moins un tiers et, dans certains pays, jusqu'à deux tiers des enfants concernés étaient employés dans des industries ou des secteurs à risques, notamment la construction, les mines, les carrières, les transports ou l'agriculture, activités qui sont considérées comme dangereuses même pour des adultes. Très souvent, les filles souffrent davantage que les garçons, car elles sont plus exposées aux accidents et aux maladies.

L'OIT a constaté que 50 pour cent des enfants au travail qui font l'objet des enquêtes ont décrit leur travail comme générateur de stress, jusqu'à 6 pour cent ont dit qu'ils rentraient chez eux épuisés et jusqu'à 80 pour cent ont déclaré qu'ils n'avaient aucun jour de congé ni de temps libre.

«Bien que nous sachions et que nous devions accepter que l'éradication totale du travail des enfants est liée à la croissance et à des modes équitables de développement, il y a certaines formes d'exploitation abusive du travail des enfants pour lesquelles il ne saurait y avoir d'alibi, qu'il soit économique ou culturel», déclare Michel Hansenne, Directeur général de l'OIT. «Ces formes peuvent et doivent être identifiées, affrontées et éliminées sans délai».

Le dossier de synthèse a été publié préalablement à la Conférence internationale du Travail qui se tiendra du 2 au 18 juin. La réunion annuelle des représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs abordera, dans une première discussion, l'examen de la nouvelle convention et de la nouvelle recommandation. Sur la base de la discussion de cette année et des commentaires exprimés ultérieurement par les Etats Membres, l'OIT préparera un rapport pour la Conférence de 1999 qui décidera de l'adoption finale de nouvelles normes.

Parmi les événements qui souligneront l'enjeu de la Conférence, il faut signaler la «marche mondiale contre le travail des enfants» qui a débuté cette année dans toutes les régions du monde et qui verra des centaines de jeunes et de militants converger vers le siège de l'OIT et le lieu de la Conférence, l'Office des Nations Unies à Genève, pour réclamer l'abolition du travail des enfants.

L'ampleur des travaux dangereux

Les enquêtes de l'OIT ont révélé que 25 pour cent de tous les enfants âgés de 5 à 14 ans étaient économiquement actifs (27 pour cent des garçons et 22 pour cent des filles). Parmi ceux-ci, de 33 à 67 pour cent des garçons et de 27 à 69 pour cent des filles étaient employés à un travail dangereux. Dans le secteur de la construction, 26 pour cent des enfants au travail ont été victimes d'accidents ou de maladies au cours de leur activité. Le chiffre était de 16 pour cent dans le secteur des mines et des carrières, de 18 pour cent dans celui des transports, des entrepôts et des communications et de 12 pour cent dans l'agriculture.

L'étude a montré que 70,4 pour cent de tous les enfants au travail dans les pays examinés sont employés dans l'agriculture, la chasse, la sylviculture et la pêche. Les pourcentages dans les autres secteurs sont respectivement de: 8,3 pour cent dans les industries manufacturières; 8,3 pour cent dans le commerce de gros et de détail, la restauration et l'hôtellerie; 6,5 pour cent dans les services communautaires, sociaux et aux personnes; 3,8 pour cent dans les transports, les entrepôts et les communications; 1,9 pour cent dans la construction; 0,9 pour cent dans les mines et carrières.

Sur le nombre total d'enfants au travail, que l'on estime à 250 millions dans les pays en développement et qui travaillent à temps plein ou à temps partiel, 61 pour cent se trouvent en Asie, 32 pour cent en Afrique et 7 pour cent en Amérique latine. Quoique le plus grand nombre de ces enfants qui travaillent se trouve en Asie, c'est en Afrique que l'incidence du travail des enfants de 5 à 14 ans est la plus élevée (environ 41 pour cent). La proportion correspondante est approximativement de moitié en Asie (22 pour cent) et elle est de 17 pour cent en Amérique latine.

Même si le travail des enfants affecte en majeure partie les pays en développement, les économies industrialisées ne sont pas entièrement exemptes de ce fléau. En Europe centrale et orientale, par exemple, le travail des enfants est réapparu dans le sillage du bouleversement social et économique entraîné par la transition vers une économie de marché.

De nouvelles normes doivent être envisagées

Lors de la Conférence internationale du Travail - la réunion annuelle de l'Organisation internationale du Travail - les débats porteront sur de nouvelles normes internationales du travail concernant les formes extrêmes du travail des enfants: celles qui sont susceptibles de compromettre la sécurité, la santé ou la moralité des enfants; l'esclavage et les pratiques analogues; la prostitution des enfants et l'utilisation de ceux-ci dans la pornographie.

