L’agro-industrie de la banane: un terreau fertile pour créer des emplois verts

L’OIT, par le biais du Programme conjoint pour le renforcement de la filière banane par la croissance des marchés intégrés, a invité une délégation de quinze techniciens et producteurs de bananes de la République dominicaine à visiter le Costa Rica afin de partager l’expérience de son secteur bananier pour le recyclage du plastique, ainsi que ses pratiques sociales et environnementales.

Article | 16 septembre 2011

LIMON, COSTA RICA – La banane est la deuxième culture d’exportation de la République dominicaine et représente un gisement d’emplois et une source de revenus majeurs. Mais l’essor de sa production s’est accompagnée d’une augmentation du volume des déchets, ce qui affecte l’environnement, nuit aux populations, aux entreprises et aux travailleurs.

L’agro-industrie dominicaine de la banane rencontre des difficultés pour gérer ses déchets, en particulier pour éliminer les sacs plastiques qui servent à protéger les régimes de banane pendant leur croissance. Consciente de cette situation, l’OIT, par le biais du Programme conjoint pour le renforcement de la filière banane par la croissance des marchés intégrés, a invité une délégation de quinze techniciens et producteurs de bananes de la République dominicaine à visiter le Costa Rica afin de partager l’expérience de son secteur bananier pour le recyclage du plastique, ainsi que ses pratiques sociales et environnementales.

«Ici en République dominicaine, les déchets plastiques sont envoyés dans un centre de collecte mais ils ne sont pas compactés, si bien que les sacs s’éparpillent sur les chemins et les routes, ou restent sur la plantation, et polluent l’environnement», a expliqué Ricardo Borbon de l’Association des producteurs de banane associés (ASOBANU en espagnol), évoquant les problèmes auxquels se trouve confrontée l’industrie bananière dominicaine.

Auparavant, le littoral caribéen du Costa Rica a lui aussi été confronté au défi de la gestion des déchets plastiques de l’agro-industrie bananière. Les sacs plastiques contaminaient les rivières et les lagons ou ils étaient brûlés. Compte tenu de cet important impact environnemental, deux producteurs de banane (Del Monte et Dole) et un fabricant de plastique (Yamber) se sont associés pour éliminer correctement les déchets plastiques générés par la culture de la banane et ont créé la société Recyplast.

Recyplast a mis au point un procédé dans lequel les déchets plastiques (sacs, bouteilles, conteneurs, vaisselle jetable) sont traités et fondus afin de créer une résine qui peut servir de nouvelle matière première. Cette résine est utilisée dans la fabrication des cornières qui sont placées aux angles des caisses de bananes quand elles sont exportées.

Avec la résine produite par Recyplast en plus de 14 ans d’activité, 72 millions de cornières ont été fabriqués et ont participé à l’exportation d’environ 864 millions de caisses de bananes. Fabriquer les cornières en résine plutôt qu’en bois comme le veut la tradition a permis d’éviter l’abattage de 432 000 arbres.

Recyplast, qui a créé 110 emplois directs, a étendu son rayon d’action et recycle dorénavant les déchets plastiques de diverses activités (agricoles, industrielles et domestiques) de différentes provinces du Costa Rica et d’autres pays d’Amérique centrale, générant de nombreux emplois indirects liés à la réduction et au recyclage des déchets, reconnus comme emplois verts.

Les emplois verts réduisent l’impact des entreprises et des secteurs économiques sur l’environnement à un niveau supportable; dans le cas d’espèce, ils permettent de réduire les déchets et la pollution. Les emplois verts, conçus comme du travail décent, contribuent à la réalisation de deux des Objectifs du Millénaire pour le développement: l’OMD n° 1, réduire l’extrême pauvreté et l’OMD n° 7, préserver l’environnement.

Les producteurs de banane dominicains ont également eu la possibilité de discuter avec un ingénieur chimiste, Carlos Gomez, et de découvrir des usages novateurs du faux tronc du bananier, traditionnellement considéré comme bon à jeter.

La tige du bananier n’a pas de valeur commerciale et c’est le principal déchet des plantes qui enveloppent le fruit. Les producteurs de banane ont découvert la fabrication de «papier de banane» à partir du faux tronc du bananier. Avec ce papier, on peut réaliser des fournitures de bureaux comme, entre autres, des cahiers, des chemises et des carnets.

L’utilisation de la tige de bananier pour la fabrication de papier peut à la fois contribuer à traiter le problème de la pollution environnementale liée aux déchets et offrir un débouché commercial permettant de fonder des micro-entreprises artisanales.

