Disparités entre hommes et femmes

Le temps est venu pour les femmes d’entrer aux conseils d’administration

La nécessité de voir davantage de femmes siéger dans les conseils d’administration encore largement dominés par les hommes dans le monde est désormais largement admise mais un fort désaccord subsiste quant à la manière d’y parvenir.

Reportage | 31 octobre 2012
GENÈVE (OIT Info) – Les femmes représentent environ 50 pour cent de la population mondiale mais seulement une fraction des PDG d’entreprise et des membres de conseils d’administration. Pourtant, les faits montrent que la présence de femmes au sommet contribue à doper la performance des entreprises.

Dans les grandes entreprises américaines, seuls 15 pour cent des membres des conseils d’administration sont des femmes. Dans les principales sociétés européennes, moins de 14 pour cent des sièges de conseil d’administration sont occupés par des femmes.

La recherche nous enseigne qu’avoir des femmes dans les conseils n’est pas seulement une «bonne» idée, c’est aussi une idée «intelligente».

Selon des études récentes, les entreprises qui comptent des femmes parmi leurs dirigeants ont des meilleurs retours sur investissement que celles dont les directions sont entièrement masculines.

Mais même si la question n’est plus taboue, la manière de parvenir à cette égalité hommes-femmes au sein des conseils d’administration suscite le débat et les discussions gagnent en intensité.

Un plan de l’UE prévoyait l’instauration de quotas obligatoires pour forcer les entreprises à promouvoir davantage de femmes dans leurs équipes dirigeantes; il a été suspendu en octobre 2012 parce que la Commission européenne n’a pas réussi à obtenir d’accord sur cette proposition. L’Espagne, la France et la Norvège disposent déjà d’une législation de ce type.

OIT Info a demandé à quelques femmes de premier plan leur avis sur cette question:


Liselott Kilaas,
  • Directrice générale d’Aleris en Norvège et au Danemark
  • Vice-présidente du Conseil d’administration de Telenor ASA
  • Membre du directoire de la Banque centrale de Norvège

«L’une des raisons essentielles pour lesquelles il y a si peu de femmes dans les conseils d’administration c’est que les femmes sont moins nombreuses que les hommes aux postes de direction. Historiquement, les membres des conseils d’administration sont recrutés parmi les cadres de direction. Je crois qu’il est important que les comités de nomination ainsi que les cabinets de chasseurs de têtes commencent à regarder au-delà du cercle des cadres dirigeants femmes pour identifier des femmes qualifiées.

Les progrès en faveur de l’égalité au sommet varient beaucoup: même dans mon propre pays, la Norvège, où les entreprises cotées en bourse doivent compter 40 pour cent de femmes au conseil d’administration, il y a encore peu de femmes occupant des postes de direction générale.

La plupart des entreprises se font aujourd’hui concurrence à l’échelle mondiale et je crois qu’il serait utile d’introduire une large diversité parmi les cadres comme parmi les employés non-cadres, et la dimension de genre est l’un des nombreux facteurs de diversification. Je ne suis pas certaine que nous parvenions un jour à une parité parfaite et je ne suis pas sûre à titre personnel que cela doive être un objectif en soi.»
 

 

Sharan Burrow,
  • Secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale (CSI)

«Les femmes représentent la moitié de la population mondiale, dans un monde parfait elles devraient donc détenir la moitié du pouvoir également!

Les quotas sont des outils qui peuvent contribuer à changer la culture... Mais je crois que la plus grande erreur consisterait à réduire le combat pour l’égalité hommes-femmes à une question de quotas…

Parvenir à une parfaite égalité nécessite de faire évoluer les mentalités – celles des hommes et des femmes. Cela veut dire que les gouvernements doivent prendre des mesures proactives pour remettre en cause les stéréotypes hommes-femmes ancrés dans chaque société. Bien que la participation des femmes aux postes de responsabilité soit essentielle, il importe tout autant de s’attaquer aux énormes disparités de genre qui existent aujourd’hui sur les marchés du travail.

Les femmes gagnent en moyenne 20 pour cent de moins que les hommes pour un travail de même valeur, et elles sont surreprésentées dans les emplois peu qualifiés et mal rémunérés. Une majorité des femmes qui travaillent dans le monde occupe un emploi précaire et informel et une forte ségrégation continue de sévir sur les marchés du travail. Faire respecter les droits au travail des femmes est une urgence!»
 

 

Marina Yannakoudakis,
  • Député britannique au Parlement européen
  • Porte-parole des Conservateurs pour les droits des femmes et l’égalité des sexes.

«Nous avons besoin de davantage de femmes dans les conseils des entreprises parce que nous devons parvenir à un meilleur équilibre entre les sexes à tous les niveaux de gestion.

Nous devrions encourager un changement durable et significatif de la représentation des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises, mais nous devons le faire en nous fixant des objectifs volontaires plutôt que des minima obligatoires.

Je ne pense pas que les quotas soient la bonne réponse. Les quotas sont néfastes pour les femmes et pour les affaires. Les femmes ne veulent pas être chaperonnées et les sociétés ne veulent pas que davantage de bureaucratie européenne vienne étrangler leurs entreprises.

Au Royaume-Uni, 100 femmes ont été nommées dans les Conseils d’administration du FTSE 100 et du FTSE 250 l’an dernier, et les conseils des entreprises du FTSE 100 comptent actuellement 15,2 pour cent de représentation féminine. Je conviens qu’il reste beaucoup de chemin à faire mais ces femmes ont été choisies parce qu’elles étaient les mieux qualifiées pour le poste. Seraient-elles parvenues au sommet en vertu de quotas que cela n’aurait été rien d’autre que du paternalisme.»
 

 

Jayati Ghosh,
  • Economiste
  • Secrétaire générale de l’IDEAS, une association d’économistes du développement international
  • Lauréate du Prix pour la recherche sur le travail décent de l’OIT

«Dans un conseil d’administration, on a besoin d’un équilibre entre hommes et femmes parce que cela débouche généralement sur des pratiques de gestion plus durables et plus viables. Il ne suffit pas d’avoir une ou deux femmes à la tête ou aux plus hauts postes des entreprises parce que cela ne change pas la culture managériale dans sa totalité. Ce n’est que lorsque que les femmes sont en nombre suffisant dans les postes de commandement d’une organisation que la culture ambiante et la stratégie managériale se traduisent par de véritables différences.

Les quotas ne suffisent pas mais ils sont sans doute une partie indispensable de la solution, sans quoi la résistance, ouverte ou implicite, à l’arrivée des femmes à des postes de commandement tend à être particulièrement forte. Les quotas peuvent engendrer des injustices à court terme mais ils sont nécessaires pour opérer, à moyen terme, une transition vers un avenir dans lequel ils ne seront plus considérés comme nécessaires parce que la présence des femmes aux plus hauts postes sera considérée comme acquise.»