Le rapport d'une commission d'enquête de l'OIT fait état de travail forcé utilisé de façon généralisée et systématique au Myanmar (Birmanie)

L'obligation de supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire est violée au Myanmar dans la législation nationale ainsi que dans la pratique, de façon généralisée et systématique, avec un mépris total de la dignité humaine, de la sécurité, de la santé et des besoins essentiels du peuple, selon le rapport d'une commission d'enquête nommée en vertu de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail.

Communiqué de presse | 20 août 1998

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - L'obligation de supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire est violée au Myanmar dans la législation nationale ainsi que dans la pratique, de façon généralisée et systématique, avec un mépris total de la dignité humaine, de la sécurité, de la santé et des besoins essentiels du peuple, selon le rapport * d'une commission d'enquête nommée en vertu de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail.

La commission indique que l'impunité avec laquelle les fonctionnaires du gouvernement, et en particulier les membres des forces armées, traitent la population civile comme une réserve illimitée de travailleurs forcés non rémunérés et de serviteurs à leur disposition, fait partie d'un système politique fondé sur l'utilisation de la force et de l'intimidation pour dénier au peuple du Myanmar la démocratie et le respect du droit.

La commission note que toute personne qui viole l'interdiction du recours au travail forcé en droit international engage sa responsabilité pénale individuelle.

Voici quelques-unes des conclusions figurant dans le rapport, publié aujourd'hui, de la commission d'enquête nommée en mars 1997 au titre de l'article 26 de la Constitution de l'OIT. Le mandat de la commission était d'examiner le respect par le Myanmar de la Convention (n o 29) sur le travail forcé, 1930, à la suite d'une plainte présentée par 25 délégués travailleurs à la 83 e session de la Conférence internationale du Travail, au mois de juin 1996. La commission, nommée par le Conseil d'administration, était composée de Sir William Douglas, PC, KCMG, ancien président de la Cour suprême de la Barbade (président de la commission), M. Prafullachandra Natvarlal Bhagwati, ancien président de la Cour suprême de l'Inde, et M me Robyn A. Layton, QC (Australie), avocate.

Au cours de son enquête la commission a reçu plus de 6 000 pages de documents et le témoignage oral donné par les représentants d'un certain nombre d'organisations non gouvernementales et par quelque 250 témoins oculaires ayant une expérience récente de la pratique du travail forcé, lors d'auditions à Genève et au cours de la visite de la commission dans la région. Les résumés des dépositions de ces témoins, qui comprennent des femmes et des enfants ayant fui le travail forcé, sont annexés au rapport de la commission.

Le gouvernement du Myanmar, qui avait été invité à participer à la procédure, s'est abstenu d'être présent aux audiences et n'a pas autorisé la venue de la commission d'enquête au Myanmar, arguant «qu'une telle visite ne contribuerait pas vraiment à résoudre l'affaire» et «qu'elle constituerait une ingérence dans les affaires intérieures d'un pays».

Les autorités du Myanmar ont indiqué en réponse à la plainte initiale et aux éléments de preuve supplémentaires «qu'elles sont conscientes des critiques formulées par quelques délégués travailleurs concernant le recours au travail au Myanmar» et ont déclaré «qu'une part considérable des critiques concernant le Myanmar est malheureusement fondée sur des allégations partiales et spécieuses faites par des émigrés vivant hors du Myanmar... qui souhaitent dénigrer les autorités du Myanmar à des fins qui leur sont propres».

Comme le note la commission d'enquête, son rapport «met en lumière une longue saga de misères et de souffrances inouïes, d'oppression et d'exploitation de vastes catégories de la population du Myanmar perpétrées par le gouvernement, les membres des forces armées et d'autres fonctionnaires publics. C'est l'histoire de violations grossières des droits de l'homme dont ont été victimes les habitants du Myanmar, en particulier depuis 1988, et à laquelle ils ne peuvent échapper si ce n'est en fuyant le pays».

Dans ses conclusions quant au fond, la commission constate que «de très nombreux éléments de preuve soumis à la commission montrent que les autorités civiles et militaires pratiquent de façon très généralisée le recours au travail forcé qui est imposé à la population civile dans tout le Myanmar pour le portage, la construction, l'entretien et les services des camps militaires, d'autres travaux à l'appui des forces armées, le travail sur des projets agricoles et forestiers et d'autres projets de production réalisés par les autorités civiles ou militaires, parfois au profit de particuliers, pour la construction et l'entretien de routes, de voies ferrées et de ponts, pour d'autres travaux d'infrastructure et pour toute une série d'autres tâches».

La commission relève également qu'en réalité «les multiples exactions de travail forcé donnent souvent lieu à une extorsion d'argent en échange d'un allègement temporaire de la charge, mais également à des menaces contre la vie et la sécurité ainsi qu'à des sanctions extrajudiciaires à l'égard de ceux qui se montrent indisposés, lents ou incapables de donner suite à une demande de fournir du travail forcé; ces sanctions ou représailles vont de demandes d'argent à des brutalités physiques, des passages à tabac, à la torture, au viol et au meurtre».

Il ressort des conclusions de la commission que le travail forcé au Myanmar est fréquemment accompli par des femmes, des enfants et des personnes âgées ainsi que par des personnes autrement inaptes au travail, et qu'il «n'est presque jamais rémunéré ni indemnisé».

La commission relève que «les porteurs, y compris les femmes, sont souvent envoyés en tête des troupes dans des situations particulièrement dangereuses - par exemple lorsque l'on soupçonne que le terrain peut être miné - et beaucoup sont ainsi blessés ou y laissent la vie. Il est rare que les porteurs reçoivent un traitement médical quelconque... et les porteurs malades ou blessés sont parfois abandonnés dans la jungle».

«De même, sur les projets de construction de routes, la plupart du temps les blessures ne sont pas soignées et, sur certains de ces projets, les morts par maladie et accidents du travail sont fréquentes», note la commission. «Les travailleurs forcés, y compris ceux qui sont malades ou blessés, sont fréquemment battus ou brutalisés par les soldats, leur causant de graves blessures; certains sont tués, et des femmes exécutant un travail forcé sont violées ou victimes d'autres abus sexuels de la part des soldats.»

Au vu du manquement flagrant et persistant du gouvernement aux dispositions de la convention sur le travail forcé, la commission exhorte le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer:

Au terme de l'article 29 de la Constitution de l'OIT, le gouvernement du Myanmar devra signifier au Directeur général du Bureau international du Travail s'il accepte ou non les recommandations contenues dans le rapport de la commission. A sa 273 e session (novembre 1998), le Conseil d'administration du BIT devrait prendre connaissance de la réponse du Gouvernement.

* Travail forcé au Myanmar (Birmanie). Rapport de la commission d'enquête nommée au titre de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner le respect par le Myanmar de la convention (n o 29) sur le travail forcé, 1930. Genève, 1998 (sera disponible en français à la fin août 1998).
Texte du rapport sur Internet (pour l'instant en anglais seulement):