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L’appui de l’OIT aux changements dans le monde arabe

La communauté internationale a été impressionnée par le courage des hommes et des femmes du monde arabe qui sont descendus dans la rue cette année. Reportage de Farah Dakhlallah, du Bureau régional d’information et de liaison de l’OIT à Beyrouth, depuis le Yémen et le Liban où l’OIT apporte son aide pour préparer un meilleur avenir aux travailleurs de la région.

Article | 17 janvier 2012

Yémen: renforcer les capacités contre vents et marées

SANAA, Yémen (BIT en ligne) – Le travail d’Abdullah en tant qu’analyste de données à l’Office central des statistiques du ministère des Affaires sociales et du Travail n’a jamais été aussi dangereux. Depuis que les soulèvements populaires arabes ont gagné le Yémen, son trajet de 20 minutes jusqu’au travail s’est transformé en un calvaire de deux heures à travers les postes de contrôle, les barrages routiers et les déviations.

Mais aujourd’hui, il est optimiste parce qu’il se fraie un chemin dans la circulation vers un cours de formation qu’il attend avec impatience depuis des semaines.

«Je travaille à l’Office central des statistiques depuis dix ans mais c’est la première fois que nous recevons une formation sur des méthodes avancées de collecte et d’analyse des données, dit-il. Je me suis inscrit à ce cours il y a plusieurs mois, avant les troubles, et je n’allais pas manquer l’occasion».

Pour des raisons de sécurité, le cours a été déplacé de l’Office central des statistiques vers un institut local de formation pour permettre aux participants d’être présents.

Partie intégrante du projet «Appui à l’analyse des informations sur le marché du travail» du BIT, le cours forme le personnel du ministère du Travail, y compris les employés de l’Office des statistiques, au logiciel SPSS (sigle anglais désignant un outil d’analyse statistique en sciences sociales) et à son utilisation pour l’analyse des données d’enquête.

Il a pour but de renforcer les capacités locales; il est considéré comme une première étape pour la conduite d’une enquête sur la main-d’œuvre et la production d’une étude qui étudie les conditions et les tendances du marché du travail, y compris les taux de chômage et les niveaux de productivité.

La dernière enquête sur la main-d’œuvre au Yémen a été effectuée il y a plus de dix ans, en 1999.

La pénurie de travail décent est un facteur déterminant de l’instabilité actuelle

«L’enquête sur la main-d’œuvre est capitale pour élaborer une stratégie nationale d’emploi efficace qui réponde aux besoins et aux aspirations du peuple yéménite», rappelle la Directrice régionale de l’OIT pour les Etats arabes, Nada al-Nashif. «L’OIT reconnaît que la pénurie de travail décent est un facteur déterminant de l’instabilité qui prévaut actuellement au Yémen et plaide depuis longtemps pour que s’instaure un dialogue social inclusif qui permette de créer davantage d’emplois de meilleure qualité.»

Avec un taux de chômage de 16,3 pour cent, le Yémen détient un des taux les plus élevés au monde (Recensement de la population 2004) et les jeunes ont deux fois plus de risques de se retrouver sans emploi que les adultes; en 2003, le taux de chômage des jeunes était estimé à 29 pour cent. L’absence de perspectives d’emploi est particulièrement frappante chez les femmes éduquées, dont un tiers sont au chômage.

Selon le Rapport du PNUD sur le développement humain 2007-2008, plus de 45 pour cent de la population yéménite vit au-dessous du seuil de pauvreté de 2 dollars par jour et 15 pour cent vivent dans une pauvreté extrême avec un maigre revenu de 1 dollar par jour.

L’OIT adapte sa stratégie de travail décent par pays à la situation fluctuante du Yémen et continue de travailler avec ses partenaires tripartites afin d’encourager la création d’emplois et d’entreprises, de promouvoir la protection sociale, les normes et les droits au travail, ainsi que le dialogue social.

Les réfugiées palestiniennes vont de l’avant dans les camps du Liban

BEYROUTH, Liban (BIT en ligne) – Manal est née et a grandi dans le camp de réfugiés de Nahr al-Bared, au Liban, dans une vieille famille d’entrepreneurs.

