Le Conseil d'administration met en place le suivi de la Déclaration du BIT sur les droits de l'homme fondamentaux: Les premiers rapports seront présentés en 1999

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Afin de renforcer la surveillance des normes fondamentales du travail dans les 174 Etats Membres de l'OIT, le Conseil d'administration du BIT a adopté un programme d'action visant à mettre en place le suivi de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, adoptée en juin dernier par la Conférence internationale du Travail.

Communiqué de presse | 20 novembre 1998

GENÈVE (Nouvelles du BIT) - Afin de renforcer la surveillance des normes fondamentales du travail dans les 174 Etats Membres de l'OIT, le Conseil d'administration du BIT a adopté un programme d'action visant à mettre en place le suivi de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, adoptée en juin dernier par la Conférence internationale du Travail.

Le Conseil d'administration a également examiné les résultats de la Commission d'enquête spéciale sur le travail forcé au Myanmar, qui met en lumière l'utilisation courante et systématique du travail forcé dans ce pays ainsi qu'un large éventail de violations des droits de l'homme fondamentaux perpétrées par le Gouvernement militaire du pays.

Dans le cadre du débat sur le rapport de la Commission d'enquête, les politiques du Gouvernement du Myanmar en matière de travail et de droits de l'homme ont fait l'objet de sévères critiques en raison de l'utilisation courante, par ce pays, du travail forcé et d'autres violations graves des droits de l'homme. Certains délégués ont remis en question la capacité du Conseil d'administration du BIT de continuer à traiter du Myanmar étant donné les pratiques auxquelles se livre ce pays et le peu de cas qu'il fait des conclusions du BIT. Le rapport a été élaboré en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du travail, procédure qui n'est utilisée que dans les cas de violations graves et persistantes des normes de l'OIT et de non-respect récurrent des conclusions du BIT.

Le Conseil d'administration a rendu un hommage appuyé à M. Hansenne qui, après avoir occupé durant dix années le poste de Directeur général du BIT, participait pour la dernière fois à une session du Conseil. Des orateurs représentant les travailleurs, les employeurs et les gouvernements ont loué la façon dont M. Hansenne a géré l'Organisation au cours de la décennie tumultueuse qui a suivi l'effondrement du communisme en 1989. Le mandat de M. Hansenne arrive à échéance en mars 1999.

Suivi de la Déclaration

Le Directeur général du BIT, M. Michel Hansenne, a salué la rapidité avec laquelle les membres du Conseil d'administration du BIT ont agi pour mettre en place le suivi qu'il a qualifié, au même titre que la Déclaration, de «vital pour les travaux futurs de l'OIT et pour les valeurs de justice sociale qu'elle cherche à défendre».

Le suivi revêt deux aspects. Premièrement, le Conseil d'administration doit, une fois par an, entreprendre un examen annuel portant sur les pays n'ayant pas ratifié l'une ou plusieurs des conventions relatives aux quatre catégories de droits fondamentaux. Au cours de sa présente session, le Conseil d'administration a décidé de commencer les examens annuels à partir de 1999 (ce qui signifie dans la pratique que la procédure débutera dès mars 1999 avec l'envoi des demandes d'information sur ces droits).

La deuxième étape du suivi consiste à entreprendre chaque année un examen global portant, à tour de rôle, sur l'une des quatre catégories de droits de l'homme fondamentaux 1 , que les pays aient ratifié ou non les conventions relatives à ces droits. Le Conseil d'administration a approuvé une proposition visant à ce que le premier rapport global, qui sera publié en l'an 2000, porte sur la liberté d'association et à ce que, pour les années suivantes, les rapports portent successivement sur le travail forcé, l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et le travail des enfants.

Le Conseil d'administration a demandé au Bureau international du Travail de présenter, lors de sa prochaine session en mars 1999, des propositions précises destinées à régler un certain nombre de questions techniques et pratiques liées au suivi qui sont restées en suspens, notamment en ce qui concerne la composition et le nombre des experts chargés de présenter au Conseil d'administration les conclusions des rapports annuels ainsi qu'en ce qui concerne la forme que devraient prendre les demandes d'information relatives aux conventions non ratifiées. Le Conseil d'administration a demandé que ces questions, ainsi que toute autre question, soient résolues en tenant compte des observations faites et des idées avancées par les délégués.

