Emploi des jeunes

Les jeunes femmes sur le marché du travail «touchées à double titre»

Une étude OIT/Fondation MasterCard apporte un nouvel éclairage sur les problèmes auxquels sont confrontées les jeunes femmes pour trouver leur place dans le monde du travail.

Editorial | 9 février 2016
Par Azita Berar Awad, directrice du Département des politiques de l’emploi de l’OIT, et Ann Miles, directrice des Moyens de subsistance et de l’inclusion financière des jeunes à la Fondation MasterCard

Azita Berar Awad et Ann Miles
Depuis des décennies, la promotion de l’égalité entre hommes et femmes et l’émancipation des femmes figurent dans les priorités du développement. Nous savons que donner aux femmes, et en particulier aux jeunes femmes, les moyens de faire leurs propres choix pour contribuer activement à l’économie change les choses sur de nombreux fronts. La recherche montre une multitude de liens positifs. Pourtant, il apparaît clairement qu’une nouvelle génération de jeunes femmes est encore loin d’exploiter tout son potentiel économique et d’autonomie.

Un nouveau rapport de l’OIT, basé sur l’analyse des enquêtes sur la transition vers la vie active (ETVA) menées dans plus de 30 pays en développement, conclut qu’être jeune et femme constitue toujours un double défi pour la génération actuelle des jeunes femmes qui cherchent des emplois décents. Ces études ont été conduites grâce à un partenariat entre l’OIT et la Fondation MasterCard.

Les résultats d’enquête montrent que les jeunes sont confrontés à des difficultés beaucoup plus grandes pour entrer sur le marché du travail que ne le laissaient penser les chiffres du chômage publiés. Et les jeunes femmes sont tout particulièrement exposées aux discriminations dans leur accès au marché du travail. Beaucoup trop d’entre elles, quel que soit leur niveau d’instruction, demeurent privées de la possibilité de gagner leur vie.

Des statistiques alarmantes

Le rapport, Young and female – A double strike? Gender analysis of school-to-work transition surveys in 32 developing countries (Jeune et femme – victime à double titre? Analyse sexospécifique des enquêtes de transition vers la vie active dans 32 pays en développement), a étudié des populations de jeunes âgés de 15 à 29 ans dans 32 pays en développement. Les statistiques montrent que 76 pour cent des jeunes inactifs (c’est-à-dire qui ne travaillent pas ni ne cherchent du travail), non scolarisés, sont des filles. La part des jeunes femmes NEET (ni en études, ni en formation, ni au travail) est de 30 pour cent, le double de celle des jeunes hommes.

© Li Wenyong / World Bank
Sur le marché du travail, ces jeunes femmes sont clairement désavantagées comme le montrent les principales statistiques du rapport: des taux de chômage plus élevés (en 2014, 13,6 pour cent contre 12,6 pour cent dans l’ensemble), des écarts de salaire persistants (les jeunes hommes gagnent entre 1 et 36 pour cent de plus dans tous les secteurs et professions, une proportion plus forte dans l’emploi informel (75 pour cent des travailleuses âgées de 15 à 29 ans contre 73,6 pour cent des travailleurs dans la même classe d’âge) et la transition vers la vie active prend plus de temps.

De plus, quand les économies ne créent pas suffisamment d’emplois très qualifiés pour tous les demandeurs d’emploi, ce sont les jeunes femmes qui sont les plus désavantagées. Dans les pays à bas revenus examinés, le retard des femmes par rapport aux hommes dans les taux de chômage des jeunes diplômés est de 12 points de pourcentage contre à peine 3 points de pourcentage pour les jeunes ayant un niveau d’éducation primaire.

Causes et solutions

Que cachent ces résultats perturbants? Le manque d’accès aux ressources, les mariages et les maternités précoces et le travail non reconnu et non rétribué sont quelques-unes des causes. Selon le rapport, à l’échelle mondiale, 21 pour cent des jeunes femmes attribuent leur inactivité économique à leurs responsabilités familiales et domestiques. Chez les hommes, le chiffre équivalent est de 4 pour cent. Soixante-douze pour cent des jeunes femmes restant en dehors du marché du travail expriment leur désir de travailler à l’avenir. Toutefois, le rapport constate que la plupart des jeunes femmes qui ont quitté le marché du travail pour des raisons familiales (pour avoir des enfants ou s’occuper du foyer) étaient toujours en dehors du marché du travail au moment de l’enquête. Les jeunes hommes étaient plus enclins à revenir sur le marché du travail.

En examinant ces chiffres, nous devons conclure que si des progrès ont été enregistrés au fil du temps en faveur de l’égalité entre hommes et femmes, en particulier pour l’accès à l’éducation, la bataille pour une égalité réelle dans le monde du travail reste à un parcours du combattant.

Le moment est venu de réfléchir, de trouver des approches efficaces puis de les étendre.

Les choses peuvent changer

Nous devons aussi nous rappeler qu’il n’y a pas que de mauvaises nouvelles quand il s’agit d’élargir les débouchés pour les jeunes femmes.

Les innombrables récits de ce qu’une jeune femme émancipée peut faire pour sortir non seulement son ménage mais sa communauté entière du cycle de la pauvreté sont pour nous une grande source d’inspiration. Un large éventail de programmes est actuellement mis en œuvre sur le terrain et étendu pour aider davantage de jeunes femmes à se prendre en charge. Ces initiatives bénéficient de plus en plus des activités de recherche sur «ce qui marche». Ces approches exigent une action sur mesure pour surmonter les circonstances souvent particulières que rencontrent ces jeunes femmes. Elles fournissent une aide sociale globale, comme la garde d’enfants, dont les femmes ont besoin pour suivre des études ou une formation et pour s’engager sur la voie de l’emploi productif.

Le rapport compile des idées pour surmonter quelques-unes des contraintes spécifiquement féminines dans les programmes relatifs à l’emploi des jeunes, qu’il s’agisse de s’attaquer à la répartition inégale des responsabilités familiales, de surmonter les discriminations dans le recrutement et les conditions de travail ou la ségrégation professionnelle.

L’extension des interventions destinées à mettre les jeunes femmes sur la voie d’un meilleur avenir est une responsabilité qui incombe à toutes les parties, les secteurs public et privé, les acteurs du développement local et les familles.

Puisque le monde, par le biais du Programme de développement durable pour 2030, a pour but de garantir le travail décent et un emploi productif pour tous les jeunes, le rapport nous rappelle que le monde a besoin d’efforts plus concertés afin de mettre les jeunes femmes sur la bonne voie pour s’émanciper sur le plan économique. Dans notre intérêt à tous, nous devons enfin détruire les obstacles qui les empêchent de réaliser pleinement leur potentiel et leurs droits à l’égalité des chances et de traitement.