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Journée mondiale de la santé et de la sécurité au travail (28 avril 2010)

Risques émergents et nouvelles formes de prévention dans un monde du travail en mutation: questions-réponses

Chaque année, les travailleurs, les employeurs et les gouvernements célèbrent la Journée mondiale de la santé et de la sécurité au travail dans le cadre d’une campagne internationale de promotion du travail décent, sûr et salubre. Cette année, elle est consacrée aux risques émergents en milieu de travail et aux nouvelles formes de prévention dans un monde du travail en mutation. BIT en ligne s’est entretenu avec Seiji Machida, directeur du Programme du BIT sur la sécurité et la santé au travail et sur l’environnement (SafeWork), au sujet des nouvelles façons de promouvoir le droit des travailleurs du monde entier à un milieu de travail sûr et salubre.

Article | 27 April 2010

Quels sont les nouveaux risques liés à la santé et à la sécurité au travail qui émergent aujourd’hui?

Seiji Machida: L’étude des nouveaux risques qui émergent dans le monde du travail a fait l’objet de beaucoup d’attention ces dernières années. Par exemple, les processus de fabrication modernes qui recourent aux nanotechnologies et aux biotechnologies sont de plus en plus répandus à travers le monde. On prévoit qu’en 2020, environ 20 pour cent des produits seront réalisés en partie grâce aux nanotechnologies. Malheureusement, l’impact à long terme de ces nouveaux matériaux sur la santé humaine et l’environnement demeure largement inconnu. Dans l’industrie de la biotechnologie, les personnes qui travaillent à l’élaboration de nouveaux produits et d’organismes génétiquement modifiés peuvent être particulièrement en danger. Qui plus est, le nombre de produits chimiques utilisés dans l’environnement industriel s’est considérablement accru depuis 20 ans et beaucoup n’ont pas été correctement testés. En outre, il existe une véritable prise de conscience de l’impact des nouvelles conditions de travail et des formes d’emploi émergentes sur la santé et la sécurité au travail (SST).

Que fait l’OIT pour relever ces nouveaux défis?

Seiji Machida: Puisque les conditions sur le lieu de travail changent constamment, les mesures liées à la santé et à la sécurité au travail doivent elles aussi s’adapter. Une Etude d’ensemble relative à la convention (nº 155), à la recommandation (nº 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, et au protocole de 2002 relatif à la convention sur la sécurité et la santé au travail, 1981 sur l’application des trois principaux instruments de l’OIT relatifs à la SST a révélé que de grands progrès avaient été accomplis et qu’un grand nombre de pays étaient en train de formuler leurs propres politiques. Certains pays actualisent déjà leurs politiques de SST consacrées aux nouveaux risques tels que le stress ou les troubles musculosquelettiques et la promotion des bonnes pratiques.

Mais l’étude, basée sur les contributions de plus de 120 pays, a également montré que de nouveaux aspects, notamment les risques émergents mentionnés plus tôt, doivent être pris en considération pour pouvoir agir ultérieurement dans ce domaine. Il est impératif de renforcer les systèmes et les programmes nationaux de SST pour refléter les principes énoncés dans les normes internationales du travail pertinentes. C’est pourquoi le Conseil d’administration du BIT a adopté un plan d’action le mois dernier qui vise à atteindre une large ratification et une application effective des principaux instruments de l’OIT en matière de SST. Les progrès concernant l’exécution de ce plan feront l’objet d’un contrôle annuel et d’une évaluation.

Quels sont les principaux objectifs stratégiques pour l’avenir?

Seiji Machida: L’une de nos missions importantes consiste à créer une culture préventive de sécurité et de santé. Nous souhaitons que cette mission devienne une haute priorité nationale et nous voulons améliorer la prise de conscience et la compréhension du sens et de l’utilité d’une approche systématique de la SST. Deuxièmement, le plan d’action a pour but d’améliorer la situation au niveau des lieux de travail. Une attention particulière doit être accordée aux secteurs dangereux tels que le bâtiment, les mines et l’agriculture, l’économie informelle, ainsi qu’aux besoins des petites et moyennes entreprises (PME). Troisièmement, nous poursuivrons le processus de renforcement des capacités pour permettre aux autorités nationales de développer ou de perfectionner leurs systèmes nationaux de prévention.

Le rapport du BIT sur «Les tendances mondiales de l’emploi» indiquait que le nombre de travailleurs dans l’emploi vulnérable avait considérablement augmenté au cours des dernières années. Qu’est-ce que cela signifie pour les stratégies de SST?