Initiatives sociales du secteur privé

Le Groupe de travail sur la dimension sociale de la libéralisation du commerce international du Conseil d'administration du BIT a eu un premier échange de vues sur les initiatives sociales du secteur privé. Les appels de plus en plus pressants visant à ce que les grandes entreprises rendent compte de l'impact social et environnemental de leurs activités et la nécessité qu'elles ont de protéger leur image ont conduit le secteur privé, ces dernières années, à prendre de nombreuses initiatives conçues pour prouver son engagement en faveur des bonnes pratiques de travail et pour influencer le comportement des consommateurs et des partenaires commerciaux. Ce type de méthodes volontaires comprend les codes de conduite, les programmes de label social et diverses initiatives des investisseurs qui, dans leur ensemble, «constituent un important élément du débat international sur la dimension sociale du développement économique», selon un document de travail soumis au Conseil d'administration 2 . Le Groupe de travail sur la dimension sociale de la libéralisation du commerce international a invité le Directeur général à faire des propositions plus précises au Conseil d'administration, lors de sa prochaine session en mars 1999.

Myanmar

Dans un rapport présenté au Conseil d'administration, une commission d'enquête du BIT instituée en mars 1997 pour examiner le respect par le Myanmar de la convention (n°29) sur le travail forcé, 1930, a attiré l'attention sur le recours systématique et courant au travail forcé au Myanmar dans le cadre d'un inquiétant tableau de violations des droits de l'homme à travers le pays. Cette commission d'enquête a relevé l'impunité dont jouissent les agents du Gouvernement, en particulier les militaires, qui traitent la population civile du pays comme un vivier inépuisable de travailleurs et de serviteurs permettant d'exécuter et d'entretenir toute une variété de chantiers allant des routes et voies ferrées aux constructions de camps militaires, de camps d'exploitation du bois, d'hôtels et autres infrastructures.

Les membres du Conseil d'administration ont été informés par la commission que les événements qui se déroulent quotidiennement au Myanmar équivalent à «un récit de misère et de souffrances indicibles, d'oppression et d'exploitation endurées par d'importantes parties de la population». La commission a dit que les déprédations et les violations des droits de l'homme subies par la population depuis 1988 sont telles que la plupart des gens ne «trouvent aucune autre issue que de fuir le pays.» Aucun groupe de population, pas même les femmes, les enfants ni les personnes âgées, n'échappe aux exigences du travail forcé, qui n'est «presque jamais rémunéré ou compensé».

Etant donné le caractère flagrant des violations et le non-respect persistant, par le Gouvernement militaire du Myanmar, des normes de la convention (n°29) de l'OIT sur le travail forcé, 1930, que le pays (il s'agissait alors de la Birmanie) a ratifiée en 1955, la commission d'enquête exhorte le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte:

  • que la législation du Myanmar soit alignée sur la convention sans délai, au plus tard avant le 1 er mai 1999;
  • que le travail forcé ou obligatoire, en particulier, ne soit plus imposé par les autorités, notamment militaires; et
  • que les peines encourues pour l'exaction de travail forcé soient strictement appliquées, grâce à des enquêtes approfondies, des poursuites judiciaires et des sentences adéquates frappant les personnes jugées responsables.

Le Conseil d'administration a pris note du rapport de la commission et de la réponse du Gouvernement du Myanmar. Le Conseil d'administration a demandé au Directeur général de lui présenter, à sa prochaine session (mars 1999), un rapport sur les mesures prises par le Gouvernement du Myanmar pour appliquer les recommandations contenues dans le rapport de la commission d'enquête.

Nigéria

Le Conseil d'administration a également pris note des résultats d'une mission de contacts directs qui, entre autres observations, a relevé qu'il existe «un solide consensus entre les représentants des travailleurs et des employeurs en faveur de l'indépendance syndicale et que le Gouvernement a fait part de sa volonté de procéder à un réexamen de l'ensemble de la question syndicale à la lumière des normes et des principes de l'OIT en matière de liberté d'association».

Le rapport a aussi précisé qu'afin d'assurer une plus grande conformité de la législation nationale aux normes de l'OIT, des mesures doivent être prises au Nigéria en ce qui concerne certains aspects de la loi du travail nigériane (en particulier les décrets n° 4, 26 et 29), à la lumière des commentaires formulés par les organes de surveillance de l'OIT. Le Conseil d'administration a demandé au Gouvernement du Nigéria de prendre les mesures appropriées en ce qui concerne les questions de liberté syndicale encore en suspens et a décidé de poursuivre l'examen de cette question lors de sa session de mars 1999.