Bonnes pratiques sociales et environnementales

Afin de découvrir le fonctionnement d’une bananeraie qui mène un programme de gestion des déchets, la délégation des producteurs et techniciens dominicains a visité l’Ecole agricole de la région tropicale humide (Escuela de Agricultura de la Region Tropical Humeda, EARTH en espagnol), un centre de formation qui cherche à concilier production agricole et préservation de l’environnement.


Le campus d’EARTH est doté d’une exploitation dédiée aux activités agricoles. Dans cette ferme, on a montré aux visiteurs comment sont plantées et cultivées les bananes dans les conditions particulières de la zone. Ils ont également pu visiter l’usine d’emballage des bananes. L’usine réceptionne et prépare les bananes destinées à l’exportation et collecte les déchets qui sont ensuite convertis, soit en papier de banane soit en fertilisant.

L’école EARTH dispose d’un programme complet de gestion des déchets qui lui a permis de réduire, réutiliser et recycler des tonnes de déchets au fil des années. Ce programme, qui implique tous les étudiants, a favorisé un rapprochement avec les communautés avoisinantes pour les former à l’élimination convenable de leurs déchets. Pour les micro-entreprises, de nouvelles initiatives de collecte et de gestion des déchets sont ainsi apparues.

«Pouvoir observer le tri des plastiques, la protection de l’environnement et la mobilisation en faveur d’une meilleure gestion de l’environnement nous a permis d’engranger des expériences que nous pourrons rapporter dans notre pays. Ensemble, nous allons poursuivre nos efforts en vue d’améliorer l’élimination des déchets et développer une gestion harmonieuse de l’environnement dans l’industrie bananière dominicaine», a déclaré Eddy Cabrera, de l’Association dominicaine des producteurs de bananes (Asociación Dominicana de Productores de Bananos, ADOBANANO en espagnol).

La délégation dominicaine a également eu l’occasion de découvrir les bonnes pratiques sociales en vigueur dans la filière banane. «Une grande partie des idées qui font que ce secteur progresse, croît et innove provient des travailleurs. C’est l’une des leçons que nous avons retenues», a indiqué Marco La Touche, directeur des relations sociales de la compagnie bananière Chiquita Brands Costa Rica, dans un discours où le dialogue apparaissait comme une bonne pratique pour améliorer aussi bien les conditions de travail que la performance de l’entreprise. Le dialogue contribue à un environnement de travail plus coopératif qui favorise la créativité et l’innovation des employeurs comme des travailleurs. Parallèlement, le syndicat des travailleurs et la direction des relations sociales de Dole Costa Rica ont participé à une réunion consacrée au dialogue et à la négociation dans le secteur bananier.

Idées pour l’export

La visite a également permis d’organiser une réunion sur les stratégies de développement du secteur bananier dans les locaux de la Fédération nationale de la banane du Costa Rica (CORBANA), l’entité en charge du développement de l’industrie bananière dans le pays.

Heriberto Abreu, représentant le Dominican Banana Cluster qui regroupe les producteurs de bananes, les transporteurs et les fournisseurs, a déclaré qu’après la visite «le Cluster allait élaborer un plan d’action pour la gestion du plastique qui est un problème auquel nous sommes actuellement confrontés et qui doit être traité rapidement et concrètement; grâce aux expériences que nous avons pu partager au Costa Rica, nous allons renforcer ce que nous faisons dans notre pays».

La visite a permis aux producteurs et aux techniciens de découvrir de nouveaux outils et de nouvelles stratégies qui, s’ils sont correctement intégrés aux processus de production, contribueront à augmenter la chaîne de valeur de leur produit et, simultanément, bénéficieront à l’instauration de meilleures pratiques sociales et environnementales. Un exemple nous est donné par les compacteurs de déchets plastiques qui sont dotés d’une technologie simple et accessible. La préparation de compacteurs fait maison pour réduire la pollution provoquée par les sachets plastiques sera une première mesure à prendre pour les associations de producteurs qui appartiennent aux comités provinciaux de préservation et de protection de l’environnement.

Après la visite, ADOBANANO a accepté de lancer un plan de recyclage du plastique et une campagne pour sensibiliser les planteurs à la gestion des déchets, avec l’appui du Programme conjoint pour le renforcement de la filière bananière.

«L’expérience acquise à travers le Programme a été très utile parce qu’elle nous a confrontés à une autre réalité, elle nous a aidés à accumuler des connaissances que nous pouvons rapporter dans notre pays tout en poursuivant nos efforts pour améliorer l’industrie de la banane dominicaine», a conclu Eddy Cabrera de l’ADOBANANO.