Journée mondiale contre le travail des enfants 2009

Les filles dans les mines d’or: «Je ne veux pas que mes enfants soient comme moi»

Aux Philippines, plus de 18 000 filles et garçons travaillent dans des mines et des carrières. Depuis de nombreuses générations, la quête de l’or dans les petites exploitations minières est un moyen de survie pour les familles pauvres. Les filles qui font ce type de travail sont particulièrement vulnérables. Reportage de Minette Rimando, Chargée des relations presse au Bureau de l’OIT à Manille.

Article | 10 juin 2009

MANILLE (BIT en ligne) – Entourée d’autres enfants, Aiza se tient debout dans une eau chargée de mercure, pelletant la boue ou penchée sur une large batée à la recherche d’une petite pépite d’or. Elle gagne 20 pesos, soit la moitié d’un dollar, pour un bout d’or de la taille d’un grain de riz.

C’est avec sa mère qu’Aiza a appris à chercher l’or avec sa mère et c’est avec elle que sa sœur de 6 ans apprend à son tour. Elle a dû quitter l’école très jeune pour participer aux revenus familiaux et couvrir les frais médicaux de sa mère (Note 1).

La ruée vers l’or a précipité de nombreux enfants hors de chez eux, de l’école ou de leurs jeux vers les dangers de la mine.

«Nos corps souffrent, mais nous devons continuer. Je n’ai pas pu aller plus loin que l’école primaire et je ne veux pas que mes enfants connaissent le même sort que moi. Je veux qu’ils terminent leur scolarité et trouvent un emploi qui leur plaise, mais je n’ai pas d’argent pour leur éducation», explique la mère d’Aiza.

Rodel a eu plus de chance qu’Aiza, peut-être parce que c’est un garçon. Un nouveau rapport du BIT préparé pour la Journée mondiale contre le travail des enfants 2009 montre que le risque pour les filles d’être exploitées dans le cadre du travail des enfants est lié au fait que, dans de nombreux pays, les familles donnent la priorité aux garçons quand ils font des choix éducatifs pour leurs enfants.

Rodel a été diplômé du collège le mois dernier. Mais quand il repense au temps où, à l’âge de 10 ans, il travaillait dans une petite exploitation minière, le sombre tunnel de la mine lui fait peur, aujourd’hui encore.

«J’étais si fatigué, si faible, parce que je devais travailler la nuit et aller à l’école le lendemain matin», se souvient Rodel. Il est arrivé au point qu’il a dû travailler à plein temps quand ses parents n’ont plus eu les moyens de l’envoyer à l’école. Chaque jour, Rodel travaillait de 8 à 12 heures, voire plus, pour gagner au maximum 1 ou 2 dollars par jour.

Son expérience la plus dangereuse, quand son père a utilisé de la dynamite pour faire éclater les rochers à l’intérieur du tunnel, lui a véritablement permis d’ouvrir les yeux. «Je devais courir pour sortir, mais c’était trop sombre. Tout à coup, je suis tombé et j’ai fait une chute de plus de 30 mètres. Je me suis senti si mal, j’ai soudain réalisé que je n’aimais pas ce que je faisais. Je voulais juste retourner à l’école», se rappelle Rodel.

Une enquête sur les enfants menée par le Bureau national des statistiques des Philippines en 2001 avait révélé qu’un total de quatre millions d’enfants âgés de 5 à 17 ans travaillait aux Philippines, dont 2,4 millions dans des travaux dangereux. Plus de 18 000 enfants travaillent dans des mines et des carrières. La moitié d’entre eux est âgée de 10 à 14 ans.

Comme Aiza et Rodel, la plupart de ces enfants travaillent dans de petites exploitations minières qui utilisent des méthodes peu sophistiquées et ne respectent pas les normes de sécurité. Les enfants des mines se plaignent souvent de douleurs liées au transport de lourdes charges. Ils sont exposés au risque de glissements de terrain et de chutes de pierres. De plus, les enfants qui travaillent sur les sites miniers ne peuvent pas se protéger contre les grandes quantités de poussière et de produits chimiques comme le mercure qui peut causer de graves dommages cérébraux.

Une évaluation sanitaire du Centre pour la santé et la sécurité au travail et du BIT concernant 80 à 100 enfants des régions minières a révélé que certains enfants étaient contaminés par le mercure. Leur croissance était bloquée et ils étaient en échec scolaire. Ils développaient des maladies de peau, des toux, des rhumes et des fièvres. Souvent, ils quittaient l’école pour aller travailler toute la journée dans des petites exploitations minières.

«L’Organisation internationale du Travail et ses partenaires se battent pour un monde où aucun garçon ni aucune fille ne sera contraint de travailler au prix d’abandonner l’école dès 5 ans et de mettre en péril sa vie ou sa santé», explique Linda Wirth, Directrice du Bureau sous-régional de l’OIT pour l’Asie du Sud-Est et le Pacifique.

«Les enfants qui travaillent comme Aiza et Rodel peuvent gagner 40 à 50 pesos (soit 1 dollar) par jour et cela peut suffire à éviter que la famille ne se disloque. Pourtant, quelques pesos ne peuvent changer leur vie comme le ferait l’éducation», ajoute Mme Wirth.

Rodel a abandonné le travail des enfants pour la défense des enfants. A 14 ans, Rodel a été choisi comme défenseur des enfants après avoir participé à un camp d’été pour les jeunes organisé par le Programme international pour l’élimination du travail des enfants (IPEC) de l’OIT et le Mouvement philippin pour la reconstruction rurale (PRRM).

Il a commencé par représenter sa ville et sa province jusqu’à ce qu’il soit élu comme président de tous les défenseurs d’enfants de l’ensemble de la région de Bicol. «Notre première revendication était de mettre fin au travail des enfants aux Philippines. Nous avons rejoint la première ‘Marche mondiale contre le travail des enfants’. Nous avons défilé dans les rues avec nos banderoles Travaillons ensemble contre le travail des enfants», se rappelle Rodel.

Les Philippines furent le premier pays à lancer la Marche mondiale contre le travail des enfants en 1998, réunissant gouvernement et organisations non gouvernementales, syndicats, enseignants, familles, défenseurs des enfants et simples individus dans la lutte contre le travail des enfants. Après la Marche mondiale, Rodel a eu la chance de retourner à l’école. «J’ai obtenu une bourse scolaire complète de la Sénatrice Loren Legarda grâce au soutien de l’IPEC-BIT», explique-t-il.

Loin du tunnel sombre de la mine, Rodel, aujourd’hui âgé de 25 ans, peut entrevoir un avenir plus radieux. Mais il se souvient d’Aiza et des autres enfants qui travaillaient avec lui.

«Après mon diplôme, je veux trouver un emploi décent … mais je veux aussi aider d’autres enfants à sortir du travail des enfants. Si nous autorisons les enfants à travailler, ils seront privés d’éducation. Si les enfants qui travaillent ne se voient pas offrir la chance de retourner à l’école, rien ne se passera dans ce pays, parce que notre avenir est entre leurs mains», conclut Rodel.


Note 1 – L’histoire d’Aiza et celles d’autres enfants qui travaillent ont été présentées dans le film primé «Le fardeau de l’or», produit par East Road Co Inc. en partenariat avec l’OIT et l’UNICEF.