Crise sociale en Asie

Le Conseil d'administration a examiné les activités du BIT en réponse à la crise sociale dans l'Est et le Sud-Est asiatique, notamment en ce qui concerne la fourniture de conseils consultatifs, la recherche, les activités opérationnelles et l'utilisation effective des fonds propres et des ressources humaines du BIT. Un document de travail préparé pour cette discussion notait la «sérieuse insuffisance des systèmes de protection sociale de la plupart des pays touchés» qui ne couvrent, le plus souvent, qu' «une infime partie de la force de travail (…) pour un nombre limité de cas de figure.»

Le BIT cherche à développer des politiques de promotion de l'emploi par le biais de la création d'emplois d'urgence, du renforcement du marché du travail et du développement des ressources humaines, de la promotion des entreprises - en particulier pour le secteur des petites entreprises créatrices d'emplois, et de l'amélioration de la protection sociale.

Des mesures ciblées offrent un appui aux groupes vulnérables, notamment les femmes travailleuses, les travailleurs migrants et les enfants.

En outre, le BIT a mis en place une étroite collaboration avec les organisations financières internationales et régionales, y compris la Banque asiatique de développement, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les pays donateurs dans le but de promouvoir de meilleures relations de travail, des programmes de placement et de formation professionnelle ainsi que les droits des travailleurs.

Liberté syndicale

Le dernier rapport du Comité de la liberté syndicale, adopté au cours de la même session du Conseil d'administration, a particulièrement attiré l'attention sur la violence croissante dont sont victimes les syndicalistes en Colombie.

Dans son rapport, qui a été adopté par l'intégralité du Conseil d'administration, «le Comité réitère, comme il l'a déjà fait lors de l'examen de ce cas dans ses réunions de mars 1997 et de mars 1998, sa profonde préoccupation» et déplore l'ampleur de la violence, des menaces et des actes d'intimidation dirigés contre les syndicalistes colombiens ainsi que «l'impunité totale» dont jouissent les responsables de ces actes. Les allégations se référent à «des assassinats (plus de 150), des disparitions, des agressions physiques, des détentions et des menaces de mort contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes et des perquisitions aux sièges syndicaux».

Le Comité a relevé avec «une profonde préoccupation que les actes de violence perpétrés contre les dirigeants syndicaux et les syndicalistes se sont étendus à des personnes qui leur sont proches soit par un lien de famille, soit par l'exercice de la profession». Faisant référence aux agents de la force publique qui se livrent à des actes illégaux et arbitraires dans le cadre de leurs activités militaires et policières, le Comité a rappelé que «le gouvernement a pour responsabilité d'assurer que les forces de sécurité aient un comportement correct et qu'elles respectent les droits de l'homme, dans tous les cas et à tout moment.»

Le Comité a prié le Gouvernement «de l'informer du résultat des enquêtes et des procédures judiciaires qui ont été ouvertes en ce qui concerne (…) 79 cas (…) relatifs à des assassinats, des disparitions, des menaces de mort et des détentions de dirigeants syndicaux et de syndicalistes», tout en observant que le Gouvernement n'a pas encore fait parvenir ses observations sur les nombreuses allégations en instance ou sur celles qui ont été présentées dans le courant de l'année 1998.

Suite à une plainte déposée par des délégués lors de la 86 ème (1998) session de la Conférence internationale du Travail au titre de l'article 26 de la Constitution de l'OIT et concernant le non-respect par la Colombie de la convention (n°87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (n°98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, le Conseil d'administration a prié le Directeur général de solliciter les observations du Gouvernement colombien sur cette plainte afin qu'elles lui parviennent avant le 15 janvier 1999. Lors de sa session de mars 1999, le Conseil d 'administration décidera si ce cas doit être entièrement déferré à une commission d'enquête.

Le Comité du BIT a attiré l'attention sur l'évolution en République de Corée eu égard à certains progrès intervenus dans le domaine de la liberté syndicale. Il a pris note avec satisfaction de la réponse du Gouvernement datée du 29 septembre 1998 qui indique que les 29 syndicalistes qui étaient détenus ont été libérés suite à une amnistie décrétée par le Président Kim Dae-Jung.

