L'OIT adopte une Convention mettant hors la loi les pires formes de travail des enfants et lance une campagne pour sa ratification

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Les Etats membres de l'Organisation internationale du Travail (OIT) ont pris aujourd'hui une mesure décisive pour affranchir des millions d'enfants de l'esclavage et de la servitude pour dettes, de la prostitution et de la pornographie, des travaux dangereux et de l'enrôlement forcé dans des conflits armés.

Communiqué de presse | 17 juin 1999

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Les Etats membres de l'Organisation internationale du Travail (OIT) ont pris aujourd'hui une mesure décisive pour affranchir des millions d'enfants de l'esclavage et de la servitude pour dettes, de la prostitution et de la pornographie, des travaux dangereux et de l'enrôlement forcé dans des conflits armés.

Faisant la preuve de ce que le Directeur général du BIT, Juan Somavia, a appelé leur «détermination morale», les 174 Etats membres de l'OIT ont conclu les travaux de la 87 ème session de la Conférence internationale du Travail en adoptant à l'unanimité la Convention sur les pires formes de travail des enfants, 1999.

Cette Convention s'applique à toutes les personnes de moins de 18 ans et exige que soient prises «des mesures immédiates et efficaces pour assurer l'interdiction et l'élimination des pires formes de travail des enfants et ce, de toute urgence».

La Recommandation qui accompagne la Convention exhorte les Etats membres à faire des pires formes de travail des enfants des infractions pénales et à prendre des sanctions pénales à l'encontre de ceux qui s'en rendent coupables.

«Avec cette Convention, nous avons désormais les moyens de faire de l'éradication urgente des pires formes de travail des enfants une nouvelle cause mondiale», a déclaré M. Somavia. «Cette cause doit se traduire, non par des mots mais par des actes, non par des discours mais par des politiques et des lois. A tous ceux qui exploitent les enfants, qui les réduisent en esclavage, qui les utilisent pour la prostitution, la pornographie ou la guerre, nous disons aujourd'hui: ça suffit!»

Le BIT estime à environ 250 millions le nombre d'enfants de 5 à 14 ans qui travaillent, rien que dans le monde en développement. La moitié à peu près travaillent à plein temps tandis que les autres poursuivent tant bien que mal leur scolarité. Dans certains cas, près de 70 pour cent de ces enfants sont affectés à des travaux dangereux. Sur ce total de 250 millions d'enfants, quelque 50 ou 60 millions, âgés de 5 à 11 ans, travaillent dans des conditions qui peuvent être considérées comme dangereuses compte tenu de leur âge et de leur vulnérabilité.

Une campagne de ratification

M. Somavia a annoncé que le BIT va dans l'immédiat lancer une campagne mondiale de ratification - ratification nécessaire pour que la Convention se traduise dans la législation et la pratique nationales. A cette campagne participeront le Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) ainsi que divers départements du BIT. Beaucoup des délégués qui ont pris la parole durant la Conférence se sont engagés à faire en sorte que la nouvelle Convention soit rapidement ratifiée.

M. Somavia a aussi indiqué que la nouvelle Convention deviendra l'une des «conventions fondamentales» de l'OIT, s'ajoutant ainsi à celles qui traitent de la liberté syndicale et du droit de négociation collective, de l'élimination du travail forcé ou obligatoire, de la non-discrimination en matière d'emploi et de profession, et de l'âge minimum d'admission à l'emploi.

Ces conventions consacrent les principes et droits fondamentaux au travail qui ont été approuvés par le Sommet mondial pour le développement social, à Copenhague, en mars 1995, et qui ont fait l'objet d'une déclaration solennelle, assortie d'un suivi, qui a été adoptée par la Conférence internationale du Travail en juin de l'an dernier.

La nouvelle Convention reflète la prise de conscience, de plus en plus large ces dernières années, qu'il faut mettre un terme immédiatement aux pires formes de travail des enfants. La Convention (n o 138) sur l'âge minimum, 1973, reste le socle de l'action nationale et internationale visant l'abolition totale du travail des enfants. Le nombre de ratifications est en augmentation depuis quelques années. Au total, 74 Etats ont ratifié la Convention n o 138.

La nouvelle Convention et la nouvelle Recommandation

La nouvelle Convention définit pour la première fois ce qui constitue les «pires formes de travail des enfants» et elle proscrit le recrutement forcé ou obligatoire d'enfants soldats. Elle lance un appel à la coopération internationale en matière de développement social et économique, de lutte contre la pauvreté et d'éducation afin d'atteindre ses objectifs, et prévoit de larges consultations entre les gouvernements, les travailleurs et les employeurs - les partenaires sociaux qui forment la structure tripartite de l'OIT.

La Convention définit ainsi «les pires formes de travail des enfants»: toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés; l'utilisation d'un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques; l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant aux fins d'activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants; les travaux qui sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l'enfant.

La Convention demande aux Etats membres qui la ratifieront d'«élaborer et mettre en œuvre des programmes d'action» en vue d'éliminer en priorité les pires formes de travail des enfants et d'«établir ou désigner des mécanismes appropriés» pour surveiller l'application des dispositions de la Convention, après consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs. Elle indique aussi que les Etats membres qui la ratifieront devront «prévoir l'aide directe nécessaire et appropriée pour soustraire les enfants aux pires formes de travail des enfants et assurer leur réadaptation; assurer l'accès à l'éducation de base gratuite et à la formation professionnelle pour tous les enfants qui auront été soustraits aux pires formes de travail des enfants; identifier les enfants particulièrement exposés à des risques; tenir compte de la situation particulière des filles».

La Recommandation qui accompagne la Convention définit les «travaux dangereux» comme «les travaux qui exposent les enfants à des sévices physiques, psychologiques ou sexuels; les travaux qui s'effectuent sous terre, sous l'eau, à des hauteurs dangereuses ou dans des espaces confinés; les travaux qui s'effectuent avec des machines, du matériel ou des outils dangereux ou qui impliquent de manipuler ou porter de lourdes charges; les travaux qui s'effectuent dans un milieu malsain pouvant, par exemple, exposer des enfants à des substances, des agents ou des procédés dangereux, ou à des conditions de température, de bruit ou de vibrations préjudiciables à leur santé; les travaux qui s'effectuent dans des conditions particulièrement difficiles, par exemple pendant de longues heures, ou la nuit, ou pour lesquels l'enfant est retenu de manière injustifiée dans les locaux de l'employeur».