Stages: pièges ou coups de pouce?

Les stages fournissent une expérience professionnelle précieuse. Mais leur généralisation fait craindre des abus, surtout en période de récession économique. OIT Info analyse avantages et inconvénients.

Article | 22 août 2012
GENÈVE (OIT Info) – L’explosion du chômage des jeunes a généralisé la pratique du stage dans les pays développés qui fait de plus en plus débat.

Les stages sont généralement considérés comme l’occasion idéale pour les jeunes d’acquérir une expérience professionnelle précieuse et débuter sur le marché du travail.
On voit augmenter les stages, l’apprentissage ou d’autres modalités d’acquisition d’une expérience professionnelle en vue d’obtenir un travail décent". La crise de l’emploi des jeunes: Appel à l’action. OIT, 2012

Cet attrait est nourri par la difficulté croissante qu’ont les diplômés à décrocher un emploi. Mais face aux nombreux abus, des voix s’élèvent et accusent les stages d’être une source de main-d’œuvre bon marché, et souvent gratuite.

Gianni Rosas, Coordonnateur du Programme de l’OIT sur l’emploi des jeunes, explique: «Le but principal du stage est de donner une expérience professionnelle aux jeunes et de rompre ainsi le ‘cercle vicieux’ dans lequel ils se trouvent: ils ne peuvent pas acquérir d’expérience professionnelle si personne ne les emploie, et personne ne les emploie parce qu’ils n’ont pas d’expérience professionnelle.»

Faut-il rémunérer le stage?

Plusieurs gouvernements ont mis en place des garde-fous juridiques pour empêcher l’exploitation des stagiaires.

Malgré tout, le détournement des stages s’amplifie depuis quelques années, notamment dans les pays durement touchés par la crise mondiale, ce que dénoncent de plus en plus de jeunes, par exemple au sein d’une communauté mondiale – véhémente – de tweetos qui relatent au quotidien les pratiques au sein des stages.

«Tout stage devrait inclure une formation puisque la raison d’être du stage est la formation chez l’employeur. Employer les jeunes stagiaires à des tâches confiées normalement aux salariés permanents peut être considéré comme une forme déguisée d’emploi et sanctionné comme tel par les tribunaux», rappelle M. Rosas.

Une question majeure se pose: faut-il rémunérer les jeunes stagiaires?

Aux États-Unis, en règle générale, la loi assimile les stages dans le secteur privé à des emplois. Elle autorise, toutefois, les stages non rémunérés suivant des critères précis: le stage privilégie la formation, le stagiaire ne prend pas le poste de travail d’un salarié de l'entreprise et l’employeur ne retire aucun avantage immédiat du stage.

En France, conformément à la loi, les stagiaires n’ont pas droit à un salaire mais à une gratification lorsque la durée du stage est supérieure à 2 mois au cours d’une même année universitaire ou scolaire. La loi de 2011, dite loi Cherpion, énonce par ailleurs que le stage ne peut consister en des tâches pouvant être exécutées par un travailleur occupant un poste de travail permanent dans l’entreprise et qu’il doit en plus prévoir une formation du stagiaire.

Pour les détracteurs du stage, il est difficile de faire respecter les lois.

La polémique soulevée par le livre de Ross Perlin intitulé Intern Nation: How to Earn Nothing and Learn Little in the Brave New Economy a été relancée par les affaires judiciaires très médiatisées qui ont éclaté aux États-Unis, dans lesquelles d’anciens stagiaires disaient avoir été exploités.

Un autre aspect a émergé – celui des stagiaires «professionnels» pris dans un engrenage infernal d’enchaînement de stages faute d’emploi.

Adoptons les «bons réflexes»

Selon une enquête récente de l’Association nationale américaine des universités et des employeurs (US National Association of Colleges and Employers – NACE), 60 pour cent des universitaires diplômés recevaient au moins une offre d’emploi après un stage rémunéré, contre 36 pour cent de ceux n’ayant pas fait de stage.

Cependant, dans la même enquête, il était aussi suggéré que seuls les stagiaires qui avaient été rémunérés jouissaient d’un net avantage sur le marché du travail par rapport aux diplômés qui n’avaient pas fait de stage. Seuls 37 pour cent de ceux ayant effectué un stage non rémunéré s’étaient vus offrir un emploi.

Le stage doit permettre aux jeunes d’acquérir des connaissances pratiques qui lui permettront d’impressionner les employeurs potentiels. Enfin, il doit aussi les aider à se constituer un réseau et, si tout va bien, à décrocher un emploi.

Il y a urgence à défaire la mauvaise réputation dont jouissent les stages depuis quelque temps, en adoptant pour ce faire les bons réflexes: par exemple, en ne remplaçant pas les travailleurs salariés par des stagiaires non rémunérés, en assignant aux stagiaires des missions de travail intéressantes, et en les faisant bénéficier d’une formation et d’un encadrement appropriés.

«Beaucoup ont adopté les bons réflexes: l’Organisation internationale du Travail (OIT), par exemple, verse à ses stagiaires une allocation en signe de reconnaissance du fait que très souvent ces jeunes gens doivent partir s’installer dans une ville ou un pays dans lequel ils n’ont plus le soutien de la famille et autres réseaux», souligne enfin M. Rosas.


Pour de plus amples informations, merci de contacter le porte-parole de l’OIT, M. Hans von Rohland, au +4122/799-7916 ou à l’adresse: rohland@ilo.org