Son grand-père – comme son père avant lui – était un marchand de grains et d’olives réputé dans son village natal de Ghabisiya, près de la ville portuaire palestinienne d’Acre, avant que sa famille ne soit déplacée suite à la création de l’Etat d’Israël en 1948.

Quand ils sont arrivés dans le camp de réfugiés, à la périphérie de la ville libanaise de Tripoli, sa grand-mère a apporté sa contribution pour subvenir aux besoins de la famille ruinée en s’occupant d’une petite ferme près du camp et en vendant sa production sur le marché local.

Le grand-père de Manal s’est lancé dans un nouveau commerce, de chausseur, et a monté une boutique dans le camp, avec l’aide de son fils. Son père et sa mère ont vite repris la boutique mais l’entreprise familiale a été détruite pendant les émeutes de 2008 à Nahr al-Bared et ils ont été à nouveau déplacés, cette fois vers le camp voisin d’al-Baddawi.

Maintenant âgée de 42 ans – ayant fondé sa propre famille – Manal aide à joindre les deux bouts en mettant en pratique ses talents de couturière, dessinant et créant des vêtements pour les autres résidents du camp.

Manal siège aussi au conseil d’administration d’une organisation locale qui alloue des microcrédits à d’autres entrepreneurs installés dans le camp. Au quotidien, elle prend des décisions sur les demandes de microcrédit pour aider à mettre sur pied des entreprises locales et soutenir les entreprises existantes qui contribuent au développement économique local.

Elle fait partie d’un groupe de femmes palestiniennes sélectionnées par l’OIT pour participer à une série d’ateliers de formation pour les formateurs sur l’ensemble GET Ahead (Aller de l’avant) pour les femmes dans l’entreprise.

En plus de transmettre aux participantes les compétences de base sur l’entreprise, les finances et le marketing, les ateliers leur donnent les moyens de dispenser à leur tour la formation à d’autres femmes à bas revenus qui gèrent déjà des activités commerciales à petite échelle à travers des entreprises individuelles, familiales ou collectives.

Promouvoir les compétences d’entrepreneur pour les femmes

L’ensemble GET Ahead (Aller de l’avant) se démarque des matériels classiques de formation sur l’entreprise parce qu’il met en exergue les principales compétences d’entrepreneur du point de vue de l’égalité hommes-femmes, qu’elles s’appliquent à la création ou au développement d’une entreprise individuelle, familiale ou collective.

«L’approche attrayante et accessible de l’atelier m’a beaucoup plu, dit Manal. Cela m’a fait prendre conscience de débouchés dans ma communauté auxquels je n’avais jamais pensé auparavant. J’ai aussi davantage confiance pour concevoir et évaluer des plans d’affaires.»

Dans le cadre de l’Initiative pour l’émancipation économique des femmes palestiniennes, les ateliers ont pour ambition de renforcer les capacités des institutions qui sont impliquées dans la création d’entreprises dans plusieurs camps palestiniens du Liban (Nahr al-Bared et Ain el-Helweh). Ils aident les organisations partenaires de l’OIT à promouvoir l’esprit d’entreprise parmi les femmes pauvres qui souhaitent créer ou qui gèrent déjà une petite entreprise.

Musa Nimr est spécialiste des microcrédits et des subventions à l’UNRWA depuis le milieu des années 1990. «C’est la première fois que les promoteurs des petites entreprises des camps palestiniens se rassemblent et j’espère que cela débouchera sur une plus grande coopération sur le terrain. L’atelier nous offre une excellente occasion pour explorer des pistes novatrices de soutien aux femmes entrepreneurs de Palestine», explique-t-il.

Le projet Initiative pour l’émancipation économique des femmes palestiniennes est dédié à la promotion de la reprise économique et de conditions de travail décentes dans les camps de réfugiés du Liban pour les femmes palestiniennes. Le projet biennal est constitué de trois étapes: réaliser un état des lieux initial; former à la création d’entreprise et à la formation de groupes d’affaires; appuyer l’établissement et le renforcement de groupes d’affaires pour coopérer et mutualiser les ressources.