Entreprenariat en Indonésie

Faire d’une tragédie une opportunité

Dans l’une des régions les plus reculées d’Indonésie, dévastée par un tsunami, un programme de formation entrepreneuriale de l’OIT a aidé une jeune femme à développer des talents insoupçonnés et a ouvert de tous nouveaux horizons à sa communauté.

Reportage | 19 juillet 2013
Lilis Suryani vend ses en-cas sous le nom de "Simananam», qui signifie «délicieux». Les commandes atteignent aujourd'hui 200-400 paquets par mois.
ÎLES MENTAWAI, Indonésie (OIT Info) – Lilis Suryani se rappelle le moment précis où elle a su qu’elle pouvait se définir comme «entrepreneur». C’était il y a six mois, quand la fameuse sandwicherie indonésienne “Shirley” lui a passé sa première commande de chips de taro.

«Je ne pouvais pas le croire! Tous mes efforts pour monter cette entreprise ont finalement payé», se souvient-elle.

La trajectoire était d’autant plus impressionnante que Suryani vit dans les lointaines Îles Mentawai, au large de la côte ouest de l’île indonésienne de Sumatra, tandis que Shirley se situe à 250 km de là, dans la capitale de Sumatra occidentale, Padang, que l’on rejoint en franchissant des routes boueuses et les eaux agitées du détroit de Mentawai.

Le trajet depuis le village de Bulasat prend quatre heures en voiture sur des routes de terre, suivies de 14 heures de ferry, une fois par semaine, mais cela n’a pas empêché la réputation de ses préparations culinaires de parcourir cette distance – permettant pour la première fois à des produits alimentaires des Mentawai de percer sur le marché de la ville de Padang.

Depuis lors, la jeune chef d’entreprise de 23 ans n’a pas regardé en arrière. Elle commercialise ses produits sous le nom de «Simananam» qui veut dire «délicieux» dans la langue locale, et les clients approuvent. Shirley a maintenant augmenté ses commandes à 200 à 400 paquets par mois, qu’elle vend entre 5 000 et 10 000 roupies indonésiennes (0,50 à 1 dollar) le paquet, selon la taille.

Difficultés

Tous les entrepreneurs sont confrontés à des difficultés, mais cette jeune femme de 23 ans en a surmontées plus que la plupart d’entre eux. Quand elle a quitté le lycée, elle prévoyait de travailler à la ferme avec sa famille. Mais, le 25 octobre 2010, un séisme de magnitude 7,7 a provoqué un tsunami sur les Îles Mentawai, tsunami causant pour 117 milliards de roupies indonésiennes (11,8 millions de $) de dégâts. Plus de 400 personnes ont été tuées sur les Îles Mentawai et 20 000 autres déplacées, dont Suryani, ses parents et sa jeune sœur.

Quand j’ai entendu parler de ce programme de formation, j’ai tout de suite saisi cette chance que l’on a qu’une fois dans sa vie, même si je ne connaissais rien à la restauration rapide.»
Suryani a été très affectée quand elle et sa famille ont dû quitter la ferme, leurs moyens de subsistance et leur source de revenu pour évacuer vers une zone située plus en hauteur. Mais une issue s’est offerte à elle. Elle a entendu parler d’une formation proposée par l’Organisation internationale du Travail (OIT) dans le cadre du Programme de reconstruction des Îles Mentawai financé par la coopération néozélandaise.

«Quand j’ai entendu parler de ce programme de formation, j’ai tout de suite saisi cette chance que l’on a qu’une fois dans sa vie, même si je ne connaissais rien à la restauration rapide», explique Suryani. Elle savait que personne dans sa communauté ne fabrique et ni ne vend des sandwiches, elle y a donc vu un projet d’entreprise et un moyen de développer ses propres compétences et connaissances mais aussi une occasion d’aider ses amis et ses voisins.

Sur 100 candidats, Suryani fut l’une des 30 jeunes rescapés du tsunami des Îles Mentawai de Pagai Sud et Pagai Nord à être sélectionnée. Avec neuf autres jeunes, elle est allée au centre de formation de l’Université de Padang pour suivre un cours de formation professionnelle de deux semaines pour apprendre à cuisiner des repas légers. Les 20 autres étudiants de Mentawai ont appris à réparer des motos ou à fabriquer des meubles.

Formation commerciale

Mais les progrès de Suryani ne se sont pas arrêtés là. Pour s’assurer que les stagiaires seraient capables de créer et faire tourner leur propre entreprise, elle et d’autres jeunes femmes de son groupe ont reçu un soutien supplémentaire de la part de l’OIT sur la création et la gestion d’une entreprise, ainsi que sur l’emballage, le développement d’une marque et la commercialisation de leurs nouveaux produits.

Les activités de restauration des moyens de subsistance de l’OIT sont axées sur le développement des compétences de gestion et de commerce, y compris une formation sur la création de micro-entreprise, le marketing et les activités de post-production.

Lilis et les autres femmes de son groupe ont reçu une formation supplémentaire afin d'encourager d'autres personnes à démarrer leur propre entreprise.
«La formation applique la méthodologie de formation du «4 en 1» de l’OIT, qui allie l’évaluation des compétences, la formation basée sur les compétences, la certification des compétences et une assistance post-formation», explique Lucky F. Lumingkewas, chargé de projet national de l’OIT pour le programme de rétablissement des moyens de subsistance dans les Mentawai.

«Cependant, à côté du soutien et de la formation professionnelle, le facteur le plus déterminant est la motivation et le dévouement des stagiaires. La motivation et l’enthousiasme de Lilis étaient remarquables. Elle a refusé d’abandonner, quoi qu’il arrive», ajoute-t-il.

Ce n’est pas une surprise pour son ancien formateur que, galvanisée par son succès à Padang, Suryani et son groupe d’une dizaine de femmes du cru vendent dorénavant leurs produits à d’autres boutiques de la capitale régionale, ainsi que dans la capitale de Mentawai, Tua Pejat. Elles produisent actuellement 600 à 1 000 paquets de chips de taro chaque mois, et Suryani a également pour projet d’augmenter son niveau de productivité et de recruter plus de femmes dans son village pour qu’elles intègrent son entreprise.

«Le tsunami a changé ma vie pour le meilleur», dit-elle. «Je n’avais jamais rêvé devenir cheffe d’entreprise.»

On espère que le modèle de restauration des moyens de subsistance de l’OIT sera dupliqué et étendu.»
L’OIT s’emploie aussi à renforcer les institutions locales de microfinance à Mentawai afin qu’elles accordent de petits prêts à des groupes de production dans les villages alentour.

«On espère que le modèle de restauration des moyens de subsistance de l’OIT sera dupliqué et étendu par les autorités du district de Mentawai, celles de la province de Sumatra occidental et par l’Agence nationale pour la gestion des catastrophes», a précisé M. Lumingkewas.

Les Îles Mentawai sont un archipel de plus de soixante-dix îles et îlots au large de la côte ouest de Sumatra en Indonésie. Le Programme de restauration des moyens de subsistance des Îles Mentawai est un programme conjoint de l’OIT, de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et le Programme des Nations Unies pour le développement.