Le Comité a réitéré sa demande adressée au Gouvernement de la République de Corée afin qu'il accélère le processus de légalisation du pluralisme syndical au niveau de l'entreprise, qu'il étende le droit d'association reconnu aux enseignants, aux fonctionnaires et aux autres catégories de travailleurs publics soumises à des restrictions, et qu'il accorde dès que possible un statut juridique à la Confédération coréenne des syndicats (KCTU).

En réponse à de nouvelles allégations présentées par la KCTU, le Comité a exprimé sa grande préoccupation face au fait que des dirigeants syndicaux et des syndicalistes sont encore détenus ou poursuivis pour des activités liées à des conflits collectifs de travail. Le Comité a demandé instamment au Gouvernement de prendre les mesures appropriées pour que les personnes poursuivies ou détenues pour leurs activités syndicales soient libérées ou que les charges pesant à leur encontre soient levées. Le Comité a fermement insisté pour que le Gouvernement fasse tout ce qui est en son pouvoir pour assurer le retrait de toutes les charges encore en cours contre M. Kwon Young-kil, ancien président de la KCTU.

La présente session s'est également penchée sur une plainte contre le Gouvernement du Canada (Ontario) présentée par le Congrès du travail du Canada (CTC) et la Fédération des enseignants des écoles secondaires de l'Ontario, portant sur des allégations de non-respect du droit des directeurs d'école et des directeurs adjoints de s'organiser, de négocier collectivement et de faire grève, ainsi que sur des allégations de discrimination antisyndicale et d'ingérence de l'employeur.

Le Comité a noté avec préoccupation que cette affaire s'inscrit dans une série de cas relatifs à des réformes législatives en Ontario et, dans chacun des cas, le Comité a constaté des incompatibilités avec les normes et principes de liberté syndicale. Il a donc demandé au Gouvernement de consulter pleinement les syndicats et les organisations d'employeurs afin de déterminer la façon de s'efforcer de promouvoir la confiance dans le système des relations de travail de l'Ontario.

Le Comité a demandé au Gouvernement de faire en sorte que les syndicats d'enseignants intéressés soient pleinement consultés et de permettre que la négociation collective libre ait lieu au sujet des conséquences sur les conditions d'emploi des décisions de politique générale de l'éducation.

Dans d'autres cas, le Comité a pris note d'un certain nombre d'événements positifs, parmi lesquels:

  • l'enregistrement d'une confédération syndicale au Bélarus et l'abrogation d'un décret suspendant les activités d'un syndicat dans ce pays;
  • l'annulation des amendes imposées à des syndicats pour leur participation à des grèves au Brésil;
  • la promulgation d'une loi sur la restitution ou l'indemnisation des biens confisqués aux organisations syndicales par l'Etat du Chili et l'abandon des poursuites contre des dirigeants syndicaux chiliens;
  • la levée, par une haute cour, de la décision d'interdiction de séjour qui frappait un dirigeant syndical au Congo;
  • la tenue d'élections de délégués du personnel, en Côte d'Ivoire, avec la participation de tous les syndicats intéressés;
  • l'abandon des charges qui pesaient sur un dirigeant syndical accusé d'avoir violé le libre exercice du droit de grève en El Salvador;
  • la tenue de nouvelles élections pour le poste de président de la Confédération générale des travailleurs du Liban;
  • le retrait des poursuites contre 11 dirigeants syndicaux de l'île Maurice;
  • la préparation d'une loi sur le règlement des conflits de travail donnant effet aux recommandations antérieures du Comité concernant la Roumanie; et
  • la publication d'un livre blanc consultatif proposant d'interdire légalement la discrimination antisyndicale et l'établissement d'une liste noire de syndicalistes au Royaume-Uni.

1 Liberté d'association et reconnaissance effective du droit de négociation collective; élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire; abolition effective du travail des enfants; et élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession.

2 Tour d'horizon des faits nouveaux dans le monde et des activités du Bureau concernant les codes de conduite, le «label» social et d'autres initiatives émanant du secteur privé en rapport avec des questions sociales. Groupe de travail sur la dimension sociale de la libéralisation du commerce international. Bureau international du Travail, Genève, novembre 1998. Document GB.273/WP/SDL/1.