Au cours des dernières années, un intérêt croissant s'est manifesté pour l'adoption de nouvelles normes de l'OIT qui mettraient l'accent sur de tels abus. La décision des instances dirigeantes de l'OIT de mettre le sujet à l'ordre du jour de la Conférence internationale du Travail a été étayée par une résolution adoptée par les Etats Membres de l'OIT à la Conférence en 1996 et stipulait que, dans la perspective de l'élimination progressive du travail des enfants, il y avait une nécessité «d'agir immédiatement pour abolir ses formes les plus intolérables...».

Les Etats Membres ont réaffirmé cet intérêt dans les réponses à un questionnaire sur le contenu possible de nouvelles normes. Un nombre record de 116 gouvernements ainsi qu'un nombre presque égal d'organisations d'employeurs et de travailleurs ont exprimé leur soutien massif. L'ensemble de leurs observations mettait en évidence un consensus sur le fait que la persistance et la gravité du problème du travail des enfants justifiaient une action internationale accrue et dirigée expressément contre les formes extrêmes ou intolérables de ce travail.

Une nouvelle convention sur le travail des enfants

La convention no 138 sur l'âge minimum, 1973, et la recommandation no 146 qui l'accompagne sont les textes les plus récents et les plus complets consacrés à l'abolition du travail des enfants. Ils sont les piliers de l'action entreprise par l'OIT pour favoriser l'amélioration des politiques et législations nationales et pour mettre sur pied la coopération technique destinée à combattre le travail des enfants.

La convention no 138 est et restera la norme internationale fondamentale sur le travail des enfants - son but est l'abolition totale de ce travail - , mais elle tient compte aussi d'une mise en application progressive et d'améliorations successives. Même si l'on reconnaît que l'éradication du travail des enfants prendra du temps, il existe des formes de travail des enfants qui ne peuvent être tolérées et qui exigent une action immédiate.

Un consensus international de plus en plus large s'est fait jour autour de la nécessité d'une nouvelle norme visant les pires formes de l'exploitation des enfants et désignant ce qui est intolérable comme la cible prioritaire des mesures nationales et de l'action internationale.

De nouvelles normes internationales pourraient considérer dans un seul texte juridique toutes les formes extrêmes du travail des enfants. Celui-ci n'affaiblirait en aucun cas les textes existants, mais porterait une attention plus vive aux mesures nécessaires pour supprimer les formes les plus dangereuses et les plus risquées de travail des enfants. Ces nouvelles normes renforceront l'objectif de la convention no 138: l'abolition totale du travail des enfants.

Le projet de nouvelle convention exigerait des mesures pour la suppression immédiate de toutes les formes extrêmes de travail des enfants; demanderait des conditions pénales; prévoirait des mesures pour prévenir les formes extrêmes de travail des enfants, en soustraire ceux-ci et réadapter les victimes; préconiserait que l'on dégage des perspectives de coopération ou d'assistance mutuelle pour donner effet aux dispositions de la convention.

La recommandation proposée prévoirait l'adoption de programmes nationaux d'action pour protéger les plus jeunes enfants et les filles; comporterait des mesures de prévention, de réadaptation et d'intégration sociale; sensibiliserait et mobiliserait la société; établirait des mécanismes de contrôle pour garantir une application effective; déterminerait quelles sont les formes de travail les plus dangereuses; rassemblerait les informations; qualifierait certaines activités d'infractions pénales et prévoirait des moyens d'assurer l'application effective des mesures prises.

«Il y a une adhésion totale des mandants de l'OIT pour mettre fin aux abus et à l'exploitation intolérables des enfants dans les travaux dangereux, les situations d'esclavage et les pratiques analogues», a déclaré M. Assefa Bequele, Directeur du Département des conditions et du milieu de travail du BIT.

«Non seulement une pareille exploitation et de tels abus mettent en danger le bien-être physique et mental des enfants, mais encore ils constituent des violations flagrantes de leur dignité et des droits de l'homme».

Pourquoi de nouvelles normes ?

  • Pour déterminer les domaines d'action prioritaires dans la lutte contre le travail des enfants.
  • Pour couvrir toutes les formes extrêmes de travail des enfants par une seule norme.
  • Pour faire en sorte que des mesures immédiates soient prises afin d'abolir les formes extrêmes de travail des enfants.
  • Pour protéger les enfants et les adolescents de tous les pays, quel que soit leur niveau de développement.
  • Pour qu'une action plus spécifique et plus efficace soit menée contre les formes extrêmes de travail des enfants.