Seiji Machida: Les migrants, les travailleurs temporaires et les autres groupes vulnérables sont susceptibles d’endurer des conditions de travail dangereuses et insalubres. Ils ont peu ou pas accès aux mesures de prévention, à la formation et aux soins de santé. La mise en œuvre et le respect de meilleures normes pour ces personnes représentent un défi majeur pour les années à venir. Pour ce qui est de l’impact sur les femmes, les approches générales ne couvrent pas les besoins spécifiques des travailleuses. Il convient donc d’analyser et prendre en compte la dimension de genre dans l’élaboration des politiques et l’action sur les lieux de travail. Des approches similaires sont indispensables pour d’autres groupes comme les travailleurs migrants, jeunes ou âgés.

Le BIT vient de publier une nouvelle liste des maladies professionnelles. Quelles en sont les nouveautés?

Seiji Machida: Cette liste tout comme les normes du travail de l’OIT sur la SST constituent un cadre commun pour tous les Etats Membres de l’OIT. Cette liste reflète l’état actuel des connaissances dans l’identification, la reconnaissance et l’indemnisation des maladies professionnelles. La liste révisée comprend pour la première fois une section sur les troubles mentaux et comportementaux et sur le stress post-traumatique – dès lors qu’un lien direct est scientifiquement établi entre l’exposition à des facteurs de risque liés à l’activité professionnelle et lesdits troubles.

Quelles sont les raisons du développement des maladies mentales?

Seiji Machida: Une forte proportion des travailleurs éprouve des difficultés à gérer les conditions de travail de la vie moderne. Des études montrent que le stress est la deuxième cause la plus fréquemment répertoriée des troubles de la santé liés au travail et qu’il touchait 22 pour cent des travailleurs dans l’Union européenne en 2005. Les raisons de cet accroissement de la pression ont trait à des charges de travail plus lourdes et des demandes accrues de mobilité et de flexibilité. Le devoir d’être toujours «de garde» rend difficile à atteindre un équilibre convenable entre vie professionnelle et responsabilités familiales.

Ces conditions subissent-elles les effets de la crise économique?

Seiji Machida: En cette période de crise, les formes d’emploi précaires comme l’auto-emploi et les contrats d’intérim sont en hausse. De nombreux travailleurs redoutent de perdre leur emploi. La reconnaissance internationale du stress comme cause de maladie professionnelle dénote un changement de perception de ces facteurs de risque. A long terme, le stress lié au travail peut provoquer d’autres formes d’affections telles que l’hypertension ou des troubles musculosquelettiques. Le stress peut aussi être un facteur majeur de la dépression, voire du suicide.

En période de crise, les entreprises opèrent-elles des coupes budgétaires dans la sécurité au travail?

Seiji Machida: Si les entreprises prennent des restrictions aujourd’hui, elles en paieront le prix dans un avenir proche. Chacun a droit à un environnement de travail sûr et salubre – en particulier en temps de crise. La situation actuelle ne doit pas servir de prétexte pour réduire le volume d’activités dans ce domaine. La prévention est une bonne chose pour les affaires. A long terme, investir dans la santé physique et mentale est toujours rentable.

Nous allons devoir travailler plus tard dans nos vies et nous devons nous assurer que notre état de santé nous le permettra. Si nous ne sommes pas capables d’investir dans une main-d’œuvre en bonne santé aujourd’hui, nous aurons une pénurie de personnel bien portant à l’avenir. Faire des économies à mauvais escient entraînera aussi un fardeau financier supplémentaire pour les régimes nationaux de sécurité sociale.

Quelles sont les prochaines étapes que l’OIT devra franchir pour relever les défis à venir?

Seiji Machida: Grâce à ses activités de coopération technique, l’OIT dispensera une formation sur le renforcement des systèmes nationaux de SST, y compris l’enregistrement et la notification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les données statistiques fiables concernant l’efficacité des systèmes nationaux de SST font défaut, ainsi que le nombre et la nature des incidents liés au travail. Notre objectif est de compiler les données globales existantes et de les rendre utilisables pour mesurer les progrès accomplis en la matière.

Nos activités de sensibilisation comprendront la préparation de matériels d’information en différentes langues, la célébration annuelle de la «Journée mondiale de la santé et de la sécurité au travail» et la participation aux événements internationaux organisés pour accroître la visibilité des principales normes du travail de l’OIT sur la santé et la sécurité au travail. En coopération avec le ministère turc du Travail et de la Sécurité sociale et avec l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS), nous sommes actuellement en train de préparer le XIXe Congrès mondial sur la santé et la sécurité au travail qui se tiendra à Istanbul en septembre 2011.